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06/09/2022 | FRANCE | N°19/04982

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section a, 06 septembre 2022, 19/04982


C1



N° RG 19/04982



N° Portalis DBVM-V-B7D-KIXB



N° Minute :

















































































Copie exécutoire délivrée le :





la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC



la SELARL CABINET MAZOYER-PETITCOL

AU NOM DU PEUPLE FRAN

ÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 06 SEPTEMBRE 2022





Appel d'une décision (N° RG 18/00100)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VIENNE

en date du 04 novembre 2019

suivant déclaration d'appel du 12 Décembre 2019



APPELANTE :



SA TRANSPORTS RHONE ALPES SERVICES, prise en la personne de son repré...

C1

N° RG 19/04982

N° Portalis DBVM-V-B7D-KIXB

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC

la SELARL CABINET MAZOYER-PETITCOL

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 06 SEPTEMBRE 2022

Appel d'une décision (N° RG 18/00100)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VIENNE

en date du 04 novembre 2019

suivant déclaration d'appel du 12 Décembre 2019

APPELANTE :

SA TRANSPORTS RHONE ALPES SERVICES, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Josette DAUPHIN de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat postulant inscrit au barreau de GRENOBLE,

et par Me France TETARD de la SCP QUINCY - REQUIN & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, substituée par Me Margot GIRARD, avocat au barreau de LYON,

INTIME :

Monsieur [L] [D]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Diane-Charlotte MAZOYER de la SELARL CABINET MAZOYER-PETITCOL, avocat postulant inscrit au barreau de GRENOBLE,

et par Me Yves NICOL de la SELARL AVOCATALK, avocat plaidant inscrit au barreau de LYON,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,

Madame Gaëlle BARDOSSE, Conseillère,

Madame Magali DURAND-MULIN, Conseillère,

DÉBATS :

A l'audience publique du 10 Mai 2022,

Mme Gaëlle BARDOSSE, Conseillère chargée du rapport, assistée de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, a entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile.

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 6 Septembre 2022, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 6 Septembre 2022.

Exposé du litige':

Monsieur [L] [D] a été engagé en qualité de mécanicien poids lourds dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à compter du 26 septembre 2011 par la SA TRANSPORTS RHONE ALPES SERVICES (TRAS).

A compter du 1er septembre 2013, il a exercé ses fonctions en qualité de chef mécanicien.

M. [D] a fait l'objet d'un avertissement le 18 mars 2018 qu'il a contesté par lettre du 20 mars 2018 et a été placé en arrêt maladie à compter de cette même date.

Par courrier du 26 mars 2018, il a été convoqué à un entretien préalable et son licenciement pour faute grave lui a été notifié par la SA TRANSPORT RHONE ALPES SERVICES par courrier du 11 avril 2018.

Par lettre du 18 avril 2018, il a contesté cette mesure de licenciement.

M. [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Vienne en date du'4 mai 2018 aux fins de contester l'avertissement, le bien-fondé de son licenciement et obtenir les indemnités afférentes.

Par jugement du'4 novembre 2019, le conseil de prud'hommes de Vienne'a':

- Dit et jugé que le licenciement de M. [D] ne repose ni sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse.

- Condamné la SA TRANSPORTS RHONE ALPES SERVICES (TRAS) à payer à M. [D] les sommes de :

- 22'631,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 5 740 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

- 574 € au titre des congés payés afférents

- 6'129 € au titre d'indemnité de licenciement

- 2'000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

- Rappelé que les intérêts courent de plein droit au taux légal à compter de la saisine du Conseil de Prud'hommes, en ce qui concerne les créances de nature salariale et à compter du prononcé de la présente décision pour les autres sommes allouées.

- Ordonné l'annulation de l'avertissement du 18 mars 2018.

- Dit qu'en application de l'article L.1235-4 du Code du travail il y a lieu d'ordonner d'office le remboursement par la SA TRANSPORTS RHONE ALPES SERVICES (TRAS) aux organismes concernés des indemnités de chômage perçues par M. [D] licencié dans la limite de 3 mois et dit qu'à cette fin, une copie certifiée conforme du présent jugement sera adressée à Pôle Emploi.

