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14/06/2022 | FRANCE | N°20/00817

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch.secu-fiva-cdas, 14 juin 2022, 20/00817


C8



N° RG 20/00817



N° Portalis DBVM-V-B7E-KMJY



N° Minute :







































































Notifié le :



Copie exécutoire délivrée le :





la SELARL ACO

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE SOCIALE -

PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU MARDI 14 JUIN 2022

Ch.secu-fiva-cdas





Appel d'une décision (N° RG 17/01392)

rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de GRENOBLE

en date du 10 janvier 2020

suivant déclaration d'appel du 14 février 2020





APPELANT :



M. [U] [F]

né le 10 décembre 1956 à BOLBEC (76210)

de nationalité Française

17 rue Joseph Savoya...

C8

N° RG 20/00817

N° Portalis DBVM-V-B7E-KMJY

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL ACO

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU MARDI 14 JUIN 2022

Ch.secu-fiva-cdas

Appel d'une décision (N° RG 17/01392)

rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de GRENOBLE

en date du 10 janvier 2020

suivant déclaration d'appel du 14 février 2020

APPELANT :

M. [U] [F]

né le 10 décembre 1956 à BOLBEC (76210)

de nationalité Française

17 rue Joseph Savoyat

38110 LA TOUR DU PIN

représenté par Me Stéphanie PICK de la SELARL CABINET STÉPHANIE PICK, avocat au barreau de RENNES

INTIMEE :

L'URSSAF DU RHONE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

TSA 61021

69833 SAINT-PRIESTCEDEX 9

représentée par Me Pierre-Luc NISOL de la SELARL ACO, avocat au barreau de VIENNE, substitué par Me Emmanuelle CLEMENT, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Magali DURAND-MULIN, Conseiller faisant fonction de Président,

Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller,

Mme Gaëlle BARDOSSE, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 14 avril 2022

Mme Isabelle DEFARGE, chargée du rapport, a entendu les représentantss des parties en leurs conclusions et plaidoirie, assistée de M. Fabien OEUVRAY, Greffier, et en présence de Mme Kristina YANCHEVA, Greffier, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 14 juin 2022, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 14 juin 2022.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [U] [F], médecin ophtalmologiste se décrivant comme 'pluriactif en Italie et en France', déclare résider 19 rue Francesco Tappani à Chiavari 16043 (Italie) et disposer également en France d'une adresse personnelle, 17 rue Joseph Savoyat 38110 La Tour du Pin.

Le 16 août 2017, l'URSSAF Rhône-Alpes lui a adressé une mise en demeure d'avoir à payer les cotisations dues pour son activité en France au titre du 3ème trimestre 2017, puis une contrainte a été émise à son encontre le 23 novembre 2017 pour un montant de 62 733 € (58 575 € de cotisations compte tenu d'un versement direct de 18 439 € et 4 158 € de majorations de retard) et lui a été signifiée le 29 novembre 2017.

Le 04 décembre 2017, M. [F] a formé opposition à cette contrainte devant la juridiction de sécurité sociale de Grenoble, qui par jugement du 10 janvier 2020 :

- l'a débouté de son recours,

- a confirmé son affiliation au régime de sécurité sociale français ainsi que l'obligation de régler des cotisations à ce titre jusqu'au 31 décembre 2017,

- a validé la contrainte du 23 novembre 2017 au titre des cotisations et majorations de retard du 3ème trimestre 2017 pour son montant actualisé de 50 290 € dont 46 132 € de cotisations et 4 158 € de majorations de retard

- a dit que les frais de signification de 70,98 € resteront à sa charge,

- a dit que conformément aux dispositions du code de la sécurité sociale, les sommes restant dues au titre de la contrainte seront augmentées des majorations de retard complémentaires restant à courir jusqu'à complet paiement,

- a dit qu'en application des dispositions de l'article R.133-6 du code la sécurité sociale, il conservera la charge de tous les actes de procédure nécessaires à l'exécution de la contrainte,

- a rappelé que sa décision était exécutoire par provision nonobstant l'exercice d'une voie de recours, conformément aux dispositions de l'article R.133-3 du code la sécurité sociale,

- a débouté M. [F] de sa demande de dommages et intérêts,

- l'a débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'a condamné à payer à l'URSSAF Rhône-Alpes la somme de 1 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- a ordonné l'exécution provisoire de cette condamnation,

- l'a condamné aux dépens de l'instance nés après le 1er janvier 2019.

