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16/06/2022 | FRANCE | N°20/03023

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section b, 16 juin 2022, 20/03023


C9



N° RG 20/03023



N° Portalis DBVM-V-B7E-KR75



N° Minute :













































































Copie exécutoire délivrée le :





Me Jean EISLER



la SELARL CLEMENT-CUZIN LEYRAUD DESCHEEMAKER



la SELARL ACO



AU NOM

DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 16 JUIN 2022





Appel d'une décision (N° RG 19/00811)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 04 septembre 2020

suivant déclaration d'appel du 02 octobre 2020





APPELANT :



Madame [N] [C]

de nationalité Française

25 rue Antoine BARNA...

C9

N° RG 20/03023

N° Portalis DBVM-V-B7E-KR75

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

Me Jean EISLER

la SELARL CLEMENT-CUZIN LEYRAUD DESCHEEMAKER

la SELARL ACO

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 16 JUIN 2022

Appel d'une décision (N° RG 19/00811)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 04 septembre 2020

suivant déclaration d'appel du 02 octobre 2020

APPELANT :

Madame [N] [C]

de nationalité Française

25 rue Antoine BARNAVE

38800 PONT DE CLAIX

représenté par Me Jean EISLER, avocat au barreau de GRENOBLE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle partielle numéro 2020/010442 du 20/11/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de GRENOBLE)

INTIMEES :

S.A.S. PETZL DISTRIBUTION, n° siret : 388 381 642 00015, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

Zone Industrielle

38920 CROLLES

représentée par Me Charlotte DESCHEEMAKER de la SELARL CLEMENT-CUZIN LEYRAUD DESCHEEMAKER, avocat postulant au barreau de GRENOBLE,

et par Me Pierre COMBES de la SELAS CMS FRANCIS LEFEBVRE LYON AVOCATS, avocat plaidant au barreau de LYON substitué par Me Cécilia MOTA, avocat au barreau de LYON

S.A.S. ADECCO FRANCE, n° siret : 998 823 504 31782, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

2 rue Henri Legay

69626 VILLEURBANNE CDEX

représentée par Me Pierre-Luc NISOL de la SELARL ACO, avocat au barreau de VIENNE substitué par Me Emmanuelle CLEMENT, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Blandine FRESSARD, Présidente,

M. Frédéric BLANC, Conseiller,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

Assistés lors des débats de M. Fabien OEUVRAY, Greffier,

DÉBATS :

A l'audience publique du 06 avril 2022,

Monsieur BLANC, Conseiller, chargé du rapport,

Les avocats ont été entendus en leurs observations.

Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.

EXPOSE DU LITIGE :

Mme [N] [C] a été mise à disposition par la société ADECCO France auprès de la société PETZL Distribution à Crolles, en qualité d'opératrice d'assemblage entre le 8 avril 2015 et le 23 décembre 2015, au titre de contrats de missions liés à des surcroîts temporaires d'activité.

Le 13 janvier 2016, Mme [N] [C] a conclu un contrat à durée indéterminée intérimaire avec la société ADECCO France.

Dans le cadre de son contrat, elle a été mise à disposition auprès de :

- la société PETZL Distribution entre le 13 janvier 2016 et le 31 mai 2019, en qualité d 'Opératrice,

- la société HAGER SECURITY du 5 juin 2019 au 12 juillet 2019, en qualité d'Agent de production,

- la SAS ARAYMOND France du 29 juillet 2019 au 30 août 2019, en qualité de Manutentionnaire.

Le 11 septembre 2019, la société ADECCO a rappelé à la salariée ses obligations inhérentes au contrat de travail à durée indéterminée intérimaire et lui a notifié un avertissement.

La société ADECCO a mis en demeure Mme [N] [C], à deux reprises (courrier du 20 septembre 2019 puis du 4 octobre 2019), de bien vouloir justifier de ses absences au sein des entreprises utilisatrices.

Mme [N] [C] a été convoquée, par courrier du 16 octobre 2019, à un entretien préalable à sanction pouvant aller jusqu'au licenciement, fixé le 4 novembre.

Le 26 novembre 2019, la SAS ADECCO France a notifié à Mme [N] [C] son licenciement pour faute grave, la considérant en abandon de poste.

Mme [N] [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble par requête déposée le 26 septembre 2019 demandant la requalification des missions d`intérim en contrat à durée indéterminée et invoquant une rupture irrégulière de la relation de travail.

