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09/06/2022 | FRANCE | N°20/02976

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section b, 09 juin 2022, 20/02976


C9



N° RG 20/02976



N° Portalis DBVM-V-B7E-KR4H



N° Minute :













































































Copie exécutoire délivrée le :





la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY



la SCP FESSLER JORQUERA & ASSOCIES





AU NOM DU PEU

PLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 09 JUIN 2022





Appel d'une décision (N° RG F 18/00678)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de GRENOBLE

en date du 07 septembre 2020

suivant déclaration d'appel du 30 septembre 2020





APPELANTE :



S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE RHONE ALPES, pri...

C9

N° RG 20/02976

N° Portalis DBVM-V-B7E-KR4H

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY

la SCP FESSLER JORQUERA & ASSOCIES

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 09 JUIN 2022

Appel d'une décision (N° RG F 18/00678)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de GRENOBLE

en date du 07 septembre 2020

suivant déclaration d'appel du 30 septembre 2020

APPELANTE :

S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE RHONE ALPES, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

116 cours Lafayette Tour Incity

69003 LYON

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat postulant au barreau de GRENOBLE,

et par Me Audrey PROBST, avocat plaidant au barreau de LYON

INTIMEE :

Madame [W] [M]

née le 29 mars 1959 à VERNOUX EN VIVARAIS

de nationalité Française

161 chemin de la Vie du Tour

38690 BEVENAIS

représentée par Me Peggy FESSLER de la SCP FESSLER JORQUERA & ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Blandine FRESSARD, Présidente,

M. Frédéric BLANC, Conseiller,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

Assistés lors des débats de M. Fabien OEUVRAY, Greffier,

DÉBATS :

A l'audience publique du 30 mars 2022,

M. Frédéric BLANC, Conseiller chargé du rapport,

Les avocats ont été entendus en leurs observations.

Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.

EXPOSE DU LITIGE':

Mme [W] [M] a été embauchée en contrat à durée déterminée à compter du 1er décembre 1980, puis en contrat à durée indéterminée à compter du 1er juin 1981, en qualité d'employée de bureau, par la société Caisse d'Epargne de Grenoble qui est devenue, en juillet 2007, la société Caisse d'Epargne et de Prévoyance Rhône-Alpes (CERA).

De 1990 à 2013, la salariée a occupé les postes d'assistante de direction puis de directoire en 1991, d'auditeur en juin 2007, de chargée support bancaire en juin 2011 et de gestionnaire de clientèle entreprises à compter de mars 2013.

Depuis le 1er mars 2013, elle a exercé son emploi à temps partiel sur la base de 34 heures par semaine, du lundi au jeudi.

Le 23 février 2015 elle a été placée en arrêt de travail jusqu'au 20 mars 2015.

Le 25 mars 2015, le médecin du travail a émis un avis défavorable à la reprise préconisant la recherche d'un poste dans la proximité de son domicile et Madame [W] [M] a été de nouveau arrêtée puis mise en invalidité catégorie 2, le 6 janvier 2017.

Le 21 avril 2017, en raison d'une réorganisation des services, la salariée a été nommée au poste de chargée de support bancaire à la direction de Grenoble.

Le 15 février 2018, le médecin du travail a émis un avis d'inaptitude.

Le 7 mars 2018, Madame [W] [M] a été convoquée à un entretien préalable à son éventuel licenciement.

Le 21 mars 2018, elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Par requête enregistrée le 2 août 2018, Madame [W] [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble aux fins de voir la société CERA condamnée, avec exécution provisoire, à lui payer les sommes de :

-150 000 euros nets de dommages et intérêts

-65 000 euros nets de dommages et intérêts pour perte de droits à retraite

-20 00000 euros nets de dommages et intérêts pour préjudice moral

-2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens

et de fixer à 3 713,54 euros bruts la moyenne des trois derniers mois de salaire.

L'affaire a été appelée devant le bureau de jugement à l'audience du 18 juin 2019.

La société CERA a excipé d'une exception de prescription des demandes de Mme [W] [M] et s'est opposée sur le fond aux prétentions adverses.

A la suite de cette audience, les conseillers n'ayant pu se départager, un procès-verbal de partage de voix a été dressé le 1er octobre 2019 et l'affaire a été renvoyée à une audience présidée par le juge départiteur.

Mme [W] [M] a adressé des conclusions n°2 le 21 février 2020, reprises oralement ensuite aux audiences, avec notamment comme précision dans le dispositif que la somme de 150 000 euros nets à titre de dommages et intérêts l'était pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement en date du 7 septembre 2020, le juge départiteur du conseil de prud'hommes de Grenoble a':

Dit irrecevable la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Dit recevables les autres demandes

Dit que l'inaptitude de Mme [W] [M] est partiellement d'origine professionnelle ;

Condamne en conséquence la société Caisse d'Epargne Rhône Alpes Lyon à payer à Mme [W] [M] la somme de 30000 euros de dommages et intérêts ;

Condamne la société Caisse d'Epargne Rhône Alpes Lyon à payer à Mme [W] [M] la somme de 1200,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure

Condamne la société Caisse d'Epargne Rhône Alpes Lyon aux dépens

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

La décision a été notifiée par lettres recommandées avec accusé de réception signé le 10 septembre 2020 par Mme [M] et tamponné le 10 septembre 2020 par la société CERA.

