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06/09/2022 | FRANCE | N°20/01692

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section a, 06 septembre 2022, 20/01692


C1



N° RG 20/01692



N° Portalis DBVM-V-B7E-KN7Z



N° Minute :

















































































Copie exécutoire délivrée le :





la SELARL BGLM



la SCP ALPAVOCAT

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL

DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 06 SEPTEMBRE 2022





Appel d'une décision (N° RG 12/00056)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de GAP

en date du 25 mai 2020

suivant déclaration d'appel du 10 Juin 2020



APPELANTE :



Madame [P] [F]

[Adresse 3]

[Localité 1]



représentée par Me Philippe LECOYER de la SELARL BGLM, avocat au ba...

C1

N° RG 20/01692

N° Portalis DBVM-V-B7E-KN7Z

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL BGLM

la SCP ALPAVOCAT

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 06 SEPTEMBRE 2022

Appel d'une décision (N° RG 12/00056)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de GAP

en date du 25 mai 2020

suivant déclaration d'appel du 10 Juin 2020

APPELANTE :

Madame [P] [F]

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Philippe LECOYER de la SELARL BGLM, avocat au barreau des HAUTES-ALPES,

INTIMEE :

ASSOCIATION BIEN CHEZ SOI, prise en la personne de son Président en exercice, domicilié en cette qualité audit siège,

Mairie de [Localité 2]

[Localité 2]

représentée par Me Elisabeth LECLERC MAYET de la SCP ALPAVOCAT, avocat au barreau des HAUTES-ALPES,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Valéry CHARBONNIER, conseillère faisant fonction de présidente,

Madame Gaëlle BARDOSSE, conseillère,

Madame Magali DURAND-MULIN, conseillère,

DÉBATS :

A l'audience publique du 9 Mai 2022,

Mme Gaëlle BARDOSSE, conseillère chargée du rapport, assistée de Mme Mériem CASTE-BELKADI, greffière, a entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile.

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 6 Septembre 2022, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 6 Septembre 2022.

Exposé du litige':

Mme [F] a été embauchée par l'association BIEN CHEZ SOI par contrat à durée déterminée le 18 juin 2009 en qualité d'agent administratif en remplacement d'une salariée en arrêt maladie.

Un avenant a été signé le 21 novembre 2009 par lequel elle a été embauchée en contrat à durée indéterminée à temps complet.

Le 8 mars 2012, Mme [F] a été placée en arrêt maladie pour syndrome anxio-dépressif.

Mme [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Gap le 23 mars 2012 aux fins de résiliation de son contrat de travail.

Lors de la visite de reprise du 15 juin 2012, elle a été déclarée inapte à tout poste. Un deuxième avis d'inaptitude a été rendu le 6 juillet 2012.

Le 10 août 2012, Mme [F] a été licenciée pour inaptitude.

Le 26 septembre 2012, l'employeur a déposé contre elle et deux autres salariées une plainte pour faux, usage de faux, escroqueries et abus de confiance. Le 16 avril 2014, le procureur de la république du tribunal de grande instance a classé sans suite la procédure.

Le 2 juillet 2014, l'employeur a déposé une plainte avec constitution de partie civile entre les mains du doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance de Gap. Le 13 février 2018, le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Gap a prononcé un non-lieu et le 21 février 2018, l'employeur a interjeté appel de l'ordonnance de non-lieu. Le 2 octobre 2018, la chambre d'instruction de la cour d'appel de Grenoble a confirmé l'ordonnance de non-lieu.

Par jugement rendu le 25 mai 2020, le Conseil de prud'hommes de GAP a':

Débouté Mme [F] sur sa demande de résolution judiciaire du contrat de travail conclu avec l'Association " Bien chez soi".

Débouté Mme [F] sur sa demande de dommages et intérêts pour la somme de 26'500 euros, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Débouté Mme [F] sur sa demande de 26'500 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

Débouté Mme [F] sur sa demande de 26'500 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect à l'obligation de prévention.

Débouté Mme [F] de sa demande de 4'403 euros à titre d'indemnité de licenciement.

Débouté Mme [F] de sa demande de 17 618.76 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 1 761.87 euros au titre des congés payés y afférents.

Débouté Mme [F] de sa demande d'indemnité compensatrice de congés payés.

Débouté Mme [F] de sa demande de rectification de ses documents de fin de contrat.

Débouté Mme [F] de l'ensemble de ses demandes subsidiaires.

Débouté Mme [F] de sa demande de 2'000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Condamné Mme [F] à rembourser à l'Association BIEN CHEZ SOI les sommes indûment perçues pour les années 2011 et 2012 à hauteur de 27 574,82 euros.

Condamné Mme [F] à payer à l'Association B1EN CHEZ SOI la somme 1'500 euros au titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale.

Condamné Mme [F] à payer à l'Association B1EN CHEZ SOI la somme 1'500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Ordonné l'exécution provisoire pour le recouvrement des sommes que Mme [F] est condamnée à payer à l'Association BIEN CHEZ SOI.

Condamné Mme [F] aux entiers dépens de l'instance.

Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

La décision a été notifiée aux parties et Mme [F] en a interjeté appel.

