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09/06/2022 | FRANCE | N°20/02470

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section b, 09 juin 2022, 20/02470


C9



N° RG 20/02470



N° Portalis DBVM-V-B7E-KQFP



N° Minute :













































































Copie exécutoire délivrée le :





la SELARL JURISTIA - AVOCATS



la SELARL CLEMENT-CUZIN LEYRAUD DESCHEEMAKER



la SARL DEPLANTES & C

AMERINO AVOCATES ASSOCIEES



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 09 JUIN 2022





Appel d'une décision (N° RG 17/01191)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de GRENOBLE

en date du 06 juillet 2020

suivant déclaration d'appel du 04 août 2020





APPELANTE :



Madame [R] [J]
...

C9

N° RG 20/02470

N° Portalis DBVM-V-B7E-KQFP

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL JURISTIA - AVOCATS

la SELARL CLEMENT-CUZIN LEYRAUD DESCHEEMAKER

la SARL DEPLANTES & CAMERINO AVOCATES ASSOCIEES

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 09 JUIN 2022

Appel d'une décision (N° RG 17/01191)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de GRENOBLE

en date du 06 juillet 2020

suivant déclaration d'appel du 04 août 2020

APPELANTE :

Madame [R] [J]

née le 29 janvier 1971

de nationalité Française

74 chemin de l'Eglise

38240 MEYLAN

représentée par Me Jean Damien MERMILLOD-BLONDIN de la SELARL JURISTIA - AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMEES :

S.A.S. SOFIDIS, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

Espace Comboire

38130 ECHIROLLES

représentée par Me Laurent CLEMENT-CUZIN de la SELARL CLEMENT-CUZIN LEYRAUD DESCHEEMAKER, avocat au barreau de GRENOBLE

S.A.S. ECHIROLLES DISTRIBUTION, prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualité audit siège

Zone d'activité commerciale de Comboire

Rue de Comboire

38130 ECHIROLLES

représentée par Me Sofia CAMERINO de la SARL DEPLANTES & CAMERINO AVOCATES ASSOCIEES, avocat postulan au barreau de GRENOBLE,

et par Me Marie-Pascale VALLAIS de la SELARL VALLAIS AVOCAT, avocat plaidant au barreau de NANTES

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Blandine FRESSARD, Présidente,

M. Frédéric BLANC, Conseiller,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

Assistés lors des débats de M. Fabien OEUVRAY, Greffier,

DÉBATS :

A l'audience publique du 30 mars 2022,

Monsieur BLANC, Conseiller, chargé du rapport,

Les avocats ont été entendus en leurs observations.

Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.

EXPOSE DU LITIGE':

Mme [R] [J] a été embauchée par contrat à durée indéterminée en date du 25 mai 2001 par la société SA ECHIROLLES DISTRIBUTION, présidée par Monsieur [C] [U], exploitant un hypermarché sous l'enseigne LECLERC, en qualité de directrice des services administratif, comptable et financier, niveau VII, échelon I de la convention collective du commerce de gros et de détail à prédominance alimentaire.

Le 8 novembre 2001, une convention d'assistance a été conclue entre la SA SOFIDIS, société holding dirigée par Monsieur [C] [U], la société SA ECHIROLLES DISTRIBUTION et la SCI du DRAC (propriétaire des murs de l'hypermarché exploité ainsi que des magasins de la galerie marchande) afin que la SA SOFIDIS puisse assister, contre rémunération, ces deux sociétés en matière administrative, comptable, gestion financière et commerciale, technique, informatique et en ressources humaines. Cette convention a été régulièrement renouvelée jusqu'en août 2015.

Par avenant en date du 1er novembre 2002, le contrat de travail de Mme [R] [J] a été transféré à la SA SOFIDIS, avec une classification au niveau IX.

Par avenant en date du 31 juillet 2012, la classification de Mme [R] [J] a été maintenue au niveau IX de la convention collective et son salaire annuel brut était fixé à la somme de 79 100 euros.

Par avenant en date du 24 décembre 2016, le salaire annuel brut de la salariée a été fixé à 90 000 euros, prime conventionnelle incluse.

Courant février 2017, M. [U] a informé oralement Mme [J] de sa volonté de céder ses parts de l'entreprise SA ECHIROLLES DISTRIBUTION et du transfert du contrat de travail de cette dernière vers cette société, au regard de cette cession.

Par courrier en date du 28 juillet 2017, la SA SOFIDIS a informé officiellement Mme [R] [J] du transfert automatique de son contrat de travail à la SA ECHIROLLES DISTRIBUTION par application de l'article 1224-1 du code du travail en raison d'une ré-internalisation des services administratifs, comptables et financiers.

Par courriers en date des 29 juillet et 1er août 2017, Mme [R] [J] a indiqué à la SA SOFIDIS qu'elle estimait qu'au regard de la nature de ses fonctions, la cession réalisée entre la SA SOFIDIS et la SA ECHIROLLES DISTRIBUTION ne pouvait entraîner de manière automatique le transfert de son contrat de travail. Elle ne s'est pas présentée, le 1er août 2017, dans les locaux de la SA ECHIROLLES DISTRIBUTION.

Le 31 juillet 2017, la SA SOFIDIS a cédé les titres de sa filiale SA ECHIROLLES DISTRIBUTION à la société COPYXIS, société holding du repreneur du supermarché, et précisé dans courrier adressé à Mme [R] [J] qu'à ses yeux, la majeure partie de son travail était consacrée à la SA ECHIROLLES DISTRIBUTION'; ce qui entraînait nécessairement le transfert de son contrat de travail.

Par courrier en date du 8 août 2017, la SA ECHIROLLES DISTRIBUTION lui a confirmé la réalité du transfert de son contrat de travail en son sein depuis le 1er août 2017.

A la suite de ses congés d'été, du 7 au 27 août 2017, Mme [R] [J] a été placée en arrêt de travail jusqu'à la date de rupture de son contrat de travail.

Par requête déposée le 22 décembre 2017, Mme [R] [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble afin de solliciter la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la société SOFIDIS, contestant tout transfert de son contrat de travail, remettant en cause son statut de cadre dirigeant, sollicitant en conséquence le paiement d'heures supplémentaires, considérant avoir été victime de travail dissimilé et du délit de marchandage et se plaignant d'un manquement des sociétés SOFIDIS et ECHIROLLES DISTRIBUTION à l'obligation de sécurité. Elle a subsidiairement contesté le bien-fondé de son licenciement.

Les sociétés SOFIDIS et ECHIROLLES DISTRIBUTION se sont opposées aux prétentions adverses.

Dans l'intervalle, par avis en date du 8 février 2018, le médecin du travail a déclaré Mme [J] inapte à son poste de travail et, le 19 février 2018, les délégués du personnel ont constaté l'impossibilité de son reclassement.

Par courrier recommandé en date du 20 février 2018, Mme [R] [J] a été convoquée à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, auquel elle ne s'est pas présentée.

Par courrier en date du 7 mars 2018, la SA ECHIROLLES DISTRIBUTION a notifié à Mme [J] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

L'affaire a été plaidée à l'audience du 27 juin 2019. Suite à cette audience, les conseillers n'ayant pu se départager, un procès-verbal de partage de voix a été dressé le 1er août 2019 et l'affaire a été renvoyée à une audience présidée par le juge départiteur.

