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07/07/2022 | FRANCE | N°20/03015

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section b, 07 juillet 2022, 20/03015


C2



N° RG 20/03015



N° Portalis DBVM-V-B7E-KR7I



N° Minute :









































































Copie exécutoire délivrée le :





Me Johanna ABAD



la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE
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Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 07 JUILLET 2022







Appel d'une décision (N° RG F18/00716)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 22 septembre 2020

suivant déclaration d'appel du 01 Octobre 2020



APPELANTE :



S.A.S. RESTALLIANCE, prise en la personne de son président en exercice domicilié en cette qua...

C2

N° RG 20/03015

N° Portalis DBVM-V-B7E-KR7I

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

Me Johanna ABAD

la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 07 JUILLET 2022

Appel d'une décision (N° RG F18/00716)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 22 septembre 2020

suivant déclaration d'appel du 01 Octobre 2020

APPELANTE :

S.A.S. RESTALLIANCE, prise en la personne de son président en exercice domicilié en cette qualité audit siège.

LES JARDINS D'ENTREPRISES - Bâtiment F1 - 213 Rue de Gerland

69344 LYON CEDEX 7

représentée par Me Johanna ABAD, avocate au barreau de GRENOBLE substituée par Me Chloé LEMOINE, avocate au barreau de GRENOBLE, postulante

et par Me Emilie ZIELESKIEWICZ de la SCP ZIELESKIEWICZ ET ASSOCIES, avocate au barreau de LYON, plaidante

INTIME :

Monsieur [P] [T]

né le 30 octobre 1982 à SAINT MARTIN D'HERES

de nationalité Française

114 rue du Bichet

38140 RENAGE

représenté par Me Laure GERMAIN-PHION de la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Blandine FRESSARD, Présidente,

M. Frédéric BLANC, Conseiller,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

DÉBATS :

A l'audience publique du 19 Mai 2022,

Mme BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère chargée du rapport, assistée de Mme Carole COLAS, Greffier, a entendu les parties en leurs observations, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile.

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 07 Juillet 2022, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 07 Juillet 2022.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES':

M. [P] [T], né le 30 octobre 1982, a été embauché par la société Restalliance à compter du'1er septembre'2015, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de second de cuisine, statut employé, niveau V, de la convention collective du personnel des entreprises de restauration collectivités.

M. [P] [T] a été affecté sur le site de la Maison de la Providence à Corenc.

Le 16 septembre 2016, la société Restalliance a adressé à M. [P] [T] un rappel à l'ordre en raison de graves manquements aux règles d'hygiène et de sécurité alimentaire.

A partir du 19 juin 2017, la société Restalliance a affecté M. [P] [T] sur le site de la clinique du Dauphiné à Seyssins.

A partir du 1er juillet 2017, M. [P] [T] a été affecté à la maison de retraite Val Marie à Vourey.

Le 6 octobre 2017, la société Restalliance a adressé à M. [P] [T] un avertissement pour avoir accumulé plusieurs retards injustifiés à son poste de travail ayant pour conséquence la désorganisation de l'entreprise (le 11 octobre, le 21 octobre et le 13 novembre) ainsi que pour manquement au respect des règles d'hygiène et de sécurité alimentaire et manquement à l'exécution de ses missions.

A partir du 23 octobre 2017, M. [P] [T] a été placé en arrêt de travail pour maladie, régulièrement prolongé.

Par courrier recommandé en date du 10 novembre 2017, la société Restalliance a convoqué [S] [T] à un entretien préalable à sanction disciplinaire, reporté au'20'novembre'2017.

Par courrier recommandé du 30 novembre 2017, la société Restalliance a prononcé une mise à pied disciplinaire de 5 jours.

Par courriers recommandés des 7 décembre 2017 et 14 décembre 2017, l'employeur a mis en demeure M. [P] [T] de justifier de son absence du 24 au 26 novembre 2017.

Le 29 décembre 2017, la société Restalliance a convoqué M. [P] [T] à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 9 janvier 2018.

Le 16 janvier 2018, la SAS Restalliance a licencié M. [P] [T] pour faute grave en raison d'une absence injustifiée du 24 au 26 novembre 2017.