Par conclusions du'3 septembre 2020, Mme [F] demande à la cour d'appel de':

Au principal,

La résolution judiciaire de son contrat de travail,

La condamnation de l'association BIEN CHEZ SOI à lui payer la somme de 26'500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

La condamnation de l'association BIEN CHEZ SOI à lui payer la somme de 26 500 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

La condamnation de l'association BIEN CHEZ SOI à lui payer la somme de 26 500 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect à l'obligation de prévention,

La condamnation de l'association BIEN CHEZ SOI à lui payer la somme de 4 4030 euros à titre d'indemnité de licenciement,

La condamnation de l'association BIEN CHEZ SOI à lui payer la somme de 17 618,76 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 1 761,87 euros au titre des congés payés y afférents,

La condamnation de l'association BIEN CHEZ SOI à lui payer l'indemnité compensatrice de congés payés qui lui est due,

La condamnation de l'association BIEN CHEZ SOI à lui remettre l'ensemble de ses documents de fin de contrat rectifiés,

A titre subsidiaire,

De constater la nullité de son licenciement,

De condamner l'association BIEN CHEZ SOI à lui payer la somme de':

- 26 500 euros à titre de dommages et intérêts pour nullité du licenciement,

- 4.403,00 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 17.618,76 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 1.761,87 euros au titre des congés payés y afférents,

De condamner l'association BIEN CHEZ SOI à lui payer l'indemnité compensatrice de congés payés qui lui est due,

De condamner l'association BIEN CHEZ SOI à lui payer l'ensemble de ses documents de fin de contrat rectifiés,

En tout état de cause,

De débouter l'association BIEN CHEZ SOI de l'ensemble de ses demandes fins et prétentions,

De condamner l'association BIEN CHEZ SOI à lui payer la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Par conclusions en réponse du 4 avril 2022, l'association BIEN CHEZ SOI demande à la cour d'appel de':'

Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf concernant le montant alloué au titre de l'article 700 du code de procédure civile de première instance.

Jugeant de nouveau,

Fixer la condamnation de Mme [F] au titre des frais irrépétibles de première instance à la somme de 5 000 euros.

Condamner Mme [F] à payer à l'association BIEN CHEZ SOI la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, en cause d'appel.

Condamner Mme [F] aux entiers dépens y compris les frais laissés à charge du créancier par les dispositions légales et réglementaires.

Par ordonnance juridictionnelle du Conseiller de la mise en état de la chambre sociale de la cour d'appel de Grenoble du 9 mars 2021, la demande de radiation de l'affaire formée par l'association BIEN CHEZ SOI a été rejetée.

L'ordonnance de clôture a été rendue le'5 avril 2022.

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article 455 du code de procédure civile de se reporter à leurs écritures susvisées.

SUR QUOI':

Sur le harcèlement moral :

Moyens des parties :

Mme [F] expose qu'elle a été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral tant de la part de ses collègues de travail, dont le comportement a considérablement dégradé ses conditions de travail, sa santé physique et mentale, que de l'association employeur. Elle fait valoir que :

-Dès son embauche les salariées étaient déjà divisées en deux « clans », l'un pro Mme [A] (directrice) et l'autre contre Mme [A], ce qui a entaché son travail et sa santé car elle ne pouvait pas exercer sereinement ses fonctions. Elle a alerté Mme [A] dès octobre 2010 sur ses conditions de travail et son stress en raison de la pression qu'elle subissait.

- Elle a été victime d'une agression verbale en public, en janvier 2011 par une salariée de l'association (Mme [O]) pour un désaccord de planning ce qui a provoqué une crise d'asthme et 8 jours d'hospitalisation.

- Elle a été mise en cause en février 2011 par un courrier d'une autre salariée (Mme [W]) pour des griefs infondés ce qui l'a contraint à rencontrer l'inspecteur du travail pour répondre à ces griefs.

- Elle a été choquée par les propos racistes tenus par Mme [Z] envers la directrice.

- L'association Bien chez soi a elle aussi eu des agissements constitutifs de harcèlement moral et le 31 mai 2011, elle a été victime d'un accident du travail durant lequel elle a été contrainte à travailler de son domicile. Le président de l'Association, M. [V], qui prenait fait et cause pour Mme [Z], n'a jamais estimé devoir assurer sa santé et sa sécurité et s'est employé à dégrader davantage ses conditions de travail et ce, notamment à compter du jour où elle a témoigné en faveur de Mme [A], s'agissant des propos racistes tenus par Mme [Z] à l'égard de cette dernière.

- Monsieur [V] passait, tous les jours, de nombreuses heures dans son bureau l'empêchant ainsi d'effectuer correctement son travail tout en lui infligeant une pression incessante pour qu'elle termine le bilan 2011 de l'Association.

- A compter du 8 mars 2012, l'exécution de son contrat de travail a été suspendue, des suites d'un syndrome anxio-dépressif lié à ses conditions de travail déplorables et l'Association BIEN CHEZ SOI l'a placée dans une situation financière délicate en ne lui versant son salaire du mois de mars 2012 que le 12 avril 2012 et, au surplus, son bulletin de paie était entaché de nombreuses irrégularités. A compter du mois d'avril 2012, elle a été rétrogradée au coefficient 439, baissant par la même sa rémunération de près de 1'000 euros.

- L'Association a remis en cause son statut professionnel arguant publiquement que cette dernière n'aurait jamais occupé des fonctions relevant du statut cadre et qu'elle aurait, au surplus, détourné près de 20'000 euros à l'Association.

- Le 15 juin 2012, le Dr [M] l'a déclarée « inapte au poste et à tout poste dans le même contexte de travail » , a également précisé qu'un reclassement externe devait être mis en 'uvre et qu'il rendait son avis d'inaptitude en une seule visite. Pour autant, l'Association BIEN CHEZ SOI l'a privée de toute rémunération à compter du 15 juin 2012, a sollicité une deuxième visite médicale, refusée dans un premier temps par le médecin du travail notamment en raison du fait que la demande pourrait être perçue par la salariée comme un « acharnement » juridique apportant des arguments à une éventuelle procédure pour « harcèlement moral ».

- L'association a attendu le 10 août pour lui notifier le licenciement alors que le deuxième avis datait du 15 juin 2012 et le 4 septembre pour lui adresser les documents de fin de contrat et n'a pas communiqué l'attestation pôle emploi originale.

- Elle a fait l'objet d'une convocation le 5 juillet 2012 par les gendarmes suite à la plainte déposée contre elle.