Par jugement en date du 6 juillet 2020, le conseil de prud'hommes de Grenoble présidé par le seul juge départiteur a':

CONSTATE le désistement de la SA ECHIROLLES DISTRIBUTION de l'irrecevabilité soulevée quant à la demande de résiliation du contrat de travail,

DIT que l'article L. 1224-1 du code du travail n'était pas applicable à Mme [R] [J],

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [R] [J] aux torts exclusifs de la SA SOFIDIS produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

DÉBOUTE Mme [R] [J] de sa demande au titre de l'obligation de sécurité de résultat,

DÉBOUTE Mme [R] [J] de sa demande au titre de l'absence de suivi des visites médicales obligatoires,

DEBOUTE Mme [R] [J] de sa demande au titre du manquement à l'obligation d'adaptation et de formation,

CONDAMNE la SA SOFIDIS à verser à Mme [R] [J] au titre de l'indemnité compensatrice de préavis la somme de 15 000,00 € brut, outre 1 500,00 € au titre des congés payés afférents,

CONDAMNE la SA SOFIDIS à verser à Mme [R] [J] au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse la somme de 50 000.00 € net,

DIT que Mme [R] [J] était cadre dirigeant de la SA SOFIDIS,

DÉBOUTE Mme [R] [J] de sa demande de rappel d'heures supplémentaires, de repos compensateur et d'indemnité pour travail dissimulé,

DÉBOUTE Mme [R] [J] de sa demande d'indemnité pour délit de marchandage,

CONDAMNE la SA SOFIDIS à verser à Mme [R] [J] la somme de 1500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la SA ECHIROLLES DISTRIBUTION de sa demande formée au titre des frais irrépétibles,

ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision,

REJETTE le surplus des demandes,

CONDAMNE la SA SOFIDIS au paiement des entiers dépens,

La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées dont les accusés de réception ont été signés le 8 juillet 2020 par les parties.

Par déclaration en date du 4 août 2020, Mme [J] a interjeté appel à l'encontre dudit jugement.

Mme [J] s'en est remise à des conclusions transmises le 28 avril 2021 et demande à la cour d'appel de':

Vu le code du travail, et notamment les articles L1224-1, L1234-1, L3111-2, L3121-8, L3121-

30, L 3243-2, L4121-1, L8221-5, L8223-1, et L8231-1,

Vu la convention collective de commerce de gros et de détail prédominance alimentaire,

Vu la jurisprudence précitée,

Vu l'ensemble des pièces versées aux débats,

Vu le jugement de départage rendu par le conseil de prud'hommes de Grenoble le 6 juillet 2020,

CONFIRMER le jugement de départage rendu par le conseil de prud'hommes de Grenoble le 6 juillet 2020 en ce qu'il a dit que l'article L1224-1 du Code du travail n'était pas applicable à Mme [R] [J],

CONFIRMER le jugement de départage rendu par le conseil de prud'hommes de Grenoble le 6 juillet 2020 en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [R] [J] aux torts exclusifs de la SA SOFIDIS,

CONFIRMER le jugement de départage rendu par le conseil de prud'hommes de Grenoble le 6 juillet 2020 en ce qu'il a condamné la SA SOFIDIS à verser à [R] [J] la somme de 1.500€ en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

CONFIRMER le jugement de départage rendu par le conseil de prud'hommes de Grenoble le 6 juillet 2020 en ce qu'il a condamné la SA SOFIDIS aux entiers dépens,

CONFIRMER le jugement de départage rendu par le conseil de prud'hommes de Grenoble le 6 juillet 2020 en ce qu'il a débouté la SA ECHIROLLES DISTRIBUTION de sa demande formée au titre des frais irrépétibles,

INFIRMER le jugement de départage rendu par le conseil de prud'hommes de Grenoble le 6 juillet 2020 en ce qu'il a condamné la SA SOFIDIS à verser à [R] [J] la somme nette de 50.000 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

INFIRMER le jugement de départage rendu par le conseil de prud'hommes de Grenoble le 6 juillet 2020 en ce qu'il a condamné la SA SOFIDIS à verser à [R] [J] la somme de 15.000 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 1.500 € au titre des congés payés afférents,

INFIRMER le jugement de départage rendu par le conseil de prud'hommes de Grenoble le 6 juillet 2020 en ce qu'il a dit que Mme [R] [J] était cadre dirigeant,

INFIRMER le jugement de départage rendu par le conseil de prud'hommes de Grenoble le 6 juillet 2020 en ce qu'il a débouté Mme [R] [J] de sa demande au sa demande de rappel d'heures supplémentaires, de repos compensateur et d'indemnité pour travail dissimulé,

INFIRMER le jugement de départage rendu par le conseil de prud'hommes de Grenoble le 6 juillet 2020 en ce qu'il a débouté Mme [R] [J] de sa demande au titre de l'obligation de sécurité de résultat,

INFIRMER le jugement de départage rendu par le conseil de prud'hommes de Grenoble le 6 juillet 2020 en ce qu'il a débouté Mme [R] [J] de sa demande au titre de l'obligation de formation et d'adaptation,

INFIRMER le jugement de départage rendu par le conseil de prud'hommes de Grenoble le 6 juillet 2020 en ce qu'il a débouté Mme [R] [J] de sa demande au titre de l'indemnité pour délit de marchandage,

Statuant de nouveau,

CONDAMNER la SAS SOFIDIS à verser à Mme [J] les sommes suivantes :

- 103 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse;

- 20 769,23 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 2 215,45 € à titre d'incidence congés payés sur préavis ;

- 118 231,12 € à titre de rappel d'heures supplémentaires non payées ;

- 11 823,12 € à titre d'incidence de congés payés sur rappel d'heures supplémentaires ;

- 20 218,92 € correspondant aux dommages et intérêts pour absence de contrepartie obligatoire en repos outre les congés payés y afférents à hauteur de 2 021,89 € ;

- 41.539,62 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;

- 20.769,81 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de formation et d'adaptation.

CONDAMNER in solidum la SAS SOFIDIS et la SAS ECHIROLLES à verser à Mme [J] la somme de 27 588,27 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par le délit de marchandage ;

CONDAMNER in solidum la SAS SOFIDIS et la SAS ECHIROLLES à verser à Mme [J] la somme de 10 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à leur obligation de sécurité de résultat.

DEBOUTER la SA SOFIDIS de son appel incident,

DEBOUTER la SA SOFIDIS de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires,

DEBOUTER la SA ECHIROLLES DISTRIBUTION de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires.

En tout état de cause,

CONDAMNER in solidum la SA ECHIROLLES DISTRIBUTION et la SA SOFIDIS à verser à Mme [J] la somme de 3.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNER in solidum la SA ECHIROLLES DISTRIBUTION et la SA SOFIDIS aux entiers dépens de l'appel,

La SAS SOFIDIS s'en est rapportée à des conclusions transmises le 18 février 2022 et entend voir':

I. Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

INFIRMER le jugement de départage rendu par le Conseil de prud'hommes de GRENOBLE le 6 juillet 2020 en ce qu'il a dit que l'article L.1224-1 du Code du travail n'était pas applicable à Mme [J] ;

INFIRMER le jugement de départage rendu par le Conseil de prud'hommes de GRENOBLE le 6 juillet 2020 en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [J] aux torts exclusifs de la société SOFIDIS, produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

INFIRMER le jugement de départage rendu par le Conseil de prud'hommes de GRENOBLE le 6 juillet 2020 en ce qu'il a condamné la société SOFIDIS à verser à Mme [J] au titre de l'indemnité compensatrice de préavis la somme de 15.000 euros bruts, outre 1.500 euros au titre des congés payés afférents ;

INFIRMER le jugement de départage rendu par le Conseil de prud'hommes de GRENOBLE le 6 juillet 2020 en ce qu'il a condamné la société SOFIDIS à verser à Mme [J] au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse la somme de 50.000 euros nets ;

STATUANT À NOUVEAU,

DIRE ET JUGER que l'article L.1224-1 du Code du travail était applicable à Mme [J] ;

DIRE ET JUGER que le licenciement pour inaptitude de Mme [J] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

Et en conséquence,

A titre principal :

REJETER la demande de Mme [J] de condamner la société SOFIDIS à lui verser la somme de 20.769,23 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 2.215,45 euros à titre de congés payés y afférents ;

