La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/09/2022 | FRANCE | N°19/04502

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section a, 06 septembre 2022, 19/04502


C1



N° RG 19/04502



N° Portalis DBVM-V-B7D-KHLV



N° Minute :

















































































Copie exécutoire délivrée le :





la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY



la AARPI CAP CONSEIL

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<

br>


COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 06 SEPTEMBRE 2022





Appel d'une décision (N° RG F 19/00018)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCE

en date du 9 octobre 2019

suivant déclaration d'appel du 5 Novembre 2019



APPELANT :



Monsieur [D] [P]

[Adresse 3]

[Localité 4]



représenté par Me Alexis GRIM...

C1

N° RG 19/04502

N° Portalis DBVM-V-B7D-KHLV

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY

la AARPI CAP CONSEIL

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 06 SEPTEMBRE 2022

Appel d'une décision (N° RG F 19/00018)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCE

en date du 9 octobre 2019

suivant déclaration d'appel du 5 Novembre 2019

APPELANT :

Monsieur [D] [P]

[Adresse 3]

[Localité 4]

représenté par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat postulant inscrit au barreau de GRENOBLE,

et par Me Nicole LAPUENTE, avocat plaidant inscrit au barreau de TOULOUSE, substituée par Me Alfred PECYNA, avocat au barreau de TOULOUSE,

INTIMEE :

SCA CAVE DE TAIN L'HERMITAGE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Anne marie VIELJEUF de l'AARPI CAP CONSEIL, avocat au barreau de VALENCE,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Valéry CHARBONNIER, conseillère faisant fonction de présidente,

Madame Gaëlle BARDOSSE, conseillère,

Madame Magali DURAND-MULIN, conseillère,

DÉBATS :

A l'audience publique du 10 Mai 2022,

Mme Gaëlle BARDOSSE, conseillère chargée du rapport, assistée de Mme Mériem CASTE-BELKADI, greffière, a entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile.

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 6 Septembre 2022, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 6 Septembre 2022.

EXPOSÉ DU LITIGE':

M. [P] a été engagé à compter du 1er janvier 2015 en qualité de responsable commercial par la SCA CAVE DE TAIN L'HERMITAGE.

Le 23 novembre 2015, il a été convoqué à un entretien préalable et licencié le 3 décembre 2015 pour insuffisance professionnelle.

M. [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Valence, en date du'4 avril 2016, aux fins de contester le bien-fondé de son licenciement et obtenir les indemnités afférentes.

A l'audience du 11 juillet 2017, une radiation a été prononcée.

Monsieur [P] a saisi à nouveau le conseil de prud'hommes par requête reçue le 17 décembre 2018.

Par jugement du'9 octobre 2019, le conseil de prud'hommes de Valence'a':

- Débouté M. [P] de l'ensemble de ses demandes

- Condamné M. [P] à verser à LA CAVE DE TAIN la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- Condamné M. [P] aux dépens de l'instance

La décision a été notifiée aux parties et M. [P] en a interjeté appel.

Par conclusions du'31 janvier 2020, M. [P] demande à la cour d'appel de':

- Déclarer recevable l'appel interjeté

- Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de VALENCE du 9 octobre 2019 en toutes ses dispositions

- Dire et juger que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse

En conséquence, lui allouer la somme de 65'000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

- Dire et juger que les circonstances dans lesquelles est intervenu le licenciement et en particulier les appréciations inacceptables portées dans la lettre de licenciement, lui ont causé un préjudice moral distinct, d'où la demande de dommages et intérêts représentant 14'000 €

- Lui allouer la somme de 5'000 € à titre de dommages et intérêts pour non fixation des objectifs permettant d'obtenir une rémunération variable

- Lui allouer la somme de 4'000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner LA CAVE DE TAIN L'HERMITAGE en tous les dépens.

