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07/07/2022 | FRANCE | N°20/03228

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section b, 07 juillet 2022, 20/03228


C7



N° RG 20/03228



N° Portalis DBVM-V-B7E-KSSE



N° Minute :













































































Copie exécutoire délivrée le :





la SCP JANOT & ASSOCIES



la SELARL CLEMENT-CUZIN LEYRAUD DESCHEEMAKER





AU NOM DU PEUPLE F

RANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 07 JUILLET 2022





Appel d'une décision (N° RG 19/00104)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 22 septembre 2020

suivant déclaration d'appel du 19 octobre 2020





APPELANTES :



Madame [I] [O], en qualité d'ayant droit de M. [Z] [I]

née le ...

C7

N° RG 20/03228

N° Portalis DBVM-V-B7E-KSSE

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SCP JANOT & ASSOCIES

la SELARL CLEMENT-CUZIN LEYRAUD DESCHEEMAKER

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 07 JUILLET 2022

Appel d'une décision (N° RG 19/00104)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 22 septembre 2020

suivant déclaration d'appel du 19 octobre 2020

APPELANTES :

Madame [I] [O], en qualité d'ayant droit de M. [Z] [I]

née le 15 mars 2000 à GRENOBLE (38000)

de nationalité Française

239 rue de la République

38220 VIZILLE

Madame [I] [U], en qualité d'ayant droit de M. [Z] [I]

née le 09 février 1998 à GRENOBLE (38000)

de nationalité Française

10 rue Soufflot - bâtiment A, appartement 18

31400 TOULOUSE

représentées par Me Pierre JANOT de la SCP JANOT & ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMEE :

S.A. SEMITAG, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

Immeuble Le Stratège

15 avenue Salvador Allende

38130 ECHIROLLES

représentée par Me Laurent CLEMENT-CUZIN de la SELARL CLEMENT-CUZIN LEYRAUD DESCHEEMAKER, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Blandine FRESSARD, Présidente,

M. Frédéric BLANC, Conseiller,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

Assistés lors des débats de M. Fabien OEUVRAY, Greffier,

DÉBATS :

A l'audience publique du 11 mai 2022,

Madame FRESSARD, Présidente, chargée du rapport,

Les avocats ont été entendus en leurs observations.

Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES':

Monsieur [Z] [I], né le 17 septembre 1966, a été embauché à compter du 1er septembre 2003 par la société SEMITAG en qualité d'électrotechnicien, filière personnel ouvrier, au sein de la direction matériel ouvrant, selon contrat de travail à durée indéterminée soumis à la convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs.

Par avis en date du 28 novembre 2005, le médecin du travail a déclaré [Z] [I] inapte temporairement à son poste avec une préconisation pour faire un essai de conduite du véhicule Rébus.

Le 7 mars 2006, [Z] [I] a été déclaré inapte à la conduite du véhicule Rébus et «'apte à un travail qui permette d'alterner position assise et debout, pas plus d'une heure de suite debout'».

[Z] [I] a alors été reclassé sur un poste d'agent de location de vélos à compter du 9 mars 2006.

Suite à l'attribution du marché public Métrovélo à l'entreprise VELOGIK ALPES le 1er novembre 2015, [Z] [I] a accepté un poste d'agent de prévention au sein de la société SEMITAG, la visite médicale l'ayant déclaré apte le 2 novembre 2015.

Par avis en date du 8 décembre 2016, le médecin du travail a déclaré [Z] [I] inapte à son poste et a précisé «'apte à un poste à l'atelier ou à un poste administratif ne nécessitant pas un apprentissage trop pointu'».

Puis, par avis en date du 27 décembre 2016, le médecin du travail a confirmé l'inaptitude au poste d'agent de prévention et indiqué «'Serait apte à un poste en magasin ou à un poste administratif ne nécessitant pas un apprentissage trop pointu'».

Du 30 janvier au 2 juillet 2017, [Z] [I] été reclassé sur un poste de magasinier momentanément disponible puis, à compter du 16 août 2017, il a été affecté au poste d'agent de conseil en mobilité et vente.

Par décision en date du 16 juin 2017, [Z] [I] s'est vu reconnaitre la qualité de travailleur handicapé, valable jusqu'au 30 avril 2020.

Du 30 avril au 14 octobre 2018, [Z] [I] a bénéficié d'un congé CET.