REJETER la demande de Mme [J] de condamner la société SOFIDIS à lui verser la somme de 103.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

A titre subsidiaire':

REJETER la demande de Mme [J] de condamner la société SOFIDIS à lui verser la somme de 20.769,23 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 2.215,45 euros à titre de congés payés y afférents ;

LIMITER la demande de Mme [J] à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 20.769 euros ;

II. Sur les autres demandes de Mme [J]

CONFIRMER le jugement de départage rendu par le conseil de prud'hommes de Grenoble le 6 juillet 2020 en ce qu'il a débouté Mme [J] de sa demande de dommages-intérêts au titre du manquement à l'obligation de sécurité de résultat ;

CONFIRMER le jugement de départage rendu par le conseil de prud'hommes de Grenoble le 6 juillet 2020 en ce qu'il a débouté Mme [J] de sa demande de dommages-intérêts au titre de l'absence de suivi des visites médicales obligatoires ;

CONFIRMER le jugement de départage rendu par le conseil de prud'hommes de Grenoble le 6 juillet 2020 en ce qu'il a débouté Mme [J] de sa demande de dommages-intérêts au titre du manquement à l'obligation d'adaptation et de formation ;

CONFIRMER le jugement de départage rendu par le conseil de prud'hommes de Grenoble le 6 juillet 2020 en ce qu'il a dit que Mme [J] était cadre dirigeant de la société SA SOFIDIS ;

CONFIRMER le jugement de départage rendu par le conseil de prud'hommes de Grenoble le 6 juillet 2020 en ce qu'il a débouté Mme [J] de sa demande de rappel d'heures supplémentaires et de congés payés y afférents, de sa demande de dommages-intérêts au titre des repos compensateurs obligatoires et de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé ;

CONFIRMER le jugement de départage rendu par le conseil de prud'hommes de Grenoble le 6 juillet 2020 en ce qu'il a débouté Mme [J] de sa demande de dommages-intérêts au titre du délit de marchandage ;

Statuant à nouveau,

DIRE ET JUGER que Mme [J] avait le statut de cadre dirigeant au sein de la société SOFIDIS ;

DIRE ET JUGER que la Société n'a pas manqué à son obligation de sécurité de résultat ;

DIRE ET JUGER que la Société n'a pas manqué à son obligation d'adaptation et de formation;

DIRE ET JUGER que le délit de marchandage n'est pas caractérisé ;

Et en conséquence,

DEBOUTER Mme [J] de l'ensemble de ses demandes ;

En tout état de cause :

INFIRMER le jugement de départage rendu par le conseil de prud'hommes de Grenoble le 6 juillet 2020 en ce qu'il a condamné la société SOFIDIS à verser à Mme [J] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

Statuant à nouveau,

DEBOUTER Mme [J] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'appel ;

CONDAMNER Mme [J] à verser à la société SOFIDIS la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'au paiement des entiers dépens.

La SAS ECHIROLLES DISTRIBUTION s'en est rapportée à des conclusions remises le 28 février 2022 et demande à la cour d'appel'de':

INFIRMER le jugement du conseil de prud'hommes de Grenoble du 6 juillet 2020 en ce qu'il a dit et jugé que les dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail étaient inapplicables au transfert du contrat de travail de Mme [J] a effet du 1er août 2017 de la société SOFIDIS vers la société ECHIROLLES DISTRIBUTION.

DEBOUTER Mme [J] de toutes ses demandes formées à l'encontre de la société ECHIROLLES DISTRIBUTION.

Vu l'article 559 du code de procédure civile,

CONDAMNER Mme [R] [J] à verser à la société ECHIROLLES DISTRIBUTION une somme de 500 € pour appel abusif.

CONDAMNER Mme [R] [J] à verser à la société ECHIROLLES DISTRIBUTION une somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La condamner aux entiers dépens.

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article 455 du code de procédure civile de se reporter à leurs écritures sus-visées.

La clôture a été prononcée le 3 mars 2022.

A l'audience du 30 mars 2022, il a été demandé une note en délibéré sous une semaine sur la recevabilité des prétentions de Mme [J] à l'encontre de la société ECHIROLLES DISTRIBUTION, non formulées dans les premières conclusions de l'appelante principale, et ce, au visa de l'article 910-4 du code de procédure civile.

EXPOSE DES MOTIFS':

Sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des prétentions au principal de Mme [J] à l'encontre de la société ECHIROLLES DISTRIBUTION':

Dans ses ultimes conclusions d'appelante, Mme [J] sollicite la condamnation de la société ECHIROLLES DISTRIBUTION in solidum avec la société SOFIDIS à diverses sommes au titre du délit de marchandage et de l'obligation de sécurité.

Or, ces demandes ne figurent pas dans le dispositif des premières conclusions d'appelante notifiées le 2 novembre 2020, de sorte qu'en application de l'article 910-4 du code de procédure civile, il convient de déclarer Mme [J] irrecevable en ses demandes tendant à voir':

- CONDAMNER notamment la SAS ECHIROLLES DISTRIBUTION à verser à Mme [J] la somme de 27 588,27 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par le délit de marchandage

- CONDAMNER notamment la SAS ECHIROLLES DISTRIBUTION à verser à Mme [J] la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de sécurité de résultat.

Sur le transfert du contrat de travail de la société SOFIDIS à la société ECHIROLLE DISTRIBUTION':

D'une première part, la cession de participations que l'employeur détient dans d'autres sociétés ne suffit pas, à elle seule, à entraîner le transfert au cessionnaire d'une entité économique autonome. Encore faut-il caractériser le transfert d'une entité économique autonome.

D'une seconde part, constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre.

D'une troisième part, par plusieurs arrêts, la Cour de cassation a jugé, notamment en cas de cession partielle d'une entreprise emportant transfert d'une entité économique autonome conservant son identité et dont l'activité avait été poursuivie, qu'en application de l'article L 1224-7 du code du travail, lorsqu'un salarié était employé en partie au sein de cette entité, son contrat de travail devait être transféré au cessionnaire pour la partie de l'activité qu'il y consacrait (Soc., 22 juin 1993, pourvoi n° 90-44.705, Bulletin 1993, V, n° 171 ; Soc., 9 mars 1994, pourvoi n° 92-40.916, Bulletin 1994, V, n° 83; Soc., 2 mai 2001, pourvoi n° 99-41.960, Bull. 2001, V, n° 145).

Pour limiter les hypothèses d'une telle division du contrat de travail, la Cour de cassation a ensuite jugé que, si le salarié exerçait l'essentiel de ses fonctions dans le secteur d'activité repris par la nouvelle société, l'ensemble de son contrat de travail devait être transféré à cette société et, dans le cas inverse, que son contrat de travail devait se poursuivre avec la société sortante (Soc., 30 mars 2010, pourvoi n° 08-42.065, Bull. 2010, V, n° 78 ; Soc., 21 septembre 2016, pourvoi n° 14-30.056, Bull. 2016, V, n° 169).

Par un arrêt du 7 février 1985, (CJCE, arrêt du 7 février 1985, Botzen, aff. 186/83), la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que l'article 3, paragraphe 1, de la directive 77/187/CEE du Conseil, du 14 février 1977, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d'entreprises, d'établissements ou de parties d'établissements devait être interprété en ce sens qu'il n'englobe pas les droits et obligations qui résultent pour le cédant d'un contrat de travail ou d'une relation de travail existant à la date du transfert et conclu avec des travailleurs qui, bien que n'appartenant pas à la partie transférée de l'entreprise, exerçaient certaines activités comportant l'utilisation de moyens d'exploitation affectés à la partie transférée, ou qui, étant affectés à un service administratif de l'entreprise qui n'a pas été lui-même transféré, effectuaient certaines tâches au profit de la partie transférée.