L'association BIEN CHEZ SOI conteste les faits de harcèlement moral dénoncés et expose que':

- Quand Mme [F] a été engagée, les 2 personnes avec lesquelles la directrice avait rencontré des problèmes n'étaient plus physiquement dans l'entreprise et l'embauche de la salariée était motivée par le départ de la secrétaire, Mme [H], que Mme [F] remplaçait. Elle n'a donc n'a pas pu être impactée par des faits antérieurs à son entrée en fonction et n'a pas été victime de faits de harcèlement moral par d'autres salariées.

- Mme [F] évoque un courrier du 5 octobre 2010 adressé à Mme [A] qui ne figure pas dans les archives de l'association et devant les gendarmes, durant l'enquête pénale, Mme [F] fait état d'une dégradation de l'ambiance à partir de mars 2011.

- Concernant la prétendue agression verbale de la part de Mme [O] du 5 janvier 2011, Mme [F] verse aux débats une attestation de Mme [N] qui n'a pas assisté aux faits et qui a elle aussi saisi le conseil de prud'hommes contre l'Association (comme Mme [A], directrice), prétendant être victime de harcèlement. Ces 3 salariées se sont réciproquement fait des attestations pour essayer de monter artificiellement un dossier. Mme [F] ne démontre pas avoir été hospitalisée pour une crise d'asthme.

- Sur la remise en cause de son travail par Mme [W], la lettre qu'elle produit à ce sujet est adressée à la Directrice de l'association et non à elle, ne la met pas en cause, il s'agissait d'un problème de numéro de sécurité sociale erroné.

- Sur les propos racistes tenus par l'infirmière, Mme [Z], à l'encontre de la Directrice, qui l'auraient choquée et auraient eu pour conséquence de dégrader ses conditions de travail, ils sont contestés et ne saurait être assimilés à des faits de harcèlement moral envers la salariée.

- L'association BIEN CHEZ SOI conteste avoir elle-même commis des faits de harcèlement moral, Mme [F] qui attribue son arrêt de travail pour une entorse sur son lieu de travail à son épuisement et lassitude dus aux conflits au sein de l'association, ne prouve pas qu'elle a été contrainte à travailler pendant son arrêt. L'attestation de Mme [N] n'est pas probante.

- Les mails produits, pour illustrer la contrainte à travailler alléguée, n'émanent pas de l'employeur mais de l'expert-comptable, à laquelle la salariée avait donné son mail personnel, et de la directrice pour des renseignements ponctuels'; s'agissant de ceux échangés avec la MSA et avec une personne du crédit agricole, l'employeur ne lui avait pas demandé d'intervenir, c'est Mme [N] qui admet en avoir pris l'initiative par sa qualité de déléguée du personnel.

- M. [V] n'a fait qu'user de son pouvoir de direction et lorsque la salariée a écrit le 8 mars 2012, l'employeur a réagi en proposant une médiation mais la salariée n'est pas revenue dans l'entreprise.

- S'agissant de faits postérieurs au licenciement, toutes les salariées ont été payées avec un mois de retard en mars'; le bulletin d'octobre 2011 a été établi en enlevant les astreintes non faites et a tenu compte du litige sur la revalorisation du coefficient de la salariée.

- La seconde visite médicale de la salariée était indispensable, le premier certificat d'inaptitude étant incomplet et l'envoi des documents a tardé puisque la salariée n'est pas venue les chercher.

- Lorsque la plainte pénale a été déposée contre la salariée le contrat de travail était rompu.

Réponse de la cour,

L'article L.1152-2 du code du travail dispose qu'aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral. L'article L.1152-3 du même code prévoit que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance de la disposition précédente est nulle.

Le licenciement d'un salarié victime de harcèlement moral est nul dès lors qu'il présente un lien avec des faits de harcèlement : soit que le licenciement trouve directement son origine dans ces faits ou leur dénonciation, soit que le licenciement soit dû la dégradation de l'état de santé du salarié rendant impossible son maintien dans l'entreprise.

Suivant les dispositions de l'article L 1154-1 du même code, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral; dans l'affirmative, il appartient ensuite à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Le harcèlement moral n'est en soi, ni la pression, ni le surmenage, ni le conflit personnel ou non entre salariés, ni les contraintes de gestion ou le rappel à l'ordre voire le recadrage par un supérieur hiérarchique d'un salarié défaillant dans la mise en 'uvre de ses fonctions.

Les règles de preuve plus favorables à la partie demanderesse ne dispensent pas celle-ci d'établir la matérialité des éléments de fait précis et concordants qu'elle présente au soutien de l'allégation selon laquelle elle subirait un harcèlement moral au travail.

En l'espèce, Mme [F] expose d'abord avoir été victime de faits qualifiés de harcèlement moral de la part d'une partie des salariées de l'association en raison de l'existence d'un clan anti direction (contre Mme [A]) qui s'opposait aux changements d'organisation. Elle justifie avoir alerté Mme [A] par courrier du 5 octobre 2010 sur l'existence d'une «'forte tension au sein du service'» mais encore sur le fait qu'elle se trouvait «'sous la pression de certaines'» ce qui générait du stress pour elle.

Il est ainsi établi que Mme [F] a signalé à la Directrice une situation de stress au travail, une pression et l'opposition à la Direction de certaines salariées. Cependant, il convient de relever que Mme [F] n'évoque pas dans cette lettre de faits de harcèlement moral à son encontre mais dénonce plutôt une ambiance de travail délétère. Ce fait n'est pas établi.

