N° RG 20/00050 - N° Portalis DBVM-V-B7E-KJIT
N° Minute :
C4
Copie exécutoire délivrée
le :
à
la S.E.L.A.R.L. CABINET ALMODOVAR
la S.E.L.A.R.L. CABINET LAURENT FAVET
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
2ÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 19 JUILLET 2022
Appel d'un Jugement (N° R.G. 18/00642) rendu par le Tribunal de Grande Instance de VALENCE en date du 28 novembre 2019, suivant déclaration d'appel du 23 Décembre 2019
APPELANTE :
SA M.A.A.F. ASSURANCES prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
Chaban
[Localité 4]
Représentée par Me Serge ALMODOVAR de la S.E.L.A.R.L. CABINET ALMODOVAR, avocat au barreau de VALENCE
INTIMÉES :
S.A.R.L. ESSAIRE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
Avenue du 8 mai 1945
[Localité 5]
SA GENERALI FRANCE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
S.A.R.L. VAL ASSURANCES prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 2]
Représentées par Me Laurent FAVET de la S.E.L.A.R.L. CABINET LAURENT FAVET, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Emmanuèle Cardona, présidente
Anne-Laure Pliskine, conseillère,
Frédéric Dumas, vice-président placé, en vertu d'une ordonnance en date du 18 novembre 2021 rendue par la première présidente de la cour d'appel de Grenoble
DÉBATS :
A l'audience publique du 15 février 2022, Frédéric Dumas, vice-président placé qui a fait son rapport, assisté de Caroline Bertolo, greffière, a entendu seul les avocats en leurs conclusions, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.
Il en a rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu à l'audience de ce jour.
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
La société Cetra Informatique était propriétaire d`un véhicule de marque Peugeot modèle 308 immatriculé [Immatriculation 8], assuré auprès de la société anonyme M.A.A.F. Assurances et mis à la disposition de l'un de ses salariés, M. [P] [I].
Lors d'un déplacement professionnel M. [I] a stationné le véhicule sur le parking de l`hôte1 Kyriad, exploité par la société à responsabilité limitée Essaire, sis [Adresse 7] (83). Le véhicule a été volé dans la nuit du 15 au 16 septembre 2015 et M. [I] a déposé plainte auprès du commissariat de [Localité 9] le 16 septembre 2015.
La société M.A.A.F. Assurances a indemnisé son assuré à hauteur de 17 013 euros au titre du véhicule et de 500 euros correspondant à son contenant.
L'assureur a ensuite, dans le cadre de son recours subrogatoire, vainement engagé des démarches auprès de l'hôtel Kyriad et de son assureur, la S.A. Generali I.A.R.D., représenté par son agent général la société à responsabilité limitée Val Assurances.
Par exploits des 15, 16 et 26 février 2018, la société M.A.A.F. Assurances a fait assigner la société Generali, la société Essaire en sa qualité d'exploitante de l'hôtel Kyriad et la société Val Assurances devant le tribunal de grande instance de Valence.
Suivant jugement du 28 novembre 2019 le tribunal a :
- mis la société Val Assurances hors de cause ;
- déclaré irrecevables les demandes de la société M.A.A.F. Assurances,
- condamné la société M.A.A.F. Assurances à payer à la société Essaire et la société Generali unies d'intérêts la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société M.A.A.F. Assurances aux entiers dépens et autorise l'avocat de la société Essaire et de la société Generali à les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le 23 décembre 2019 la société M.A.A.F. Assurances a interjeté appel du jugement en ce qu'il l'a déboutée de son recours subrogatoire à l'encontre de la S.A.R.L. Essaire et la SA Compagnie Generali et l'a condamnée à payer à la société Essaire et la compagnie Generali la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions, dont le dispositif doit être expurgé de toutes mentions qui ne constituent pas des demandes mais reprennent les moyens soutenus dans les motifs, la société M.A.A.F. Assurances demande à la cour de réformer le jugement déféré et, statuant à nouveau, de :
- condamner la société Essaire et son assureur Generali à lui verser, dans le cadre de son recours subrogatoire, la somme de 17 013 euros au titre des indemnités versées à son assuré,
- les condamner solidairement à lui verser la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour leur résistance abusive,
- déclarer l'arrêt à intervenir commun et opposable à l'agent général la S.A.R.L. Val Assurances,
- condamner les sociétés Essaire et Generali à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions l'appelante fait valoir que :
- en application des articles 1952 et 1953 du code civil l'hôtelier est dépositaire et donc responsable des voitures stationnées sur son parking,
- elle communique en appel la quittance de règlement définitif signée de l'assurée et justifie ainsi avoir réglé la somme de 16 513 euros au titre de l'indemnisation du véhicule, soit 16 813 euros représentant la valeur du véhicule dont est déduite la franchise de 300 euros, outre 500 euros au titre du contenant.