Par arrêt du 26 mars 2020, (CJUE, arrêt du 26 mars 2020, ISS Facility Services NV, aff. C-344/18), la Cour de justice de l'Union européenne, en présence d'un transfert d'entreprise impliquant plusieurs cessionnaires, a écarté tant l'hypothèse consistant à transférer le contrat de travail uniquement au cessionnaire auprès duquel le travailleur exerce ses fonctions à titre principal, que l'hypothèse consistant à ne transférer le contrat de travail à aucun des cessionnaires. Elle a dit pour droit que l'article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/23/CE du Conseil, du 12 mars 2001, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprises, d'établissements ou de parties d'entreprises ou d'établissements, doit être interprété en ce sens que les droits et les obligations résultant d'un contrat de travail sont transférés à chacun des cessionnaires, au prorata des fonctions exercées par le travailleur concerné, à condition que la scission du contrat de travail en résultant soit possible ou n'entraîne pas une détérioration des conditions de travail ni ne porte atteinte au maintien des droits des travailleurs garanti par cette directive, ce qu'il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier. Par ailleurs, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que, dans l'hypothèse où une telle scission du contrat de travail se révélerait impossible à réaliser ou porterait atteinte aux droits dudit travailleur, l'éventuelle résiliation de la relation de travail qui s'ensuivrait serait considérée, en vertu de l'article 4 de ladite directive, comme intervenue du fait du ou des cessionnaires, quand bien même cette résiliation serait intervenue à l'initiative du travailleur.

Il résulte ainsi de l'article L. 1224-1 du code du travail, interprété à la lumière de la directive 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001, que, lorsque le salarié est affecté tant dans le secteur repris, constituant une entité économique autonome conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise, que dans un secteur d'activité non repris, le contrat de travail de ce salarié est transféré pour la partie de l'activité qu'il consacre au secteur cédé, sauf si la scission du contrat de travail, au prorata des fonctions exercées par le salarié, est impossible, entraîne une détérioration des conditions de travail de ce dernier ou porte atteinte au maintien de ses droits garantis par la directive.

En l'espèce, les conditions d'application de l'article L 1224-1 du code du travail n'étaient aucunement réunies au 1er août 2017 pour considérer que le contrat de travail de Mme [J] avec la société SOFIDIS, en date du 1er novembre 2002, avec une reprise d'ancienneté du 24 mai 2001, date de son embauche par la société ECHIROLLES DISTRIBUTION, a été transféré de plein droit à la société ECHIROLLES DISTRIBUTION.

En effet, dans le courrier du 28 juillet 2017 à la salariée, notifiant ce transfert de son contrat de travail auquel Mme [J] s'est opposée par courriers des 29 juillet et 1er août 2018, il est fait état du fait que la société ECHIROLLES DISTRIBUTION a été cédée.

Quoique l'acte de cessions d'actions ne soit pas produit aux débats, il est admis par l'ensemble des parties que la société SOFIDIS a cédé à cette date les actions qu'elle détenait dans la société ECHIROLLES DISTRIBUTION à la société COPYXIS.

Cette cession de participations d'une société filiale par la société employeur de Mme [J] ne saurait à elle-seule emporter application des dispositions de l'article L 1224-1 du code du travail et ce d'autant moins, avec un transfert du contrat de travail à la société ECHIROLLES DISTRIBUTION, qui n'est pas le cessionnaire des parts sociales mais l'objet de la cession.

La société SOFIDIS se prévaut d'ailleurs, en sus d'une re-internalisation, de la gestion comptable et administrative de la société ECHIROLLES DISTRIBUTION à l'occasion de cette opération de cession d'actions, alléguant ainsi qu'il y aurait eu en sus le transfert d'une activité économique autonome.

Toutefois, les éléments versés aux débats ne permettent aucunement de conclure à la réalité de cette ré-internalisation de l'activité de gestion comptable et administrative de la société ECHIROLLES DISTRIBUTION qui ne résulte en définitive que des seules allégations des intimées puisqu'aucune pièce ne vient éclairer la cour d'appel sur l'organisation mise en place par la société COPYXIS avec sa filiale ECHIROLLES DISTRIBUTION, la réalité de cette ré-internalisation à la date du 1er août 2017 ne pouvant aucunement être déduite du contrat de travail signé par la société ECHIROLLES DISTRIBUTION avec M. [D] [N] en qualité de directeur administratif et financier, le 3 avril 2018, soit plusieurs mois après et ce d'autant moins que la fiche de poste avec ses missions supposée annexée à son contrat de travail n'est pas produite et qu'il est observé que M. [N] est embauché comme cadre au forfait-jours niveau VII alors que Mme [J] était niveau IX et, sous réserve de la contestation par ailleurs élevée à ce titre, cadre dirigeante, si bien que la conservation de l'identité de l'unité économique et sociale qu'aurait constituée seule Mme [J] n'est pas même avérée.

D'ailleurs, il résulte des propres conclusions de la société SOFIDIS que les activités auxquelles était affectée Mme [J] avaient cessé avant même la cession de ses participations dans sa filiale puisqu'elle indique (conclusions SOFIDIS page 27/66)': « La société SOFIDIS cessait en effet, au mois de juillet 2017, ses prestations auprès de la société ECHIROLLES DISTRIBUTION. De ce fait, un poste à temps plein de DAF au sein de cette société holding n'était aucunement justifié et n'aurait pu entraîner à court terme qu'un licenciement pour motif économique.'».

Il s'en déduit que, de l'aveu même de la société SOFIDIS, la résiliation des conventions de management de groupe, d'animation et de services ainsi que d'assistance à l'égard des sociétés filiales a eu lieu à son initiative et non à celle de la société COPYXIS et à tout le moins, rien n'indique, en l'occurrence pas l'acte de cessions d'actions non produit aux débats, que la ré-internalisation alléguée aurait pu intervenir à tout le moins de manière concomitante à l'entrée du nouvel actionnaire au capital de la société ECHIROLLES DISTRIBUTION.

De manière superfétatoire, il résulte des propres écritures de la société SOFIDIS qu'à l'occasion de ce transfert allégué de plein droit du contrat de travail de Mme [J] que cette dernière n'allait plus assumer les missions qui lui avaient jusqu'alors été confiées dans le cadre de la mission d'assistance à l'égard de la SCI DU DRAC, transformée ensuite en SAS, propriétaire des murs et assurant la gestion locative du centre LECLERC exploité par la société ECHIROLLES DISTRIBUTION ainsi que des locaux commerciaux se trouvant dans la galerie commerciale attenante.

Or, tant de manière contemporaine au transfert qu'à l'occasion du présent contentieux, la société SOFIDIS n'a jamais envisagé le transfert partiel du contrat du travail, à supposer même qu'il existât une entité économique autonome qui n'est en l'occurrence pas même démontrée, ni allégué que la scission du transfert du contrat de travail aurait été impossible.

La société SOFIDIS développe en effet uniquement des moyens inopérants au titre de la proportion du temps consacré par Mme [J] à chacune de ses missions dans le cadre des différentes conventions d'assistance signées avec les sociétés du groupe pour en conclure à tort que le contrat de travail ne pouvait être que transféré dans sa totalité vers la société ECHIROLLES DISTRIBUTION, à laquelle elle consacrait l'essentiel de son temps de travail.

Mme [J] soutient enfin, à juste titre, que son accord exprès avait été demandé lors du transfert de son contrat de travail au 1er novembre 2002 de la société ECHIROLLES DISTRIBUTION à la société SOFIDIS dans le cadre, non d'un transfert de plein droit mais d'un transfert conventionnel, confortant ainsi l'analyse selon laquelle l'opération de ré-internalisation alléguée pas plus que l'opération initiale d'externalisation de la direction de la gestion administrative, comptable et financière n'entraînaient l'application des dispositions de l'article L 1224-1 du code du travail.