Par conclusions en réponse du 29 avril 2020, la SCA CAVE DE TAIN L'HERMITAGE demande à la cour d'appel de':

- Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de VALENCE le 9 octobre 2019

En conséquence:

- Dire et juger que le licenciement pour insuffisance professionnelle de M. [P] est justifié

- Débouter M. [P] de l'ensemble de ses demandes consécutives

- Débouter M. [P] de sa demande de paiement d'une prime sur objectifs

- Condamner M. [P] à payer à la Société Coopérative Agricole CAVE DE TAIN L'HERMITAGE la somme de 3'000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, en sus de la condamnation prononcée en première instance à hauteur de 500 €

Condamner le même aux entiers dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture a été rendue le'12 avril 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.

SUR QUOI':

Sur la prime d'objectif :

Moyens des parties :

M. [P] soutient qu'il avait vocation à bénéficier d'une prime d'objectif de 10 000 € ramenée, par accord entre les parties, à une somme de 5 000 € selon un courrier daté du 24 décembre 2014. Aucun objectif ne lui a jamais été fixé pour l'année 2015 ouvrant droit à son profit à des dommages et intérêts.

La SCA fait valoir que M. [P] qui sollicite l'allocation de dommages et intérêts, faute selon ses dires pour l'employeur de lui avoir fixé des objectifs, reconnaît ainsi qu'il ne pouvait pas bénéficier de la prime puisqu'il n'en demande plus le paiement. De plus, il a été convoqué à un entretien préalable à son éventuel licenciement par lettre remise en mains propres en date du 23 novembre 2015 et il ne peut pas être reproché à la société de ne pas avoir déterminé les objectifs de fin d'année pour l'année suivante.

Réponse de la cour,

Aux termes de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Dès lors, en cas de rémunération variable dépendant d'objectifs fixés unilatéralement par l'employeur, faute pour l'employeur d'avoir précisé au salarié les objectifs à réaliser ainsi que les conditions de calcul vérifiables, la rémunération doit être payée intégralement. En cas de rémunération variable dépendant d'objectifs fixés unilatéralement par l'employeur, ces objectifs doivent être réalistes et réalisables. Une rémunération variable, versée en dehors de tout usage, de tout engagement unilatéral et de toute obligation contractuelle, légale ou conventionnelle, constitue une rémunération discrétionnaire.

En l'espèce, il est constant que le contrat de travail, signé le 1er janvier 2015, liant M. [P] à la SCA CAVE DE TAIN L'HERMITAGE prévoyait le versement d'une prime d'objectif de 10'000 €. Aux termes de ce contrat, l'objectif annuel devait être fixé en fin d'année civile. Cette prime a été rapportée à la somme de 5'000 € dans le cadre de la promesse d'embauche du 24 décembre 2014 tandis que la somme de 5'000 € était ajoutée à la rémunération fixe brute annuelle.

Il ressort de ces éléments que l'employeur a respecté ses obligations en versant la somme de 5'000 € à titre de prime d'objectifs puis en augmentant la rémunération annuelle de M. [P], conformément aux accords des parties de 5'000 €. Au surplus, M. [P] ne justifie d'aucun préjudice découlant de l'absence de fixation d'objectifs pour l'année 2015.

Par voie de confirmation de la décision déférée, il convient de rejeter la demande de dommage et intérêts.

Sur'le bien-fondé du licenciement :

Moyens des parties :

M. [P] soutient que son licenciement n'est pas fondé. Il expose :

- Avoir été embauché à compter du 1er janvier 2015 et avoir été soumis à une période d'essai de 4 mois renouvelable une fois que l'employeur n'a pas jugé nécessaire de renouveler,

- Sa rémunération est passée de 4 250,80 euros à 4'615.38 euros au terme de cette période d'essai et de surcroît, en juillet 2015, le directeur de la SCA lui ayant fait part de son entière satisfaction,

- Il a été convoqué pour un entretien préalable à son éventuel licenciement à peine 6 mois après la fin de la période d'essai et, entre juillet 2015 et novembre 2015, n'a reçu aucun courrier l'informant de sa particulière incompétence. Ces griefs sont nécessairement apparus dès son recrutement puisqu'ils portent sur sa personnalité,