En réplique, selon leurs dernières écritures dont le dispositif doit également être expurgé de toutes mentions qui ne constituent pas des demandes, les intimées concluent à ce que la cour :
- juge irrecevable la demande de la société M.A.A.F. Assurances tendant à voir déclarer opposable à la société Val Assurances les termes de l'arrêt à intervenir,
A titre principal,
- confirme le jugement entrepris en ce que la société M.A.A.F. Assurances a été déclarée irrecevable en son action, faute pour elle de justifier de la subrogation dans les droits et actions de son assuré,
- la déboute de l'ensemble de ses demandes,
- la condamne à verser à la société Essaire et à la société Generali I.A.R.D. la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
A titre subsidiaire,
- déboute la société M.A.A.F. Assurances de l'ensemble de ses demandes,
- la condamne à verser à la société Essaire et à la société Generali I.A.R.D. la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, distraits au profit de la S.E.L.A.R.L. cabinet Laurent Favet, avocat,
A titre subsidiaire,
- déboute la société M.A.A.F. Assurances de sa demande en paiement d'une indemnité de 500 euros correspondant au vol du contenu du véhicule,
- déboute la société M.A.A.F. Assurances de sa demande en paiement de dommages et intérêts, et de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- statue ce que de droit sur les dépens, distraits au profit des avocats de la cause conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Les intimées exposent que :
- la quittance subrogative produite n'est pas datée contrairement aux dispositions de l'article 1346-1 du code civil de sorte que la société M.A.A.F. Assurances ne démontre pas l'existence d'une subrogation consentie en même temps que le paiement de l'indemnité d'assurance,
- la responsabilité de l'hôtelier n'est pas engagée pour un vol de véhicule sur un parking dont il n'a pas la jouissance privative tel qu'en l'espèce puisque le parking litigieux dépend d'une copropriété accessible et par les clients de l'hôtel et par les copropriétaires et occupants de l'immeuble adjacent,
- en tout état de cause le client n'ayant pas remis les clés du véhicule entre les mains de l'hôtelier l'indemnité à laquelle pourrait prétendre la société M.A.A.F. Assurances ne peut qu'être limitée à cent fois le prix de la chambre selon l'article 1953 alinéa 3 du code civil,
L'instruction a été clôturée suivant ordonnance du 5 janvier 2022.
MOTIFS
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées.
A titre liminaire il convient de relever que la société M.A.A.F. Assurances n'a pas mentionné dans sa déclaration d'appel la disposition du jugement mettant la société Val Assurances hors de cause de sorte que celle-ci est désormais définitive et que la demande de l'appelante tendant à voir déclarer opposable à la société Val Assurances l'arrêt à intervenir ne peut qu'être jugée irrecevable.
Sur les demandes principales
En vertu de l'article L121-12 du code des assurances l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur.
L'article 1250 du code civil, dans sa rédaction applicable au présent litige, précise à cet égard que la subrogation est conventionnelle lorsque le créancier recevant son paiement d'une tierce personne la subroge dans ses droits, actions, privilèges ou hypothèques contre le débiteur dès lors que cette subrogation est expresse et faite en même temps que le paiement.
En l'espèce la société M.A.A.F. Assurances verse au dossier un document intitulé 'quittance de règlement définitif' non daté, sur lequel sont apposés la mention manuscrite 'lu et approuvé' ainsi que la signature d'un représentant de la société Cetra Informatique. Aux termes de ce document cette société 'déclare accepter de M.A.A.F. ASSURANCES S.A., la somme de 17 013 euros en remboursement des dommages, tous frais compris, qui m'ont été occasionnés le 16/09/2015 par M. [J]. Moyennant le paiement de ladite somme, je déclare être justement et entièrement indemnisé des conséquences de ce sinistre et je considère M.A.A.F. ASSURANCES S.A. déchargée de toute obligation à mon égard. Je subroge M.A.A.F. ASSURANCES S.A. dans tous mes droits et actions contre tout tiers responsable.'
Il ressort néanmoins clairement du libellé de l'ancien article 1250 du code civil que la subrogation et le paiement doivent être concomitants à l'exclusion de toute subrogation valable avant ou après le paiement. Dès lors il appartient à celui qui invoque la subrogation de faire la preuve de cette simultanéité des deux actes.
A défaut pour l'appelante, qui ne s'explique d'ailleurs aucunement sur ce point, de démontrer la simultanéité exigée la cour ne saurait admettre sa subrogation dans les droits et actions de la société Cetra Informatique à l'égard du responsable sans préciser à'quelle date le paiement est intervenu (Com., 14 mars 1965).
Surabondamment l'expression ratifiée par l'assurée, selon laquelle elle déclare être indemnisée des conséquences du sinistre et considère la société M.A.A.F. déchargée de toute obligation, 'moyennant le paiement de ladite somme' laisse entendre que ce paiement n'aurait pas encore été effectué lors de l'établissement de la subrogation.
Dans ces conditions l'appelante ne pourra qu'être déboutée de l'intégralité de ses demandes à l'encontre des intimées, le jugement déféré étant cependant infirmé en ce qu'il les a déclarées irrecevables.
Sur les demandes annexes
La société M.A.A.F. Assurances sera condamnée condamnées à verser à la partie appelante une indemnité de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'appelante qui succombe sera en outre condamnée aux entiers dépens de la procédure d'appel en application de l'article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement du 28 novembre 2019 du tribunal de grande instance de Valence en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes de la société M.A.A.F. Assurances,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare irrecevable la demande de la S.A. M.A.A.F. Assurances tendant à voir déclarer opposable à la société Val Assurances l'arrêt à intervenir,
Déboute la S.A. M.A.A.F. Assurances de l'intégralité de ses demandes,
Condamne la S.A. M.A.A.F. Assurances à verser à la S.A.R.L. Essaire et à la S.A. Generali France I.A.R.D. une indemnité de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la S.A. M.A.A.F. Assurances aux entiers dépens de la procédure d'appel en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère substituant la Présidente de la deuxième chambre civile et par la Greffière, Caroline Bertolo, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIERELA PRESIDENTE