Suivant jugement en date du 4 septembre 2020, le conseil de prud'hommes de Grenoble a :

DÉBOUTE Mme [N] [C] de l'intégralité de ses demandes, tant dirigées à l'encontre de la SAS PETZI. Distribution, qu'à l'encontre de la SAS ADECCO France,

DÉBOUTE la SAS PETZL Distribution de sa demande reconventionnelle.

LAISSE les dépens à la charge de Mme [N] [C].

La décision rendue a été notifiée par lettres recommandées avec accusés de réception signés le 10 septembre 2020 par la SAS PETZL DISTRIBUTION et la SAS ADECCO France et le 14 septembre 2020 par Mme [N] [C].

Appel de la décision a été interjeté par'Mme [N] [C] par déclaration de son conseil au greffe de la présente juridiction le 2 octobre 2020.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 16 juin 2021, Mme [N] [C] sollicite de la cour de':

Déclarer Mme [C] recevable et bien fondée en son appel,

Réformer en totalité le jugement rendu le 4 septembre 2020 par le conseil de prud'hommes de Grenoble Section Industrie, en formation restreinte, qui a dit n'y avoir lieu à requalification à l'égard de la société P ETZL entreprise utilisatrice ni indemnité de requalification ni au conséquence de la rupture irrégulière et sans motif intervenue fin mai 2019 et à l'égard de la société ADECCO FRANCE a dit que le licenciement pour faute grave était bien fondé.

Prononcer la requalification de la totalité des missions d'intérim de Mme [C] auprès de la société P ETZL DISTRIBUTION en un contrat à durée déterminée indéterminée entre la société P ETZL DISTRIBUTION et Mme [C].

Condamner la société PETZL DISTRIBUTION à payer à Mme [C] une indemnité de requalification de 3000€.

Dire et Juger que la société PETZL DISTRIBUTION a rompu de manière irrégulière, sans cause réelle et sérieuse et brutalement la relation contractuelle avec Mme [C] au 31 mai 2019.

Condamner en conséquence la société PETZL DISTRIBUTION à payer à Mme [C] avec intérêt de droit du jour de la demande :

- Préavis deux mois x 2313,73€ = 4 627,46€

- Congés payés afférents = 462,75€

- indemnités légales de licenciement = 2 313,75€ x 1/4 x 4 ans deux mois = 2 412,09€

Et avec intérêts de droit à compter de la décision':

- dommages intérêts pour rupture sans cause réelle et sérieuse : 2 313,75 x 4,5 mois = 10411,88€

- Au titre du préjudice moral : 6 000€

Condamner enfin la société PETZL DISTRIBUTION à payer à Mme [C] une indemnité de 2 000€ en application de l'article 700 CPC du code de procédure civile

Condamner la société ADECCO FRANCE à payer à Mme [C] :

Avec intérêts de droit à compter de la demande :

- Préavis deux mois : 4 627,46 €

- Congés payés afférents : 462,75€

- Indemnité légale de licenciement : 2 412,09 €

Et avec intérêt de droit à compter de la décision.

- Dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 10 411,88€ net.

- Préjudice moral : 6 000€ net.

Condamner la société ADECCO à payer à Mme [C] une indemnité de 2 000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile

Condamner solidairement la société PETZL DISTRIBUTION et la société ADECCO aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 18 mars 2021, la SAS ADECCO France sollicite de la cour de':

CONFIRMER le jugement entrepris par le Conseil de prud'hommes de Grenoble en ce qu'il a :

DEBOUTE Mme [N] [C] de l'intégralité de ses demandes, tant dirigées à l'encontre de la SAS PETZL Distribution, qu'à l'encontre de la SAS ADECCO France,

En conséquence,

Débouter Mme [C] de l'intégralité de ses demandes ;

La condamner aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 9 mars 2021, la SAS PETZL DISTRIBUTION sollicite de la cour de':

Confirmer les chefs de dispositifs suivants du jugement du Conseil de Prud'hommes de Grenoble du 4 septembre 2020 :

« '

DÉBOUTE Mme [N] [C] de l'intégralité de ses demandes, tant dirigées à l'encontre de la SAS PETZL Distribution, qu'à l'encontre de la SAS ADECCO France,

(')

LAISSE les dépens à la charge de Mme [N] [C]' »

Infirmer le chef de dispositif suivant :

« '

DÉBOUTE la SAS PETZL Distribution de sa demande reconventionnelle ' »

En conséquence, débouter Mme [C] de l'intégralité de ses demandes,

Condamner Mme [C] à verser à la société PETZL DISTRIBUTION, au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, les sommes suivantes :

-1 000 € au titre des frais engagés en première instance,

-2 500 € au titre des frais engagés en première instance ainsi qu'en cause d'appel.