Il s'ensuit que le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a dit que l'article L 1224-1 du code du travail n'était pas applicable à Mme [R] [J], de sorte que cette dernière est restée salariée de la société SOFIDIS.

Sur le statut de cadre dirigeant':

Selon les dispositions de l'article L. 3111-2 du code du travail, les cadres dirigeants ne sont pas soumis à la législation relative à la durée du travail, à la répartition et à l'aménagement des horaires et au repos et jours fériés. Exclus d'un décompte horaire hebdomadaire de la durée du travail, ils ne peuvent réaliser d'heures supplémentaires. Le rejet de prétentions, découlant de l'accomplissement d'heures supplémentaires, peut donc reposer sur la reconnaissance judiciaire de la qualité de cadre dirigeant.

Si l'article 17 de la directive 200/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4novembre 2003 admet que les cadres dirigeants puissent être exclus des dispositions relatives à la durée du travail, c'est, en toute hypothèse, dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs. La Cour de justice de l'Union européenne rappelle d'ailleurs que les exceptions ne peuvent être interprétées que de façon restrictive (CJUE 10 juin 2010 aff. 395/08 et 396/08).

L'article L 3111-2 du code du travail doit dès lors être interprété de manière conforme au droit européen.

Selon cette disposition, sont considérés comme cadres dirigeants les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement ; ces critères cumulatifs impliquent que seuls relèvent de cette catégorie les cadres participant à la direction de l'entreprise.

La qualité de cadre dirigeant ne requérant pas l'existence d'un accord particulier entre l'employeur et le salarié, il appartient au juge d'examiner la fonction que le salarié occupe réellement au regard de chacun des critères cumulatifs. Les conditions réelles d'emploi sont donc déterminantes, nonobstant l'existence de dispositions conventionnelles retenant automatiquement, pour une fonction ou un coefficient conventionnel déterminé, la qualité de cadre dirigeant.

En revanche, lorsqu'une convention collective subordonne la reconnaissance du statut de cadre dirigeant à la mention expresse dans le contrat de travail des modalités d'exercice des responsabilités, la détermination de ce statut est nécessairement subordonnée à cette formalité.

Par ailleurs, la soumission à une convention de forfait en jours, quand bien même elle serait irrégulière et donc privée d'effets, conduit à écarter le statut de cadre dirigeant sans qu'il soit nécessaire de procéder à un examen des conditions réelles d'activité.

En l'espèce, d'une première part, au vu des bulletins de salaire produits en pièce n°17 par la société SOFIDIS, il est jugé que Mme [J], avec un salaire mensuel brut en janvier 2017 de 6 450 euros, faisait bien partie des salariés les mieux rémunérés de l'entreprise (9 734 euros bruts pour M. [C] [U], président, 5 387 euros bruts pour Mme [Z] [U], directrice commerciale, 2 000 euros bruts pour M. [H] [U], conseiller département achat), Mme [J] développant un moyen inopérant tenant au fait que les salariés avec lesquels elle se compare percevait des rémunérations d'autres entités du groupe, ajoutant ainsi une condition non prévue pour apprécier la réalité du statut de cadre dirigeant.

D'une seconde part, si Mme [J] établit une certaine fixité et constance dans les horaires de travail qu'elle réalisait par le biais de l'attestation de M. [B] [E], qui était chef comptable dans l'entreprise ECHIROLLES DISTRIBUTION, les propres relevés d'heures de la salariée étant dénués sur ce point de valeur probante utile puisque établis par elle-même, sans préjudice de l'appréciation de leur valeur probante au titre des prétentions subséquentes relatives aux heures supplémentaires, le témoin n'indique pour autant pas que ces horaires de travail ou encore la présence à des évènements commerciaux exceptionnels de l'hypermarché lui étaient imposés par M. [U], comme elle le soutient, dans des conditions de nature à remettre en cause l'autonomie dans l'organisation de son travail qui est garantie à Mme [J] dans son contrat de travail.

La société SOFIDIS indique également, à juste titre, que la qualité de cadre dirigeant n'exclut le pouvoir d'organisation et de décision de l'employeur dans la prise des congés payés.

D'une troisième part, si aucune conclusion utile ne peut être tirée de l'annuaire téléphonique interne du groupe quant aux prérogatives effectives de Mme [J] et pas davantage du rappel à l'ordre de M. [U] à Mme [J] par courriel du 6 mai 2017 sur le fait que les demandes doivent passer par lui alors qu'il était question uniquement de la préparation de la cession des participations de la société SOFIDIS dans la société ECHIROLLES DISTRIBUTION intéressant plus particulièrement M. [C] [U], non pas tant en sa qualité de président mais de détenteur, avec son épouse, de 99,99 % des actions de la société SOFIDIS, elle-même propriétaire de la même proportion de capital de la société ECHIROLLES DISTRIBUTION, Mme [J] soutient à juste titre que les éléments produits ne permettent pas de considérer qu'elle a effectivement participé à la direction de l'entreprise SOFIDIS.

En effet, son contrat de travail prévoit certes une délégation de pouvoirs pour accomplir ses fonctions de directrice administrative et financière et il est en particulier prévu qu'il lui est délégué «'tous pouvoirs pour accomplir vos fonctions et notamment celle découlant de la gestion fiscale et sociale de l'entreprise et plus particulièrement l'établissement des déclarations fiscales et sociales auprès des organismes concernés. A cet effet, nous vous confirmons que vous bénéficiez du crédit nécessaire pour effectuer ou pour faire effectuer toute expertise que vous jugerez utiles, et pour recueillir toute documentation juridique ou tout renseignement ou consultation dont vous pourriez avoir besoin'».

Cette délégation, qui n'est pas stricto sensu de signature comme le prétend Mme [J], lui assure à tout le moins les moyens pour assurer ses missions de directrice des services administratif, comptable et financier selon les attributions énumérées plus avant dans son contrat de travail et ce sur l'ensemble des sociétés du groupe, lesdites missions ayant été précisées par avenant du 31 juillet 2012.

Pour autant, le fait pour Mme [J] d'avoir été en mesure de remplir ses missions de directrice administratrive et financière sur les sociétés du groupe n'en fait pas ipso facto un cadre dirigeant.

Encore faut-il qu'elle ait pu effectivement participer à «'l'élaboration de la politique administrative et financière du groupe'».

A ce titre, les pièces n°12 à 15 produites par la société SOFIDIS correspondant à des bordereaux de virements ou de souscription de titres négociables sous la supervision de Mme [J] sont insuffisants à établir cette participation effective à la politique administrative et financière du groupe puisque ces opérations ne préjugent en rien de celui, celle ou ceux à qui incombent les décisions prises au préalable dans le cadre de la définition de la politique administrative et financière du groupe.

Or, Mme [J] indique, sans être démentie par la moindre pièce utile produite aux débats, qu'elle ne participait à aucun conseil d'administration, comité de pilotage ou autre organe de définition stratégique de la politique de la société SOFIDIS et qu'elle ne présidait aucune instance représentative du personnel dans les filiales.

Si la société SOFIDIS conclut à juste titre que la détention de parts sociales n'est pas une condition nécessaire à la reconnaissance du statut de cadre dirigeant, elle indique en revanche à tort que «'Les seules conditions exigées pour la reconnaissance du statut de cadre dirigeant sont celles précédemment citées : responsabilités, indépendance dans l'organisation de l'emploi du temps, autonomie décisionnelle et rémunération élevée.'» alors qu'il est également exigé la condition supplémentaire de participation effective à la direction de l'entreprise, en l'occurrence de la société SOFIDIS, qui ne saurait être déduite du seul fait que Mme [J] était directrice administrative et financière à l'égard des entreprises du groupe dès lors qu'un directeur administratif et financier, pour être cadre de haut niveau, n'a pas nécessairement le statut de cadre dirigeant mais celui de cadre au forfait à l'instar de M. [N], recruté par la société ECHIROLLES DISTRIBUTION.

