C1
N° RG 20/01258
N° Portalis DBVM-V-B7E-KMZO
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC
Me Mathilde BRUNEL
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
Ch. Sociale -Section A
ARRÊT DU MARDI 21 JUIN 2022
Appel d'une décision (N° RG F 19/00161)
rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCE CEDEX
en date du 16 janvier 2020
suivant déclaration d'appel du 13 Mars 2020
APPELANT :
Monsieur [R] [P] exerçant sous l'enseigne DCR ENGINEERING,
né le 20 Octobre 1966 à MONTBELIARD (25)
de nationalité Française
10, Route de Rochefort
26730 HOSTUN
représenté par Me Josette DAUPHIN de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat postulant inscrit au barreau de GRENOBLE,
et par Me Malory CADEAU-BELLIARD de la SCP CABINET RIONDET, avocat plaidant inscrit au barreau de GRENOBLE,
INTIMEE :
Madame [K] [S]
née le 23 Mai 1987 à BOURG DE PEAGE
de nationalité Française
1905, Route de la Muronière
38160 MONTAGNE
représentée par Me Mathilde BRUNEL, avocat au barreau de VALENCE,
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,
Madame Gaëlle BARDOSSE, Conseillère,
Madame Magali DURAND-MULIN, Conseillère,
DÉBATS :
A l'audience publique du 04 Avril 2022,
Mme Gaëlle BARDOSSE, Conseillère chargée du rapport, et Mme Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente, ont entendu les parties en leurs conclusions et observations, assistées de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 21 Juin 2022, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L'arrêt a été rendu le 21 Juin 2022.
Exposé du litige :
Mme [S] a été recrutée en qualité de mécanicienne automobile selon contrat à durée indéterminée du 16 juillet 2008, par M. [P] exerçant sous le nom commercial DCR ENGINEERING.
Elle a fait l'objet de plusieurs arrêts de travail successifs à compter du mois d'août 2017.
Le 27 août 2017, lors de sa visite médicale de reprise, le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude avec impossibilité de reclassement.
Mme [S] a été convoquée à l'entretien préalable de licenciement fixée au 08 octobre 2018 auquel elle ne s'est pas présentée.
Une contestation existe sur la notification et réception de la lettre de licenciement.
Par mail du 20 novembre 2018, l'employeur lui a adressé les documents de fins de contrat et la lettre du 17 octobre 2018.
Mme [S] saisi le conseil des prud'hommes de Valence par requête du 10 mai 2019 aux fins de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur et obtenir les indemnités afférentes.
Par jugement réputé contradictoire en date du 16 janvier 2020, le Conseil de prud'hommes de Valence a :
Prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [S],
Dit qu'elle produirait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamné M. [P] à lui verser les sommes suivantes :
- 24 149 € bruts au titre de l'arriéré de salaire du 1er octobre 2018 au 16 janvier 2020,
- 2 414,90 € bruts au titre des congés payés y afférents,
- 6 881,17 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,
- 3 116 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 311,60 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis afférente,
- 20 254 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 10 000 € à titre de dommages et intérêts en raison de l'exécution déloyale du contrat de travail et au titre du préjudice moral,
- 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Ordonné la remise des bulletins de salaire des mois d'octobre 2018 jusqu'au jour de la résiliation judiciaire du contrat de travail, soit le 16 janvier 2020, ainsi que les documents de fin de contrat et sous astreinte,
Assorti les sommes des intérêts légaux de retard,
Ordonné l'exécution provisoire,
Condamné M. [P] aux dépens.
M. [P] a fait appel de ce jugement le 13 mars 2020.
Par ordonnance juridictionnelle du 1er juin 2021, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de Mme [S] de voir constater que M. [P] exerçant sous le nom commercial DCR ENGINEERING appelant, ne justifiait pas d'avoir exécuté le jugement du Conseil de prud'hommes de Valence du 16 janvier 2020.