Par déclaration en date du 30 septembre 2020, la société CERA a interjeté appel à l'encontre dudit jugement.

La société CERA s'en est rapportée à des conclusions transmises au greffe le 16 mars 2022 et demande à la cour d'appel de':

Vu les articles L. 1471-1, L 4161-1 et L 4161-2 du code du travail,

Vu l'article R 1453-5 du code du travail

Vu la jurisprudence précitée,

Vu l'article 9 et l'article 700 du Code de procédure civile

- A titre principal de :

- INFIRMER le jugement du Conseil de prud'hommes en ce qu'il a dit que l'inaptitude de Mme [M] était partiellement d'origine professionnelle,

- INFIRMER le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a alloué à Mme [M] la somme de 30 000 € à titre de dommages-intérêts, ainsi qu'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- INFIRMER le jugement du conseil de prud'hommes de Grenoble en ce qu'il l'a condamnée à payer à Mme [M] la somme de 1200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- CONFIMER le jugement du Conseil de prud'hommes de Grenoble en ce qu'il a dit irrecevable la demande de dommages-intérêts au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Statuant à nouveau :

- JUGER que la CERA n'a pas commis de manquement à son obligation de sécurité,

- JUGER que l'inaptitude de Mme [M] n'est pas consécutive à une faute de l'employeur, et n'a pas d'origine professionnelle,

- DEBOUTER Mme [M] de l'ensemble de ses demandes.

- CONDAMNER Mme [M] à lui payer la somme de 3 000 € au titre des dispositions du code de procédure civile,

- A titre subsidiaire :

- FIXER à de justes proportions le montant des dommages-intérêts au titre du préjudice de retraite et au titre du préjudice moral,

- JUGER bien fondé le licenciement pour inaptitude de Mme [M]

- DEBOUTER Mme [M] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- A titre infiniment subsidiaire :

- FIXER le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au minimum légal.

Mme [M] s'en est remise à des conclusions transmises le 25 février 2022 et demande à la cour d'appel de':

FIXER la moyenne des trois derniers mois de salaire de Mme [M] à la somme de 3713,54€ bruts,

DIRE ET JUGER Mme [M] recevable en ses demandes,

CONSTATER l'exécution fautive du contrat de travail de Mme [M] par la société CAISSE D'EPARGNE RHONE ALPES,

DIRE ET JUGER que cette exécution fautive a contribué à la dégradation de l'état de santé, et ainsi au licenciement pour inaptitude de Mme [M],

En conséquence,

A titre principal :

INFIRMER le Jugement et ainsi CONDAMNER la société CAISSE D'EPARGNE RHONE ALPES à payer à Mme [M] la somme de 150 000 € nets à titre dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONFIRMER le Jugement en ce qu'il a condamné la CAISSE D'EPARGNE RHONE ALPES au titre du préjudice retraite et du préjudice moral, mais l'INFIRMER quant au quantum des condamnations prononcées, et ainsi,

CONDAMNER la société CAISSE D'EPARGNE RHONE ALPES à payer à Mme [M] la somme de 65 000 € nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice retraite,

CONDAMNER la société CAISSE D'EPARGNE RHONE ALPES à payer à Mme [M] la somme de 20 000 € nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi,

A titre subsidiaire :

CONFIRMER le Jugement en ce qu'il a considéré que Mme [W] [M] avait subi un préjudice retraite ainsi qu'un préjudice moral et en ce qu'il a condamné la CAISSE D'EPARGNE RHONE ALPES à ce titre,

En conséquence,

CONDAMNER la CAISSE D'EPARGNE RHONE ALPES au paiement de la somme de 30.000 € nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice retraite et du préjudice moral,

En tout état de cause :

CONFIRMER le Jugement de première instance en ce qu'il a condamné la CAISSE D'EPARGNE RHONE-ALPES au paiement de la somme de 1.200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en réparation des frais irrépétibles engagés en première instance,

CONDAMNER, en outre, la société CAISSE D'EPARGNE RHONE ALPES à payer à Mme [M] la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en réparation des frais irrépétibles engagés en cause d'appel,

CONDAMNER la CAISSE D'EPARGNE RHONE ALPES aux entiers dépens.

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article 455 du code de procédure civile de se reporter à leurs écritures sus-visées.

La clôture a été prononcée le 17 mars 2022.

EXPOSE DES MOTIFS':

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande indemnitaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse':

L'article L 1471-1 du code du travail applicable au jour de la requête introductive d'instance dispose que':

Toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

Toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture.

Les deux premiers alinéas ne sont toutefois pas applicables aux actions en réparation d'un dommage corporel causé à l'occasion de l'exécution du contrat de travail, aux actions en paiement ou en répétition du salaire et aux actions exercées en application des articles L. 1132-1, L. 1152-1 et L. 1153-1. Elles ne font obstacle ni aux délais de prescription plus courts prévus par le présent code et notamment ceux prévus aux articles L. 1233-67, L. 1234-20, L. 1235-7, L. 1237-14 et L. 1237-19-8, ni à l'application du dernier alinéa de l'article L. 1134-5.