- Ordonné l'exécution provisoire sur le présent jugement en toutes ses dispositions, nonobstant appel et sans caution.

- Débouté M. [D] de sa demande de rappel de salaire et congés payés afférents.

Débouté la SA TRANSPORTS RHONE ALPES SERVICES (TRAS) de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

- Condamné la SA TRANSPORTS RHONE ALPES SERVICES (TRAS) aux entiers dépens de l'instance.

La décision a été notifiée aux parties et la SA TRANSPORTS RHONE ALPES SERVICES en a interjeté appel.

Par conclusions du'13 mars 2020, la SA TRANSPORTS RHONE ALPES SERVICES demande à la cour d'appel de':

- Infirmer le jugement déféré qui a jugé que le licenciement de M. [D] ne reposait pas sur une faute grave ni une cause réelle et sérieuse ;

- En conséquence, débouter M. [D] de sa demande d'indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité conventionnelle de licenciement et de rappel de salaire.

- Confirmer le jugement déféré qui a débouté M. [D] de sa demande de rappel de salaire et congés payés afférents ;

- Infirmer le jugement déféré qui a annulé l'avertissement du 13 février 2018 ;

- Condamner M. [D] à verser à la société TRAS la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Et le condamner en outre au paiement des entiers dépens de l'instance.

Par conclusions du 14 mai 2020, M. [D] demande à la cour d'appel de':

- Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes pour l'ensemble des condamnations prononcées,

- Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il l'a débouté de sa demande de rappel de salaire,

- Condamner la société TRAS à payer la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le'12 avril 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.

SUR QUOI':

Sur l'avertissement du 18 mars 2018':

Moyens des parties :

La société TRAS expose que l'annulation de cet avertissement ne faisait pas partie des demandes du salarié, au titre du dispositif de ses dernières écritures de première instance. Cet avertissement infligé à M. [D], le 13 février 2018, est au surplus justifié. Le 13 février 2018, il a réalisé un essai sur route avec un véhicule sans carte, sur plus de 20 kilomètres alors que pour effectuer cet essai sur route, il aurait dû conduire en insérant sa carte conducteur et en passant le chronotachygraphe en mode OUT.

M. [D] expose que l'avertissement n'est pas fondé car la législation dispense le conducteur d'insérer sa carte conductrice dans le chronotachygraphe lors d'un essai routier, ce qui était le cas en l'espèce.

Réponse de la Cour,

Selon les dispositions de l'article L. 1333-1 du code du travail, en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié

En application des articles L.1331-1 et suivants du code du travail, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

Un même fait ne saurait justifier successivement deux mesures disciplinaires. Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur a eu connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié. De nouveaux griefs autorisent l'employeur à retenir des fautes antérieures déjà sanctionnées pour apprécier la gravité des faits reprochés au salarié.Si les faits reprochés paraissent d'une gravité telle qu'ils justifient sa mise à l'écart de l'entreprise, l'employeur peut prononcer une mise à pied conservatoire dans l'attente d'une décision à intervenir. Cette mesure est distincte de la mise à pied disciplinaire et doit être suivie immédiatement de l'ouverture d'une procédure disciplinaire.

En cas de litige en matière de sanction disciplinaire, la juridiction apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles et que si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l'espèce, il convient de relever que la Société TRAS, qui fait valoir que la demande d'annulation de l'avertissement ne figurait pas dans les dernières écritures du salarié en première instance, ne formule aucune demande quant à l'irrecevabilité de celle-ci. Au surplus, le Conseil de prud'hommes a relevé dans son jugement que le salarié sollicitait, en l'état de ses dernières demandes, l'annulation de l'avertissement.

Sur le fond, le salarié ne conteste pas avoir procédé, le 13 février 2018, à un essai sur route avec un véhicule sans carte, sur plus de 20 kilomètres.

La société TRAS qui argue que le salarié ne pouvait procéder comme tel, et que les règles étaient rappelées lors des formations périodiques, ne verse aucune règlementation ou consigne pour en justifier.