Au dernier état de la collaboration, M. [P] [T] bénéficiait d'une rémunération mensuelle moyenne de 1 776,49 euros bruts.

Suivant requête visée au greffe le 7 août 2018, M. [P] [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble d'une contestation de la rupture de son contrat de travail et de diverses demandes au titre de l'exécution de son contrat de travail.

Suivant jugement en date du 22 septembre 2020, le conseil de prud'hommes de Grenoble'a':

Déclaré la demande d'annulation du rappel à l'ordre du 16 septembre 2016 prescrite,

Dit que la SAS Restalliance n'a pas manqué à son obligation de sécurité de résultat,

Annulé l'avertissement notifié le 6 octobre 2017 et la mise à pied notifiée le'30'novembre'2017.

Dit que le licenciement de M. [P] [T] est sans cause réelle et sérieuse,

Condamné la SAS Restalliance à payer à M. [P] [T] les sommes suivantes':

- 367,15 € bruts à titre de rappel de salaire afférents aux 5 jours de mise à pied,

- 36,71 € bruts à titre de congés payés afférents,

- 586,00 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 358,60 € à titre de congés payés afférents,

- 1 030,97 € nets à titre d'indemnité légale de licenciement,

Lesdites sommes avec intérêts de droit à compter du 17 août 2018

- 7 500,00 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 200,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Lesdites sommes avec intérêts de droit à compter du prononcé du présent jugement

Rappelé que les sommes à caractère salarial bénéficient de l'exécution provisoire de droit, nonobstant appel et sans caution en application de l'article R 1454-28 du code du travail dans la limite de 9 mois de salaire, la moyenne mensuelle brute des trois derniers mois de salaire étant de 1 740.26 €.

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire au-delà de l'exécution provisoire de droit,

Débouté M. [P] [T] du surplus de ses demandes,

Débouté la SAS Restalliance de sa demande reconventionnelle,

Condamné la SAS Restalliance aux dépens.

La décision rendue a été notifiée par lettres recommandées avec accusé de réception signé le'24'septembre 2020 par la SAS Restalliance et retourné avec la mention «'non réclamée'» s'agissant de M. [P] [T].

Appel de la décision a été interjeté par'la SAS Restalliance par déclaration de son conseil au greffe de la présente juridiction, le 1er octobre 2020.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 17 juin 2021, la'SAS'Restalliance sollicite de la cour de':

1. Sur l'irrecevabilité des demandes nouvelles :

A titre principal :

Infirmer le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Grenoble le'22'septembre'2020 en ce qu'il a jugé que les demandes nouvelles étaient recevables ;

Statuant à nouveau,

Déclarer les demandes de M. [T], sollicitées pour la première fois dans ses écritures responsives communiquées le 4 juin 2019, irrecevables ;

En conséquence :

Débouter M. [T] de ces demandes nouvelles ;

A titre subsidiaire :

Infirmer le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Grenoble le 22 septembre 2020 en ce qu'il n'a pas jugé la demande indemnitaire relative à la remise tardive des documents de fin de contrat prescrite ;

Confirmer le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Grenoble le 22 septembre'2020 en ce qu'il a déclaré la demande relative à l'annulation de la sanction disciplinaire du'16'septembre 2016 irrecevable car prescrite ;

Statuant à nouveau,

Déclarer de M. [T] relative à la remise tardive des documents de fin de contrat prescrite';

En conséquence :

Débouter M. [T] de sa demande ;

2. Sur le bien-fondé du licenciement pour faute grave de M. [P] [T] :

A titre principal :

Infirmer le jugement rendu par le conseil des prud'hommes le 22 septembre 2020 en ce qu'il a dit le licenciement de M. [T] sans cause réelle et sérieuse et condamné la société Restalliance à payer à M. [P] [T]:

- 586,00 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 358,60 € à titre de congés payés afférents,

- 1 030,97 € net à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 7 500,00 € net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Statuant à nouveau,

Déclarer que le licenciement de M. [P] [T] est bien fondé ;

Constater que M. [P] [T] ne justifie pas du préjudice invoqué ;