Dans ces conditions, la condition de participation par Mme [J] à la direction de l'entreprise faisant défaut, il convient d'infirmer le jugement entrepris et de dire que Mme [J] n'avait pas le statut de cadre dirigeant.

Sur les demandes au titre des heures supplémentaires'et des repos compensateurs :

L'article L. 3171-4 du code du travail dispose qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles

Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

En conséquence, il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Il appartient à la juridiction de vérifier si les heures supplémentaires revendiquées ont été rendues nécessaires par le travail confié au salarié, l'opposition à l'exécution de celle-ci de l'employeur se trouvant alors indifférente.

Le salarié peut revendiquer le paiement d'heures supplémentaires à raison de l'accord tacite de l'employeur.

Cet accord tacite peut résulter de la connaissance par l'employeur de la réalisation d'heures supplémentaires par le biais de fiche de pointage et l'absence d'opposition de l'employeur à la réalisation de ces heures.

En l'espèce, Mme [J] produit un décompte suffisament précis des heures supplémentaires qu'elle revendique.

En effet, si les horaires effectués dont elle se prévaut dans ses pièces n°27 à 30 sur les années 2014 à 2017 sont difficilement lisibles comme l'indique la société SOFIDIS, mais pour autant pas totalement inexploitables, Mme [J] rappelle dans ses conclusions qu'elle était selon elle soumise a minima à un volume hebdomadaire de 45 heures en se prévalant d'horaires précis de travail (page n°51 des conclusions de l'appelante) et fait référence à des attestations d'anciens salariés faisant état d'horaires précis de travail la concernant (M. [E], Mme [X]).

Elle met également en avant le fait que la société ECHIROLLES DISTRIBUTION a mentionné dans son attestation pôle emploi un volume mensuel de travail de juillet 2016 à juillet 2017 lorsqu'elle était au service de la société SOFIDIS de 238,33 heures par mois'; ce qui représente 55 heures par semaine.

Il s'ensuit que la société SOFIDIS était en situation de justifier des horaires de travail effectivement réalisés par Mme [J]'; ce qu'elle s'abstient de faire se limitant à critiquer les décomptes établis par la salariée en faisant abstraction des autres éléments précis sus-énoncés versés aux débats.

Dans ces conditions, au vu des calculs précis effectués par Mme [J] dans sa pièce n°62, sur lesquels la société SOFIDIS n'élève aucun moyen critique utile, il convient d'infirmer le jugement entrepris et de condamner la société SOFIDIS à payer à Mme [J] la somme de 118231,12€ bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires non payées outre la somme de 11 823,11 € à titre de congés payés sur rappel d'heures supplémentaires sur la période de novembre 2014 à juillet 2017.

Par ailleurs, au visa des articles L 3121-28 et L 3121-30 du code du travail, et de l'article 5.8 de la convention collective applicable fixant à 180 heures le contingent annuel d'heures supplémentaires, il convient au vu de la pièce n°62 de Mme [J] contenant le détail précis par année du dépassement du contingent ne faisant l'objet d'aucune critique utile de la société SOFIDIS, d'infirmer le jugement entrepris et de condamner cette dernière à payer à Madame [J] la somme de 20 218,92 € bruts à titre d'indemnité de repos compensateur non pris et celle de 2 021,89 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Sur le délit de marchandage':

L'article L8231-1 du code du travail énonce que':

Le marchandage, défini comme toute opération à but lucratif de fourniture de main-d'oeuvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu'elle concerne ou d'éluder l'application de dispositions légales ou de stipulations d'une convention ou d'un accord collectif de travail, est interdit.

Il résulte de ces dispositions que sont ainsi prohibées les opérations qui se présentent comme des prestations de services ou des sous-traitances alors qu'en réalité elles dissimulent une mise à disposition à but lucratif de salariés hors des cas permis par la loi.

Les critères permettant habituellement de distinguer les opérations licites des opérations illicites sont le maintien ou non du lien de subordination avec l'entreprise d'origine du salarié, le fait que la mise à disposition du salarié soit ou non à prix coûtant ou encore qu'elle soit forfaitaire ou au temps passé par le salarié mis à disposition, le fait que le salarié mis à disposition exerce ou non une activité spécifique distincte de celle de l'entreprise bénéficiaire de son travail et qu'il lui apporte ou non un savoir-faire particulier.

Lorsque plusieurs critères sont discutés, les critères d'absence de transfert du lien de subordination et, en particulier, du pouvoir de direction sur le salarié mis à disposition et d'apport d'un savoir-faire particulier, ont un poids supérieur à celui des conditions financières pour que soit écarté le caractère illicite d'une mise à disposition et lorsqu'il n'est conservé qu'un seul critère, il s'agit de celui de l'absence de transfert du lien de subordination qui l'emporte sur tous les autres, y compris celui d'apport d'un savoir-faire particulier.

En l'espèce, premièrement, la société SOFIDIS soulève une fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande de Mme [J] au titre du délit de marchandage sans expliciter le fondement juridique de son exception et en particulier ne précise pas quel est le régime de la prescription applicable à ce délit.

Il n'appartient pas à la cour d'appel, qui ne peut soulever d'office l'éventuelle prescription d'une demande, de se substituer à cette partie pour déterminer le régime de la prescription applicable.

Il s'ensuit qu'il y a lieu de rejeter l'exception de prescription et de déclarer Mme [J] recevable en sa demande de ce chef.

Sur le fond, Mme [J] ne fait qu'affirmer que les missions qu'elle exerçait en qualité de salariée de la société SOFIDIS pour le compte de la société ECHIROLLES DISTRIBUTION dans le cadre des conventions de prestations de service sont constitutives du délit de marchandage.

Si le caractère lucratif de la mise à disposition résulte des conventions d'assistance, de management de groupe et d'animation et de services, il n'en demeure pas moins qu'elle ne développe ensuite que des moyens relatifs au préjudice que cette mise à disposition lui aurait fait subir sans pour autant expliciter et encore moins caractériser en quoi ce montage, quand bien même il aurait eu une finalité d'optimisation fiscale, visait à éluder l'application de dispositions légales ou de stipulations conventionnelles.

Elle ne prétend et encore moins n'établit qu'elle se trouvait à l'égard de la société ECHIROLLES DISTRIBUTION dans le cadre d'un lien de subordination.

Par ailleurs, il résulte suffisamment de l'énumération de ses fonctions et attributions dans son contrat de travail du 01 novembre 2002 et dans l'avenant du 31 juillet 2002 qu'il était requis de sa part, dans le cadre de ses interventions auprès notamment de la société ECHIROLLES DISTRIBUTION, des compétences et un savoir-faire spécifiques de prévision, de coordination, d'animation, de contrôle, de supervision des activités financières, économiques et administratives à l'échelle du groupe et non à l'égard de la seule société bénéficiaire des prestations de services.

D'ailleurs, Mme [J] soutient pour s'opposer au transfert de plein droit de son contrat de travail (page 24 des dernières conclusions de l'appelante) que':

«'Et pour cause, les fonctions de Madame [J] étaient consacrées pour l'essentiel à la SA SOFIDIS dans la mesure où :

- elle gérait la trésorerie de la SAS SOFIDIS (environ 50 millions d'euros) afin d'améliorer les performances financières du groupe,

- elle gérait les relations avec les partenaires financiers (banques, experts comptables et commissaires aux comptes),

- elle élaborait les rapports de gouvernance,

- elle assurait la mise en 'uvre de la politique globale d'investissement, de la stratégie financière, de la gestion patrimoniale et financière du groupe, ainsi que toutes activités de contrôle dans le domaine de l'organisation et de la gestion des filiales,

- elle assurait la mise en place de procédures appropriées ainsi que leur suivi,

- elle assurait la mise en 'uvre des procédures correctives.'».