Par avis en date du 28 septembre 2018, le médecin du travail a indiqué': «'Peut reprendre sur un poste de type administratif ou technique. Contre-indication à la conduite. A revoir une fois l'affectation au niveau poste précisée'».

Par avis du 11 octobre 2018, le médecin du travail a déclaré [Z] [I] «'Inapte au poste d'agent de prévention. Serait apte à un autre poste, un poste de type administratif sur des tâches simples ou un poste semi-technique (billetterie, magasinier, conseils divers)'», avis confirmé le 25 octobre 2018 avec l'ajout de la mention «'Contre-indication au poste de conducteur'».

Par courrier en date du 27 novembre 2018, la SEMITAG a informé [Z] [I] de l'impossibilité de le reclasser, aucun des postes disponibles n'étant compatible avec les restrictions d'aptitude formulée par le médecin du travail.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 28 novembre 2018, la SEMITAG a convoqué [Z] [I] à un entretien préalable à un licenciement, fixé le 10 décembre 2018.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 13 décembre 2018, la SEMITAG a notifié à [Z] [I] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Le 1er février 2019, [Z] [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble d'une contestation de la rupture de son contrat de travail.

Monsieur [Z] [I] est décédé le 24 juin 2019 et Mesdames [O] et [U] [I], en qualité d'ayants droit, ont décidé de poursuivre la procédure engagée devant le conseil de prud'hommes de Grenoble.

Par jugement en date du 22 septembre 2020, dont appel, le conseil de prud'hommes de Grenoble ' section commerce ' a':

CONSTATÉ que le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement de Monsieur [Z] [I] repose sur une cause réelle et sérieuse';

DÉBOUTÉ Madame [O] [I] et Madame [U] [I] de l'ensemble de leurs demandes';

DÉBOUTÉ la SEMITAG de sa demande reconventionnelle';

DIT que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

La décision ainsi rendue a été notifiée aux parties par lettre recommandée avec accusé de réception les 28 et 29 septembre 2020.

Mesdames [O] [I] et [U] [I] en ont relevé appel par déclaration de leur conseil transmise au greffe de la présente juridiction par voie électronique le 19 octobre 2020.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 18 novembre 2020, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, Mesdames [O] [I] et [U] [I] demandent à la cour d'appel de':

INFIRMER le jugement du conseil de prud'hommes du 22 septembre 2020 en toutes ses dispositions';

En conséquence,

DIRE ET JUGER que la société SEMITAG a manqué à son obligation de sécurité';

DIRE ET JUGER que la société SEMITAG n'a pas respecté son obligation de reclassement';

En conséquence,

DIRE ET JUGER que le licenciement de Monsieur [I] est sans cause réelle et sérieuse';

En conséquence,

CONDAMNER la société SEMITAG à verser à Mesdemoiselles [O] et [U] [I], ayants droit de Monsieur [I], les sommes suivantes':

- Indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse': 80'000'€,

- Indemnité de préavis': 8'213,91 €,

- Congés payés afférents': 821,39'€,

- Article 700 du code de procédure civile': 2'000'€';

CONDAMNER la société SEMITAG aux entiers dépens';

REJETER l'intégralité des demandes de la société SEMITAG.

Par conclusions en réponse notifiées par voie électronique le 15 février 2021, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la société SEMITAG demande à la cour d'appel de':

CONFIRMER le jugement du 22 septembre 2020 du conseil de prud'hommes de Grenoble en ce qu'il a':

- Constaté que le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement de Monsieur [I] repose sur une cause réelle et sérieuse';

- Débouté Madame [O] [I] et Madame [U] [I] de l'ensemble de leurs demandes';

RÉFORMER le jugement du 22 septembre 2020 du conseil de prud'hommes de Grenoble en ce qu'il a':

- Débouté la SEMITAG de sa demande reconventionnelle';

DIT que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens';

Statuant à nouveau,

DIRE ET JUGER que le licenciement de Monsieur [I] repose sur une cause réelle et sérieuse avérée';

DÉBOUTER, en conséquence, les ayants droits de Monsieur [I] de l'ensemble de leurs réclamations';

CONDAMNER les ayants droits de Monsieur [I] à verser à la SEMITAG la somme de 3'000'€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient, au visa de l'article 455 du code de procédure civile, de se reporter à leurs écritures susvisées.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 mars 2022 et l'affaire a été fixée pour être plaidée à l'audience du 11 mai 2022'; la décision a été mise en délibéré au 7 juillet 2022.