Au cas d'espèce, Mme [M] a fait l'objet d'une notification de son licenciement pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement par courrier du 21 mars 2018.

Elle a saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble par requête reçue le 2 août 2018.

Dans cette requête, figure notamment une demande dans le dispositif tendant à voir condamner la société CERA à lui payer la somme de 150000 euros à titre de dommages et intérêts.

Il est également demandé, plus avant dans le dispositif, de dire et juger que cette exécution fautive a contribué à la dégradation de l'état de santé et à l'inaptitude de Mme [M].

Les motifs qui éclairent cette demande permettent sans ambiguïté possible de rattacher ce chef de demande indemnitaire à la rupture du contrat de travail contestée par Mme [M] se plaignant d'une inaptitude physique fondant son licenciement provoqué par des manquements allégués de son employeur puisqu'il est fait état, en page 27, avant dernier paragraphe, du fait que la requérante reproche à la CERA d'être à l'origine de son inaptitude définitive et il est développé durant une page des moyens visant à voir écarter le plafond de l'article L 1235-3 du code du travail relatif à l'indemnisation d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il s'ensuit que cette demande indemnitaire est manifestement présentée par la requérante à raison de l'absence de cause réelle et sérieuse alléguée du licenciement, et ce, moins d'un an après la notification par l'employeur de la rupture de son contrat de travail.

Outre qu'une demande indemnitaire afférente à la rupture au vu des motifs développés dans la requête figure bien dans le dispositif de cet acte, les dispositions de l'article R 1453-5 du code du travail ne sauraient trouver application en l'espèce dès la requête introductive d'instance dans la mesure où à la date de son enregistrement par le greffe, aucun avocat ne représentait la défenderesse.

Seul l'article R 1452-2 du code du travail, non visé par la CERA, demanderesse à l'exception de fin de non-recevoir, régit les mentions devant figurer dans la requête.

Enfin, le moyen invoqué au visa de l'article 70 du code de procédure civile est inopérant dès lors que la demande au titre de la rupture du contrat de travail n'est pas additionnelle mais a été présentée dès la requête introductive d'instance, avant l'expiration du délai de prescription.

Il s'ensuit qu'il convient d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit irrecevable la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de rejeter la fin de non-recevoir à ce titre soulevée par la société CERA.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription des prétentions afférentes à l'exécution du contrat de travail':

Il résulte de l'article L 1471-1 dans sa version issue de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013 et de celles successives que toute action portant sur l'exécution se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

Le point de départ du délai de prescription de l'action par laquelle un salarié demande à son employeur, auquel il reproche un manquement à son obligation de sécurité, réparation de son préjudice, est la date à laquelle le salarié a eu connaissance de la manifestation du dommage subi sans que ce point de départ ne puisse être antérieur à la date à laquelle le dommage a cessé. (par analogie avec cass.Soc. Soc, 8 juillet 2020, pourvoi n° 18-26585).

Dès lors que le préjudice susceptible d'être subi par le salarié à raison du manquement, par l'employeur, à son obligation de formation et d'adaptation au poste, en application de l'article L 6321-1 du code du travail, réside dans le fait de limiter sa recherche d'emploi et/ou de compromettre son évolution professionnelle, il s'ensuit que le point de départ du délai de prescription d'une demande de ce chef, en application de l'article L 1471-1 du code du travail, est la date à laquelle le salarié a connaissance certaine de la manifestation du dommage.

Au cas d'espèce, premièrement, Mme [M] se prévaut du fait que les manquements de son employeur à son obligation de sécurité ont contribué à la dégradation de son état de santé et à sa déclaration d'inaptitude définitive.

Or, Mme [M] a été en arrêt de travail, qu'elle impute en tout ou partie à des manquements de l'employeur à son obligation de sécurité ayant, selon elle, contribué à la dégradation de son état de santé, pour 15 jours à partir du 25 février 2015, puis à compter du 25 mars 2015 et ce de manière continue jusqu'à sa déclaration d'inaptitude, le 15 février 2018, si bien que la prescription n'a pu commencer à courir au plutôt qu'à cette date, constitutive de la cessation du dommage.

Par ailleurs, la déclaration d'inaptitude ayant été prononcée le 15 février 2018 par le médecin du travail, c'est dès lors également à cette date qu'a commencé à courir la prescription au titre des manquements allégués de l'employeur à son obligation de sécurité ayant contribué à sa déclaration d'inaptitude définitive.

Il s'ensuit que les prétentions présentées au titre des manquements de l'employeur à son obligation de sécurité, selon requête du 2 août 2018, soit moins de deux années après la date fixée comme point de départ de la prescription biennale, ne sont pas atteintes par la prescription.

Deuxièmement, Mme [M] reproche à son employeur d'avoir manqué à son obligation de formation et d'adaptation au poste dans des conditions de nature à compromettre son avenir professionnel certes à compter de sa nomination en qualité d'auditrice à effet du 1er septembre 2007, soit largement plus de deux années avant la saisine de la juridiction prud'homale.