Par conclusions signifiées le 10 février 2021, M. [P], exerçant sous l'enseigne DCR ENGINEERING demande à la cour d'appel de :
Infirmer en toute ses dispositions le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Valence le 16 janvier 2020,
Et statuant à nouveau :
Dire et juger que Mme [S] a bien été licenciée pour inaptitude par courrier en date du 17 octobre 2018,
Dire et juger que l'employeur, M. [P], en qualité d'entrepreneur individuel exploitant un garage sous le nom commercial DCR ENGINEERING, a été dispensé de procéder à une recherche de reclassement de la salariée,
Dire et juger, en conséquence, que ce licenciement est parfaitement fondé,
Dire et juger, que compte tenu du licenciement intervenu en date du 17 octobre 2018, l'employeur, M. [P], en qualité d'entrepreneur individuel exploitant un garage sous le nom commercial DCR ENGINEERING, n'était pas tenu de procéder au règlement des salaires au-delà de cette date,
Dire et juger qu'aucun manquement grave ne peut donc être reproché à l'employeur, M. [P], en qualité d'entrepreneur individuel exploitant un garage sous le nom commercial DCR ENGINEERING,
Rejeter, en conséquence, l'intégralité des demandes de Madame [K] [S],
Condamner Mme [S] au versement d'une somme de 2 000 € au titre des frais irrépétibles exposés ainsi qu'aux entiers dépens.
A titre subsidiaire :
Réformer le jugement en ce qu'il a condamné M. [P], en qualité d'entrepreneur individuel exploitant un garage sous le nom commercial DCR ENGINEERING, à verser à Mme [S] les sommes suivantes :
- 20 254,00 € à titre de dommages intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse
- 10 000 € à titre de dommages intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
Et statuant à nouveau :
Dire et juger que le montant des dommages intérêts accordé pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse doit être fixé en tenant compte du préjudice réellement subi par la salariée qui doit produire des éléments justifiant de la réalité du préjudice subi,
Dire et juger que l'absence de comparution de l'employeur ne peut pas justifier l'octroi de 13 mois de salaire à la salariée,
Constater que M. [P], en qualité d'entrepreneur individuel exploitant un garage sous le nom commercial DCR ENGINEERING, emploie moins de 11 salariés,
Ramener à de plus justes proportions le montant des dommages intérêts, étant précisé que la Cour ne pourra condamner l'employeur à verser des dommages intérêts que si elle dispose d'élément justifiant de la réalité du préjudice subi,
Dire et juger qu'aucune déloyauté ne peut être retenue à l'encontre de M. [P], en qualité d'entrepreneur individuel exploitant un garage sous le nom commercial DCR ENGINEERING,
Rejeter, en conséquence, la demande de dommages intérêts formulée à ce titre,
Débouter Mme [S] de son appel incident,
Par conclusions du 10 novembre 2020 Mme [S] demande à la cour d'appel de :
Confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de VALENCE en date du 16 janvier 2020, en ce qu'il a :
Constaté que son employeur ne lui a pas notifié par lettre recommandée avec accusé de réception son licenciement pour inaptitude dans le délai d'un mois à compter de l'avis d'inaptitude
Constaté que l'employeur n'a pas procédé à la reprise du règlement des salaires dans le délai d'un mois suivant l'avis d'inaptitude,
Constaté que l'employeur a gravement manqué à ses obligations,
Prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur,
Dit et jugé que la résiliation judiciaire produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
Condamner M. [P] exerçant sous l'enseigne commerciale DCR ENGINEERING à lui verser les sommes suivantes :
- 24 149 € bruts au titre de l'arriéré de salaire du 1 er octobre 2018 au 16 janvier 2020 et 2 414,90 € bruts au titre des congés payés y afférents
- 3 116 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 311,60 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis y afférents
- 20 254 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 10 000 € à titre de dommages et intérêts en raison de l'exécution déloyale du contrat de travail et au titre du préjudice moral
- 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
Ordonner la remise des bulletins de salaire du mois d'octobre 2018 au jour de la résiliation du contrat de travail ainsi que les documents de fin de contrat (attestation Pôle emploi, solde de tout compte et certificat de travail) sous astreinte de 100 euros par document et jour de retard et ce à compter du jugement à intervenir.