Débouter M. [P] [T] de ses demandes formulées à titre d'indemnités compensatrices de préavis, congés payés afférents, indemnité légale de licenciement et dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Ordonner le remboursement des sommes suivantes versées par la société Restalliance en application de l'exécution provisoire de droit :

- 586 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 358,60 € bruts à titre de congés payés afférents au préavis,

- 1030,97 € nets à titre d'indemnité de licenciement';

À titre subsidiaire :

Si la Cour devait confirmer le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Grenoble, Réduire le quantum des sommes fixées à titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et le ramener à la somme de 5.329,47 €, soit 3 mois de salaire ;

3. Sur la demande d'annulation des sanctions disciplinaires

A titre principal :

Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Grenoble du 22 septembre 2020 en ce qu'il a annulé les sanctions disciplinaires des 6 octobre 2017 et 30 novembre 2017 et ordonné le remboursement du rappel de salaire effectué au titre de la mise pied disciplinaire.

Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Grenoble en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts à hauteur de 1 000 € en réparation du préjudice subi.

Statuant à nouveau,

Constater que les sanctions disciplinaires des 6 octobre 2017 et 30 novembre 2017 sont bien fondées

En conséquence :

Débouter M. [T] de sa demande d'annulation

Ordonner le remboursement par M. [T] des sommes versées à titre de rappel de salaire sur la mise à pied et les congés payés afférents

A titre subsidiaire :

Infirmer le jugement en ce qu'il condamne la société Restalliance au versement des sommes suivantes:

- 367.15 € bruts à titre de rappel de salaire afférents aux 5 jours de mise à pied,

- 36.71 € bruts à titre de congés payés afférents.

Statuant à nouveau,

Condamner la société Restalliance au versement des sommes suivantes :

- 298.97 € bruts à titre de rappel de salaire afférents aux 5 jours de mise à pied,

- 29,89 € bruts à titre de congés payés afférents

Ordonner le remboursement par M. [P] [T] des sommes trop perçues

4. Sur l'appel incident formé par M. [P] [T]

Confirmer le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Grenoble le 22 septembre'2020 en ce qu'il a débouté M. [P] [T] de ses demandes au titre de :

Dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté ;

Dommages et intérêts au titre du préjudice subi suite à la notification des sanctions injustifiées ;

Indemnité compensatrice de préavis ;

Rappel de salaire afférente aux heures décomptées sur le bulletin de paie du mois de novembre 2017, outre les congés payés afférents ;

En conséquence :

Débouter M. [T] de l'intégralité de ces demandes ;

5. En tout état de cause :

Infirmer le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Grenoble le 22 septembre 2020 en ce qu'il a condamné la société Restalliance le paiement de la somme de'1 200 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

Statuant à nouveau,

Condamner M. [P] [T] à verser à la société Restalliance la somme de'3'000'€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 22 février 2022, [S] [T] sollicite de la cour de':

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a':

- Annulé l'avertissement notifié le 6 octobre 2017 et la mise à pied notifiée le'30'novembre 2017,

- Dit que le licenciement de M. [P] [T] est sans cause réelle et sérieuse,

- Condamné la SAS Restalliance à payer à M. [P] [T] les sommes suivantes':

- 367,15 € brut à titre de rappel de salaire afférent aux 5 jours de mise à pied,

- 36,71 € brut à titre de congés payés afférents,

- 358,60 € à titre de congés payés afférents sur préavis,

- 1 030,97 € à titre d'indemnité légale de licenciement

Lesdites sommes avec intérêts de droit à compter du 17 août 2018

- 7 500 € net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 200 € au titre de l i article 700 du code de procédure civile,

Lesdites sommes avec intérêts de droit à compter du prononcé du jugement

- Débouté la SAS Restalliance de sa demande reconventionnelle,

- Condamné la SAS Restalliance aux dépens.

Infirmer le jugement entrepris pour le surplus, et, statuant à nouveau,

Condamner la société Restalliance à verser à M. [T]:

- 1 000 € nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ensuite de la notification de sanctions injustifiées

- 8 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté,

- 3 586,00 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 162,61 € bruts à titre de rappel de salaire afférent aux heures décomptées sur le bulletin de salaire du mois de novembre 2017, outre 16,26 € bruts au titre des congés payés afférents.