Toutefois, Mme [M] se prévaut du fait que le manquement de l'employeur à cette obligation a été continu de cet évènement jusqu'à la rupture de son contrat de travail et ce, dans les trois postes qu'elle a occupés successivement à compter de cette date, en qualité d'auditrice, puis à partir du 20 juin 2011, comme chargée support bancaire au sein du département IARD à Grenoble, et à compter du 1er mars 2013, comme gestionnaire de clientèle entreprise.

Or, l'employeur qui excipe de la fin de non-recevoir et supporte la charge de la preuve que les conditions en sont remplies, n'allègue et encore moins n'établit que Mme [M] aurait pu se voir refuser, au cours de cette période, un poste sur lequel elle aurait candidaté ou aurait subi un changement de poste ou bien encore se serait vu mettre en garde à raison de manquements dans l'exécution de ces missions à raison de compétences professionnelles jugées insuffisantes et ce, dans des conditions qui auraient permis à la salariée de prendre conscience que son évolution professionnelle dans l'entreprise était ralentie, empêchée ou obérée au regard de ses aptitudes et compétences professionnelles.

En d'autres termes, la société CERA ne prouve pas la date à laquelle Mme [M] était en situation d'avoir connaissance certaine des conséquences dommageables résultant des manquements qu'elle reproche à son employeur alors que cette circonstance marque le point de départ de la prescription.

Il est dès lors jugé que Mme [M] n'a pu avoir pleinement connaissance du dommage subi à raison des manquements allégués de son employeur à son obligation d'adaptation et de formation tout au plus qu'au jour où elle a été déclarée inapte définitive à son poste, sans reclassement possible, évènement lui permettant de pleinement avoir connaissance que son avenir professionnel dans l'entreprise était définitivement et irrémédiablement compromis.

Cet évènement est intervenu moins de deux ans avant la saisine du conseil de prud'hommes et la formulation des prétentions au titre de l'exécution du contrat de travail.

Il convient, en conséquence, de rejeter les fins de non-recevoir soulevées par la société CERA à raison de la prescription des prétentions au titre de l'exécution du contrat de travail et de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit recevables les autres demandes.

Sur les manquements dans l'exécution du contrat de travail':

Premièrement, il résulte de l'article L 1222-1 du code du travail que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

Deuxièmement, l'employeur a une obligation s'agissant de la sécurité et de la santé des salariés dont il ne peut, le cas échéant, s'exonérer que s'il établit qu'il a pris toutes les mesures nécessaires et adaptées énoncées aux articles L 4121-1 et L 4121-2 du code du travail ou en cas de faute exclusive de la victime ou encore de force majeure.

L'article L 4121-1 du code du travail impose notamment à l'employeur de mettre en place une organisation et des moyens adaptés, l'employeur devant veiller à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

Troisièmement, il résulte de l'article L 6121-1 du code du travail que l'employeur a l'obligation d'assurer l'adaptation du salarié à son poste et de veiller à sa capacité d'occuper un emploi.

Le suivi de formations ne suffit pas établir le respect de cette obligation de formation ; il convient que ces formations participent au maintien de la capacité à occuper un emploi.

La preuve du respect de l'obligation pèse sur l'employeur.

L'évaluation du préjudice distinct de celui indemnisé au titre du licenciement relève de l'appréciation souveraine des juges du fond, de même que la caractérisation de son existence.

Le fait que le manquement à l'obligation de formation ait eu pour conséquence de limiter la recherche d'emploi du salarié et de compromettre son évolution professionnelle caractérise un préjudice.

Au cas d'espèce, premièrement, si le refus, par un employeur, d'une candidature sur un poste proposé en interne, adressé à un salarié ne peut en soi être considéré comme fautif dès lors que l'employeur est investi, dans le cadre de son pouvoir de direction, des prérogatives lui permettant de ne pas accorder à un salarié un changement de poste, il n'en demeure pas moins que Mme [M] rapporte la preuve suffisante que les circonstances dans lesquelles elle a été évincée du poste de gestionnaire RH de carrières, lors de la fusion de la caisse d'épargne des Alpes et de la caisse d'épargne Rhône-Alpes Lyon, en juin 2007, traduisent une exécution fautive et de mauvaise foi du contrat de travail.

En effet, Mme [M] produit une attestation de M. [Z], président du directoire de la caisse d'épargne des Alpes jusqu'au 30 mai 2007, aux termes de laquelle celui-ci explique qu'à la suite du processus d'affectation des collaborateurs dans le cadre de la fusion, piloté par M. [S], membre du directoire, il avait été acté que Mme [M] serait affectée au sein de la direction des ressources humaines, au poste de gestionnaire de carrières mais qu'à la publication des pré-affectations, il a été alerté par l'intéressée qu'une autre personne avait été nommée sur son poste, si bien que la direction des ressources humaines avait pris une décision contraire à ce qui avait été validé en directoire, de sorte qu'elle se trouvait sans affectation, si bien qu'en dernier recours, elle a été affectée à l'audit.

Contrairement à ce que soutient la société CERA, cette attestation circonstanciée, qui émane du président du directoire de la société de l'époque, est pleinement probante.

