La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/06/2022 | FRANCE | N°19/01280

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section b, 30 juin 2022, 19/01280


C9



N° RG 19/01280



N° Portalis DBVM-V-B7D-J55D



N° Minute :













































































Copie exécutoire délivrée le :





la SCP JANOT & ASSOCIES



la SELARL GIBERT-COLPIN





AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


<

br>COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 30 JUIN 2022





Appel d'une décision (N° RG 16/00880)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 07 mars 2019

suivant déclaration d'appel du 19 mars 2019





APPELANT :



Monsieur [W] [J]

né le 03 mai 1986 à SAINT ETIENNE (42000)

de nationalité Française

262 chemin...

C9

N° RG 19/01280

N° Portalis DBVM-V-B7D-J55D

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SCP JANOT & ASSOCIES

la SELARL GIBERT-COLPIN

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 30 JUIN 2022

Appel d'une décision (N° RG 16/00880)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 07 mars 2019

suivant déclaration d'appel du 19 mars 2019

APPELANT :

Monsieur [W] [J]

né le 03 mai 1986 à SAINT ETIENNE (42000)

de nationalité Française

262 chemin du Morel

38430 SAINT JEAN DE MOIRANS

représenté par Me Pierre JANOT de la SCP JANOT & ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMEES :

Etablissement public à caractère scientifique, technique et industriel COMMISSARIAT A L'ENERGIE ATOMIQUE ET AUX ENERGIES ALTERNATIVES (CEA), prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

25 rue Leblanc - Immeuble le Ponant D

75015 PARIS

représentée par Me Sylvie GIBERT de la SELARL GIBERT-COLPIN, avocat postulant au barreau de GRENOBLE,

et par Me Laure DREYFUS, avocat plaidant au barreau de PARIS

Etablissement public administratif CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS), prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

2 rue des Cannoniers

59054 LILLE CEDEX

défaillante

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Blandine FRESSARD, Présidente,

M. Frédéric BLANC, Conseiller,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

Assistés lors des débats de M. Fabien OEUVRAY, Greffier,

DÉBATS :

A l'audience publique du 11mai 2022,

Monsieur BLANC, Conseiller, chargé du rapport,

Les avocats ont été entendus en leurs observations.

Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.

EXPOSE DU LITIGE :

Le Commissariat à l'Energie Atomique et Aux Energies Alternatives (CEA) est un établissement public à caractère scientifique, technique et industriel.

M. [W] [J] a été embauché par le C.E.A sur Grenoble, par contrat à durée déterminée de formation post-doctorale en qualité d'ingénieur chercheur du 12 novembre 2013 au 11 novembre 2014, puis ledit contrat a été prolongé du 12 novembre 2014 au 11 novembre 2015.

Les recherches de M. [J] ont porté sur l'étude de la technologie Na-ion, projet collaboratif entre le C.E.A et le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS).

Puis, M. [J] a été embauché par le CNRS, par contrat à durée déterminée du 16 novembre 2015 au 15 novembre 2016, en qualité de chercheur pour des travaux portant sur la thématique stratégique Na-ion. Pour ce contrat, il a été affecté sur le site du C.E.A.

Le 17 juin 2016, le conseil de M. [J] a écrit au CEA évoquant le fait que ce dernier serait resté, depuis le 12 novembre 2013 et nonobstant son contrat de travail conclu avec le CNRS, « employé placé sous la direction du CEA-LITEN » et en demandant au CEA de « régulariser sa situation ».

Le 12 juillet 2017, M. [W] [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble afin de faire reconnaitre l'existence d'un lien de subordination avec le CEA, solliciter son intégration au sein du CEA-LITEN en qualité d'ingénieur catégorie B et une condamnation du CEA-LITEN de 10 000 € au titre de l'exécution déloyale de son contrat de travail.