Par ailleurs, M. [D] produit, la société TRAS restant taisante sur ce point, la règlementation des transports routiers issue de la règlementation européenne n°561/2006 qui exclut les essais routiers pour la réparation ou entretien de l'ensemble des obligations liées à la carte conducteur, cette règlementation est donc applicable au cas d'espèce et vient donc contredire l'obligation qu'aurait eu le salarié d'insérer ladite carte.

Par voie de confirmation de la décision déférée, l'avertissement du 13 février 2018 est en conséquence annulé.

Sur la demande de rappel de salaire formulée par l'employeur :

Moyens des parties :

La société TRAS expose que M. [D] ayant été absent à de nombreuses reprises sans justification valable,elle était en droit d'effectuer une retenue sur salaire. De plus, la société indique n'avoir jamais autorisé M. [D] à s'absenter les mercredis après-midi. De surcroît, le chef d'atelier lui a demandé plusieurs fois de se conformer à sa durée de travail contractuelle. Ces absences ont désorganisé l'entreprise qui a dû recourir à la sous-traitance.

M. [D] expose qu'il a été constaté et jugé par les premiers juges qu'il n'existait aucun décompte de la durée de travail. Il fait valoir en outre qu'il compensait ses heures d'absence du mercredi après-midi sur les autres jours travaillés et qu'il a toujours effectué son nombre d'heures contractuelles hebdomadaire sans qu'aucun reproche ne soit formulé à son encontre s'agissant de son organisation de travail depuis 2014.

Réponse de la Cour,

Il ressort des dispositions de l'article 1353 du code civil que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. Il incombe à l'employeur de démontrer, notamment par la production de pièces comptables que le salaire dû afférent au travail effectivement effectué a été payé.

En l'espèce, il est constant que le bulletin de salaire d'avril 2018 mentionne une retenue pour absence injustifiée de 93h77 depuis septembre 2017. Il est outre établi que le contrat de travail du salarié prévoyait une durée contractuelle de 9 heures par jour, et 2 heures en moyenne complémentaires.

La société TRAS indique sans être contredite qu'il avait été convenu que les 2 heures complémentaires ne seraient pas effectuées, M. [D] devant respecter une durée contractuelle de travail de 195 heures mensuelles.

S'agissant du non respect de ses heures de travail par le salarié à compter de 2017, l'employeur se fonde, pour étayer le fait que M. [D] n'accomplissait pas un volume d'heure complet, sur le système de connexion de l'alarme et produit un tableau récapitulatif dressé par ses soins des horaires qu'aurait accomplis le salarié. Ce récapitulatif des horaires de M. [D] est ainsi basé d'après l'employeur sur une analyse du «'système de badgage couplé au contrôle effectué par M. [Z], en tant que supérieur hiérarchique'». Le badge utilisé pour l'alarme serait nominatif et la Société TRAS produit pour le démontrer une attestation de l'installateur du système, M. [S] et d'un salarié de l'entreprise qui confirment que chaque salarié se voyait remettre un badge nominatif activant et désactivant le système d'alarme. Il convient de relever que la société TRAS ne produit en revanche aucun récapitulatif informatique des actions du salarié avec son badge ni ne verse de relevé fait par M. [Z], des horaires du salarié.

Si M. [D] ne conteste pas en avoir été en possession d'un badge d'activation de l'alarme permettant d'accéder à l'entreprise, les éléments versés ne permettent pas de s'assurer que les horaires présentés par l'employeur correspondent à ceux de M. [D] et il convient de relever que l'employeur ne donne pas à la Cour de céans d'éléments suffisants de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

En outre, M. [D], qui admet ne pas avoir travaillé les mercredis après-midi, argue d'une autorisation depuis 2014 de son employeur pour ce faire et que les heures manquantes du mercredi ont été compensées en semaine. Si cette autorisation d'absence est contestée par l'employeur, il n'est justifié d'aucun rappel fait au salarié sur un non-respect du temps de travail, notamment sur les mercredis après-midi alors même que les bulletins de salaires mentionnent l'accomplissement d'un horaire à taux plein.

S'agissant enfin du fait que les absences du salarié auraient désorganisé l'entreprise, la société qui justifie bien d'un recours important à la sous-traitance ne démontre pas le lien entre la seule absence du salarié à hauteur de 93 heures sur 7 mois et l'amplitude de cette sous-traitance.