- Le 26 octobre 2015, la société était déjà à la recherche de son successeur ayant publié une offre d'emploi correspondant à son poste,

- L'ensemble des griefs contenus dans la lettre de licenciement sont formulés au regard de la compétence attendue par la CAVE DE TAIN d'un « Directeur commercial'». Or, il n'était pas directeur commercial mais employé en qualité de responsable commercial,

- L'essentiel de la lettre de licenciement repose sur des considérations subjectives de son auteur, ce qui démontre l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement et ce d'autant qu'il n'est qu'il n'a pas été remplacé, puisque c'est le Directeur Général de la Cave Coopérative, qui a repris ses fonctions.

La SCA expose que le licenciement est bien fondé sur l'insuffisance professionnelle du salarié':

- M. [P] ne verse aucun élément aux débats pour prouver l'inexistence de l'insuffisance professionnelle qui lui est reprochée';'Cette insuffisance professionnelle est qualitative et non pas quantitative, la société reprochant à M. [P] un manque de compétences et non pas un manque de résultats,

- L'augmentation de la rémunération de M. [P] au terme de sa période d'essai est la conséquence du respect d'un engagement contractuel et est totalement indépendante des capacités professionnelles de M. [P],

- M. [P] ayant effectué sa période d'essai durant une période creuse, ses compétences n'ont pas pu être éprouvées, l'activité de négociation commerciale de la CAVE n'étant effective qu'à compter du mois de septembre, date à laquelle la société connaissait une forte activité. Il a fait l'objet de nombreuses remarques de la part de son employeur à compter de cette date,

- Il occupait bien le poste de directeur commercial puisqu'il était sous l'autorité hiérarchique directe du directeur général,

- Le Cabinet TERRASYRAH indique que l'annonce de recrutement ne concernait en rien la CAVE DE TAIN, cliente du cabinet et donc pas le poste du salarié.

Réponse de la cour,

Aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur en cas de litige, forme sa conviction au regard des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utile. L'employeur n'est pas dans l'obligation d'apporter des éléments factuels dans la lettre de licenciement pour fonder l'insuffisance professionnelle. Toutefois pour constituer une cause réelle et sérieuse de rupture, l'insuffisance professionnelle doit être établie par des éléments précis, objectifs et vérifiables ayant des répercussions sur la marche ou le fonctionnement de l'entreprise, constitués non par une violation des obligations résultant du contrat de travail mais par une mauvaise exécution par le salarié de ses obligations caractérisée, notamment, par des erreurs, des omissions ou par un volume de travail insuffisant en raison, non pas d'un acte ou d'un manquement volontaire. Elle doit, en outre, être constatée sur une période suffisamment longue pour ne pas apparaître comme purement conjoncturelle, et être directement imputable au salarié.

En l'espèce, l'employeur, qui fait valoir une insuffisance professionnelle qualitative du salarié et non quantitative fait tout d'abord grief à M. [P] d'avoir été dans l'incapacité de gérer les dossiers des principaux clients.

Concernant le client Richard, la SCA CAVE de TAIN L'HERMITAGE produit un mail du 3 novembre 2015 par lequel le Directeur de la CAVE de TAIN, M. [O], lui interdit de proposer au client un transfert de bouteilles de 50 cl vendues à Courtepaille en 37, 5 cl. M. [P] lui répond en prendre note, qu'il ne s'agissait que d'une suggestion et non d'une volonté d'imposer un format à un client stratégique. Dans un autre mail du 7 octobre, le directeur reproche à M. [P] le manque de précision de sa réponse concernant ce client.