Suivant jugement en date du 7 mars 2019, le conseil de prud'hommes de Grenoble a :

DÉBOUTE M. [W] [J] de l'ensemble de ses demandes,

DIT que chaque partie conservera à sa charge ses propres dépens

La décision rendue a été notifiée par lettres recommandées avec accusés de réception signés le 8 mars 2019 par M. [W] [J] et le CEA et le 13 mars 2019 par le CNRS.

Appel de la décision a été interjeté par'M. [W] [J] par déclaration de son conseil au greffe de la présente juridiction le 19 mars 2019.

Par arrêt avant dire droit en date du 09 septembre 2021, la cour d'appel de Grenoble a :

- ordonné le rabat de l'ordonnance de clôture et la réouverture des débats

- invité M. [W] [J] à faire signifier à l'EPST CNRS sa déclaration d'appel dans le mois du prononcé du présent arrêt à peine de caducité dans les conditions de l'article 902 du code de procédure civile

- invité les parties à fournir leurs explications :

- sur l'indivisibilité de tout ou partie du litige à l'égard du CEA et du CNRS

- sur l'éventuelle incompétence des juridictions de l'ordre judiciaire pour connaître de tout ou partie des prétentions de Monsieur [W] [J], qui devra par ailleurs préciser le fondement juridique exacte de son action (co-emploi et/ou prêt de main d''uvre par un établissement public administratif à un établissement public industriel et commercial/fictivité du contrat régularisé avec le CNRS)

- renvoyé l'affaire à la mise en état

- réservé l'ensemble des prétentions au principal et les dépens.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 21 janvier 2022, M. [W] [J] sollicite de la cour de':

INFIRMER le jugement du Conseil de Prud'hommes de Grenoble du 7 mars 2019 en toutes ces dispositions,

En conséquence,

DIRE et JUGER que M. [J] est resté sous un lien de subordination avec le CEA du 12 novembre 2013 au 15 novembre 2016 ;

DIRE et JUGER que l'embauche de M. [J] au sein du CNRS ne correspondait pas à la réalité des fonctions exercées ;

En conséquence :

REQUALIFIER la période du 12 novembre 2013 au 15 novembre 2016 en période de salariat pour le compte du CEA

En conséquence :

REQUALIFER la période du 12 novembre 2013 au 15 novembre 2016 en CDI pour le compte du CEA

En conséquence :

CONDAMNER le CEA à verser à M. [J] les sommes suivantes :

- Indemnité de requalification : 3.468,08 €

- Indemnité de préavis : 6.936,16 €

- Congés payés afférents : 693,61 €

- Indemnité légale de licenciement : 2.080,85 €

- Indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse : 20.000 €

- Article 700 du CPC : 2.000 €

CONDAMNER le CEA aux entiers dépens

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 8 mars 2022, l'établissement public à caractère scientifique, technique et industriel CEA (COMMISSARIAT A L'ENERGIE ATOMATIQUE) sollicite de la cour de':

Dire et juger M. [J] mal fondé en son appel,

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [J] de l'ensemble de ses demandes,

Y ajoutant,

Se déclarer incompétente pour connaître des prétentions de M. [J] relatives à la conclusion, l'exécution et le terme du contrat de droit public qu'il a conclu avec le CNRS le 22 octobre 2015, pour la période du 16 novembre 2015 au 15 novembre 2016,

Renvoyer M. [J] à mieux se pourvoir devant le Tribunal administratif de Grenoble concernant ses prétentions afférentes à ce contrat de droit public du 22 octobre 2015,

Dire et juger irrecevables comme prescrites et subsidiairement dénuées de tout fondement la demande de M. [J] tendant à la requalification en contrat à durée indéterminée du contrat à durée déterminée de formation post-doctorale qu'il a conclu le 6 novembre 2013 avec le CEA et ses demandes d'indemnités subséquentes,

En conséquence,

Débouter M. [J] de l'intégralité de ses demandes,

Le condamner aux entiers dépens.