Elle est, en effet, corroborée de manière indirecte mais sérieuse par le commentaire fait par Mme [M] lors de son évaluation pour l'année 2006. En effet, la salariée maintient, comme lors de précédents entretiens, un souhait d'évolution vers le service DRH, sociétariat et précise surtout «'bien qu'elle n'ait pas mes préférences, je m'investirai dans cette nouvelle étape professionnelle au sein de l'audit. Toutefois, j'espère que la qualité de mon action au poste d'assistante du président du directoire pendant 15 ans d'une part, et mon investissement futur, d'autre part, seront valorisés dans un avenir proche'».

La société CERA développe un moyen inopérant tenant au fait qu'une autre salariée, Mme [V], qui travaillait déjà dans le service des ressources humaines, s'est, en toute logique, vu proposer ce poste alors que la faute ne réside pas dans le fait d'avoir privilégié une salariée ayant les compétences requises pour l'emploi, voire des compétences supérieures à celles de Mme [M], mais d'avoir assuré celle-ci de son affectation future, lors de la fusion, dans un poste, dans des conditions qui ne pouvaient permettre à la salariée de douter de la réalité du caractère ferme et définitif de la promesse puisqu'émanant du directoire de la société, pour ensuite faire volte-face, non seulement en lui refusant le poste promis mais encore en lui trouvant une affectation en urgence alors que le processus d'affectation des salariés était déjà achevé.

Au travers de ses évaluations professionnelles antérieures mais encore des attestations de MM. [Z] et [D], ce dernier ayant été président du directoire de la caisse d'épargne de Grenoble de 1993 à 2002, Mme [M] démontre de surcroît que cette affection promise à l'occasion de la fusion s'inscrivait dans un projet, longuement mûri et réitéré dans le temps, de réorientation professionnelle dans le service des ressources humaines de l'entreprise.

Le fait que Mme [M] ait décliné, pour des raisons personnelles la rendant non mobile géographiquement, la proposition de poursuivre ses fonctions d'assistante du directoire de la société CERA au siège à Lyon, ne saurait justifier que l'employeur revienne sur une promesse considérée comme ferme et définitive d'un poste alternatif qui convenait à la salariée et s'inscrivait dans le cadre d'une réorientation professionnelle envisagée, qui avait obtenu l'aval et le soutien de sa hiérarchie jusqu'alors au plus au niveau de l'entreprise.

Par ailleurs, il ne peut être tiré aucune conséquence du fait que Mme [M] ait accepté le poste d'auditeur qui lui a été en définitive proposé et qu'elle ait pu, lors de l'évaluation de l'année 2006 faite début 2007, entériner une mobilité vers le poste d'auditeur dès lors que la salariée fait ensuite le commentaire cité supra sur le fait qu'il ne s'agit pas de sa préférence et manifeste un souhait d'une autre valorisation de ses compétences, manifestement partagé par l'évaluateur, M. [Z], qui, dans son avis sur le projet professionnel de la salariée, indique «'compte tenu de sa connaissance des rouages de l'entreprise, de son expérience et de ses aptitudes, [W] [M] pourrait prétendre à d'autres voies professionnelles au sein du CERA, notamment dans le domaine des RH, du sociétariat''».

Deuxièmement, non seulement, l'affectation de Mme [M] sur un poste d'auditeur est la conséquence d'une faute préalable de l'employeur mais encore la société CERA ne rapporte pas la preuve qui lui incombe qu'elle a rempli son obligation d'adaptation et de formation de la salariée alors que cette désignation dans des missions d'auditeur marquait clairement une rupture dans le parcours professionnel de la salariée qui avait jusqu'alors assumé des missions de secrétariat et d'assistance du directoire pendant plus de 26 années et intervenait de surcroît dans le cadre d'une opération de fusion de l'entreprise.

En effet, si l'employeur produit en pièce n°6, la liste des formations suivies par Mme [M] et qu'il apparaît notamment que les 24 et 25 septembre 2007, elle a bénéficié d'une formation «'méthodologie de l'audit'», la cour d'appel observe que cette formation est prévue sur seulement 2 jours avec une durée de 14,40 heures, est intervenue 3 mois après la fusion et la prise de poste et surtout, que l'employeur, qui supporte la charge de la preuve d'avoir rempli son obligation de formation et d'adaptation au poste, ne produit aucune pièce utile de nature à contredire l'affirmation de la salariée selon laquelle cette formation était en réalité destinée à des auditeurs confirmés et n'était en conséquence pas adaptée à sa situation.

Surtout, la société CERA ne démontre pas davantage que Mme [M] a bénéficié du dispositif d'aide à la mobilité fonctionnelle dans le cadre de la fusion CEA/CERAL selon accord du 26 décembre 2006 applicable jusqu'au 30 juin 2008, qui prévoyait un diagnostic d'écart de compétences entre l'emploi d'origine et le nouvel emploi, un plan individuel d'accompagnement et la mise en 'uvre pendant une année d'un tutorat.

Or, si les évaluations professionnelles à partir de l'année 2008 ne mettent pas en évidence de reproches de l'employeur sur son travail, elles comportent pour autant des signaux indéniables de difficultés portées à l'attention de l'employeur puisque son évaluateur indique par exemple pour l'évaluation de l'année 2008 que «'l'ambiance de travail doit être améliorée. [W] devra continuer à avoir un comportement qui contribue à travailler et à échanger les expériences dans un climat serein et sympathique'».