Sur ce manquement, la Cave de Tain ne justifie pas selon quelle modalité cette proposition faite au client Richard était interdite à M. [P] et s'il en avait été avisé ni en quoi ce seul incident évoqué avec ce client, démontrerait l'incapacité de M. [P] à gérer ce dossier client ou aurait eu un impact sur la bonne marche ou le fonctionnement de l'entreprise notamment dans la relation commerciale, étant observé que la gestion de ce dossier n'a pas été retirée à M. [P]. Sur ce point, M. [P] produit d'ailleurs un mail du directeur de la CAVE de TAIN du 22 juillet 2015 qui le félicite pour ses échanges avec ce client mais encore un autre mail d'octobre 2015 soit postérieur à celui produit par l'employeur, par lequel M. [P] lui rend compte de son travail.

Concernant le client Metro, il est reproché à M. [P] de ne pas avoir traité correctement une demande de sa part (passage en entrepôts déportés- SAF) et d'avoir confondu des hausses tarifaires de l'année avec celles dues au changement du mode de transport. La société produit notamment un mail du 23 septembre 2015 par lequel le directeur alerte le salarié sur la durée du traitement de ce dossier. Il est également justifié du fait que dès juin 2015, M. [P] avait été relancé par l'acheteur et avait obtenu un délai de traitement du dossier jusqu'à fin septembre. Le 9 novembre 2015, M. [O] indique à M. [P] être en attente de proposition et lui demande d'être clair «'dans son objectif'», lui rappelle qu'il a la charge de ce dossier depuis le début de l'année.

S'il est ainsi établi que l'employeur adresse des reproches au salarié sur la manière de prendre en charge cette demande et observe que les délais de traitement ont pu être dépassés, M. [P] verse non seulement de multiples mails par lesquels il informe son employeur de l'avancée du projet mais produit encore un courrier de M. [U] (acheteur vin pour Metro) qui écrit que dans le cadre de ce dossier, M. [P] a fourni de «'manière précise et dans les délais demandés l'ensemble des éléments tarifaires et logistiques nécessaires à la bonne préparation des négociations à venir'».

La SCA CAVE DE TAIN L'HERMITAGE, qui n'apporte aucun autre élément permettant de constater un mécontentement de ce client ou sur les conséquences d'éventuelles erreurs ou omissions sur le chiffre d'affaire, ne permet pas à la cour de vérifier la réalité de ce grief.

S'agissant enfin du client NICOLAS, il est reproché au salarié de ne pas lui avoir transmis, avant le 1er décembre 2015, les conditions générales de vente 2016, préalable à la négociation d'un accord devant être conclu avant le 28 février 2015. Par un mail du 18 novembre 2015, M. [O] indique à M. [P] que 'les propositions tarifaires établies ne sont pas satisfaisantes'. L'assistante commerciale, Mme [K] adresse par mail, le vendredi 4 décembre, à M. [P] le «'tarif CHR franco'» modifié en précisant qu'il conviendra de faire un point le lundi sur les tarifs à renseigner. M. [P] lui répond, M. [O] étant destinataire en copie, que cela sera finalisé lundi avec M. [O].

La matérialité de ce grief est démentie par un mail du 27 novembre 2015 par lequel M. [P] adresse les «'conditions tarifaires 2016'» au client NICOLAS, ce qui tend au surplus à confirmer le fait conclu par le salarié que les échanges de mail du 4 décembre ci-dessus repris ne concernaient pas ce client.

Concernant ce même client, il est encore reproché à M. [P] de ne pas avoir avisé le directeur de la venue de Mme [Z] (responsable qualité de la société NICOLASs), d'avoir été contraint de rappeler à M. [P] qu'il aurait dû indiquer à cette personne que la CAVE DE TAIN était «'IFS-international food standard- (référentiel qualité permettant de travailler avec la grande distribution) et qu'elle ne faisait pas de «'Marque de Distributeur'» (MDD). M. [O] adresse un mail à M. [P] le 22 octobre 2015 lui reprochant l'ensemble de ces faits et ajoutant qu'il n'avait pas eu copie du programme de cette visite.