Assortir les condamnations des intérêts légaux
Ordonner l'exécution provisoire
Réformer le jugement de première instance sur le montant de l'indemnité de licenciement
Statuant à nouveau
Condamner M. [P] exerçant sous l'enseigne commerciale DCR ENGINEERING à verser à Mme [S] les sommes suivantes : 7 184,11€ au titre de l'indemnité légale de licenciement
En tout état de cause
Débouter M. [P] de toutes ses demandes, fins et conclusions
Condamner M. [P] exerçant sous l'enseigne commerciale DCR ENGINEERING à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en sus de l'indemnité allouée en première instance
Condamner M. [P] exerçant sous l'enseigne commerciale DCR ENGINEERING aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 08 mars 2022.
Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article 455 du code de procédure civile de se reporter à leurs écritures susvisées.
SUR QUOI :
Sur la demande au titre de la reprise des salaires :
Moyens des parties :
Madame [S] expose qu'elle a été déclarée inapte par le médecin du travail le 27 août 2018 et qu'elle a été convoquée à un entretien préalable en vue de son licenciement pour inaptitude, fixé au 12 octobre 2018, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 4 octobre 2018. Elle soutient qu'elle n'a jamais reçu la lettre de licenciement et l'envoi le 6 décembre 2018 par email de la lettre de licenciement qui lui aurait été adressée au mois d'octobre 2018 ne saurait valoir notification du licenciement pour inaptitude. En l'absence de notification du licenciement dans le délai d'un mois de l'avis d'inaptitude, elle est bien fondée à solliciter le règlement de son salaire et ce à compter du 28 septembre 2018 n'ayant pas perçu son salaire pour la période du 28 septembre 2018 au 30 septembre 2018.
M. [P] exerçant sous l'enseigne commerciale DCR ENGINEERING expose que par courrier en date du 17 octobre 2018, il a informé la salariée de la décision de la licencier pour inaptitude et n'être en conséquence pas redevable des salaires.
Sur ce,
L'article L.1232-2 du code du travail dispose que « l'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable ».
L'article L. 1232-6 du Code du travail, précise que « Lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception. Cette lettre comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur».
Le licenciement est donc subordonné à la convocation du salarié à un entretien préalable et à la notification par écrit des motifs du licenciement.
Cependant, il est jugé que le non-respect de la formalité de lettre recommandée avec avis de réception n'invalide pas le licenciement. L'envoi de la lettre recommandée avec avis de réception visée à l'article L. 1232-6 du code du travail n'est qu'un moyen légal de prévenir toute contestation sur la date de notification du licenciement et à l'issue de la procédure de licenciement, c'est-à-dire après la convocation du salarié à l'entretien préalable, la notification des motifs du licenciement par mail est envisageable.
Il est de principe que le mail de l'employeur peut caractériser de manière claire et non équivoque sa volonté de mettre un terme définitif au contrat et valoir notification du licenciement en dehors de la procédure légale de licenciement. La preuve de la notification du licenciement peut être apportée par tout moyen.
Il résulte par ailleurs des dispositions de l'article L. 1226-4 du code du travail que « lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail. Ces dispositions s'appliquent également en cas d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise constatée par le médecin du travail. En cas de licenciement, le préavis n'est pas exécuté et le contrat de travail est rompu à la date de notification du licenciement. Le préavis est néanmoins pris en compte pour le calcul de l'indemnité mentionnée à l'article L. 1234-9. Par dérogation à l'article L. 1234-5, l'inexécution du préavis ne donne pas lieu au versement d'une indemnité compensatrice »
Il est de jurisprudence constante que le versement des salaires cesse à la date de présentation de la lettre de licenciement.
En l'espèce, s'agissant de la procédure de licenciement, il est constant que la salariée a été convoquée par lettre recommandée à l'entretien préalable et qu'elle ne s'y est pas présentée.
Concernant la notification de la lettre de licenciement du 17 octobre 2018, M. [P] qui est taisant dans ses écritures sur les formes de sa notification se limite à arguer que la salariée a été licenciée par courrier du 17 octobre 2018 alors même qu'il ne produit aucune pièce démontrant de l'envoi de cette lettre par recommandé.
Il ne produit, pour justifier de cette notification de la lettre de licenciement, que des copies de mails adressés par ses soins à la salariée entre le 05 novembre 2018 et le 06 décembre 2018.