Mme [F] expose ensuite avoir été victime d'une agression verbale de la part d'une autre salariée, Mme [O], en janvier 2011. Elle verse pour le démontrer un courrier adressé au Président de l'association, M.[V], le 8 mars 2012, intitulé «'difficultés au quotidien'». Elle lui indique avoir alerté «'depuis plus d'un an différents organismes'» sur les difficultés rencontrées au sein du service et précise que la situation se dégrade et que «'l'enfer'» a débuté pour elle le 5 janvier 2011. Elle relate une agression verbale de Mme [O] en présence de deux salariées, Mesdames [R] [E] et [X] et précise que Mme [A] l'a ensuite conduite aux urgences pour une crise d'asthme. Elle produit en outre l'attestation de Mme [N] qui indique que l'agression par l'aide-soignante résultait d'un problème de planning.

Il convient de relever que les termes employés par Mme [O] envers Mme [F] ne sont pas mentionnés, que Mme [F] n'évoque pas la présence de Mme [N] et qu'enfin, s'agissant de la crise d'asthme qui en serait découlée, elle ne produit aucun élément pour étayer ses dires. La matérialité de cette agression n'est donc pas établie.

S'agissant de la mise en cause de son travail par Mme [W], salariée de l'association, Mme [F] produit un courrier du 16 février 2011 adressé à Mme [A] par lequel Mme [W] lui réclame la régularisation des erreurs commises concernant la déclaration de son embauche à l'URSSAF. Il est justifié que Mme [F] ait pu se sentir mise en cause par Mme [W] par la teneur du courrier qu'elle adresse à l'inspecteur du travail dans lequel elle exprime son ressenti et dans lequel elle évoque «'un harcèlement et du terrorisme moral'». Cependant, il est constant que Mme [F] n'est pas nommément visée dans le courrier de Mme [W] à la Directrice, cette salariée ne la mettant pas en cause directement ni personnellement ni ne lui imputant les erreurs qu'elle soulève. Ce fait n'est pas établi.

Sur les propos racistes qui auraient été tenus par une salariée (Mme [Z]) envers la Directrice, au-delà de la réalité ou non desdits propos, il est constant que Mme [F] fait état dans le courrier du 08 mars 2012 adressé à M. [V] du fait qu'elle a été choquée par cette situation. Pour autant, elle n'était pas visée par les propos litigieux et ne fait qu'exprimer un ressenti à ce sujet auprès du médecin psychiatre qui établit un rapport à la demande du médecin du travail dès le 1er juillet 2012. Ce fait n'est pas établi.

Concernant l'attitude de l'association envers Mme [F], qui serait à l'origine selon elle de son accident du travail du 31 mai 2011, arrêt durant lequel elle aurait été contrainte de travailler, Mme [F] ne donne aucun élément sur les circonstances à l'origine de son entorse.Dans le courrier du 8 mars 2012 adressé à M. [V], si Mme [F] évoque bien cet arrêt de travail, elle ne le relie absolument pas à une situation de harcèlement moral ou au comportement de son employeur envers elle. En outre, elle ne lui fait pas grief de l'avoir contrainte à travailler mais évoque les appels des aides-soignantes en difficultés qui s'adressaient à elle ayant «'besoin d'une épaule sur qui se reposer et d'une oreille attentive pour les écouter'». De même, les mails échangés entre Mme [F] et l'expert-comptable qui permettent de relever que durant son arrêt elle gère notamment une mise en demeure de la MSA, ne suffisent pas à démontrer une telle contrainte. Mme [F] ne produit ainsi aucune demande ou injonction de son employeur et l'attestation de Mme [N], elle-même en litige avec l'employeur, ne saurait suppléer à cette carence de preuve. Ce fait n'est pas établi.

Sur le fait que M. [V] prenait «'fait et cause'» pour Mme [Z], tenait rigueur à Mme [F] de son témoignage en faveur de Mme [A] ou encore se trouvait «'tous les jours, de nombreuses heures'» dans son bureau, il n'est étayé que par l'attestation de Mme [A], elle-même en litige avec l'association ou encore par l'attestation de Mme [G] qui se limite à rapporter les propos et ressentis de Mme [F]. Par ailleurs, cette dernière n'apporte aucun élément permettant de corroborer l'allégation selon laquelle elle subissait une pression incessante pour achever le bilan 2011. Ces faits ne sont pas établis.

Sur le retard et la baisse de salaire alors qu'elle se trouvait en arrêt maladie depuis le 8 mars 2012 pour syndrome anxio-dépressif, il est constant que durant cet arrêt, le salaire de mars 2012 a été versé le 12 avril 2012 et que la salariée a alerté à deux reprises l'employeur à ce sujet par courriers des 6 et 16 avril 2012. Le 13 mars 2012, l'arrêt est prolongé pour «'dépression réactionnelle, surmenage, avec notion de harcèlement professionnel'» puis le 15 mai 2012 pour «'état dépressif sévère en rapport avec surmenage et harcèlement au travail'» par le Dr [U], omnipraticien. Il est justifié par ailleurs d'une baisse de la rémunération de Mme [F] à compter d'avril 2012 en raison d'une rétrogradation de coefficient. Mme [D], infirmière libérale conventionnée avec l'association employeur atteste qu'au cours d'une réunion, M. [V] a évoqué la situation de Mme [F] et de Mme [A], laissant entendre qu'elles auraient détournés des fonds en s'octroyant une régularisation de salaire injustifiée. Ces faits sont établis.

Sur le fait que son licenciement lui ait été notifié le 10 août 2012, alors que l'avis médical d'inaptitude avait été rendu le 15 juin 2012 et alors que Mme [F] n'avait pas de ressources,et que l'employeur a sollicité le médecin pour un deuxième avis médical, cette chronologie n'est pas contestée. Mme [F] démontre avoir interpellé, en juillet 2012, son employeur sur des erreurs sur la fiche de paie de juin 2012 et sur son «'déclassement'». Enfin, il est acquis que les documents de fin de contrat lui ont été adressés le 4 août 2012.

