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13/09/2022 | FRANCE | N°20/01460

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch.secu-fiva-cdas, 13 septembre 2022, 20/01460


C6



N° RG 20/01460



N° Portalis DBVM-V-B7E-KNHQ



N° Minute :







































































Notifié le :



Copie exécutoire délivrée le :













AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBR

E SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU MARDI 13 SEPTEMBRE 2022

Ch.secu-fiva-cdas





Appel d'une décision (N° RG 17/01217)

rendue par le Pole social du Tribunal judiciaire de GRENOBLE

en date du 28 février 2020

suivant déclaration d'appel du 13 mai 2020





APPELANTE :



Société [5], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit...

C6

N° RG 20/01460

N° Portalis DBVM-V-B7E-KNHQ

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU MARDI 13 SEPTEMBRE 2022

Ch.secu-fiva-cdas

Appel d'une décision (N° RG 17/01217)

rendue par le Pole social du Tribunal judiciaire de GRENOBLE

en date du 28 février 2020

suivant déclaration d'appel du 13 mai 2020

APPELANTE :

Société [5], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Gabriel RIGAL de la SELARL ONELAW, avocat au barreau de LYON, substitué par Me Jonathan MARTI-BONVENTRE, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

La CPAM DE L'ISERE, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège

Service Contentieux Général

[Adresse 1]

[Localité 3]

comparante en la personne de Mme [L] [D], régulièrement munie d'un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Magali DURAND-MULIN, Conseiller faisant fonction de Président,

Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller,

M. Frédéric Blanc, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 24 mai 2022

Mme Magali DURAND-MULIN, chargée du rapport, a entendu les représentants des parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistée de Mme Kristina YANCHEVA, Greffier, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 13 septembre 2022, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 13 septembre 2022.

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 3 avril 2015, Mme [H] [P], employée par la société [5] en qualité d'opératrice moulage injection, a souscrit auprès de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (CPAM) de l'Isère une déclaration de maladie professionnelle au titre d'une épicondylite gauche

suivant certificat médical initial établi le même jour.

Le 29 juillet 2015, la CPAM de l'Isère a notifié à l'employeur sa décision de prendre en charge, au titre de la législation professionnelle, la maladie déclarée par Mme [P].

L'état de santé de Mme [P] a été déclaré guéri à la date du 15 décembre 2015.

Le 19 octobre 2017, la société [5] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Grenoble d'un recours à l'encontre de la décision de la commission de recours amiable de la CPAM de l'Isère en date du 23 août 2017 rejetant sa demande d'inopposabilité de la décision de prise en charge.

Par jugement du 28 février 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble a :

- débouté la société [5] de sa demande d'expertise avant dire droit,

- déclaré opposables à la société [5] les arrêts de travail et soins prescrits à Mme [P] du 3 avril 2015 au 15 décembre 2015 au titre de la maladie déclarée le 3 avril 2015,

- condamné la société [5] aux dépens.

Le 13 mai 2020, la société [5] a interjeté appel de cette décision.

Selon ses conclusions, parvenues au greffe le 28 octobre 2021 et soutenues oralement à l'audience, la société [5] demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée en toutes ses demandes, fins et prétentions,

- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

A titre principal,

- constater que la CPAM ne démontre pas que les arrêts de travail de prolongation seraient justifiés par une continuité de soins et de symptômes avec les lésions résultant de la maladie du 3 avril 2015 déclarée par Mme [P] de sorte que lesdits arrêts ne peuvent pas bénéficier de la présomption d'imputabilité,

en conséquence,

- lui déclarer inopposable l'ensemble des lésions, soins, prestations, arrêts de travail de prolongation présentés par Mme [P] postérieurement au 3 avril 2015 ainsi que de toutes les conséquences financières y afférentes,

A titre subsidiaire,

- ordonner une expertise sur pièces du dossier médical de Mme [P] et nommer tel expert avec pour mission en substance de déterminer si tout ou partie des lésions, soins et arrêts, rentes retenus par la caisse primaire en lien avec la maladie professionnelle survenue le 3 avril 2015 résulte d'un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec la maladie ou d'une cause postérieure totalement étrangère auxquels se rattacheraient exclusivement les soins et arrêts de travail postérieurs ; dans l'affirmative, préciser les soins et arrêts résultant d'un état pathologique préexistant ou d'une cause totalement étrangère,

- enjoindre, si besoin était, à la CPAM de communiquer à Monsieur l'expert, l'ensemble des éléments utiles à la réalisation de l'expertise et notamment l'entier dossier médical de Mme [P],

En tout état de cause,

- condamner la CPAM aux entiers dépens de l'instance.

Selon ses conclusions, parvenues au greffe le 19 mai 2022 et soutenues oralement à l'audience, la CPAM de l'Isère demande à la cour de :

- débouter la société [5] de ses demandes,

- constater qu'elle a respecté les dispositions légales,

- déclarer opposable à la société [5] la prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de la maladie de Mme [P], objet du certificat médical du 3 avril 2015 ainsi que des soins et arrêts de travail prescrits à ce titre,

- confirmer le jugement déféré,

A titre subsidiaire, dire si la Cour devait ordonner une expertise que la mission de l'expert ne pourrait avoir pour but que d'établir si les arrêts de travail ont une cause totalement étrangère au travail.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

SUR CE

En application des dispositions des articles L.411-1 du code de la sécurité sociale et 1315 devenu 1353 du code civil, la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail, s'étend à toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime.