La lecture de ces pièces permet de relever qu'un mail du 05 novembre 2018 est adressé à « [K] », sans mention du détail de l'adresse mail, libellé en ces termes : « Suite à la procédure de licenciement initiée à partir du 26/08/2018 et qui a trouvé son épilogue légal en date du 17/09/2018, suite à la convocation à l'entretien préalable auquel vous ne vous êtes pas présentée, veuillez trouver ci-joint des documents vous concernant et pour suite de la procédure. D 'autres restent à suivre dans les jours prochains et d'ici le 17 novembre ».
M. [P] ne rapporte non seulement pas la preuve qu'il a bien adressé ce mail à la bonne adresse courriel de la salariée ni de la présence d'une pièce jointe ni de la teneur des éventuelles pièces jointes.
Il est constant que Mme [S] lui adresse, le 20 novembre 2018, une lettre (par courrier et par mail) par laquelle elle lui indique ne pas avoir reçu la lettre de licenciement ni son salaire.
L'employeur lui répond par mail du 20 novembre 2018, adressé à deux boites mail distinctes « [K] » et « [K] [S] », qu'il lui confirme que le licenciement est effectif, fait de nouveau état de pièces jointes dont la preuve de l'envoi n'est une nouvelle fois pas démontrée.
Un dernier mail est adressé à Mme [S] le 06 décembre auquel est joint cette fois, comme admis par Mme [S] elle-même, la lettre de licenciement du 17 octobre 2018.
S'agissant de la validité de l'adresse mail de la salariée, le fait conclu par l'employeur selon lequel les échanges avec Mme [S] se faisaient sur sa boite mail habituelle (YPERLINK"mailto:melissagrasso@gmail.com"melissagrasso@gmail.com) n'est étayé par aucune pièce.
Il convient en conséquence de constater que non seulement le corps du mail litigieux du 05 novembre 2018 ne comporte pas les motifs du licenciement mais encore que la preuve de la notification à la bonne adresse mail de la salariée de la lettre de licenciement n'est pas apportée par l'employeur.
Etant rappelé qu'en application des dispositions légales et de la jurisprudence en la matière le non-respect de la formalité de lettre recommandée avec avis de réception n'invalide pas le licenciement, il convient donc de juger que la salariée n'a en réalité été valablement avisée des motifs de son licenciement que par le mail du 06 décembre 2018 et sa pièce jointe.
Il en découle que cette notification est intervenue plus d'un mois après la déclaration d'inaptitude du 27 août 2017 et que dès lors la salariée pouvait prétendre à la reprise du paiement des salaires. M. [P] qui a réglé le salaire de la salariée jusqu'au 30 septembre 2018 reste en conséquence redevable des salaires à compter du 1er octobre 2018 jusqu'à la date de la notification du licenciement soit le 06 décembre par voie de réformation du jugement déféré.
Il convient donc de condamner M. [P] exerçant sous le nom commercial DCR ENGINEERING au paiement à Mme [S] de la somme de 5 453€ outre la somme de 545, 30 € au titre des congés payés afférents.
Sur l'exécution déloyale du contrat de travail :
Mme [S] fait valoir que durant la relation de travail, M. [P] avait un comportement inadapté vis-à-vis d'elle mais encore vis-à-vis des clients et fournisseurs dont elle devait assumer le mécontentement ; elle a été placée en arrêt maladie pour souffrance au travail et épuisement physique et moral réactionnel. Elle expose encore s'être trouvée dans une situation extrêmement précaire en raison du non-paiement des salaires après l'avis d'inaptitude, n'ayant pas reçu les documents de fin de contrat, elle n'a pas pu s'inscrire auprès du Pôle emploi.
M. [P] expose qu'aucune déloyauté ne peut être retenue, la procédure de licenciement étant régulière et que Mme [S] ne justifie pas de son préjudice.