Contrairement au fait conclu, M. [P] a bien répondu à ce mail en ne contestant pas l'absence de transmission du planning mais en expliquant à son employeur qu'il n'avait pu établir de planning définitif dans les temps, étant dans l'attente de réponse par la société NICOLASs. Il écrit en outre avoir indiqué à Mme [Z] que la CAVE ne faisait pas de MDD. Ce grief n'apparaît dès lors pas établi.

Il est ensuite fait grief à M. [P] une incapacité à aborder la hausse des tarifs. La SCA CAVE DE TAIN L'HERMITAGE produit deux mails, l'un du 18 novembre 2016 et l'autre du 30 novembre 2016. Ces mails constituent des reproches de M. [O] à M. [P] sur les propositions tarifaires 2016 et un rappel du fait, qu'en sa qualité de responsable commercial, M. [P] avait la charge d'établir la tarification. Ce manquement est donc établi.

Concernant l'absence de connaissance des dossiers en profondeur, le fait conclu selon lequel M. [P] aurait reconnu lors de l'entretien préalable qu'il ne connaissait pas les CGV n'est étayé par aucune pièce. La SCA CAVE DE SAINT L'HERMITAGE produit des échanges de mails principalement entre M. [O] et M. [P] dans lesquels il lui est demandé des précisions ou encore des propositions concrètes, M. [O] exposant notamment en septembre 2015 qu'il n'est pas «'compétent pour suivre l'évolution des pensées'» de M. [P]. La teneur de ces échanges ne permet pas d'établir le caractère précis et vérifiable de ce grief. Il en est de même du grief concernant «'l'absence de connaissance des produits à commercialiser'» pour lequel aucune pièce produite ne vient corroborer l'affirmation selon laquelle M. [P] aurait demandé si les vins d'appellation Croze Hermitage étaient vendangés à la main ou en machine.

Sur l'absence «'de connaissance des procédures en vigueur et le désintérêt des cahiers des charges clients'» par un mail du 2 novembre 2015, M. [O] exprime au salarié son désaccord avec la proposition faite à la société Air France s'agissant du volume de vins proposés. Pour autant non seulement l'employeur n'apporte aucun élément pour justifier du caractère «'non tenable'» de cette proposition mais encore ne produit aucune autre pièce qui viendrait confirmer le désintérêt allégué du salarié, et ses conséquences, pour le cahier des charges clients, notamment concernant Air France .

S'agissant de l'absence d'avertissement du supérieur hiérarchique à propos de la visite de principaux clients ou agents, la visite de Mme [Z] a été évoquée par la cour de céans. Concernant la visite de Messieurs [H] et [V] de l'agence [H], la SCA CAVE DE TAIN L'HERMITTAGE verse un mail par lequel M. [O] s'étonne, le jour de cette visite, de ne pas en avoir été informé sans évoquer M. [V]. Le fait conclu, selon lequel ces personnes auraient constaté l'étonnement du directeur du fait de leur présence non annoncée, n'est étayé par aucune pièce tout comme il n'est pas justifié des «'conséquences commerciales désastreuses'» alleguées pour l'entreprise découlant d'une absence de rencontre entre M. [O] et ces visiteurs.

S'agissant enfin du grief d'absence de clarté des interventions de M. [P], la SCA CAVE DE TAIN L'HERMITAGE, il ressort de 4 mails de M. [O] adressés au salarié entre juin-juillet et novembre 2015 ses difficultés à suivre les idées de M. [P],le sentiment de se perdre dans ses approches ou discussions. Les autres échanges de mails versés ne permettent pas à la cour de céans de relever des reproches sur ce point. Outre le fait que ce grief est imprécis, les répercussions sur la bonne marche de l'entreprise d'une éventuelle carence de clarté ou de précision de M. [P] lors de ses interventions ne sont pas démontrées.

Concernant enfin les difficultés d'établissement des notes de frais, l'employeur verse un mail de juillet 2015 par lequel M. [O], qui indique notamment à M. [P] qu'il est «'la personne adéquate'», lui précise encore que ses demandes de frais de déplacement doivent être bien renseignées. Cette seule pièce ne suffit pas à corroborer le fait que M. [P] avait «'la mauvaise habitude de transmettre des notes de frais'» incomplètes ni étayer une insuffisance professionnelle.