L'établissement public administratif CNRS (CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE) auquel la déclaration d'appel a été signifiée par acte du 5 octobre 2021, à une personne s'étant déclarée habilitée à recevoir l'acte, n'a pas constitué avocat.

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article 455 du code de procédure civile de se reporter à leurs écritures susvisées.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 avril 2022.

EXPOSE DES MOTIFS :

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande de requalification du contrat à durée déterminée de formation post-doctorale du 12 novembre 2013 au 11 novembre 2015 :

Selon l'article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017, toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

Il résulte de la combinaison des articles L 1242-3 dans sa version antérieure à la loi n°2020-1674 du 24 décembre 2020 et D 1242-3 2° du même code que l'obligation pour l'employeur d'assurer un complément de formation, dans le cadre du contrat à durée déterminée destiné aux anciens élèves d'un établissement d'enseignement effectuant un stage d'application, constitue une des conditions d'existence dudit contrat. L'exécution de l'obligation pour l'employeur d'assurer de telles actions s'apprécie au terme du contrat, renouvellement inclus.

Le point de départ du délai de prescription de l'action par laquelle un salarié sollicite la requalification d'un contrat à durée déterminée destiné aux anciens élèves d'un établissement d'enseignement en un contrat à durée indéterminée fondée sur le non-respect par l'employeur de ses obligations en matière de formation professionnelle court à compter du terme de chacun des contrats concernés.

Au cas d'espèce, le contrat à durée déterminée concernant les anciens élèves d'un établissement d'enseignement effectuant un stage d'application conclu entre le CEA et M. [J] le 6 novembre 2013 s'est achevé le 11 novembre 2015, renouvellement inclus.

Le délai de prescription a dès lors couru à partir de cette date.

M. [J] a saisi la juridiction prud'homale le 12 juillet 2017 et sollicité la requalification du contrat à durée déterminée selon des conclusions reçues le 19 juillet 2017, soit avant l'expiration du délai de prescription de deux années.

Il s'ensuit qu'il convient de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée pour la première fois en cause d'appel par l'établissement public CEA.

Sur la demande de requalification du contrat à durée déterminée concernant les anciens élèves d'un établissement d'enseignement effectuant un stage d'application :

Le CEA ne rapporte pas la preuve qui lui incombe qu'il a effectivement dispensé à M. [J], en application des articles L 1242-3 et D 1242-3 du code du travail dans leur version alors applicable, la formation complémentaire, qui est une des conditions de recours au contrat à durée déterminée.

En effet, le contrat de travail du 6 novembre 2013 ne fait pas mention de cette formation complémentaire. Il est uniquement fait référence au fait que M. [J] est embauché en qualité d'ingénieur de recherches avec, pour objet d'études, le système Na-ion.

Son dossier de candidature signé par les différentes parties, les 19, 23 et 29 septembre 2013, fait certes mention de Mme [X] [C] en qualité de responsable chargée du suivi du candidat dans le laboratoire, et non d'ailleurs de formatrice, et M. [J] développe, certes, comme motivation à sa candidature la possibilité qui lui est offerte de connaître d'une technologie sur laquelle il n'avait encore jamais travaillé et celle de pouvoir développer des compétences rédactionnelles, communicatives et managériales.

Pour autant, les autres documents de travail versés aux débats par le CEA ne permettent aucunement de démontrer que, dans les faits, Mme [X] [C] a fait effectivement bénéficier à M. [J] d'un complément de formation.

Elle est tout au plus mentionnée comme encadrante et présente à divers évènements, mais ses interventions et ses actions demeurent ignorées.

Il résulte ainsi de la «'proposition du plan de travail'» qu' «'il a été confié à M. [J] le pilotage de l'emsenble des post-doctorants qui participent à ce projet (organisation et compte-rendu des réunions, gestion du planning et des différentes tâches du projet...)'» sans qu'il ne soit évoqué une assistance de Mme [C] pour le guider et le conseiller dans cette mission de coordination.