Sur ce,
Aux termes des dispositions de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. L'employeur doit en respecter les dispositions et fournir au salarié le travail prévu et les moyens nécessaires à son exécution en le payant le salaire convenu. Le salarié doit s'abstenir de tout acte contraire à l'intérêt de l'entreprise et de commettre un acte moralement ou pénalement répréhensible à l'égard de l'entreprise. Il lui est notamment interdit d'abuser de ses fonctions pour s'octroyer un avantage particulier.
En l'espèce, il est constant que la salariée a été placée en arrêt maladie pour épuisement psychologique et moral réactionnel le 16 septembre 2017 sans reprise de son emploi jusqu'à la déclaration de son inaptitude.
Concernant les conditions de travail de la salariée et ses relations avec M. [P], Mme [S] ne verse aucune pièce permettant d'étayer le fait conclu d'un comportement inadapté (et notamment injurieux) de son employeur envers elle ou encore du fait qu'elle devait subir le mécontentement des clients et fournisseurs.
En revanche, Mme [S] justifie du fait qu'elle s'est trouvée dans une situation extrêmement précaire, sans ressource pendant plusieurs mois. Elle expose ainsi avoir été radiée de sa mutuelle, son licenciement ayant été déclaré à l'organisme de gestion EOVI. Il n'est en outre pas démenti par l'employeur, qui ne produit pas l'attestation Pôle emploi, que Mme [S] n'a pas pu s'inscrire auprès de Pôle emploi. Mme [S] justifie ne pas avoir eu de ressources pendant plusieurs mois et percevoir à ce jour le RSA.
Au surplus, M. [P] ne justifie pas du versement de l'indemnité de licenciement à la salariée.
La Cour de céans a d'ores et déjà jugé que M. [P] avait été défaillant dans la procédure de licenciement en ne procédant pas dans les délais légaux à la notification du licenciement et en ne reprenant pas le paiement des salaires.
Il est justifié par Mme [S] du fait qu'elle s'est trouvée sans ressource pendant plusieurs mois y compris parce que son employeur n'a pas procédé correctement aux démarches de fin de contrat lui permettant de procéder aux démarches auprès de Pôle emploi.
Il convient donc par voie de confirmation du jugement déférer de juger que M. [P] a manqué à l'obligation d'exécution loyale du contrat de travail et de condamner M. [P] exerçant sous le nom commercial DCR ENGINEERING au paiement de la somme de 10 000 €.
Sur la rupture du contrat de travail :
Moyens des parties :
Mme [S] fait valoir que l'employeur a manqué à ses obligations en ce qu'il ne lui a jamais notifié le licenciement pour inaptitude au terme du délai d'un mois après l'avis d'inaptitude du 27 août 2018 et n'a nullement procédé à la reprise du règlement de son salaire.
Elle s'est retrouvée dans une situation financière particulièrement précaire, se retrouvant sans aucune ressource pendant de nombreux mois alors qu'elle élève seule un enfant âgé de 7 ans et s'est retrouvée en difficulté pour assumer ses charges courantes et quotidiennes et ce en raison des agissements de son employeur et demande par conséquent à la cour d'ordonner la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur en raison des manquements constatés.
M. [P] exerçant sous le nom commercial DCR ENGINEERING fait valoir que la salariée a bien été licenciée pour inaptitude, le licenciement est en conséquence parfaitement fondé. Compte tenu du licenciement intervenu en date du 17 octobre 2018, il n'a pas manqué à ses obligations, n'étant pas tenu de procéder au règlement des salaires au-delà de cette date.
Sur ce,
Sur le fondement de l'article 1184 du code civil, il relève du pouvoir souverain des juges du fond d'apprécier si l'inexécution de certaines des dispositions résultant d'un contrat synallagmatique présentent une gravité suffisante pour en justifier la résiliation. La résiliation judiciaire du contrat de travail prend effet au jour où le juge la prononce, dès lors qu'à cette date le salarié est toujours au service de son employeur. Dans l'hypothèse où la résiliation judiciaire est justifiée, celle-ci produit alors les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse.
Il est de principe, que lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement, le juge doit, s'il estime que la demande est justifiée, fixer la date de la rupture à la date d'envoi de la lettre de licenciement.
Le juge judiciaire saisi d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, doit examiner l'ensemble des griefs invoqués au soutien de celle-ci quelle que soit leur ancienneté.