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article 455 du code de procédure civile de se reporter à leurs écritures susvisées.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 mars 2022.

EXPOSE DES MOTIFS :

Sur la demande de requalification des missions d'intérim en contrat à durée indéterminée à l'égard de la société PETZL DISTRIBUTION :

Aux termes de l'article L. 1251-5 du code du travail, le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.

Selon l'article L. 1251-40 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire, en méconnaissance des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.

En cas de litige sur le motif du recours au travail temporaire, il incombe à l'entreprise utilisatrice de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat de travail.

L'article 56 de la loi n°2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi énonce que :

I. - Une entreprise de travail temporaire peut conclure avec le salarié un contrat à durée indéterminée pour l'exécution de missions successives. Chaque mission donne lieu à :

1° La conclusion d'un contrat de mise à disposition entre l'entreprise de travail temporaire et le client utilisateur, dit entreprise utilisatrice ;

2° L'établissement, par l'entreprise de travail temporaire, d'une lettre de mission.

II. - Le contrat de travail mentionné au I est régi par les dispositions du code du travail relatives au contrat à durée indéterminée, sous réserve des dispositions du présent article.

Il peut prévoir des périodes sans exécution de mission, dites périodes d'intermission. Ces périodes sont assimilées à du temps de travail effectif pour la détermination des droits à congés payés et pour l'ancienneté.

Il est établi par écrit et comporte notamment les mentions suivantes :

1° L'identité des parties ;

2° Le cas échéant, les conditions relatives à la durée du travail, notamment le travail de nuit ;

3° Les horaires auxquels le salarié doit être joignable pendant les périodes d'intermission ;

4° Le périmètre de mobilité dans lequel s'effectuent les missions, qui tient compte de la spécificité des emplois et de la nature des tâches à accomplir, dans le respect de la vie personnelle et familiale du salarié ;

5° La description des emplois correspondant aux qualifications du salarié ;

6° Le cas échéant, la durée de la période d'essai ;

7° Le montant de la rémunération mensuelle minimale garantie ;

8° L'obligation de remise au salarié d'une lettre de mission pour chacune des missions qu'il effectue.

III. - Le contrat mentionné au I liant l'entreprise de travail temporaire au salarié prévoit le versement d'une rémunération mensuelle minimale garantie au moins égale au produit du montant du salaire minimum de croissance fixé en application des articles L. 3231-2 à L. 3231-12 du code du travail, par le nombre d'heures correspondant à la durée légale hebdomadaire pour le mois considéré, compte tenu, le cas échéant, des rémunérations des missions versées au cours de cette période.

IV. - Les missions effectuées par le salarié lié par un contrat de travail à durée indéterminée avec l'entreprise de travail temporaire sont régies par les articles L. 1251-5 à L. 1251-63 du code du travail, sous réserve des adaptations prévues au présent article et à l'exception des articles L. 1251-14, L. 1251-15, L. 1251-19, L. 1251-26 à L. 1251-28, L. 1251-32, L. 1251-33 et L. 1251-36 du même code.

V. - Pour l'application des articles L. 1251-5, L. 1251-9, L. 1251-11, L. 1251-13, L. 1251-16, L. 1251-17, L. 1251-29, L. 1251-30, L. 1251-31, L. 1251-34, L. 1251-35, L. 1251-41 et L. 1251-60 du code du travail au contrat à durée indéterminée conclu par une entreprise de travail temporaire avec un salarié, les mots : " contrat de mission " sont remplacés par les mots : " lettre de mission ".

VI. - Par dérogation à l'article L. 1251-12 du code du travail, la durée totale de la mission du salarié lié par un contrat à durée indéterminée avec l'entreprise de travail temporaire ne peut excéder trente-six mois.

VII. - Pour l'application du 1° de l'article L. 6322-63 du code du travail, la durée minimale de présence dans l'entreprise s'apprécie en totalisant les périodes de mission et d'intermission effectuées par le salarié lorsque ce dernier est lié à l'entreprise de travail temporaire par un contrat à durée indéterminée.

VIII. - Pour l'application des articles L. 2314-17 et L. 2324-16 du code du travail, la durée passée dans l'entreprise est calculée en totalisant les périodes de mission et d'intermission effectuées par le salarié.