Sur le fait que Mme [F] ait fait l'objet d'une audition par les gendarmes suite à la plainte déposée par son employeur, ce fait est acquis.

Mme [F] établit ainsi l'existence matérielle de certains faits précis et concordants, qui pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre. Il appartient dès lors à l'employeur de démontré que ces faits jugés établis sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Concernant le retard de paiement du salaire de mars 2012, l'association BIEN CHEZ SOI ne le conteste pas mais démontre que ce retard de quelques jours a touché toutes les salariées de l'association dont le salaire a été réglé par chèques ou par virements.

S'agissant des irrégularités sur le bulletin de paye du mois de mars 2012, l'association ne conteste pas avoir supprimé le règlement d'astreintes non justifiées, en application de la convention collective applicable qui ne prévoyait pas d'astreinte pour le poste occupé par la salariée mais également en raison du fait qu'elle se trouvait, pour certains jours, en congés et en arrêt maladie.

Concernant la rétrogradation de coefficient de la salariée et de la baisse de salaire qui en est résultée, elle n'est pas contestée. Il convient de relever à titre liminaire que la chambre de l'instruction, dans son arrêt de non-lieu, a précisé que la question de la qualification de Mme [F] incombait à la juridiction prud'homale.

L'association BIEN CHEZ SOI qui conteste le changement de coefficient appliqué à Mme [F] et qui a donné lieu à une régularisation, elle même contestée, de salaire, produit le contrat de travail de la salariée qui a été recrutée à des fonctions d'assistante administrative coefficient 439. L'avenant à son contrat en date du 21novembre 2009 par lequel Mme [F] passe à temps complet, précise que les autres clauses demeurent inchangées.

Il est justifié qu'au cours de la procédure prud'homale, l'employeur a constaté que Mme [F] se prévalait du statut «'cadre'». Ainsi lors d'une délibération du bureau de l'association en date du 27 avril 2012, il est noté que «'l'examen des feuilles de paie de Mme [P] [F] confirme que son statut et sa qualification avaient été modifiés sans aucune autorisation ni décision du bureau et du conseil d'administration à compter du 1er septembre 2011'». Suite à l'interrogation de la salariée, par courrier du même jour, celle-ci réplique que cette promotion lui a été accordée par la Directrice et que le Président en était informé.

Au vu des pièces versées, selon les dires de Mme [F] elle-même, Mme [A] aurait décidé seule de lui accorder ce changement de coefficient. L'expert-comptable entendu par les gendarmes indique avoir procédé au rattrapage du salaire à compter de septembre 2011 en fonction des éléments apportés par Mme [A]. Mme [F] s'appuie pour justifier de cette revalorisation sur un courrier en date du 1er décembre 2009 adressée à Mme [A] et transmis par mail le 10 septembre 2011 à Mme [K] du cabinet de l'expert-comptable. Ce même courrier fait valoir que la revalorisation correspond à la réalité des tâches accomplies.

Il convient de noter que ce courrier comporte deux versions': celle envoyée par mail du 10 septembre 2011 qui porte la mention d'un accord du Président et celle envoyée par télécopie du 4 juin 2012, sans cette mention, qui comporte les signatures de la Directrice et de Mme [N], déléguée du personnel.

Sur l'accord donné à ce changement de classification par l'association, M. [S], ancien Président, dément pour sa part l'avoir accordé et il est constant qu'aucun avenant au contrat n'a été signé. Sont produites en outre les attestations des membres des CA qui indiquent n'avoir jamais évoqué ce changement de statut et la régularisation de salaire en découlant.

Sur le fait que la revalorisation, qui entraînait une dépense annuelle supplémentaire de 17'000 euros aurait été validée par le CA, l'association fait observer que l'état des effectifs produit par la salariée sur lequel son poste figure sous la classification 'cadre administratif de niveau 2", présenté à M. [V] lors de la confrontation du 9 mars 2015 ne peut avoir été évoqué lors du CA du 3 novembre 2011, puisque la date d'édition du document est le 4 novembre 2011. Le compte rendu du CA du 3 novembre 2011 ne comporte pas cette dépense supplémentaire conséquente alors qu'il mentionne une autre dépense de 12'000 euros qualifiée d 'importante'.

S'agissant des tâches de Mme [F], qui justifierait cette revalorisation, il ressort de la Convention Collective Nationale des Etablissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951 que, s'agissant des assistants administratif auquel la salariée a été recrutée, un coefficient 439 et qu'une secrétaire de direction relève de la catégorie assistant administratif. Cette dernière qualification correspond à 5 métiers : rédacteur, secrétaire de direction, comptable, assistant du service économique, informaticien tandis que le cadre administratif Niveau 2, coefficient 547, correspond aux postes de chef du personnel et chef comptable.

L'association BIEN CHEZ SOI fait valoir sans être contredite que le pôle administratif de l'association, qui comportait deux postes, celui de la Directrice et de son assistante, ne pouvait comporter celui de «'chef de service'» et que les tâches accomplies par Mme [F], correspondent à celle d'une assistante administrative. Il est ainsi justifié du fait que contrairement à ses dires, Mme [F] n'établissait ni les fiches de paye, ni les déclarations fiscales et sociales, celles-ci étant réaliséespar le cabinet comptable et qu'elle ne procédait à aucune analyse des documents comptables qu'elle saisissait n'accomplissant ainsi aucune tâche complexe de comptabilité.

Enfin, il ressort de l'audit réalisé par l'ARS remis le 11 juillet 2013 et du rapport de l'expert-comptable, des irrégularités s'agissant de la perception indue par Mme [F] au titre de la majoration spécifique cadre ainsi que d'un trop perçu de salaire en raison de la revalorisation du coefficient, qui au vu de ce qui précède ne lui était pas applicable. Il convient donc de constater que l'association BIEN CHEZ SOI justifie objectivement des raisons pour lesquelles elle a finalement redonné à la salariée, lors des derniers bulletins de salaires, le coefficient correspondant à sa fonction et à ses tâches.