Elle ne peut, dès lors, soutenir de manière contradictoire que le transfert de son contrat de travail à la société holding qu'elle a expressément accepté puis sa mise à disposition notamment pour des prestations au bénéfice de la société ECHIROLLES HOLDING n'avait, en réalité, qu'une finalité fiscale et visait à éluder ses droits légaux et conventionnels alors même qu'elle se prévaut par ailleurs de compétences spécifiques et hautement techniques mises en 'uvre principalement pour le compte de la société holding.

Si son contrat de travail du 01 novembre 2002 prévoit certes que «'(') vous pourrez être amenée à effectuer des tâches correspondant à des fonctions de niveaux inférieures ou exceptionnellement à réaliser des travaux relevant d'une autre fonction'» et qu'elle soutient qu'elle a tenu pendant 18 mois le poste de responsable paie au sein de la société ECHIROLLES DISTRIBUTION, l'obligeant à élaborer les bulletins de paie de salariés, force est de constater que cette affirmation n'est étayée par aucune pièce utile et pas davantage par les moyens développés en fait par la société ECHIROLLES DISTRIBUTION, dans ses conclusions dans le cadre de la première instance et en appel, puisque tout au plus, celle-ci indique que le refus de Mme [J] de voir son contrat transféré au 1er août 2017 à son service a eu pour conséquence qu'elle s'est trouvée, sans comptable ni gestionnaire de paie, en grande difficulté pour établir entre 300 et 332 bulletins de paie, entre août et novembre 2017.

Cette remarque de la société ECHIROLLES DISTRIBUTION permet seulement de confirmer le fait qu'il n'y a pas lieu à application de l'article L 1224-1 du code du travail en l'absence de conservation de l'identité de l'unité économique et sociale alléguée mais ne vaut pas reconnaissance que Mme [J] établissait auparavant, personnellement, lesdits bulletins de paie.

De la même manière, les attestations de salariés de la société ECHIROLLES DISTRIBUTION (YVRAI, BOURGOIN, COUSTELIE, PAIE) énumérant les tâches effectuées par Mme [J] ne permettent pas d'en déduire qu'elle aurait été affectée régulièrement à l'exécution de tâches subalternes pour le compte de cette société. Il s'agit en effet de tâches de supervision, de contrôle, de suivi, d'organisation, s'inscrivant parfaitement dans le cadre de ses missions énumérées dans le cadre de son contrat de travail avec la société SOFIDIS nécessitant des compétences spécifiques et hautement qualifiées.

Le seul fait que M. BOURGOIN témoigne du fait que Mme [J] ait pu ponctuellement établir les paies lors de l'accident du travail du RH en décembre 2015, soit de manière exceptionnele suite à un évènement soudain et imprévisible et ce, en sus de ses autres missions ne saurait permettre d'en déduire l'existence du délit de marchandage.

Il s'ensuit qu'il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [J] de ses prétentions au titre du délit de marchandage.

Sur le travail dissimulé':

Au visa de l'article L 8221-5 du code du travail, il ne peut en premier lieu être retenu l'existence du délit de travail dissimilé à raison d'une mise à disposition illicite dès lors que celle-ci n'est pas caractérisée.

En second lieu, si la réalité de l'accomplissement d'heures supplémentaires, qui plus est en très grand nombre est établie, Mme [J] ne rapporte toutefois pas la preuve en l'espèce de l'élément intentionnel du délit de travail dissimulé dans la mesure où lesdites heures n'ont été admises qu'après qu'il a été fait droit à sa contestation de son statut de cadre dirigeant dans le cadre de la présente instance, dont elle n'allègue et encore moins ne justifie avoir discuté avant la rupture de son contrat de travail.

Il est de surcroît ajouté que la plupart des conditions cumulatives pour lui reconnaître le statut de cadre dirigeant était remplie à l'exception de celle relative à la participation effective à la direction de la société qui a nécessité pour la cour de se livrer à une appréciation précise des éléments produits et moyens développés par les parties excluant toute volonté intentionnelle par la société SOFIDIS de dissimulation d'activité.

Il convient, en conséquence, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [J] de sa demande indemnitaire pour travail dissimulé.

Sur l'obligation de sécurité':

L'employeur a une obligation s'agissant de la sécurité et de la santé des salariés dont il ne peut le cas échéant s'exonérer que s'il établit qu'il a pris toutes les mesures nécessaires et adaptées énoncées aux articles L 4121-1 et L 4121-2 du code du travail ou en cas de faute exclusive de la victime ou encore de force majeure.

En l'espèce, un manquement de l'employeur est avéré puisqu'il n'est pas justifié de la moindre visite à la médecine du travail entre le 15 juin 2009 et le 7 décembre 2017, alors même qu'une visite périodique était obligatoire tous les 24 mois jusqu'au 1er janvier 2017, en application de l'article R 4624-16 du code du travail alors applicable.

S'agissant de la surcharge de travail alléguée, si Mme [J] ne justifie d'aucune plainte émise auprès de son employeur à ce titre, il n'en demeure pas moins qu'elle a effectué de très nombreuses heures supplémentaires, dépassant régulièrement les durées maximales de travail hebdomadaires, des semaines de 50 heures étant évoquées d'ailleurs lors de ses différentes visites à la médecine du travail.

Il appartenait à l'employeur de veiller à une charge de travail adaptée, a fortiori à raison du fait que le statut de cadre dirigeant lui a été opposé de manière infondée, de sorte qu'elle aurait dû bénéficier du respect des durées maximales de travail.

Il est également objectivé une dégradation significative de la santé de la salariée dans le cadre de l'éviction injustifiée, par la société SOFIDIS, de la salariée, son employeur s'étant prévalu à tort d'un transfert injustifié de son contrat de travail.

Mme [J] démontre qu'elle a subi un préjudice important, le docteur [F] évoquant, dans un courrier du 7 décembre 2017, un syndrome anxio-dépressif sévère dans un contexte professionnel difficile.

Il s'ensuit qu'infirmant le jugement entrepris, il convient de dire que la société SOFIDIS a manqué à son obligation de sécurité et d'allouer à Mme [J], en réparation du préjudice subi, la somme de 5 000 euros nets à titre de dommages et intérêts et de la débouter du surplus de sa demande de ce chef.

Sur l'obligation de formation et d'adaptation au poste':

Il résulte de l'article L 6121-1 du code du travail que l'employeur a l'obligation d'assurer l'adaptation du salarié à son poste et de veiller à sa capacité d'occuper un emploi.

L'article L 6315-1 du code du travail prévoit également que le salarié bénéficie tous les deux ans d'un entretien d'évolution professionnelle.

Le suivi de formations ne suffit pas établir le respect de cette obligation de formation'; il convient que ces formations participent au maintien de la capacité à occuper un emploi.

La preuve du respect de l'obligation pèse sur l'employeur.

L'évaluation du préjudice distinct de celui indemnisé au titre du licenciement relève de l'appréciation souveraine des juges du fond, de même que la caractérisation de son existence.

Le fait que le manquement à l'obligation de formation ait eu pour conséquence de limiter la recherche d'emploi du salarié et de compromettre son évolution professionnelle caractérise un préjudice.

En l'espèce, l'employeur ne justifie aucunement avoir rempli son obligation de formation et d'adaptation au poste.

Le préjudice prouvé distinct de celui de la perte injustifiée de l'emploi à raison du défaut de formation et d'adaptation au poste est pour autant modéré dès lors que Mme [R] [J] a été en mesure, dès le 19 mars 2018, soit avant le prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail avec la société SOFIDIS, de trouver un emploi de directrice administrative et financière selon le statut de cadre supérieur, au sein d'une entreprise de média, quoique Madame [J] justifie pour autant avoir dû suivre une formation de perfectionnement en anglais dans la perspective de l'obtention du TOEIC.