En tout état de cause,

Débouter la société Restalliance de l'intégralité de ses demandes,

Condamner en tout état de cause la société Restalliance à verser à M. [T] la somme de'3'000,00€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article'455 du code de procédure civile de se reporter à leurs écritures susvisées.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 mars 2022 et l'affaire fixée pour être plaidée à l'audience du 19 mai 2022'; la décision a été mise en délibéré au 7 juillet 2022.

MOTIFS DE L'ARRÊT':

1 ' Sur la demande au titre de l'irrecevabilité des demandes nouvelles':

Aux termes de l'article 4 du code de procédure civile, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Ces prétentions sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense. Toutefois, l'objet du litige peut être modifié par des demandes incidentes lorsque celles-ci se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

En application de l'article 65 du même code, constitue une demande additionnelle, toute demande par laquelle une partie modifie ses prétentions antérieures.

L'article 70 du code de procédure civile précise que les demandes reconventionnelles ou additionnelles sont recevables pour autant qu'elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

Au cas d'espèce, M. [T] a initialement saisi le conseil de prud'hommes le 14 août 2018 d'une contestation de son licenciement et d'une demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité.

Par conclusions en réponse déposées le 3 juin 2019 devant le conseil de prud'hommes, [O] formulait, en plus de ses demandes initiales, des demandes au titre de sanctions injustifiées et au titre du retard dans la transmission des documents de fin de contrat.

D'une première part, alors que le conseil de prud'hommes l'en a débouté, il convient de constater que M. [T] ne reprend pas ses demandes au titre de l'avertissement du'16'septembre 2016 et au titre de la transmission tardive des documents de fin de contrat, de sorte que ces deux demandes doivent être considérées comme abandonnées.

D'une deuxième part, la cour constate, comme le soutient M. [T], que l'employeur fait directement référence, dans la lettre de licenciement en date du 16 janvier 2018, à l'avertissement du 6 octobre 2017 et à la mise à pied à titre disciplinaire notifiée le'30'novembre'2017 et que ces deux sanctions portent notamment sur le même reproche, à savoir des retards et absences injustifiées.

Ainsi, l'employeur se basant sur ces deux sanctions pour justifier la gravité de la faute commise et, de ce fait, le licenciement prononcé pour faute grave, il convient de considérer que la demande d'annulation des deux sanctions se rattache par un lien suffisant aux prétentions originaires relatives à la contestation du licenciement et est donc recevable.

En conséquence, il convient de débouter la SAS Restalliance de sa demande d'irrecevabilité de la demande d'annulation des sanctions du 6 octobre 2017 et du 30 novembre 2017.

2 ' Sur la demande au titre des sanctions du 6 octobre 2017 et 30 novembre 2017':

Aux termes des articles L.'1333-1 et L.'1333-2 du code du travail, le juge peut, au vu des éléments que doit fournir l'employeur et de ceux que peut fournir le salarié, annuler une sanction irrégulière en la forme, injustifiée, ou disproportionnée à la faute commise.

Au cas d'espèce, M. [T] sollicite l'annulation des sanctions notifiés le 6 octobre et le'30'novembre 2017.

D'une première part, la SAS Restalliance a notifié, par courrier recommandé en date du'6'octobre 2017, un avertissement à M. [T] pour des retards injustifiés de 30 minutes à'1'heure, les 5, 7 et 21 septembre 2017.

Cependant, l'employeur ne produit aucun élément quant aux retards injustifiés, de sorte qu'il échoue à démontrer la réalité des griefs justifiant ledit avertissement.

Dès lors, il y a lieu d'annuler l'avertissement notifié le 6 octobre 2017.

D'une seconde part, par lettre recommandée en date du 30 novembre 2017, la SAS Restalliance a notifié à M. [T] une mise à pied disciplinaire de 5 jours invoquant trois griefs':

- des retards de plus d'une heure les 11 et 21 octobre et le 13 novembre 2017,

- le non-respect des règles d'hygiène et sécurité alimentaire (absence de plonge, fiche de suivi des températures, nettoyage cuisine, etc.),

- le non-respect des règles en matière de durée du travail, le salarié cumulant des emplois et dépassant la durée légale de travail.