Le 14 février 2020, M. [F] a interjeté appel de cette décision, qui lui a été notifiée le 07 février 2020 et au terme de ses conclusions reçues le 22 décembre 2021, reprises oralement à l'audience, il demande à la cour :

- de dire son recours recevable et bien-fondé,

- d'infirmer le jugement dont appel et :

A titre principal :

- de débouter l'URSSAF de toute demande de reconnaissance de son affiliation au régime de sécurité sociale français à compter du 1er janvier 2005,

- d'annuler son assujettissement à la sécurité sociale française à compter de cette date,

- de débouter l'URSSAF de sa demande de validation de la contrainte et de sa demande de condamnation au paiement du solde de celle-ci,

- d'annuler la contrainte et sa mise en demeure préalable,

- de se déclarer incompétente pour tout contestation relative à la validité et l'opposabilité des certificats A1 qu'il produit en raison de la primauté du droit communautaire,

- d'ordonner à l'URSSAF de procéder à sa radiation à effet du 1er janvier 2005,

- le cas échéant, de mettre en cause la CPAM de l'Isère pour qu'elle se prononce sur sa demande d'exonération du 23 juillet 2021 et par conséquent, en cas de réponse favorable de la CPAM, de faire droit à l'ensemble de ses demandes telles que figurant au présent dispositif,

A titre subsidiaire :

- d'annuler la contrainte en raison de la nullité de la mise en demeure préalable résultant de l'absence de mention de délai d'un mois imparti pour régler les sommes sur lesquelles porte la mise en demeure, sur le fondement de l'article L. 244-2 du code de la sécurité sociale,

En tout état de cause :

- de débouter l'URSSAF de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- de faire droit à l'ensemble de ses demandes,

- de condamner l'URSSAF à lui verser la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner l'URSSAF au paiement de la somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts,

- de condamner l'URSSAF aux entiers dépens.

Au terme de ses conclusions, déposées le 29 mars 2022, reprises oralement à l'audience, l'URSSAF Rhône-Alpes demande à la cour :

- de confirmer le jugement entrepris

A titre principal et in limine litis

- de surseoir à statuer dans l'attente de la décision des autorités italiennes quant à la demande de retrait des certificats A1 établis

A titre subsidiaire

- d'appeler en cause la CPAM de l'Isère afin qu'elle puisse s'expliquer sur la réception des certificats A1 par les autorités italiennes et qu'elle fasse valoir sa position sur le dossier de M. [F]

En tout état de cause

- de débouter M. [F] de l'ensemble de ses demandes

- de le condamner à lui payer la somme de 3 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément référé aux dernières écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

SUR CE

Sur l'affiliation de M. [F] à la sécurité sociale française et la demande principale de sursis à statuer de l'URSSAF Rhône-Alpes

Selon l'article L.111-2-2 du code de la sécurité sociale dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2016, sous réserve des traités et accords internationaux régulièrement ratifiés ou approuvés et des règlements européens, sont affiliées à un régime obligatoire de sécurité sociale, quel que soit leur lieu de résidence, toutes les personnes qui exercent sur le territoire français une activité professionnelle ou qui exercent une activité professionnelle à l'étranger et sont soumises à la législation française de sécurité sociale en application des règlements européens ou des conventions internationales.

Selon les articles 11, 13, 14 et 19 du réglement CEE n° 883/2004 du 29 avril 2004, les personnes auxquelles ce règlement est applicable ne sont soumises qu'à la législation d'un seul État membre.

La personne qui exerce normalement une activité dans deux ou plusieurs États membres est soumise :

a) à la législation de l'État membre de résidence, si elle exerce une partie substantielle de son activité dans cet État membre,

ou

b) à la législation de l'État membre dans lequel se situe le centre d'intérêt de ses activités, si elle ne réside pas dans l'un des États membres où elle exerce une partie substantielle de son activité.

Les personnes visées sont traitées, aux fins de la législation déterminée, conformément à ces dispositions, comme si elles exerçaient l'ensemble de leurs activités salariées ou non salariées et percevaient la totalité de leurs revenus dans l'État membre concerné.

Selon l'article 11, paragraphe 1er du règlement n° 574/72/CE du 21 mars 1972, l'institution désignée par l'autorité compétente de l'Etat membre, dont la législation reste applicable, délivre, à la demande du travailleur, un certificat (dit certificat E 101, devenu certificat A1) attestant qu'il demeure soumis à celle-ci et indiquant jusqu'à quelle date.

Aussi longtemps qu'il n'est pas retiré ou déclaré invalide par les autorités de l'Etat membre qui l'a délivré, ce certificat, qui atteste de l'application de la législation de ce dernier au travailleur, lie l'autorité compétente et les juridictions de l'Etat membre dans lequel le travailleur exerce son activité.