Au vu de ce qui précède, il y a lieu de retenir que l'employeur n'établit pas la réalité du non-respect de ses horaires de travail par le salarié et de juger en conséquence que la retenue sur le salaire d'avril 2018 était infondée.

Par voie d'infirmation de la décision déférée, la société TRAS est condamnée à verser au salarié la somme de 1 329, 01 € à titre de rappel de salaire, outre la somme de 132, 90 € au titre des congés payés afférents.

Sur le bien-fondé du licenciement :

Moyens des parties :

La société TRAS, expose que':

- En vertu du contrat de travail, la durée contractuelle de travail du salarié était de 9 heures par jour et de 195 heures par mois. A compter de septembre 2017, M. [D] s'est absenté de son lieu de travail à de nombreuses reprises et plus particulièrement les mercredis après-midi sans avoir obtenu l'accord préalable de la direction et alors même que son supérieur hiérarchique s'opposait à ses absences. Elle a dû confier certaines réparations à des garages extérieurs afin de pallier les absences de M. [D].

- M. [D] consultait et réceptionnait des mails à caractère pornographique avec le matériel de l'entreprise (ordinateur professionnel de l'atelier) et l'adresse mail professionnelle. Seul M. [D] utilisait cet ordinateur, ce dernier se trouvant dans son bureau et le bureau étant fermé à clé.

- Les autres faits énoncés dans la lettre, sans constituer des motifs de licenciement, sont des éléments de contexte qui expliquent les relations que pouvaient entretenir la société et le salarié.

M. [D] conteste la faute grave et expose que':

- Le licenciement ne pouvait être basé sur l'avertissement du 18 mars 2018 en vertu de la règle non bis idem.

- Depuis 2014, il était autorisé à s'absenter le mercredi après-midi afin de s'occuper de son fils et les horaires étaient récupérés à la semaine. Il n'existait aucun système de gestion du temps au sein de l'atelier, de telle sorte qu'il est impossible de soutenir que des badges nominatifs de gestion du temps permettraient de démontrer un non-respect des horaires.

- Les tableaux mensuels réalisés par la société sans communiquer aucun justificatif ne justifient pas les horaires relevés. Il est ainsi improbable qu'il ait pu intégrer et quitter l'atelier tous les jours aux mêmes horaires (minutes incluses). Ses absences ne sont pas les causes du recours à la sous-traitance. En effet, la société TRAS a visiblement toujours eu recours à de la sous-traitance.

- Concernant les mails à caractère pornographique, il ne s'agit pas de communications ou de connexions sur des sites pornographiques mais de «'SPAMS'». De plus, l'ordinateur n'était pas verrouillé, demeurait allumé toute la journée et toute l'équipe y avait accès. En outre, l'employeur ne produit que deux copies d'écrans de messagerie pour avril et en partie mars 2018. Or, il a quitté définitivement la société le 20 mars 2018.

- S'agissant des autres faits énoncés dans la lettre de licenciement, ils sont soit injustifiés soit ne peuvent être invoqués puisqu'ils ont déjà donné lieu à sanction.

Réponse de la Cour,

Il est de principe que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de l'intéressé au sein de l'entreprise même pendant la durée du préavis. La mise en 'uvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits fautifs mais le maintien du salarié dans l'entreprise est possible pendant le temps nécessaire pour apprécier le degré de gravité des fautes commises. L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve. Le caractère fautif d'un comportement imputable à un salarié n'est pas subordonné à l'existence d'un préjudice subi par l'employeur.

La gravité de la faute s'apprécie en tenant compte du contexte des faits, de l'ancienneté du salarié et des conséquences que peuvent avoir les agissements du salarié et de l'existence ou de l'absence de précédents disciplinaires. Un même fait ne saurait justifier successivement deux mesures disciplinaires et aucun reproche formulé à l'appui du licenciement ne peut être justifié par des faits ayant été sanctionnés par le biais d'une sanction disciplinaire.

Si la faute grave invoquée par l'employeur est écartée, il faut alors rechercher si les faits constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement.