Sur le fait que l'association ait attendu le 10 août pour lui notifier le licenciement alors que le deuxième avis datait du 15 juin 2012, l'employeur ne le conteste pas, mais en justifie par le fait que cette deuxième visite sollicitée auprès du médecin du travail par lettre du 25 juin 2012, était justifiée par la non-conformité du premier avis aux dispositions de l'article R.4224-31 du code du travail en matière de danger immédiat. Suite au deuxième avis rendu le 6 juillet 2012, la procédure de licenciement s'est poursuivie avec une lettre du 11 juillet 2012 sur les recherches de reclassement puis la convocation à l'entretien préalable fixé le 6 août 2012 suivie du licenciement le 10 août 2012.

Concernant l'envoi le 4 septembre 2012 à Mme [F] des documents de fin de contrat, l'association BIEN CHEZ SOI le justifie par le fait que le 30 août 2012 Mme [F] qui accuse réception des documents liés à son licenciement, sollicite l'envoi à son domicile des documents de fin de contrat qu'elle va recevoir le 10 septembre 2012.

En réponse au courrier de la salariée en date du 17 septembre, qui fait état d'erreurs dans l'attestation Pôle emploi, l'employeur justifie avoir adressé le 25 septembre 2012 une attestation rectifiée. Il convient en conséquence de relever que l'employeur a été diligent dans le cadre de la procédure de licenciement.

S'agissant des griefs formulés à l'encontre de l'association postérieurs au licenciement, il est constant que la plainte pénale déposée contre Mme [F] est motivée pas le constat d'irrégularités comptables par l'ARS et le cabinet d'expert-comptable. L'utilisation par l'association d'une voie de droit à l'égard de ces 3 salariées ne peut être qualifiée de comportement harcelant d'autant que cette plainte déposée le 28 septembre 2012 est postérieure au licenciement intervenu le 10 août 2012. Enfin la chambre de l'instruction a dans son arrêt du 2 octobre 2018 prononcé un non-lieu et précise que certains faits (salaires indus notamment) relevaient de la compétence de la juridiction prud'homale.

L'employeur démontre ainsi que les faits matériellement établis par Mme [F] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Par voie de conséquence, la demande de dommages et intérêts formulée à ce titre est en conséquence rejetée par voie de confirmation de la décision déférée.

Sur l'obligation légale de sécurité :

Moyens'des parties :

Mme [F] expose que l'employeur, alors qu'elle était victime de faits de harcèlement moral, n'a pas respecté l'obligation de prévention mise à sa charge.

L'association BIEN CHEZ SOI conteste tout manquement à l'obligation de sécurité et fait valoir que le harcèlement moral n'est pas démontré mais encore avoir tenté de solutionner le problème des difficultés relationnelles existantes au sein de la structure, que la salariée ne s'est jamais plainte auprès de son employeur des faits qu'elle a dénoncé pour la première fois dans un courrier du 8 mars 2012 (sans parler explicitement de harcèlement moral), alors qu'elle est en arrêt de travail et qu'elle ne reviendra jamais travailler, qu'elle n'a jamais, même au médecin du travail et dans son courrier du 8 mars 2012, imputé des faits de harcèlement moral à son employeur.

Réponse de la cour,

L'article l. 4121-2 du code du travail dans sa version applicable à l'espèce que dispose que «'L''employeur met en 'uvre les mesures prévues à l'article l. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux';

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

En l'espèce, la cour de céans a jugé qu'aucun fait de harcèlement moral n'était établi à l'encontre de la salariée. Il a été en outre constaté que l'association BIEN CHEZ SOI avait pris des mesures notamment d'enquête s'agissant des propos racistes envers la Directrice. Au surplus l'association BIEN CHEZ SOI justifie avoir fait un rappel à l'ordre à l'ensemble des salariés sur l'attitude et le comportement à adopter au sein de l'association. Enfin, dans le courrier du 8 mars 2012 qui constitue la seule alerte officielle sur des difficultés, Mme [F] n'utilise pas le terme harcèlement moral mais dénonce des difficultés dans les relations de travail.

Par voie de confirmation de la décision déférée, il convient de dire que l'association BIEN CHEZ SOI n'a pas manqué à son obligation légale de sécurité.

Sur'la rupture du contrat de travail :

Moyens des parties :

Mme [F] expose qu'en n'assurant pas sa santé physique et mentale et en modifiant unilatéralement son contrat de travail, l'association BIEN CHEZ SOI a commis de graves manquements à ses obligations contractuelles et sollicite la résiliation judicaire de son contrat d etravail aux tors de son employeur. Subsidiairement, elle fait valoir que le licenciement pour inaptitude est nul en raison des faits de harcèlement moral dont elle a été victime.

L'association BIEN CHEZ SOI fait valoir que le licenciement de Mme [F] est fondé sur l'inaptitude médicalement constatée qui n'a pas pour origine un manquement de l'employeur à ses obligations.

Réponse de la cour,

Aux termes de l'article L. 1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

En vertu de l'article L. 1152-3 du même code, toute rupture de contrat de travail intervenue en méconnaissance des articles L. 1152-1 et L. 1152-2 du code précité, toute disposition contraire ou tout acte contraire est nul.

Il s'en déduit que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il dénonce.

Il résulte des dispositions des articles 1224 et 1228 du code civil qu'un contrat de travail peut être résilié aux torts de l'employeur en cas de manquement suffisamment grave de sa part à ses obligations contractuelles.

Il est de principe, que lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement, le juge doit, s'il estime que la demande est justifiée, fixer la date de la rupture à la date d'envoi de la lettre de licenciement. Enfin, le juge judiciaire saisit d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, doit examiner l'ensemble des griefs invoqués au soutien de celle-ci quelle que soit leur ancienneté.