MOTIFS DE L'ARRÊT':

Sur la demande au titre du manquement à l'obligation de sécurité':

En application des articles L.'4121-1 et L.'4121-2 du code du travail, l'employeur est tenu à une obligation de sécurité en matière de protection et de sécurité des travailleurs dans l'entreprise. Il doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique des salariés et doit en assurer l'effectivité en engageant des actions de prévention des risques professionnels, d'information et de formation des salariés sur ces risques et sur les mesures destinées à les éviter ainsi qu'en mettant en place une organisation et des moyens adaptés.

Il convient de rappeler qu'il incombe à l'employeur, en cas de litige, de justifier avoir pris des mesures suffisantes pour s'acquitter de cette obligation.

Le licenciement pour inaptitude d'un salarié est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsqu'il est démontré que l'inaptitude est consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée.

Il incombe au salarié de démontrer que le manquement de l'employeur est à l'origine de son inaptitude.

Au cas d'espèce, il est reproché à la société SEMITAG une série de griefs ayant conduit à une dégradation de l'état de santé de M. [I].

D'une première part, la société SEMITAG justifie, par la production du document unique d'évaluation des risques professionnels pour les années 2016, 2017 et 2018, avoir pris en compte les différents risques physiques et psychologiques liés aux postes d'agents de prévention et d'agents commerciaux.

Elle verse également aux débats une charte relative à la prévention des risques psychosociaux ainsi que le livret d'accueil informant de la présence d'une psychologue d'entreprise au sein de la SEMITAG, démontrant la prise en compte généralisée des risques psychosociaux.

D'une deuxième part, il n'est pas contesté que le salarié a refusé le transfert de son contrat de travail, alors qu'il occupait le poste d'agent métro vélo, au sein de la nouvelle entreprise bénéficiaire du marché, et qu'il a accepté le poste d'agent de prévention au sein de la SEMITAG, pour lequel il sera cependant déclaré inapte un an plus tard, par avis de la médecine du travail en date du 27 décembre 2016.

D'une troisième part, il ressort d'une attestation de Monsieur [E] [T], ouvrier spécialisé et délégué du personnel, que la société SEMITAG a convoqué à un entretien M. [I] par SMS et que l'entretien avec sa responsable a duré plus d'une heure, le 9 février 2018.

De plus, le salarié produit deux courriers en date du 25 septembre 2017 et du 26 février 2018 par lesquels la société SEMITAG informe M. [I] de ses écarts de comportement exposés par ses responsables lors d'entretiens.

La société se contente d'affirmer que ses entretiens avec sa hiérarchie «'avaient vocation à lui rappeler ses obligations professionnelles dans certaines circonstances où Monsieur [I] semblait les avoir oubliées'», que «'ce type d'entretiens, qui relèvent de la bonne gestion des ressources humaines dans une entreprise de la taille de la SEMITAG, n'ont évidemment pas vocation à se dérouler en présence de représentants du personnel'» et que «'en l'absence de toute sanction notifiée à M. [I], force est de constater que ce second reproche concernant des mesures disciplinaires inexistantes est lui aussi particulièrement mal fondé'».

Cependant, la cour constate que dans le second courrier, l'employeur a précisé «'À défaut de changement d'attitude, nous ne pourrons maintenir votre affectation sur ce poste'», rappelant que le reclassement du salarié sur ce poste n'était que temporaire et qu'il pouvait donc être affecté sur un autre poste.

D'une quatrième part, il ressort des différents avis d'inaptitude que la SEMITAG a reclassé le salarié au poste d'agent de prévention en 2015, puis au poste de magasinier en 2017 et finalement au poste d'agent de conseil en mobilité et vente en août 2017.

La cour constate cependant qu'à la lecture des différents courriers de la SEMITAG, les différentes affectations étaient provisoires et qu'elle n'a pas proposé de reclassement définitif au salarié avant le dernier avis d'inaptitude du 25 octobre 2018.

Malgré tout, M. [I] a pu prendre un congé individuel de formation du 30 mai au 14 décembre 2016 ainsi qu'un congé CET du 30 avril au 14 octobre 2018, dans l'optique de créer son activité professionnelle.

Il ressort des énonciations précédentes que la SEMITAG n'a pas cherché à reclasser définitivement le salarié et l'a positionné de manière temporaire sur différents postes entre 2016 et 2018, conduisant à une certaine instabilité professionnelle.