En l'espèce, M. [F] déclare exercer son activité de médecin ophtalmologiste principalement en Italie, où il déclare résider et être inscrit au régime d'assurance maladie italien depuis 2001, mais avoir continué à payer ses cotisations en France jusqu'en 2014.

Ce n'est que postérieurement à la mise en demeure de l'URSSAF d'août 2017, qu'il a sollicité des autorités compétentes italiennes un premier certificat A1, qui lui a été délivré le 24 juillet 2018 à effet à compter du 1er janvier 2018.

Il a ensuite sollicité à nouveau les autorités italiennes et le 23 novembre 2020 l'ENPAM (organisme compétent en Italie) lui a délivré un second certificat A1, daté du 23 avril 2020, faisant rétroagir son affiliation en Italie au 1er janvier 2010.

Le 31 mars 2021, la CPAM de l'Isère a confirmé son affiliation en Italie à compter du 1er janvier 2018 sans qu'il soit possible, au vu des pièces produites, de déterminer si cette caisse a été rendue destinataire des deux certificats ou seulement du premier d'entre eux.

Pour solliciter son affilication en Italie rétroactivement à compter du 1er janvier 2005, M. [F] produit un troisième certificat A1, établi le 1er juillet 2021, valable cette fois du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2019.

L'URSSAF sollicite le sursis à statuer dans l'attente de la demande dont elle justifie avoir saisi l'autorité italienne le 1er décembre 2021 de retrait des certificats A1 des 24 juillet 2018 et 20 novembre 2020 en raison des incohérences entre eux.

A titre subsidiaire, elle demande la mise en cause de la CPAM, afin que celle-ci justifie la date à compter de laquelle M. [F] n'est plus affilié.

La cour constate que M. [F] ne soutient pas avoir saisi la commission de recours amiable de la CPAM d'un recours à l'encontre de la décision du 31 mars 2021, faisant droit à sa demande d'exonération de ses cotisations sociales en France à compter du 1er janvier 2018, alors qu'à cette date il était déjà en possession du certificat A1, dont il excipe aujourd'hui, daté du 23 avril 2020, qui lui est plus favorable que celui obtenu ultérieurement le 1er juillet 2021.

Cette décision pouvant en conséquence être tenue pour définitive, il n'y a lieu ni de surseoir à statuer dans l'attente de la réponse des autorités italiennes à la demande de l'URSSAF ni de mettre en cause cette caisse, le point de départ de l'affiliation de M. [F] au régime de sécurité sociale italienne étant définitivement fixé au 1er janvier 2018.

Sur la validité de la mise en demeure et de la contrainte

M. [F] soutient que la mise en demeure du 16 août 2017 est nulle comme ne comportant pas la mention du délai de 1 mois prévu par l'article L.244-2 du code de la sécurité sociale.

Tel est effectivement le cas, cette mise en demeure ne comportant pas, comme celle du 18 avril 2014 produite par ailleurs, la mention 'à défaut de régularisation des sommes dues dans le délai d'un mois suivant la date de réception de la présente nous serons fondés à engager des poursuites sans nouvel avis et dans les conditions indiquées au verso', mais seulement la mention ' à défaut de régularisation des sommes dues nous serons fondés (...)' (la suite sans changement).

L'URSSAF, sans contester ce fait matériellement constaté, se borne vainement à exciper de la mauvaise foi de M. [F].

Il y a donc lieu de constater la nullité de la mise en demeure du 16 août 2017 et par voie de conséquence la nullité de la contrainte émise le 23 novembre 2017 par référence à celle-ci.

Sur les autres demandes

L'équité ne commande pas de faire ici application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'URSSAF Rhône-Alpes devra supporter les dépens de l'instance en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt rendu contradictoirement publiquement par mise à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi

Dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer ni à mise en cause de la CPAM de l'Isère

Confirme le jugement en ce qu'il a confirmé l'affiliation de M. [U] [F] au régime de sécurité sociale français ainsi que l'obligation de régler des cotisations à ce titre jusqu'au 31 décembre 2017.

L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau

Annule la mise en demeure du 16 août 2017 et la contrainte émise le 23 novembre 2017 en référence à cette mise en demeure.

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne l'URSSAF Rhône-Alpes aux dépens.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Mme Magali DURAND-MULIN, Conseiller faisant fonction de Président et par Mme Kristina YANCHEVA, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GreffierLe Conseiller


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch.secu-fiva-cdas
Numéro d'arrêt : 20/00817
Date de la décision : 14/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-14;20.00817 ?
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