IX. - Le présent article est applicable aux contrats conclus jusqu'au 31 décembre 2018.

Au plus tard le 30 juin 2018, le Gouvernement présente au Parlement un rapport, établi après concertation avec les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d'employeurs représentatives et après avis de la Commission nationale de la négociation collective, sur les conditions d'application de ce dispositif et sur son éventuelle pérennisation.

Il se déduit de ses dispositions légales l'applicabilité au contrat de travail à durée indéterminée intérimaire à l'égard de l'entreprise utilisatrice notamment des articles L 1251-5, L 1251-40 et L 1251-41 du code du travail dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, de sorte que nonobstant la signature par le salarié mis à disposition d'un contrat à durée indéterminée intérimaire, ce dernier peut également solliciter la requalification des missions en contrat à durée indéterminée de droit commun à l'égard de l'entreprise utilisatrice au motif que les missions avaient pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de celle-ci.

Le salarié est également fondé à solliciter à l'égard tant de l'entreprise utilisatrice, dans le cadre de missions d'interim requalifiées en contrat à durée indéterminée de droit commun, que de l'entreprise de travail temporaire lui ayant notifié son licenciement dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée intérimaire, diverses sommes au titre de deux ruptures injustifiées des contrats de travail dès lors que l'objet des contrats n'est pas le même, y compris lorsque les ruptures interviennent à des périodes concomitantes après la fin d'une mission auprès de l'entreprise utilisatrice puisque l'entreprise de travail temporaire, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée intérimaire n'a pas pour obligation de fournir des missions à la salariée à l'égard uniquement d'une entreprise utilisatrice comme pour un contrat de mission mais au contraire d'une ou plusieurs entreprises utilisatrices selon des lettres de mission s'intégrant à une relation à durée indéterminée continue avec des périodes inter-missions rémunérées par l'entreprise de travail temporaire employeur.

D'ailleurs, la fin d'une mission auprès d'une entreprise utilisatrice dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée intérimaire n'implique aucunement la fin du contrat du salarié à l'égard de l'entreprise de travail temporaire employeur.

Le contrat à durée indéterminée intérimaire ne prend en effet fin que si une rupture du contrat intervient à l'initiative de l'une ou l'autre des parties.

Au cas d'espèce, Mme [C] établit par la production de bulletins de paie dressés par la société d'interim ADECCO FRANCE qu'elle a été régulièrement mise à disposition de la société PETZL DISTRIBUTION à compter du 8 avril 2015, quoiqu'avec des périodes d'interruption, et ce jusqu'au 31 mai 2019.

Le motif de recours figurant sur les contrats de mission temporaire puis les lettres de mission temporaire après la conclusion à effet du 13 janvier 2016 d'un contrat à durée indéterminée intérimaire par Mme [C] avec la société ADECCO FRANCE est un surcroît temporaire allégué d'activité.

Si la société PETZL DISTRIBUTION fournit divers justificatifs du surcroît temporaire d'activité en pièces n°2 à 7, ils ne couvrent que les années 2016 à 2019, alors même que Mme [C] demande expressément la requalification de l'ensemble de ses contrats et lettres de mission en contrat à durée indéterminée à l'égard de l'entreprise utilisatrice et ce, depuis le 8 avril 2015.

Faute de production du moindre élément justificatif pour la période antérieure à 2016, il convient d'infirmer le jugement entrepris et de requalifier les missions de Mme [C] à l'égard de la société PETZL DISTRIBUTION en contrat à durée indéterminée de droit commun à compter du 8 avril 2015.

Il convient également d'allouer à Mme [C] une indemnité de requalification de 3 000 euros nets afin de tenir compte de la durée particulièrement longue pendant laquelle elle a été soumise à une précarité injustifiée, quoiqu'en partie atténuée à compter du 13 janvier 2016 par la signature d'un contrat à durée indéterminée intérimaire avec la société de travail temporaire.

Sur les prétentions afférentes à la rupture du contrat de travail à durée indéterminée requalifié à l'égard de la société PETZL DISTRIBUTION :

Premièrement, la société PETZL DISTRIBUTION a cessé le 31 mai 2019 de fournir du travail à Mme [C] en considérant à tort que le contrat était arrivé à son terme à raison de la fin de l'ultime mission d'interim alors que la relation de travail est requalifiée en contrat à durée indéterminée de droit commun.