Le rapport d'activité post-doctorale sur «'le développement et prototypage de batteries sodium-ion'» est rédigé par M. [J]. Mme [C] est mentionnée comme encadrante post-doc mais aucun élément complémentaire ne vient établir que, dans les faits, elle a, au préalable relu le travail de M. [J], proposé d'éventuelles corrections et dispensé un quelconque conseil ; autant de tâches incombant à une formatrice.

Les invitations à des journées de revue post-docs ne permettent pas davantage de conclure que M. [J] a bénéficié, de la part de Mme [C], d'un complément de formation.

Tout au plus, il est noté que M. [J] et Mme [C] sont deux invités, sans que le rôle concret de cette dernière ne soit explicité.

Plus particulièrement, le document de présentation sur le prototypage de batteries Na-ion pour la journée du 12 décembre 2014, produit en pièce n°19, mentionne comme auteur M. [J] sans qu'il ne soit prouvé que Mme [C] a pu l'accompagner dans la préparation de ce document.

En conséquence, infirmant le jugement entrepris, il convient de requalifier le contrat à durée déterminée du 12 novembre 2013 au 11 novembre 2015 en contrat à durée indéterminée de droit commun et d' allouer à M. [J] une indemnité de requalification de 3 468,08 euros nets.

Sur l'incompétence de la juridiction judiciaire pour statuer sur la demande de M. [J] tendant à voir dire que son embauche par le CNRS ne correspondait pas à la réalité des fonctions exercées:

Il résulte de la loi des 16-24 août 1790 que sauf dispositions législatives contraires, les personnels non statutaires travaillant pour le compte d'un service public à caractère administratif géré par une personne publique sont des agents contractuels de droit public, quel que soit leur emploi de sorte que le litige opposant un agent non statutaire à un établissement administratif relève de la compétence de la juridiction administrative.

L'article 49 du code de procédure civile dans sa version en vigueur depuis le 01 avril 2015 énonce que:

Toute juridiction saisie d'une demande de sa compétence connaît, même s'ils exigent l'interprétation d'un contrat, de tous les moyens de défense à l'exception de ceux qui soulèvent une question relevant de la compétence exclusive d'une autre juridiction.

Lorsque la solution d'un litige dépend d'une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction administrative, la juridiction judiciaire initialement saisie la transmet à la juridiction administrative compétente en application du titre Ier du livre III du code de justice administrative. Elle sursoit à statuer jusqu'à la décision sur la question préjudicielle.

En l'espèce, M. [J], sous couvert de voir juger l'existence d'un lien de subordination juridique entre lui et l'établissement CEA pour la période du 16 novembre 2015 au 15 novembre 2016, entend, en réalité, explicitement contester au préalable la réalité de son emploi en qualité d'agent contractuel par l'établissement public administratif CNRS pour cette période puisqu'il demande, dans le dispositif de ses conclusions, à voir dire que son embauche au sein du CNRS ne correspondait pas à la réalité des fonctions exercées et soutient, en substance, dans les moyens qu'il développe, que son emploi au sein du CNRS était fictif, visait uniquement à contourner une absence de financement immédiat pour son intégration au sein du CEA et qu'il a, en réalité, continué à travailler dans les mêmes conditions pour cet employeur à l'expiration de son contrat à durée déterminée de formation post-doctorale dont il sollicite et obtient, par ailleurs, la requalification en contrat à durée indéterminée de droit commun.

Il s'ensuit que la demande de M. [J] de voir reconnaître un lien de subordination juridique à l'égard du CEA sur la période sus-visée ne peut être appréhendée de manière autonome mais suppose, au préalable, que soit reconnu le caractère fictif de son emploi au sein du CNRS et/ ou une mise à disposition illicite, par un établissement public administratif, d'un agent contractuel auprès d'un employeur de droit privé dans l'optique d'éluder les règles du droit du travail ; autant de demandes dont seule la juridiction administrative peut connaître.