En l'espèce, il a été jugé que Mme [F] n'avait pas été victime de harcèlement moral et que l'employeur avait respecté l'obligation de sécurité à sa charge. La demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur est en conséquence rejetée par voie de confirmation de la décision déférée.

S'agissant du bien-fondé du licenciement, il est établi que Mme [F] a été placée en arrêt maladie pour troubles anxio-dépressifs découlant, selon ses dires de faits de harcèlement moral. Pour autant aucun élément produit ne permet de juger que cette inaptitude de Mme [F] sur laquelle est fondée le licenciement trouve son origine dans des faits de harcèlement moral ou dans un manquement de l'employeur à ses obligations. En effet, s'il ressort des pièces versées que l'ambiance de travail au sein de l'association BIEN CHEZ SOI était délétère, il est justifié du fait que l'employeur a pris des mesures notamment de licenciement de la Directrice Mme [A], mise en cause elle-même par certaines salariées pour des faits de harcèlement moral.

Par voie de confirmation de la décision déférée, il convient de rejeter l'ensemble des demandes formulées par Mme [F] au titre du licenciement.

Sur'la demande en remboursement des salaires :

Moyens de parties,

L'association BIEN CHEZ SOI expose que la salariée n'occupait pas des fonctions «'cadre'», le non-lieu dans le cadre de la procédure pénale pénal ne tranche pas la question du coefficient de la salariée de même que l'ordonnance du Président du conseil de prud'hommes retenant la compétence de la section encadrement. Elle fait valoir que :

- Son contrat de travail mentionne que la salariée est assistante administrative coefficient 439 et l'avenant du 21 novembre 2009 a transformé le contrat initial en contrat à durée indéterminée à temps complet, étant spécifié que les autres clauses du contrat initial restent inchangées.

- La convention collective nationale du 31 octobre 1951 fixe ce poste à la catégorie assistant administratif coefficient 439. Ce poste d'assistant administratif comprend entre autre celui de secrétaire en chef de direction pour lequel le salarié doit être titulaire d'un BAC+2 ou un bac et une expérience professionnelle dans le domaine. Enfin la qualification d'assistant administratif n'est pas répertoriée dans la catégorie «'cadre'».

- La convocation de l'association devant le conseil de prud'hommes a permis de découvrir une modification importante de son coefficient de rémunération de la salariée, sans aucune mesure avec le poste tenu. L'examen des feuilles de paie a confirmé que son statut et sa qualification avaient été modifiés sans aucune autorisation ni décision du bureau et du conseil d'administration à compter du 1er septembre 2011. Mme [F] a expliqué ces changements par une promotion attribuée par la directrice. Elle a ensuite argué devant le conseil de prud'hommes que cette revalorisation avait été demandée en 2009 par Mme [A] alors que cette dernière n'avait pas le pouvoir d'en décider et il est surprenant que la salariée ait attendu deux ans pour solliciter le rattrapage des salaires. Mme [A] a indiqué sur le courrier de demande de revalorisation que cela devait être validé par le service comptabilité et la déléguée du personnel';

- Le document présenté lors de la confrontation n'est pas celui qui a été présenté au CA le 3 novembre 2012 pour validation du budget 2012 et la revalorisation qui aurait entraîné une dépense conséquente de 17'000 euros aurait été discutée puisqu'une dépense moindre est évoquée dans le compte rendu et tous les membres du CA attestent d'une absence de discussion à ce sujet.

- Mme [F] a eu un rôle actif dans le rattrapage des salaires en demandant une revalorisation à la directrice, une mise à jour à la comptable auprès de laquelle elle se rendait chaque mois pour faire les bulletins de paie

- Enfin le cadre administratif niveau 2 coefficient 547 revendiqué correspond au poste de chef du personnel et chef comptable et la convention collective précise qu'il correspond au poste de responsables de service, postes qui n'existaient pas dans l'association. Ces tâches n'étaient pas celles de la salariée.

Mme [F] expose qu'elle occupait bien les fonctions de 'cadre administratif niveau 2" à compter du 21 novembre 2009 comme mentionné dans ses bulletins de paie à compter d'octobre 2011 sans que l'avenant ne le précise. Elle expose que :

- Le coefficient hiérarchique et sa rémunération ont été modifiés à compter du mois de septembre 2011 et ce jusqu'au mois de décembre 2011, les bulletins de salaires faisant état d'une régularisation de salaire de 17 558,24 euros, régularisation de la période allant du 21 novembre 2009  au 31 août 2011,

- L'emploi de cadre administratif-niveau 2 ' coefficient 547 est classé dans la catégorie des emplois «'cadre'» et lorsqu'elle était en maladie en 2012 le paiement des indemnités journalières de la Sécurité Sociale a été effectué par voie de subrogation entre les mains de l'association BIEN CHEZ SOI ont été calculées sur la base du salaire CADRE,

- Son cv et son expérience lui permettaient d'occuper ces fonctions même en l'absence de tout commandement écrit émanent de son employeur et le budget prévisionnel pour l'année 2012 qui a été soumis dans le détail au président de l'association BIEN CHEZ SOI, avant le Conseil d'Administration du 3 novembre 2011 destiné à l'approuver fait état d'un cadre administratif niveau 2, l'exemplaire soumis au président comportait le nom de Mme [F] contrairement à celui produit ce qu'a reconnu M. [V] lors de la confrontation du 9 mars 2015,

- La chambre d'instruction de la Cour d'appel de Grenoble, aux termes de son arrêt en date du 2 octobre 2018, a définitivement tranché le problème de la responsabilité de l'appelante s'agissant de son statut en jugeant que Mme [F] n'a jamais eu l'intention de commettre une escroquerie au préjudice de l'association.