Le contrat de travail a, dès lors, été rompu sans que ne soit observée la moindre procédure de licenciement de sorte que la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Deuxièmement, il s'ensuit que Mme [C] est fondée à solliciter de la société PETZL DISTRIBUTION une indemnité compensatrice de préavis de 4 627,46 euros bruts, outre 462,75 euros bruts de congés payés afférents ainsi qu'une indemnité de licenciement de 2 412,09 euros prenant en compte son ancienneté depuis le 8 avril 2015.

Troisièmement, au visa de l'article L 1235-3 du code du travail dans sa version applicable au jour du licenciement, Mme [C] avait plus de 4 ans d'ancienneté au service de la société PETZL DISTRIBUTION, de sorte qu'elle a droit à une indemnisation comprise entre 3 et 5 mois de salaire.

Elle ne fournit, pour autant, aucun justificatif sur sa situation ultérieure au regard de l'emploi si bien qu'il lui est alloué la somme de 6 842 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et le surplus de la demande est rejeté.

Quatrièmement, elle ne justifie aucunement de circonstances vexatoires entourant la rupture de son contrat de travail requalifié avec la société PETZL DISTRIBUTION si bien qu'elle est déboutée de sa demande indemnitaire distincte au titre d'un préjudice moral.

Sur les prétentions afférentes à la rupture du contrat de travail à l'égard de la société ADDECO FRANCE:

En application de l'article 56 de la loi n°2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi le contrat à durée indéterminée intérimaire, celui-ci sous certaines exceptions expressément visées, est régi par les dispositions du code du travail relatives au contrat à durée indéterminée.

S'appliquent, dès lors, au contrat à durée indéterminée intérimaire les dispositions du code du travail relatives à la procédure de licenciement figurant aux articles L 1232-1 et suivants du travail.

Trouvent également à s'appliquer les articles L1235-2 et suivants du code du travail relatifs aux irrégularités de procédure et aux ruptures injustifiées du contrat de travail.

L'article L 1232-1 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

La faute grave est définie comme celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis.

La charge de la preuve de la faute grave incombe à l'employeur, qui doit prouver à la fois la faute et l'imputabilité au salarié concerné.

La procédure pour licenciement pour faute grave doit être engagée dans un délai restreint après la découverte des faits.

En vertu de l'article L 1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement fixe les termes du litige.

En l'espèce, Mme [C] s'est vu notifier son licenciement pour faute grave, par courrier du 26 novembre 2019, pour avoir été en absence injustifiée depuis le 1er octobre 2019 à son poste de travail, dans le cadre de la lettre de mission conclue pour l'entreprise LA POSTE.

Mme [C] n'évoque pas, dans ses conclusions, cette lettre de mission pour l'entreprise LA POSTE, se limitant à considérer que son licenciement fait suite à la saisine le 26 septembre 2019.

Si la société ADECCO FRANCE verse certes aux débats un courrier du 4 octobre 2019 mettant en demeure la salariée de justifier son absence, la preuve qu'il a été envoyé en LRAR, comme mentionné sur celui-ci, n'est pas établie.

Surtout, la lettre de mission afférente à une mission auprès de LA POSTE n'est pas signée par la salariée et rien n'établit que cette lettre de mission lui a bien été transmise, alors même que l'entreprise de travail temporaire a l'obligation de remettre à un salarié en contrat à durée indéterminée intérimaire une lettre de mission avec diverses mentions obligatoires, en application de l'article L 1251-16 du code du travail.

Il est d'ailleurs particulièrement intéressant de noter que sur le document synthèse de candidature produit en pièce n°1 par la société, ADECCO FRANCE ne fait aucune référence à des missions postérieures au 30 août 2019 et particulièrement pas au sein de la POSTE.

Il s'ensuit que la société ADECCO FRANCE ne rapporte aucunement la preuve que Mme [C] s'est vue proposer la mission auprès de l'entreprise utilisatrice LA POSTE, qu'elle l'aurait acceptée par la signature de la lettre de mission puis qu'elle ne se serait pas rendu sur son poste de travail.

Il s'ensuit que le licenciement notifié le 26 octobre 2019 pour faute grave à Mme [C] est jugé, par réformation du jugement entrepris, sans cause réelle et sérieuse.

Et, dès lors que le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse, Mme [C] a droit à une indemnité compensatrice de préavis à hauteur de 3 611,38 euros bruts, outre 361,14 euros bruts au titre des congés payés afférents, étant rappelé au visa des articles L 1235-1 et L 1234-5 du code du travail que l'indemnité compensatrice de préavis due au salarié est égale au salaire brut, assujetti au paiement, par l'employeur, des cotisations sociales, que le salarié aurait reçu s'il avait travaillé pendant la durée du délai-congé et qu'en l'espèce, le salaire jugé pertinent sans retenue et avec les dernières missions dont il est certain qu'elles ont été exécutées par la salariée est celui du mois d'août 2019 (1 865,69 euros bruts).