Au vu de ce qui précède, il convient enfin de relever que les multiples alertes qui auraient été faite à M. [P] concernant «'ses atermoiements'» entre juin et octobre 2015 ne sont pas non plus démontrées.

L'ensemble des mails produits à l'appui du licenciement sont rédigés par M. [O] et constituent pour la plupart des échanges de travail et non des alertes ou rappels à l'ordre sur les compétences professionnelles du salarié. La SCA CAVE DE TAIN L'HERMITAGE ne permet ainsi pas à la cour de céans de constater la réalité des erreurs ou des insuffisances reprochées mais encore ne verse aucune pièce montrant les conséquences des manquements allégués sur l'entreprise en termes de chiffre d'affaire, relation clients ou encore même d'organisation.

M. [P] justifie quant à lui que durant la relation salariale, le chiffre d'affaire de la société a progressé.

Par conséquent, par voie d'infirmation de la décision déférée, il convient de juger que le licenciement de M. [P] n'est pas justifié par une cause réelle et sérieuse.

A la date du licenciement, le 3 décembre 2015, M. [P] était salarié depuis 14 mois et était âgé de 50 ans. Il ne justifie ni de recherches d'emploi, ni de sa situation professionnelle actuelle. Il convient de condamner la SCA CAVE DE SAINT L'HERMITAGE à lui verser la somme de 30'000 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Faute pour M. [P] de justifier d'une faute de l'employeur dans les circonstances entourant le licenciement de nature brutale ou vexatoire et de justifier ainsi de l'existence d'un préjudice distinct de celui lié à la rupture du contrat de travail, la demande de dommages et intérêts formulée à ce titre est rejetée, par voie de confirmation de la décision déférée.

Sur le remboursement des allocations chômage :

Il conviendra, conformément aux dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, d'ordonner d'office à l'employeur le remboursement des allocations chômages perçues par la salariée du jour de son licenciement au jour de la présente décision dans la limite de 3 mois, les organismes intéressés n'étant pas intervenus à l'audience et n'ayant pas fait connaître le montant des indemnités versés.

Une copie de la présente décision sera adressée à Pôle Emploi à la diligence du greffe de la présente juridiction.

Sur les demandes accessoires':

Il convient d'infirmer la décision de première instance s'agissant des dépens et des frais irrépétibles.

La SCA CAVE DE TAIN L'HERMITAGE, partie perdante qui sera condamnée aux dépens, devra payer à M. [P] la somme de 1 500 € au titre de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS':

La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

DECLARE'M. [P] recevable en son appel,

CONFIRME le jugement du'9 octobre 2019 rendu par le conseil de prud'hommes de Valence en ce qu'il a'rejeté les demandes de M. [P] de':

- Dommages et intérêts de M. [P] pour non-fixation d'objectif,

- Dommages et intérêts au titre du préjudice moral pour licenciement vexatoire.

L'INFIRME pour le surplus,

STATUANT à nouveau sur les chefs d'infirmation,

DIT que le licenciement de M. [P] est sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la SCA CAVE DE TAIN L'HERMITAGE à payer à M. [P] la somme de 30'000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Y ajoutant,

ORDONNE le remboursement des allocations chômages perçues par le salarié du jour de son licenciement au jour de la présente décision dans la limite de 3 mois,

DIT qu'une copie de la présente décision sera adressée à Pôle Emploi à la diligence du greffe de la présente juridiction,

CONDAMNE la SCA CAVE DE TAIN L'HERMITAGE à payer la somme de 1 500 euros à M. [P] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens en cause d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Valéry CHARBONNIER, conseillère faisant fonction de présidente, et par Madame Mériem CASTE-BELKADI, greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section a
Numéro d'arrêt : 19/04502
Date de la décision : 06/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-06;19.04502 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award