L'employeur produit un mail en date du 20 novembre 2017 de Mme [Y] [B], responsable de secteur, listant les retards injustifiés du salarié, au mois d'octobre et de novembre'2017, ainsi que les tâches non effectuées ne respectant pas les règles d'hygiène.

Cependant, ce mail, provenant de la responsable hiérarchique, demeure insuffisamment probant pour établir les griefs invoqués.

En effet, l'attestation de M. [V], chef-gérant, ne fait que reprendre le mail listant les absences et les tâches non effectuées et n'apparaît donc pas suffisamment circonstanciée.

De plus, l'employeur produit des photos d'éviers sales et de vaisselle non faite, mais qui n'ont aucune valeur probante en ce qu'elles ne sont pas datées et qu'aucun autre élément n'est produit pour établir un lien entre ces photos et le non-respect par M. [T] des règles d'hygiène.

D'ailleurs, alors que le mail du 20 novembre 2017 indique des numéros de photos, ceux-ci n'apparaissent pas sur les pièces versées par l'employeur.

De la même manière, la fiche de suivi des températures, produite par l'employeur, n'est pas probante en ce qu'elle n'est ni datée, ni visée par le chef-gérant.

Finalement, l'employeur ne produit aucun élément quant au non-respect des règles en matière de durée du travail.

Dès lors, l'employeur échoue à démontrer la réalité des griefs justifiant la mise à pied disciplinaire notifiée le 30 novembre 2017, de sorte qu'il y a également lieu de l'annuler.

En conséquence, il convient de condamner la SAS Restalliance à payer à M. [P] [T] la somme de 298,97'euros, outre 29,89'euros de congés payés afférents, en ce que qu'elle correspond à la somme retenue sur son bulletin de salaire du mois de décembre, le jugement étant réformé quant au quantum.

Par infirmation du jugement entrepris, il convient également de condamner la SAS Restalliance à payer à M. [P] [T] la somme de 500'euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la notification de sanctions injustifiées, le salarié, qui ne justifie pas du quantum sollicité, étant débouté du surplus de sa demande.

3 ' Sur la demande au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail':

Conformément à l'article L. 1222-1 du code de travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. La bonne foi se présumant, la charge de la preuve de l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur incombe au salarié.

Au cas d'espèce, M. [P] [T] reproche à la SAS Restalliance quatre griefs':

- la notification de sanctions successives injustifiées,

- le non-respect d'une promesse de former le salarié,

- les mutations imposées,

- les modifications horaires imposées.

S'agissant du premier grief, la cour rappelle qu'elle a annulé l'avertissement en date du'6'octobre 2017 et la mise à pied disciplinaire notifiée le 30 novembre 201, l'employeur échouant à établir la réalité des griefs invoqués.

S'agissant du deuxième grief, le salarié produit deux attestations indiquant qu'il aurait fait plusieurs demandes de formation de CQP de chef-gérant à son supérieur, M. [W] [C], et que celui-ci s'était engagé à ce qu'il y ait accès.

Cependant, les deux salariés ne font que rapporter les paroles de M. [T], les attestations n'étant pas suffisamment circonstanciées quant à la promesse de cette formation.

Dès lors, le salarié ne démontre pas que son employeur lui avait promis une formation précise et s'est ensuite rétracté.

S'agissant du troisième grief, l'article 5 du contrat de travail, intitulé «'Lieu de travail'», prévoit, outre l'affectation au sein de l'établissement de Corenc, que le salarié «'s'engage à travailler sur les différents établissements actuels et futurs de l'entreprise de la région Rhône-Alpes au fur et à mesure des affectations qui lui seront données, sous réserve du respect d'un délai de prévenance d'une semaine. Cet engagement de mobilité est un élément essentiel au présent contrat.'».

Il ressort d'un courrier en date du 9 juin 2017 que la SAS Restalliance a informé le salarié de son changement d'affectation, à compter du 19 juin, pour un établissement à Seyssins.

Par lettre remise en main propre contre décharge le 20 juin 2017, la SAS Restalliance a affecté le salarié à un autre établissement à Vourey à compter du 1er juillet 2017.