Il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve que les soins et arrêts de travail ont une cause totalement étrangère au travail ou qu'ils se rattachent exclusivement à un état pathologique préexistant et évoluant pour son propre compte.

Il résulte de l'article 146 du code de procédure civile qu'en aucun cas, une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve qui lui incombe.

En l'espèce, dès lors que sont versés aux débats une attestation de versement d'indemnités journalières ainsi que l'ensemble des certificats médicaux prescrivant des arrêts de travail à Mme [P] du 3 avril 2015 au 15 décembre 2015 mentionnant une épicondylite gauche, il en résulte que la prise en charge par la caisse primaire d'une continuité des soins et des symptômes jusqu'à la date de guérison des lésions est établie.

Dans ces conditions, la présomption d'imputabilité au travail de la lésion déclarée s'appliquant, il appartient à l'employeur de démontrer que ces soins et arrêts de travail prescrits ont une cause totalement étrangère au travail ou qu'ils se rattachent exclusivement à un état pathologique préexistant et évoluant pour son propre compte.

La société [5] sollicite une expertise médicale.

Au premier soutien de sa demande, la société se fonde sur le barème AMELI dont il ressort qu'en cas d'épicondylite latérale rebelle et lorsque le type d'emploi du salarié lui impose des conditions physiques les plus contraignantes, 75 jours d'arrêt de travail sont au maximum préconisés.

Mais compte tenu du caractère indicatif de ces données, d'ailleurs répertoriées au sein de la rubrique « durées de référence indicatives à l'issue de laquelle la majorité des patients est capable de reprendre le travail », il ne peut en être déduit, sur la base de ce seul barème de portée générale, que la durée des arrêts de travail prescrits à Mme [P], en l'espèce 200 jours, est disproportionnée.

Au second soutien de sa demande, la société se fonde sur les deux avis -initial et complémentaire - de son consultant médical, le docteur [U], lequel conclut qu'au vu des éléments communiqués, la date de consolidation des lésions doit être fixée au 3 avril 2015, date de début d'une discontinuité des soins et des symptômes selon lui.

Mais si le premier certificat, faisant état de « l'épicondylite gauche prouvée par échographie du 10 février 2015 », ne comporte aucune prescription d'arrêt de travail puisqu'il a été établi par le médecin du travail, en revanche le certificat rectificatif en date du 3 avril 2015, produit par la caisse primaire, prescrit bien un arrêt de travail jusqu'au 28 mai 2015, de sorte qu'il n'existe aucune discontinuité des soins et des symptômes entre le 3 avril 2015 et le 29 mai 2015, comme le prétend à tort le docteur [U] dans son avis médical complémentaire.

Le consultant médical relève par ailleurs l'absence de motivation des arrêts précisant : « on ne retrouve pas de notion d'avis spécialisé, de traitement spécifique, de complication quelconque ni d'examen complémentaire autre qu'une échographie réalisée le 1er février 2015 ».

Cependant, ni ces constatations, faites par le docteur [U], quant aux mentions portées sur les certificats médicaux de prolongation ni l'absence de soins ou examens complémentaires relevée ne sont de nature à démontrer l'existence d'une cause étrangère au travail à l'origine des lésions ou d'un état antérieur évoluant pour son propre compte.

Il en est de même lorsque, dans son premier avis, le docteur [U] s'interroge concernant les traitements : « a t'elle bénéficié d'une prise en charge chirurgicale ' Infiltrative ' Médicale ' Rééducationnelle ' » et concernant l'évolution : « a t'elle présenté une quelconque complication ' Des douleurs invalidantes ' Une gêne fonctionnelle ' ».

Au vu de ces éléments, la société ne rapporte pas la preuve, ni même un commencement de preuve de l'interférence alléguée d'un état antérieur évoluant pour son propre compte ou d'une cause étrangère à l'origine des lésions.

Dans ces conditions, en application des dispositions de l'article 146 du code de procédure civile, une mesure d'instruction ne pouvant être ordonnée en vue de suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve qui lui incombe, il ne peut être fait droit à la demande d'expertise de l'employeur.

La présomption d'imputabilité n'étant pas renversée par l'employeur, les arrêts de travail et soins prescrits à Mme [P] lui seront donc déclarés opposables par voie de confirmation.

En application de l'article 696 du code de procédure civile, il convient de laisser la charge des dépens à la société [5].

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement déféré.

Condamne la société [5] aux dépens.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Mme Magali DURAND-MULIN, Conseiller faisant fonction de Président et par Mme Kristina YANCHEVA, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GreffierLe Conseiller


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch.secu-fiva-cdas
Numéro d'arrêt : 20/01460
Date de la décision : 13/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-13;20.01460 ?
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