Réponse de la cour,

Il résulte de l'article L.3245-l du Code du travail dans sa version applicable avant le 17 juin 2013 que l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par cinq ans conformément à l'article 2224 du code civil.

En l'espèce, il a été jugé par la Cour de céans que le changement de classification n'avait pas été autorisé par le conseil d'administration ou le Président de l'association et n'était pas justifié par la nature des fonctions occupées par la salariée.

En outre le rapport de l'ARS sus-visé et de l'analyse du cabinet comptable relèvent l'existence de trop perçus par Mme [F] au titre de la prime d'ancienneté, de la prime décentralisée, et de la prime fonctionnelle.

Toutefois, concernant cette décision de changement de coefficient de la salariée, la faisant passer au statut cadre, si a été jugé qu'elle avait été prise sans l'accord de l'employeur, il n'est cependant pas démontré que la salariée ait participé avec la Directrice à une collusion frauduleuse en vue d'obtenir cette promotion. La décision de non-lieu rendue par la chambre de l'instruction relève ainsi l'absence de charges s'agissant d'un délit pénal tel qu'une escroquerie ou de l'existence d'un faux et il n'est pas contesté que Mme [A], en sa qualité de Directrice, avait l'apparence de disposer du pouvoir décisionnel en ce domaine,'le comptable n'ayant soulevé aucune difficulté ni même alerté l'employeur s'agissant de la revalorisation des salaires qui en découlait.

En l'absence de démonstration d'une faute de la salariée, qui ne disposait pas de la possibilité d'ordonner la valorisation de son coefficient fonctionnel, il convient donc d'infirmer la décision des premiers juges ayant condamné Mme [F] à rembourser à l'Association BIEN CHEZ SOI la somme de 27 574,82 euros au titre des sommes indûment perçues pour les années 2011 et 2012.

Sur la concurrence déloyale :

Moyens des parties :

Mme [F] expose que :

- Le principe de liberté du travail et de libre établissement permet au salarié qui n'est pas lié par une clause de non concurrence d'occuper un emploi dans une entreprise concurrente ou de créer lui-même une telle entreprise après l'expiration de son contrat de travail sous réserve d'exercer cette activité dans des conditions loyales,

- L'association [A]-[P]'S [F] SERVICES POLYVALENTS D'AIDES n'avait pas la même fonction que l'association BIEN CHEZ SOI qui est un Service de Soins Infirmiers à Domicile (SSIAD) financé par l'ARS alors que l'association [A]-[P]'S [F] SERVICES POLYVALENTS D'AIDES propose des Services Polyvalents d'Aides (accueil de jour) financé par le Conseil Général, les deux associations ne visent pas les mêmes catégories de personnes et enfin elle n'a pas fonctionné,

- L'association BIEN CHEZ SOI ne rapporte pas la preuve de quelconques agissements entrainant la désorganisation de l'entreprise de l'ancien employeur, de trouble commercial ou d'une confusion dans l'esprit de la clientèle.

L'association Bien chez soi expose que dès le 27 janvier 2012, Mme [F] a, avec deux autres salariés et son mari, créé une association déclarée en Préfecture des Hautes- Alpes ayant pour raison sociale : « ASSOCIATION [A]-[P]'S [F] SERVICES POLYVALENTS D'AIDES ». Cette association a fait l'objet d'une parution dans le journal officiel le 18 février 2012. Son objet social est identique à celui de l'association BIEN CHEZ SOI et son siège social se situe dans le ressort des activités de son ancien employeur.

Réponse de la cour,

En l'espèce il est constant que la salariée n'a signé aucune clause de non concurrence et qu'une «'ASSOCIATION [A]-[P]'S [F] SERVICES POLYVALENTS D'AIDES'» a été créée avec deux autres salariées, Mme [N] et Mme [A].

Cette association, «'loi de 1901'», propose des «'Services Polyvalents d'Aides'», accueil de jour, et est financée par le Conseil Général tandis que l'association BIEN CHEZ SOI propose un Service de Soins Infirmiers à Domicile (SSIAD) et est financée par l'ARS.

Il n'est tout d'abord pas démontré que le public concerné soit le même que celui visé par l'association BIEN CHEZ SOI. Il n'est en outre pas justifié de la réalité de la désorganisation de l'association, du trouble commercial ou d'une confusion dans l'esprit de la clientèle.

Au surplus, s'il est constant que cette nouvelle association a été créée avec deux autres salariées se trouvant elles aussi en contentieux avec l'employeur, Mme [F] affirme, sans être démentie, que l'association n'a pas fonctionné. L'existence d'un préjudice n'est enfin pas démontrée par l'association BIEN CHEZ SOI.

L'existence d'une concurrence et donc de l'exécution déloyale du contrat de travail n'étant pas démontrées, la demande reconventionnelle de l'association BIEN CHEZ SOI doit être rejetée par voie d'infirmation de la décision déférée.

Sur les demandes accessoires':

Le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance.

Il convient de condamner Mme [F] partie perdante, aux dépens en cause d'appel et à la somme de'1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS':

La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

DECLARE Mme [F] recevable en son appel,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré excepté en ce qu'il a :

Condamné Mme [F] à rembourser à l'association BIEN CHEZ SOI la somme de 27'574,82 euros.

Condamné Mme [F] à payer à l'Association BIEN CHEZ SOI la somme 1'500 euros au titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale.

Y ajoutant,

CONDAMNE Mme [F] aux dépens d'appel,

CONDAMNE Mme [F] à payer la somme de 1'500 euros à sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Valéry CHARBONNIER, conseillère faisant fonction de présidente, et par Madame Mériem CASTE-BELKADI, greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section a
Numéro d'arrêt : 20/01692
Date de la décision : 06/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-06;20.01692 ?
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