Il est également notable que, tant en 2009 qu'en 2010, Mme [M] a sollicité vainement de pouvoir rencontrer le chargé de carrière dont elle dépend.

Les évaluations de 2008 à 2010 mettent également toutes en exergue qu'il a été exigé de la salariée, de la part de son supérieur hiérarchique, une montée en compétences d'une année à l'autre'; traduisant ainsi que le poste est partiellement maîtrisé.

Lors de l'évaluation de l'année 2010, soit deux années et demi après l'intégration de la salariée dans ce nouvel emploi, il est ainsi jugé que Mme [M] maîtrise partiellement les trois savoirs de base et les techniques de l'audit, sans pour autant que l'employeur ne lui en fasse reproche'; ce qui induit nécessairement que l'adaptation au poste n'a toujours pas été réalisée dans des conditions suffisantes.

Mme [M] n'est contredite par aucune pièce utile de l'employeur dans son affirmation selon laquelle les formations qu'elle a suivies étaient avant tout liées à des points très techniques et réglementaires.

Il n'est, dès lors, pas objectivé que l'employeur ait pris les mesures nécessaires et utiles dans le double cadre d'une réorientation professionnelle de la salariée après 27 ans dans une filière bien différente et d'une fusion de la société pour permettre à Mme [M] de s'adapter dans des conditions satisfaisantes et acceptables à son nouveau poste.

Troisièmement, si Mme [M] a effectivement accepté le 16 juin 2011 d'occuper le poste de chargée de supports BDD, ainsi qu'en témoigne le courrier de nomination contresigné par la salariée, la cour d'appel ne peut qu'observer que ce changement de poste n'est pas à l'initiative de la salariée mais fait suite à une réorganisation du service de l'audit, regroupé à Lyon et que de surcroît il s'est accompagné d'une diminution de la classification de la salariée passée de TM5 à TM4.

Lors de son évaluation de l'année 2011, la salariée pointe sans ambiguïté le manque de préparation à ce changement de poste et une carence de la part de son employeur en termes de formation puisque Mme [M] explique que «'j'ai dû faire preuve d'un investissement personnel important pour travailler en presque totale autonomie puisque dans le contexte d'une forte activité du BOPA, seules 2 journées de formation ont pu m'être allouées. Mais d'un 1 après ma mobilité fonction, puis après avoir décliné le poste d'assistante de Mme [L] qui m'a été proposée en 12/2011, l'externalisation du BOPA me plonge dans l'expectative'».

L'employeur ne prouve pas, par sa seule pièce n°6, qui est une liste des formations suivies par la salariée sans que le contenu n'en soit précisément connu, qu'il a rempli son obligation d'adaptation au poste et ne fait qu'affirmer que la salariée avait acquis des compétences pour ce nouvel emploi en qualité d'auditrice.

S'il est établi que la société CERA a proposé à Mme [M] un poste d'assistante de la présidente de la CERA au siège à Lyon correspondant effectivement davantage à son expérience et ses compétences passées et que la salariée a décliné l'offre eu égard à son absence de mobilité géographique, l'employeur n'en était pas pour autant dispensé de son obligation de formation et d'adaptation à son nouvel emploi.

Quatrièmement, eu égard à une nouvelle restructuration consistant en la reprise de l'activité Incendie, Accidents et Risques Divers (IARD) par la société BPCE Assurances, en juillet 2012, Mme [M] a refusé d'être transférée à ce nouvel employeur.

Elle objective que ce transfert a été l'occasion, pour les salariés du service, d'exprimer à la direction leur «'désarroi'», ceux-ci, dont Mme [M], signant un courrier critique du projet et demandant à rester au sein de la CERA.

Cinquièmement, ce sont dans ces circonstances que Mme [M] a fait l'objet d'un nouveau changement d'affectation pour être nommée gestionnaire de clientèle Entreprise au centre d'affaires de l'Isère.

Si Mme [M] a, au vu du courriel du 26 décembre 2011 qu'elle a adressé au président de la société pour décliner le poste d'assistance de Mme [L], joué un rôle actif pour assumer, en sus de son poste de gestionnaire de clientèle Entreprise, le poste d'assistante du directeur du centre d'affaires sans, d'ailleurs, de formalisation contractuelle par les parties, et que la salariée a exprimé sa satisfaction, lors de l'évaluation de l'année 2013, de travailler dans ce service et plus particulièrement s'agissant de ses missions d'assistante, il n'en demeure pas moins que dès le 23 janvier 2013, Mme [M] a interrogé sa hiérarchie sur la combinaison de ces deux activités.

Si l'employeur ne peut se voir reprocher le choix de Mme [M] de changer de lieu de résidence avec un accroissement de ses temps de trajet alors qu'il ne lui a pas été imposé de mobilité géographique, que l'employeur n'est pas non plus tenu d'adapter les horaires de travail de la salariée à cette contrainte personnelle nouvelle et a au demeurant fait droit à sa demande de temps partiel à compter du 1er mars 2013 selon un volume hebdomadaire de 34 heures réparties sur 4 jours, la société CERA ne démontre aucunement par la seule réponse apportée le 23 janvier 2013 par Mme [T], en charge du centre d'affaires, rassurant de manière très générale la salariée, qu'il a été tenu compte de cette mission supplémentaire d'assistante dans sa charge de travail.