Or, M. [J] apporte des éléments mettant en évidence une question sérieuse relevant de la juridiction administrative ayant trait à la possible fictivité de son emploi au sein du CNRS au bénéfice du CEA en ce qu'il produit :

- le contrat d'agent contractuel de droit public qu'il a conclu, le 22 octobre 2015, avec l'établissement public administratif CNRS prévoyant son embauche en qualité de chercheur pour des travaux portant sur la thématique stratégique Na-ion, sous l'autorité hiérarchique de M. [P] [Z]

- l'avenant n°1 prévoyant son affectation au CEA LITEN 17 rue des Martyrs 38054 Grenoble Cedex

- un courrier de M. [P] [Z] du 20 octobre 2015 avec pour objet «'contrat CDD chercheur [L] [J]'» à la gestionnaire du personnel du CNRS, Mme [D] aux termes duquel il est sollicité le recrutement de M. [J] pour un période de 12 mois aux fins d'assurer la continuité des recherches sur le projet stratégique Na-ion avec, comme précision, qu'il est «'amené à travailler au CEA LITEN sous l'autorité hiérarchique de [P] [Z] et de [M] [U]'», celle-ci étant salariée du CEA en qualité de directrice CEA LITEN

- des courriels internes de Mme [E], salariée CEA, sollicitant M. [J] pour l'accomplissement de diverses tâches

- un compte-rendu de réunion sur le projet Na-ion du 27 août 2015 selon lequel Mme [M] [U], directrice de l'institut LITEN/CEA a indiqué : «'discussion du financement de YC qui a fait part de son intérêt pour intégrer le projet de start-up si celui-ci est financé. Ne peut pas rentrer dans l'emploi avant 2016. JMT valide que le CNRS pourra prendre en charge son financement sur la fin de 2015 en attendant. Action FL : faire le point avec [K] [Y] (responsable RH LITEN) pour que puisse prendre le dossier en main avec le CNRS.'»

- un courriel du 29 septembre 2015 de M. [J], notamment à Mme [U], M. [Z] et à Mme [Y], évoquant le projet de contrat avec le CNRS qui permettrait de prolonger son activité Na-ion au LITEN

- un courriel de M. [B], professeur à l'université de Toulouse à M. [J] du 30 septembre 2015, sollicitant de ce dernier son CV et précisant, que «'ton contrat finit le 13/11 ; je verrai avec [M] [U] le nombre de mois qu'il faudra'» ; ce qui peut s'analyser comme un besoin de personnel non pas pour le CNRS mais le CEA

- l'attestation de M. [I] [B] ingénieur chercheur, qui déclare :

«'j'ai participé avec M. [J] (alors salarié CEA) Mme [U] (directrice du CEA-LITEN), M. [Z] (prof. Au collège de France), M. [B] (prof. à l'université Paul Sabatier de Toulouse) à une réunion (Paris gare de Lyon le vendredi 3 juillet 2015 au matin) au cours de laquelle Mme [U] et M. [Z] se sont mis d'accord, étant donné que le contrat CEA de M. [J] se terminait en novembre 2015, pour proposer à M. [J] un contrat à durée déterminée pris en charge par le CNRS avec une affectation au CEA-LITEN à Grenoble afin d'assurer une continuité de la coordination du projet Na-ion. En effet, il a été décidé lors de cette réunion d'amorcer un projet de valorisation via la création éventuelle d'une entrerprise («'start-up'») où M. [J] aurait eu un rôle à jouer. De ce fait, une proposition d'embauche en CDI au CEA a été fait(e) à M. [J], le contrat CNRS étant prévu pour quelques mois afin de faire la liaison avec l'embauche en CDI. Enfin, lors de cette réunion, Mme [U] a affirmé que, de toutes façons, start-up ou pas, M. [J] était un bon élément qui méritait un recrutement en CDI. Quelques mois plus tard (Grenoble, octobre 2015), lors d'un repas d'affaires au restaurant «'le Lyonnais'» avec M. [J], M. [Z] et moi-même, Mme [U] a ré-expliqué, son projet de faire de M. [J] un élément clé du projet de valorisation de la technologie Na-ion'».