En l'espèce, aux termes de la lettre de licenciement du'11 avril 2018, qui fixe les limites du litige, il fait grief de plusieurs manquements': le non-respect de ses horaires de travail, la consultation et la réception de mails à caractère pornographique avec le matériel informatique de l'entreprise et l'adresse mail professionnelle, l'existence de deux avertissements, une précédente convocation à un entretien le 4 mai 2017, une réunion du 25 janvier 2018, des intimidations postérieures à cette réunion et enfin de la perte de confiance de l'employeur qui découle de ce qui précède.

L'employeur précise, aux termes de ses dernières écritures que seuls les deux premiers griefs fondent le licenciement tandis que les autres éléments mentionnés dans la lettre de licenciement posent le contexte, expliquant les relations que pouvaient entretenir la société et le salarié. Il convient cependant de relever que la lettre de licenciement qui formule une liste de griefs ne comporte pas cette distinction et qu'il y a lieu dès lors d'examiner l'ensemble des faits énoncés.

Sur le grief du non-respect des horaires et du temps de travail en raison d'absences injustifiées et de la désorganisation de l'entreprise, la cour de céans a jugé que la société TRAS était défaillante dans la démonstration du non-respect des heures de travail par le salarié. Ce grief n'est pas établi.

Sur le grief portant sur la consultation et la réception de mails à caractère pornographique par le salarié via l'ordinateur de l'entreprise, la société TRAS qui allègue que «'seul le chef mécanicien'était amené à utiliser cet ordinateur'» ou encore que le bureau était fermé à clé, ne verse aucune pièce venant corroborer ces affirmations. Ainsi, alors que le salarié indique que ce bureau était accessible à tous dans l'atelier, il n'est pas possible d'infirmer ses dires.

Au surplus, il est allégué par l'employeur que M. [R], mécanicien habilité par la suite à utiliser l'ordinateur, aurait constaté que la messagerie était remplie de mails à caractère pornographique. Pourtant, alors que ce salarié atteste dans la présente procédure, il ne fait pas état de ce constat dans l'attestation produite.

Enfin la société TRAS produit, pour étayer ce grief, un extrait des mails reçus sur l'adresse professionnelle «'[Courriel 3]'», pièce illisible, la cour ne pouvant dès lors déterminer la nature des mails en question, ces éléments ne permettent donc pas de s'assurer de la connexion du salarié à des sites pornographiques. Ce grief n'est pas établi.

Sur l'avertissement du 15 février 2017 qui porte sur l'utilisation abusive du téléphone de l'entreprise. L'employeur ne produit aucune pièce permettant d'examiner la matérialité des faits. M. [D] produit une lettre d'observations qui ne peut être qualifiée d'avertissement. Ces faits dont la matérialité n'est étayée par aucune pièce sont antérieurs à plus de deux mois précédant la procédure de licenciement et ne peuvent en conséquence être retenus.

S'agissant de la «'précédente convocation officielle à un entretien le 04 mai 2017'», la société TRAS ne produit pas la convocation. L'employeur qui allègue que cet entretien portait sur des altercations avec des conducteurs, du travail pour compte propre, sur l'entretien du matériel et management de l'atelier, ne verse aucune pièce permettant de le confirmer. Sur le fait que le salarié aurait eu des altercations avec des collègues, ce que M. [D] ne conteste pas, la société TRAS produit 4 attestations de salariés confirmant ce point mais évoquant tous des incidents se situant fin 2017 soit postérieurement à cette réunion.

M. [D] indique en outre, sans être contredit, qu'aucune sanction n'avait été prononcée et il convient au surplus de relever que la période des faits (courant 2017) est antérieure à plus de deux mois avant la procédure de licenciement. Ce grief n'est pas établi.

Concernant la réunion du 25 janvier 2018 et des intimidations alleguées de M. [D] envers d'autres salariés, la société TRAS verse le compte rendu de la réunion en question. Il y est évoqué en premier lieu par le délégué du personnel «'la liste des conducteurs (7) ayant eu des altercations et des problèmes de relation avec M. [D] ainsi qu'un problème mécanique sur un véhicule passé à l'atelier puis il parle de menaces physiques faites sur un mécanicien le 1er décembre 2017'». Il est noté que le salarié minimise ces difficultés. Il est rappelé à M. [D] par M. [G], dirigeant de la société TRAS, que le responsable d'un service doit garder son calme et que s'il ne change pas de comportement, une sanction lui sera infligée. Un rappel à l'ordre est adressé, de manière générale, à la fin du compte rendu qui n'est pas signé par le salarié.