L'employeur qualifie, au contraire, la première période de 9 mois d'intégration de Mme [M] au sein du CAF Isère, lors de l'évaluation de l'année 2013, de «'très dense'» dans le cadre de sa fonction bi-céphale.

La salariée a, dans son commentaire, également souligné la difficulté de conjuguer les deux métiers, quoiqu'étant satisfaite de travailler dans ce nouveau service.

Des éléments produits aux débats et notamment des échanges de courriels entre Mme [M] et Mme [H] mettent d'ailleurs en exergue qu'une discussion a eu lieu sur la réalisation par la salariée d'heures supplémentaires, qui ont en définitive fait l'objet de récupération.

Surtout, lors du comité de carrière du 5 novembre 2013, l'attention de l'employeur a expressément été attirée sur une «'alerte risque santé'», concernant Mme [M], quoiqu'il soit également mis en avant le «'beau reclassement bicéphale'».

La société CERA n'explique et encore moins ne justifie de quelle manière, elle a pris en compte cette alerte.

Sixièmement, c'est dans ce contexte qu'il est objectivé, à compter de février 2015, une dégradation significative de l'état de santé de la salariée.

A la suite d'une visite à la demande de l'employeur, faisant suite à un premier arrêt maladie, le médecin du travail a rendu le 25 mars 2015, l'avis suivant': «'recours aux soins immédiats nécessaires. Adresser à son médecin traitant. Sera à revoir lors de la prochaine reprise. Une recherche d'un poste dans la proximité de son domicile est nécessaire dès à présent'».

Si l'employeur n'était certes pas tenu d'effectuer une recherche active de reclassement pendant les arrêts de travail de la salariée selon les préconisations du médecin du travail, il n'en demeure pas moins que des discussions ont eu lieu entre Mme [M] et la direction des ressources humaines d'avril à juillet 2015 à ce sujet et que l'employeur a tout au plus proposé une adaptation du poste actuel de la salariée avec deux jours de télétravail mais n'a pas donné suite à un reclassement en agence près du domicile de la salariée.

La société CERA n'explique notamment pas pourquoi il n'a pas été proposé le poste de responsable clientèle particuliers à l'agence du Grand-Lemps pour lequel une annonce a été publiée le 17 mars 2016, ledit poste étant à 6 minutes en voiture du domicile de la salariée.

En revanche, dans le cadre d'une ultime restructuration, l'employeur a proposé à Mme [M], pendant ses arrêts maladie, d'occuper à compter du 6 juin 2017 un nouveau poste de chargé support bancaire classification F, avec un lieu de travail toujours situé à Grenoble, ledit emploi étant non compatible avec les orientations données antérieurement par le médecin du travail'; ce que Mme [M] n'a pas manqué de rappeler par courrier du 4 mai 2017.

L'employeur a alors renvoyé l'examen de la situation de la salariée à la visite de reprise, qui est intervenue le 15 février 2018 à la suite de laquelle Mme [M] a été déclarée inapte, son état de santé faisant obstacle, d'après le médecin du travail, à tout reclassement dans un emploi.

En définitive, la dégradation de l'état de santé de la salariée, objectivée par le rapport du docteur [U], psychiatre, dans le cadre de l'étude de la maladie professionnelle déclarée le 23 novembre 2015, et les éléments émanant du médecin du travail résulte certes à la fois de déplacements domicile-travail anormalement longs pour lesquels aucune responsabilité n'est retenue à l'égard de l'employeur, mais également, et ce, de manière certaine, d'une surcharge de travail et d'une absence de calibrage par l'employeur d'un poste à double mission et dans une perspective de long terme par de multiples changements subis, quoique formellement acceptés par la salariée, d'emplois à raison de restructurations successives de l'entreprise pour lesquels les efforts d'adaptation de l'employeur ont été nettement insuffisants et ce, après une première partie de carrière professionnelle pendant 26 années sans la moindre difficulté pour Mme [M].

Quoique le taux retenu de 12 % ait fait échec à la reconnaissance de la maladie professionnelle, la salariée ayant toutefois été classée en invalidité catégorie 2 le 1er février 2017, le docteur [U] retient ainsi dans les conclusions de son rapport «'Madame [I] ([M] NDR) [W] est atteinte d'une affection psychique caractérisée par une symptomatologie anxio-dépressive moyennement sévère en lien direct et certain avec les conditions de travail. Pas d'antécédent psychiatrique susceptible d'interférer avec son affection actuelle'».

Il s'ensuit qu'il est jugé que l'employeur a manqué gravement et durablement à son obligation de sécurité et à celle d'adaptation et de formation au poste de la salariée au cours de l'exécution du contrat de travail et ce, dans des conditions qui lui ont été notablement préjudiciables, le premier juge par une juste appréciation des éléments de la cause ayant alloué à Mme [M] la somme de 15000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice moral subi dans les motifs de la décision mais ayant globalisé l'indemnisation du préjudice dans le dispositif du jugement si bien que le jugement entrepris est infirmé et la société CERA condamnée au paiement de la somme de 15000 euros au titre du préjudice moral.