Elle est également fondée à solliciter une indemnité de licenciement à hauteur de 1 826,82 euros avec le même salaire de référence et une ancienneté à compter du 13 janvier 2016 jusqu'au 26 décembre 2019, tenant compte du préavis non exécuté.

Le surplus des demandes de ces chefs est rejeté.

Au visa de l'article L 1235-3 du code du travail, dans sa version applicable au jour du litige, Mme [C] avait au jour de son licenciement injustifié plus de 3 ans d'ancienneté, de sorte qu'elle a droit à une indemnisation comprise entre 3 et 4 mois de salaire.

Outre qu'elle sollicite un montant supérieur au plafond légal sans développer la moindre argumentation juridique qui permettrait à la juridiction d'y déroger, Mme [C] ne fournit pour autant aucun justificatif sur sa situation ultérieure au regard de l'emploi, si bien qu'il lui est alloué la somme de 5 598 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle.

Enfin, Mme [C] ne justifie aucunement de circonstances vexatoires entourant la rupture de son contrat de travail avec la société ADECCO FRANCE si bien qu'elle est déboutée de sa demande indemnitaire distincte au titre d'un préjudice moral.

Sur les demandes accessoires :

L'équité commande de condamner la société ADECCO FRANCE à payer à Mme [C] une indemnité de procédure de 1 500 euros et de condamner la société PETZL DISTRIBUTION à payer à Mme [C] une indemnité de procédure de 1 500 euros.

Le surplus des prétentions des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile est rejeté.

Au visa de l'article 696 du code de procédure civile, infirmant le jugement entrepris, il convient de condamner in solidum, la société ADECCO FRANCE et la société PETZL DISTRIBUTION, parties perdantes, aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS ;

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi;

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions

Statuant à nouveau,

REQUALIFIE les missions d'intérim de Mme [N] [C] à l'égard de la société PETZL DISTRIBUTION en contrat à durée indéterminée de droit commun à compter du 8 avril 2015

DIT que la société PETZL DISTRIBUTION a licencié sans cause réelle et sérieuse Mme [N] [C] le 31 mai 2019

CONDAMNE la société PETZL DISTRIBUTION à payer à Mme [N] [C] les sommes suivantes :

- 4627,46 euros (quatre mille six cent vingt-sept euros et quarante-six centimes) bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 462,75 euros (quatre cent soixante-deux euros et soixante-quinze centimes) bruts à titre de congés payés afférents

- 2 412,09 euros (deux mille quatre cent douze euros et neuf centimes) à titre d'indemnité de licenciement

outre intérêts au taux légal sur ces sommes à compter du 26 septembre 2019

- 6 842 euros (six mille huit cent quarante-deux euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

outre intérêts au taux légal sur cette somme à compter du présent arrêt

DIT sans cause réelle et sérieuse le licenciement notifié le 26 octobre 2019 par la société ADECCO FRANCE à Mme [N] [C]

CONDAMNE la société ADECCO FRANCE à payer à Mme [N] [C] les sommes suivantes :

- 3 611,38 euros (trois mille six cent onze euros et trente-huit centimes) bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 361,14 euros (trois cent soixante-et-un euros et quatorze centimes) bruts à titre de congés payés afférents

-1 826,82 euros (mille huit cent vingt-six euros et quatre-vingt-deux centimes) à titre d'indemnité de licenciement

outre intérêts au taux légal sur ces sommes à compter du 26 septembre 2019

- 5 598 euros (cinq mille cinq cent quatre-vingt-dix-huit euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

outre intérêts au taux légal à compter du prononcé de l'arrêt

DEBOUTE Mme [N] [C] du surplus de ses prétentions au principal

CONDAMNE la société PETZL DISTRIBUTION à payer à Mme [N] [C] une indemnité de procédure de 1500 euros

CONDAMNE la société ADECCO FRANCE à payer à Mme [N] [C] une indemnité de procédure de 1500 euros

REJETTE le surplus des prétentions des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE in solidum la société PETZL DISTRIBUTION et la société ADECCO FRANCE aux dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Mme Blandine FRESSARD, Présidente et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section b
Numéro d'arrêt : 20/03023
Date de la décision : 16/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-16;20.03023 ?
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