Pour autant, les pièces versées par les ayants droit de M. [I] ne permettent pas d'établir que le syndrome dépressif majeur présenté par ce dernier découle directement de son instabilité professionnelle, aucun autre élément n'étant produit pour établir un tel lien de causalité, y compris avec son décès.

Dès lors, les circonstances de l'espèce et les pièces versées au débat ne permettent pas de conclure à un quelconque manquement de la SEMITAG à son obligation de sécurité.

En conséquence, il convient de débouter les ayants droit de M. [I] de leur demande de dommages et intérêts à ce titre.

Sur la demande au titre du non-respect de l'obligation de reclassement':

Conformément à l'article L. 1226-2 du code du travail, lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article'L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article'L. 233-1, aux I et II de l'article'L. 233-3'et à l'article'L. 233-16'du code de commerce.

Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu'il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

Aux termes des dispositions de l'article L.'1226-2-1 du code du travail, lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement.

L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L.'1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L.'1226-2, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.

Il résulte de ces textes que la méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte consécutivement à un accident non professionnel ou une maladie prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.

C'est à l'employeur de démontrer qu'il s'est acquitté sérieusement et loyalement de son obligation de reclassement, laquelle est de moyens, et de rapporter la preuve de l'impossibilité de reclassement qu'il allègue, étant rappelé que l'emploi est à rechercher parmi les emplois disponibles dans l'entreprise.

Au cas d'espèce, après avoir demandé, le 11 août 2018, à reprendre son poste en mettant fin à son congé CET, Monsieur [Z] [I] a été déclaré inapte par un second avis du médecin du travail en date du 25 octobre 2018, libellé dans les termes suivants': «'Inapte au poste d'agent de prévention. Serait apte à un autre poste technique ou administratif (billetterie, magasinier, recouvrement, conseils divers') contre-indication de poste de conducteur'».

D'une première part, la SEMITAG produit son registre des entrées et sorties du personnel pour les mois d'octobre, novembre et décembre 2018, qui indique que les postes pourvus sont principalement des postes de conducteur-receveur, pour lequel le salarié a été déclaré inapte.

Cependant, le registre ne rend pas compte des transferts de postes en interne et demeure donc insuffisant, à lui seul, pour établir que l'employeur a respecté son obligation de reclassement.

D'une deuxième part, il n'est pas contesté que certains postes non proposés au salarié ont été pourvus entre juillet et septembre 2018, soit avant l'avis d'inaptitude rendu le 25 octobre 2018.

Quand bien même la SEMITAG avait connaissance du souhait du salarié de mettre fin à son congé et de reprendre son poste dès le 11 août 2018 et que l'inaptitude prononcée le 25 octobre 2018 est similaire à celle du 27 décembre 2016, elle n'avait pas l'obligation de proposer les postes pourvus antérieurement à l'avis d'inaptitude du 25 octobre 2018.

D'une troisième part, alors que le salarié a été affecté au poste d'agent de conseil en mobilité jusqu'à la prise de son congé CET en 2018 et que de tels postes ont été pourvus en interne à la même période, le salarié produisant un extrait des mouvements internes issus de l'extranet de la SEMITAG, la société se contente d'affirmer que le salarié n'avait pas les qualités requises pour ce poste, des courriers relatant son comportement et des erreurs étant produits.

Cependant, la SEMITAG ne produit qu'un historique des formations de M. [I] jusqu'en mars 2016, s'abstenant de démontrer que le salarié a été formé au poste d'agent de conseil en mobilité à compter de sa prise de fonction, en 2017.

De plus, quand bien même le salarié avait été affecté sur un poste de manière temporaire en raison d'un congé maternité, l'employeur ne produit aucun élément permettant de démontrer qu'aucun poste, même temporaire, n'était disponible au moment de l'inaptitude du salarié, alors que de nombreux mouvements de personnels ont eu lieu en septembre et octobre 2018 sur des postes d'agent en conseil de mobilité.

Finalement, d'une quatrième part, le médecin du travail, dans son courrier du 16 novembre 2018, indique «'J'ai étudié les postes disponibles ouverts au recrutement, je note que les postes de contrôleur technique, de technicien de planning, de chef de projets infrastructure et de responsable administration des ventes sont des postes qui ne correspondent pas aux compétences effectives ou potentielles de M. [I]. Je confirme que M. [I] est inapte au poste de conducteur-receveur, au poste d'électrotechnicien. Ainsi, aucun des postes disponibles même aménagés ou transformés ne me paraissent adaptés aux capacités restants du salarié'».