Le surplus de la demande de ce chef est rejeté.

Sur la demande indemnitaire au titre de la rupture du contrat de travail':

D'une première part, le licenciement pour inaptitude physique définitive du salarié à son poste et impossibilité de reclassement est sans cause réelle et sérieuse lorsque cette inaptitude a été causée au moins en partie par un manquement préalable de l'employeur.

D'une seconde part, dans le cadre d'un contentieux pour inaptitude, la perte des droits à la retraite liée au licenciement ne constitue pas un préjudice distinct susceptible d'entraîner une indemnisation particulière devant les prud'hommes, ledit préjudice ne pouvant être réparé le cas échéant que dans le cadre du contentieux de la faute inexcusable.

En l'espèce, en premier lieu, dès lors que Mme [M] ne peut revendiquer un préjudice distinct au titre de la perte de droits à la retraite dans le cadre de la présente procédure prud'homale, le jugement est infirmé en ce qu'il a alloué une indemnité de ce chef et l'appelante est déboutée de sa demande à ce titre.

En second lieu, il a été vu précédemment que l'inaptitude définitive de Mme [M] à son poste sans reclassement possible du fait de son état de santé prononcée par le médecin du travail le 15 février 2018 et ayant donné lieu à la notification du licenciement le 21 mars 2018 trouve, au moins en partie, son origine dans les manquements préalables de l'employeur à deux de ses obligations essentielles dérivant du contrat de travail.

Il s'ensuit que Mme [M] est fondée en sa demande indemnitaire à raison de son licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Quoique l'inaptitude de la salariée et le licenciement subséquent aient, au moins en partie, une origine professionnelle, Mme [M] ne revendique pas l'application des dispositions de l'article L 1226-15 du code du travail mais invoque uniquement celles de l'article L 1235-3 du même code.

Au jour de son licenciement injustifié, Mme [M] avait plus de 36 ans d'ancienneté.

Le salaire figurant sur le bulletin de salaire de mars 2018, produit par l'employeur, est de 3 484,37 euros bruts, la cour d'appel observant qu'il s'agit d'un temps plein alors que les parties avaient convenu d'un temps partiel à titre temporaire, sans que ne soient produits les éléments permettant de savoir quand il y aurait été mis fin.

Pour autant, Mme [M] sollicite expressément de la cour d'appel que soit fixée la moyenne de ses trois derniers mois de salaire selon ceux versés avant son arrêt maladie lorsqu'elle était à temps partiel.

Il est dès lors retenu un salaire de référence de 3 713,54 euros bruts.

Au vu des éléments versés, notamment le fait que suite à son licenciement, Mme [M] a été en invalidité catégorie 2 percevant une pension à ce titre de 1499,42 euros bruts, et ce, jusqu'à son départ en retraite en avril 2021, lui occasionnant ainsi une perte significative de revenus pendant 3 ans, la somme de 74270 euros permet la réparation du préjudice subi.

Il s'ensuit que la société CERA est condamnée au paiement de cette somme et Mme [M] déboutée du surplus de sa demande de ce chef.

Sur les demandes accessoires':

L'équité commande de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a alloué à Mme [M] une indemnité de procédure de 1200 euros et de lui accorder une indemnité complémentaire de procédure de 1500 euros en cause d'appel.

Le surplus des prétentions des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile est rejeté.

Au visa de l'article 696 du code de procédure civile, confirmant le jugement entrepris et y ajoutant, il convient de condamner la société CERA, partie perdante, aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS';

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi';

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a':

- Dit recevables les autres demandes

- Dit que l'inaptitude de Mme [W] [M] est partiellement d'origine professionnelle ;

- Condamne la société Caisse d'Epargne Rhône Alpes Lyon à payer à Mme [W] [M] la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure

- Condamne la société Caisse d'Epargne Rhône Alpes Lyon aux dépens.

L'INFIRME pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

REJETTE la fin de non-recevoir soulevée par la SA Caisse d'Epargne et de Prévoyance Rhône-Alpes concernant la demande indemnitaire au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse

CONDAMNE la SA Caisse d'Epargne et de Prévoyance Rhône-Alpes à payer à Mme [W] [M] les sommes suivantes':

- quinze mille euros (15 000 euros) nets de dommages et intérêts au titre de l'exécution fautive du contrat de travail, manquement à l'obligation de sécurité et défaut d'adaptation et de formation au poste

- soixante-quatorze mille deux cent soixante-dix euros (74 270 euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

DÉBOUTE Mme [W] [M] du surplus de ses prétentions financières au principal

CONDAMNE la SA Caisse d'Epargne et de Prévoyance Rhône-Alpes à payer à Mme [W] [M] une indemnité complémentaire de procédure de 1 500 euros

REJETTE le surplus des prétentions des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE la SA Caisse d'Epargne et de Prévoyance Rhône-Alpes aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Mme Blandine FRESSARD, Présidente et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section b
Numéro d'arrêt : 20/02976
Date de la décision : 09/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-09;20.02976 ?
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