Bien que les temps de trajet se sont allongés, le dernier établissement étant situé à plus de 30'km de l'établissement d'affectation initial de Corenc, le salarié ne démontre pas en quoi les deux changements d'affectation survenus au mois de juin 2017 sont abusifs et ne respectent pas l'article 5 de son contrat de travail, le seul moyen invoqué étant que la société ne justifie pas de ce changement d'affectation.

De plus, le salarié ne démontre pas avoir alerté ses supérieurs d'une dégradation de ses conditions de travail, puisqu'il a uniquement demandé à être affecté un établissement plus proche de Grenoble le 21 septembre 2017.

Par ailleurs, il n'apporte aucun élément permettant d'établir que son arrêt de travail en date du'23 octobre 2017 serait en lien avec la dégradation de ses conditions de travail, le salarié versant uniquement l'attestation de paiement des indemnités journalières.

Dès lors, le troisième grief n'est pas établi.

S'agissant du quatrième et dernier grief, le salarié ne produit aucun élément permettant d'établir que ses horaires ont fait l'objet de modifications régulières, se contentant d'affirmer': «'effectuant même des horaires discontinus alors que le salarié avait pourtant toujours travaillé en horaire continu depuis son embauche'».

Ainsi, le quatrième grief n'est pas établi.

Il résulte de l'ensemble des énonciations précédentes que le salarié établit uniquement la réalité du premier grief quant aux sanctions injustifiées.

Cependant, le salarié a déjà été indemnisé au titre de l'annulation de ces sanctions injustifiées et ne démontre pas avoir subi un quelconque préjudice au titre de l'exécution déloyale du contrat en raison des sanctions injustifiées.

En conséquence, par confirmation du jugement entrepris, il convient de débouter le salarié de sa demande de dommages et intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail.

4 ' Sur la demande d'heures supplémentaires':

Il résulte de dispositions de l'article L.3171-4 du code du travail et de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil et à la directive 89/391 CE tel qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne dans un arrêt du 14 mai 2019 (CJUE 14 mai 2019 C 55-18), qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Au cas d'espèce, M. [P] [T] se contente uniquement de produire deux courriers, en date du 6 novembre 2017 et du 12 mars 2018, par lesquels il a sollicité auprès de son employeur le paiement d'heures supplémentaires pour les 1er et 7 septembre 2017.

Outre que le nombre d'heures passe de 16 à 15 entre les deux courriers, le salarié ne produit aucune autre pièce quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies.

Par ailleurs, la cour constate que le salarié a signé les éléments de paie du mois de septembre'2017, produit par l'employeur, sur lequel ne figure pas les heures supplémentaires revendiquées.

Dès lors, le salarié échoue à présenter des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies.

En conséquence, par confirmation du jugement entrepris, il convient de débouter M. [P] [T] de sa demande de rappels de salaire au titre d'heures supplémentaires.

5 ' Sur la demande au titre de la rupture du contrat de travail':

Conformément aux articles L.'1232-1, L.'1232-6, L.'1234-1 et L.'1235-2 du code du travail, l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave doit établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre de licenciement. Il doit également démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis.

Les motifs invoqués par l'employeur doivent être précis, objectifs et vérifiables. Il ressort de l'article L.'1235-1 du code du travail qu'il appartient au juge d'apprécier non seulement le caractère réel du motif du licenciement disciplinaire mais également son caractère sérieux.

La procédure pour licenciement pour faute grave doit être engagée dans un délai restreint après la découverte des faits.

L'employeur, bien qu'informé de l'ensemble des faits reprochés à un salarié, qui choisit de lui notifier une sanction disciplinaire pour certains d'entre eux, a épuisé son pouvoir disciplinaire et ne peut prononcer ultérieurement un licenciement pour les autres faits que postérieurement à leur date.

En l'espèce, il ressort de la lettre de licenciement en date du 16 janvier 2018, qui fixe les limites du litige en application de l'article L.'1232-6 du code du travail, que la SAS Restalliance reproche à M. [P] [T] son absence injustifiée les vendredi 24 novembre, samedi'25'novembre et dimanche 26 novembre 2017.

Il ressort des circonstances de l'espèce que la SAS Restalliance a notifié à M. [T] une mise à pied disciplinaire par courrier en date du 30 novembre 2017.