Il ressort de ce courrier que le médecin du travail a uniquement déclaré inapte M. [I] aux postes de conducteur-receveur et d'électrotechnicien. Son avis sur les capacités du salarié quant aux autres postes ne concernent pas ses compétences quant à l'aptitude du salarié.

Ainsi, la SEMITAG établit, par la production des fiches de postes de contrôleur technique, chef de projet infrastructures et responsable administration des ventes, que le salarié n'avait pas les compétences requises pour ces fonctions.

Cependant, concernant les postes de technicien planning et de technicien d'intervention courants faibles, la seule lecture des fiches de postes ne permet pas d'établir que le salarié ne possédait pas les compétences requises, ni que la mise en place de formations ne lui aurait pas permis de mener à bien ses fonctions.

Or, la SEMITAG n'apporte aucune explication supplémentaire quant au fait que ces deux postes ne correspondaient pas aux compétences de M. [I], d'autant que la médecine du travail n'a pas été consultée pour le poste de technicien d'intervention courants faibles.

Il résulte des énonciations précédentes que la SEMITAG ne démontre pas avoir recherché de manière sérieuse et loyale un poste en reclassement pour M. [I] et a donc manqué à son obligation légale de reclassement.

Dès lors, par infirmation du jugement entrepris, il convient de déclarer sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. [I], prononcé le 13 décembre 2018.

Sur les prétentions afférentes à la rupture du contrat de travail':

D'une première part, le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, la SEMITAG est condamnée à payer aux ayants droit de M. [I] la somme de 8'213,91'€ au titre de l'indemnité de préavis, outre 821,39'€ de congés payés afférents.

D'une seconde part, l'article L.'1235-3 du code du travail dispose que si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis ; et, si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux que cet article prévoit.

La cour rappelle que les dispositions de l'article L.'1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la convention n°158 de l'Organisation internationale du travail et que les dispositions de l'article 24 de la charte sociale européenne n'ont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers. L'invocation de ces deux dispositions ne peut donc conduire à écarter l'application des dispositions de l'article L.'1235-3 du code du travail, de sorte qu'il convient d'allouer en conséquence au salarié une indemnité fixée à une somme comprise entre les montants minimaux et maximaux déterminés par ce texte.

Ainsi, M. [I] disposait d'une ancienneté, au service du même employeur, de quinze ans et peut donc prétendre, par application des dispositions précitées, à une indemnisation du préjudice né de la perte injustifiée de son emploi comprise entre 3 et 13 mois de salaire.

Le salarié bénéficiait d'une reconnaissance de travailleur handicapé et avait deux filles à charges au moment du licenciement.

Il convient, par conséquent, de condamner la SEMITAG à verser aux ayants droit de M. [I] la somme de 30'000'€ à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice.

Sur les demandes accessoires':

La SEMITAG, partie perdante à l'instance au sens des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, doit être tenue d'en supporter les entiers dépens.

Il serait par ailleurs inéquitable, au regard des circonstances de l'espèce comme des situations économiques des parties, de laisser à la charge de Mmes [I] l'intégralité des sommes qu'elles ont été contraintes d'exposer en justice pour la défense de leurs intérêts, de sorte qu'il convient de condamner la SEMITAG à leur verser la somme de 2'000'€ au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS':

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, dans les limites de l'appel et après en avoir délibéré conformément à la loi';

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a':

- Débouté Mesdames [O] et [U] [I], en qualité d'ayants droit de M. [Z] [I], de leur demande au titre de l'obligation de sécurité,

- Débouté la SEMITAG de sa demande reconventionnelle.

L'INFIRME pour le surplus';

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE la SEMITAG à payer à Mesdames [O] et [U] [I], en qualité d'ayants droit de M. [Z] [I], les sommes suivantes':

- 8'213,91'€ bruts au titre de l'indemnité de préavis, outre 821,39'€ bruts de congés payés afférents,

- 30'000'€ bruts au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse';

DÉBOUTE la SEMITAG de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

CONDAMNE la SEMITAG à payer à Mesdames [O] et [U] [I], en qualité d'ayants droit de M. [Z] [I], la somme de 2'000'€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

CONDAMNE la SEMITAG aux entiers dépens.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Mme Blandine FRESSARD, Présidente et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section b
Numéro d'arrêt : 20/03228
Date de la décision : 07/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-07;20.03228 ?
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