Au visa des articles R 312-1 et R 312-2 du code de justice administrative, il convient en conséquence non pas, comme le sollicite le CEA, de renvoyer M. [J] à mieux se pourvoir en application de l'article 96 du code de procédure civile, mais de poser une question préjudicielle au tribunal administratif de Lille, territorialement compétent, afin que cette juridiction se prononce sur le fait de savoir si l'embauche de M. [J] au sein du CNRS ne correspondait pas à la réalité des fonctions exercées, et plus précisément si l'emploi d'agent contractuel de M. [J] par le CNRS sur la période du 16 novembre 2015 au 15 novembre 2016, selon contrat administratif n°560523 du 22 octobre 2015, était ou non fictif et/ou a donné lieu à une mise à disposition illicite au bénéfice du CEA, aux fins de contourner les règles d'ordre public afférentes à un contrat de travail avec le CEA.

Il y a lieu de sursoir à statuer jusqu'à une décision administrative définitive sur la demande tendant à voir dire que M. [J] est resté sous un lien de subordination avec le CEA du 12 novembre 2013 au 15 novembre 2015 et sur celle afférente à l'existence d'un contrat de travail de droit commun avec le CEA, à tout le moins sur la période du 16 novembre 2015 au 15 novembre 2016.

Le sursis à statuer s'applique également aux prétentions de M. [J] relatives à la rupture du contrat de travail dès lors que, nonobstant la requalification du contrat à durée déterminée initial en contrat à durée indéterminée de droit commun, l'éventuelle poursuite de la relation de travail alléguée par l'appelant après le 11 novembre 2015 avec l'établissement CEA, dans le cadre d'un contrat de travail, a une incidence directe sur le montant desdites indemnités.

Les demandes accessoires sont également réservées dans le cadre du sursis à statuer.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

INFIRME le jugement entrepris,

STATUANT à nouveau,

ORDONNE la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée de droit commun sur la période du 12 novembre 2013 au 11 novembre 2015

CONDAMNE l'établissement CEA à payer à M. [W] [J] une indemnité de requalification de trois mille quatre cent soixante-huit euros et huit centimes (3 468,08 euros) nets

ORDONNE la transmission au tribunal administratif de Lille d'une question préjudicielle dont dépend la solution du litige, afin que cette juridiction se prononce sur le fait de savoir si l'embauche de M. [J] au sein du CNRS ne correspondait pas à la réalité des fonctions exercées, et plus précisément si l'emploi d'agent contractuel de M. [J] par le CNRS sur la période du 16 novembre 2015 au 15 novembre 2016, selon contrat administratif n°560523 du 22 octobre 2015, était ou non fictif et/ou a donné lieu à une mise à disposition illicite au profit de l'établissement CEA

ORDONNE la transmission de la présente décision par le greffe au tribunal administratif de Lille afin qu'il soit procédé à l'instruction de la question préjudicielle par le juge administratif, conformément à l'article R 771-2-1 du code de la justice administrative

ORDONNE le sursis à statuer sur le surplus des prétentions au principal et accessoires jusqu'à ce qu'intervienne une décision définitive du juge administratif

DIT que l'instance est suspendue jusqu'à ce terme et qu'elle reprendra à cette échéance à la demande de la partie la plus diligente et, en cas de carence, sur initiative du conseiller de la mise en état invitant les parties à conclure à nouveau

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Mme Blandine FRESSARD, Présidente et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section b
Numéro d'arrêt : 19/01280
Date de la décision : 30/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-30;19.01280 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award