Or, l'employeur avait nécessairement connaissance le 30 novembre 2017 des absences injustifiées reprochées au salarié du 24 au 26 novembre 2017 et ne peut se contenter d'affirmer qu'il n'a eu connaissance de l'absence de justification à ces absences qu'après l'envoi des lettres de mise en demeure les 7 et 14 décembre 2017.

Dès lors que la SAS Restalliance avait connaissance des faits fautifs, elle a épuisé son pouvoir disciplinaire en notifiant, le 30 novembre 2017, la mise à pied disciplinaire et elle ne pouvait donc pas licencier le salarié pour des faits antérieurs.

En conséquence, le licenciement prononcé le 16 janvier 2018 est sans cause réelle et sérieuse.

6 ' Sur les prétentions afférentes à la rupture du contrat de travail':

Par confirmation du jugement entrepris, il convient de condamner la SAS Restalliance à payer à M. [T] les sommes suivantes':

- 1'030,97'euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 358,60'euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.

Par réformation du jugement quant au quantum, la SAS Restalliance est condamnée à payer à M. [T] les sommes suivantes':

- 3'586'euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 5'500'euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié ne justifiant pas suffisamment du quantum et le montant octroyé par le conseil de prud'hommes dépassant le barème prévu par l'article L.'1235-2 du code du travail.

Finalement, il y a lieu de condamner la SAS Restalliance à payer à M. [T] la somme de'162,61'euros au titre de rappel de salaire des absences déduites sur le bulletin de salaire du mois de novembre 2017, outre 16,26 euros de congés payés afférents.

7 ' Sur les demandes accessoires':

La SAS Restalliance, partie perdante à l'instance au sens des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, doit être tenue d'en supporter les entiers dépens.

Il serait par ailleurs inéquitable, au regard des circonstances de l'espèce comme des situations économiques des parties, de laisser à la charge de M. [T] l'intégralité des sommes qu'il a été contraint d'exposer en justice pour la défense de ses intérêts, de sorte qu'il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SAS Restalliance à lui payer la somme de 1'200'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et, y ajoutant, de la condamner à lui verser la somme de 1'500'euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS':

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, dans les limites de l'appel et après en avoir délibéré conformément à la loi';

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a':

- Déclaré recevable la demande du salarié d'annulation des sanctions du 6 octobre et du 30 novembre 2017,

- Annulé les sanctions notifiées le 6 octobre et le 30 novembre 2017,

- Condamné la SAS Restalliance à payer à M. [T] les sommes suivantes':

- 358,60'euros au titre des congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis,

- 1'030,97'euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 1'200'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Débouté le salarié de ses demandes au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail et des heures supplémentaires,

- Débouté la SAS Restalliance de sa demande reconventionnelle,

- Condamné la SAS Restalliance aux dépens';

L'INFIRME pour le surplus';

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE la SAS Restalliance à payer à M. [P] [T] les sommes suivantes':

- 298,97'euros (deux cent quatre-vingt dix-huit euros et quatre-vingt dix-sept centimes) bruts au titre de la mise à pied disciplinaire injustifiée du 30 novembre 2017,

- 29,89'euros (vingt neuf euros et quatre-vingt neuf centimes) bruts de congés payés afférents,

- 500'euros (cinq cents euros) à titre des dommages et intérêts pour annulation des sanctions injustifiées,

- 3'586'euros (trois mille cinq cent quatre-vingt six euros) bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 5'500'euros (cinq mille cinq cents euros) bruts à titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 162,61'euros (cent soixante-deux euros et soixante-et-un centimes) bruts au titre de rappel de salaire pour absences retenues le mois de novembre 2017,

- 16,26'euros (seize euros et vingt-six centimes) bruts de congés payés afférents,

DÉBOUTE la SAS Restalliance de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

CONDAMNE la SAS Restalliance à payer à M. [P] [T] la somme de 1'500'euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

CONDAMNE la SAS Restalliance aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Mme Blandine FRESSARD, Présidente et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section b
Numéro d'arrêt : 20/03015
Date de la décision : 07/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-07;20.03015 ?
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