Si la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail engagée par le salarié postérieurement à l'envoi de la lettre de licenciement, date de la rupture du contrat de travail, est nécessairement sans objet, le juge doit toutefois, pour apprécier le bienfondé du licenciement, prendre en considération les griefs qui étaient invoqués par le salarié, dès lors qu'ils sont de nature à avoir une influence sur cette appréciation. Pour les manquements sans incidence, le salarié peut seulement prétendre à l'indemnisation de son préjudice.
En l'espèce, la cour de céans ayant jugé que la salariée avait été valablement licenciée par la notification de la lettre de licenciement le 06 décembre 2018, la demande en résiliation judiciaire formulée devant le Conseil des prud'hommes par requête du 10 mai 2019 est sans objet.
S'agissant du licenciement, il est fondé sur l'inaptitude de la salariée et Mme [S] ne soulève pas le fait que cette inaptitude trouverait sa cause, même partielle, dans le comportement de l'employeur à son encontre.
Il convient en conséquence, par voie d'infirmation de la décision déférée de juger que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse constituée par l'inaptitude de la salariée et de rejeter la demande de dommage et intérêts formulée à ce titre.
M. [P] exerçant sous le nom commercial DCR ENGINEERING, par voie de confirmation est en revanche condamné au paiement de la somme de 7 140, 83 € au titre de l'indemnité légale de licenciement calculée jusqu'à la date de la rupture du contrat de travail le 06 décembre 2018.
En revanche, Mme [S] ayant été licenciée pour inaptitude non professionnelle, elle ne peut dès lors prétendre à l'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés y afférente.
Il convient donc, par voie d'infirmation de la décision déférée, de rejeter la demande formulée à ce titre.
Sur les documents de fin de contrat :
Par voie de réformation de la décision déférée, il convient d'ordonner à M. [P] exerçant sous le nom commercial DCR ENGINEERING de remettre à Mme [S] un bulletin de salaire et une attestation Pôle emploi et les documents de fin de contrat de travail lui permettant notamment d'exercer son droit aux prestations sociales et conformes au présent arrêt dans le mois de la notification ou de l'éventuel acquiescement à la présente décision.
La demande d'astreinte sera rejetée car elle n'est pas utile à l'exécution dans la présente décision.
Sur les demandes accessoires :
Il convient de condamner M. [P] exerçant sous le nom commercial DCR ENGINEERING, partie perdante, aux entiers dépens et à la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,
DECLARE M. [P] exerçant sous le nom commercial DCR ENGINEERING recevable en son appel,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a :
-Condamné M. [P] à payer à Mme [S] les sommes suivantes :
- 10 000 € à titre de dommages et intérêts en raison de l'exécution déloyale du contrat de travail et au titre du préjudice moral,
- 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-Ordonné l'exécution provisoire,
-Condamné M. [P] aux dépens.
L'INFIRME pour le surplus,
STATUANT à nouveau sur les chefs d'infirmation,
DIT qu'en raison du licenciement intervenu le 06 décembre 2018, la demande de résiliation formulée par requête du 10 mai 2019 est devenue sans objet,
DIT que le licenciement de Mme [S] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE M. [P] exerçant sous le nom commercial DCR ENGINEERING à payer à Mme [S] les sommes suivantes :
5 453 € outre la somme de 545, 30 € au titre des congés payés afférents au titre des salaires du 1er octobre 2018 au 06 décembre 2018,
7 140, 83 € au titre de l'indemnité légale de licenciement.
REJETTE la demande de Mme [S] au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés y afférente,
Y ajoutant,
CONDAMNE M. [P] exerçant sous le nom commercial DCR ENGINEERING à payer la somme de 1 500 € à sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens en cause d'appel.
ORDONNE à M. [P] exerçant sous le nom commercial DCR ENGINEERING de remettre à Mme [S] un bulletin de salaire et une attestation Pôle emploi et les documents de fin de contrat de travail lui permettant notamment d'exercer son droit aux prestations sociales et conformes au présent arrêt dans le mois de la notification ou de l'éventuel acquiescement à la présente décision,
REJETTE la demande d'astreinte.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
La Greffière, La Présidente,