La réunion évoque encore le fait, non contesté par M. [D], de ventes de batteries de l'entreprise par le salarié qui restitue de l'argent au directeur lors de cette réunion. Sur cette vente de matériel non autorisée, alors même que l'employeur le qualifie de «'faute professionnelle'» aux termes des dernières écritures, aucune sanction n'est prononcée à l'époque et il n'est versé au débat qu'une facture au nom du salarié datant de novembre 2016. Cette seule pièce ne permet pas à la cour de céans de déterminer à quelle date l'employeur a eu connaissance de ce fait ni même du préjudice réel. Ce grief n'est donc pas établi.

S'agissant des intimidations postérieures à la réunion, la société TRAS ne produit aucune attestation de salariés concernés'ni aucune pièce corroborant le dépôt d'une plainte en lien avec ces faits. Ce grief n'est pas établi.

S'agissant de l'avertissement du 18 mars 2018 portant sur la non utilisation de la carte conducteur, il a été jugé par la cour de céans qu'aucun manquement ne pouvait être reproché au salarié.

S'agissant enfin de la perte de confiance de l'employeur, la cour de céans ayant jugé qu'aucun fait n'était établi, ce seul grief ne peut fonder un licenciement sur faute grave.

Au vu de ce qui précède, il convient de confirmer la décision des premiers juges et de dire que les faits reprochés au salarié ne sont pas établis, qu'aucune faute grave ne peut ainsi être retenue à l'encontre du salarié. Le licenciement de M. [D] est par voie de conséquence dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Par voie de confirmation du quantum, la société TRAS est condamnée à verser au salarié la somme de 5 740,00 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre celle de 574,00 € au titre des congés payés afférents ainsi que la somme de 6'129,00 € au titre de l'indemnité de licenciement.

S'agissant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle, les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice subi par le salarié, qui ne justifie pas d'un autre préjudice que celui lié à la rupture du contrat de travail, en condamnant la société TRAS à lui verser la somme de'22'631,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur le remboursement des allocations chômage :

Il conviendra, conformément aux dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail (dans version applicable au 1er mai 2008, issue de la loi du 8 août 2016 et applicable au 10 août 2016, issue de la loi du 5 septembre 2018 et applicable au 1er janvier 2019) d'ordonner d'office à l'employeur le remboursement des allocations chômages perçues par le salarié du jour de son licenciement au jour de la présente décision dans la limite de trois mois, les organismes intéressés n'étant pas intervenus à l'audience et n'ayant pas fait connaître le montant des indemnités versés.

Une copie de la présente décision sera adressée à Pôle Emploi à la diligence du greffe de la présente juridiction.

Sur les demandes accessoires':

Il convient de confirmer la décision de première instance s'agissant des dépens et des frais irrépétibles.

La Société TRAS, succombant en cause d'appel, est condamnée à payer à M. [D] la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS':

La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

DECLARE'la société TRAS recevable en son appel,

CONFIRME le jugement déféré excepté en ce qu'il a rejeté la demande de M. [D] au titre du rappel de salaire,

STATUANT à nouveau sur les chefs d'infirmation,

CONDAMNE la société TRAS à payer à M. [D] la somme de 1 329,01 € à titre de rappel de salaire, outre la somme de 132,90 € au titre des congés payés afférents,

Y ajoutant,

CONDAMNE la société TRAS à payer à M. [D] la somme de 1 500 € à sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

ORDONNE le remboursement des allocations chômages perçues par le salarié du jour de son licenciement au jour de la présente décision dans la limite de trois mois,

DIT qu'une copie de la présente décision sera adressée à Pôle Emploi à la diligence du greffe de la présente juridiction.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Valéry CHARBONNIER, conseillère faisant fonction de présidente, et par Madame Mériem CASTE-BELKADI, greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La greffière, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section a
Numéro d'arrêt : 19/04982
Date de la décision : 06/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-06;19.04982 ?
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