Il s'ensuit qu'il convient d'allouer à Mme [J] la somme de 2 000 euros nets de dommages et intérêts pour défaut de formation et d'adaptation au poste et de la débouter du surplus de ses prétentions de ce chef.

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail':

Conformément aux articles 1224 et suivants du code civil, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement, la partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté peut demander au juge la résolution du contrat.

Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée.

En cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, la date d'effet de la résiliation ne peut être fixée qu'au jour de la décision qui la prononce, sauf si le salarié a été licencié dans l'intervalle de sorte qu'elle produit alors ses effets à la date de l'envoi de la lettre de licenciement.

En cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, la prise d'effet ne peut être fixée qu'à la date de la décision judiciaire la prononçant, dès lors qu'à cette date le contrat de travail n'a pas été rompu et que le salarié est toujours au service de son employeur.

En cas de confirmation en appel du jugement prononçant la résiliation judiciaire, la date de la rupture est celle fixée par le jugement, à moins que l'exécution du contrat ne se soit poursuivie après ce jugement.

Les manquements de l'employeur susceptibles de justifier la résiliation judiciaire à ses torts doivent être d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail et pour répondre à cette définition, les manquements invoqués par le salarié doivent non seulement être établis, mais ils doivent de surcroît être suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail.

En l'espèce, les manquements de la société SOFIDIS dans l'exécution du contrat de travail ont été suffisamment graves pour avoir empêché la poursuite du contrat de travail puisque, nonobstant le refus réitéré de Mme [J] de voir son contrat de travail transféré à la société ECHIROLLES DISTRIBUTION, dans le cadre de l'application des dispositions de l'article L 1224-1 du code du travail dont les conditions n'étaient pas réunies, la société SOFIDIS a considéré à tort n'être plus l'employeur de Mme [J] à compter du 1er août 2017, de sorte qu'elle a cessé de lui fournir du travail et de lui régler son salaire.

Le jugement entrepris est, dès lors, confirmé en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [J] aux torts de la société SOFIDIS, ladite rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel observant qu'il n'est sollicité par aucune des parties de fixer la date de la résiliation judiciaire à une autre date que le jugement entrepris la prononçant, étant relevé que le licenciement notifié le 8 mars 2017 par la société ECHIROLLES DISTRIBUTION ne saurait avoir produit le moindre effet à l'égard du contrat de travail régularisé avec la société SOFIDIS en l'absence de transfert du contrat de travail.

Sur les prétentions afférentes à la rupture du contrat de travail':

D'une première part, au visa de l'article 5 de l'annexe III de la convention collective du commerce de gros et de détail à prédominance alimentaire, la durée du préavis est de trois mois pour les cadres.

Infirmant le jugement entrepris, il convient en conséquence de condamner la SAS SOFIDIS à payer à Mme [J] la somme de 20 769,23 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 2 076,92 euros bruts au titre des congés payés afférents, avec un salaire de référence de 6 923,07 euros bruts, au vu des termes du dernier avenant du 24 décembre 2016 (rémunération annuelle de 90000 euros bruts mais avec prime conventionnelle incluse à déduire).

D'une seconde part, au visa de l'article L 1235-3 du code du travail dans sa version applicable au litige, soit à la date du jugement entrepris, il appert que Mme [J] avait lors de la résiliation judiciaire de son contrat de travail plus de 19 années d'ancienneté et un salaire de l'ordre de 90000 euros bruts annuel, prime d'ancienneté incluse.

Mme [J] a droit à une indemnité comprise entre 3 et 15 mois de salaire bruts.

Il apparaît qu'elle a travaillé en contrat à durée déterminée du 19 mars 2018 au 16 novembre 2018, moyennant un salaire de 4 166 euros bruts et qu'elle a retrouvé un emploi durable en qualité de responsable juridique et social dans un cabinet d'expertise comptable à compter du 2 janvier 2020, soit avant même le prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail, moyennant un salaire de base de 3 000 euros bruts, sans pour autant que le contrat de travail ne soit versé aux débats.

Le premier juge a dès lors fait une exacte appréciation du préjudice subi en lui allouant la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse par application combinée des articles L 1235-3 et L 1235-3-2 du code du travail, sauf à dire qu'il s'agit d'une somme brute et non nette.

Il convient en conséquence de débouter Mme [J] du surplus de ses prétentions de ce chef.

Sur la demande indemnitaire pour appel abusif':

Au visa de l'article 559 du code de procédure civile, si la plupart des prétentions au principal de Mme [J] à l'égard de la société ECHIROLLES DISTRIBUTION sont déclarées irrecevables, son appel ne saurait être jugé abusif à l'égard de cette partie puisque sa demande tendant à voir dire que son contrat de travail n'a pas été transféré de plein droit à cette entreprise, contrairement à ce qu'a estimé celle-ci, est à la fois recevable et bien fondée par confirmation du jugement entrepris de sorte que la demande indemnitaire pour appel abusif est rejetée.

Sur les demandes accessoires':

L'équité commande de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société SOFIDIS à payer à Mme [J] une indemnité de procédure de 1 500 euros et de lui accorder une indemnité complémentaire de 1500 euros en cause d'appel.

Le surplus des prétentions des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile est rejeté.

Au visa de l'article 696 du code de procédure civile, confirmant le jugement entrepris et y ajoutant, il convient de condamner la société SOFIDIS, partie perdante, aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, dans les limites de l'appel, et après en avoir délibéré conformément à la loi';

DÉCLARE Mme [J] irrecevable en ses demandes tendant à voir':

- CONDAMNER notamment la SAS ECHIROLLES DISTRIBUTION à verser à Mme [J] la somme de 27 588,27 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par le délit de marchandage

- CONDAMNER notamment la SAS ECHIROLLES DISTRIBUTION à verser à Mme [J] la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de sécurité de résultat.

REJETTE la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande de Mme [J] au titre du délit de marchandage

DÉCLARE recevable Mme [J] en sa demande au titre du délit de marchandage

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a':

- dit que l'article L. 1224-1 du code du travail n'était pas applicable à Mme [R] [J],

- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [R] [J] aux torts exclusifs de la SA SOFIDIS produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la SA SOFIDIS à verser à Mme [R] [J] au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse la somme de 50 000 € sauf à dire qu'il s'agit d'un montant brut,

- débouté Mme [R] [J] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé,

- débouté Mme [R] [J] de sa demande d'indemnité pour délit de marchandage,

- condamné la SA SOFIDIS à verser à Mme [R] [J] la somme de 1 500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la SA ECHIROLLES DISTRIBUTION de sa demande formée au titre des frais irrépétibles,

- condamné la SA SOFIDIS au paiement des entiers dépens,

L'INFIRME pour le surplus,

statuant à nouveau et ajoutant,

DIT que Mme [R] [J] n'avait pas le statut de cadre dirigeant

CONDAMNE la SAS SOFIDIS à payer à Mme [R] [J] les sommes suivantes':

- 20 769,23 euros (vingt mille sept cent soixante-neuf euros et vingt-trois centimes) bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 2 076,92 euros (deux mille soixante seize euros et quatre-vingt douze centimes) bruts à titre de congés payés afférents

- 118 231,12 euros (cent dix-huit mille deux cent trente-et-un euros et douze centimes) bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires de novembre 2014 à janvier 2017

- 11 823,11 euros (onze mille huit cent vingt-trois euros et onze centimes) bruts au titre des congés payés afférents

- 20 218,92 euros (vingt mille deux cent dix-huit euros et quatre-vingt-douze centimes) bruts à titre d'indemnité compensatrice de repos compensateurs non pris

- 2 021,89 euros (deux mille vingt-et-un euros et quatre-vingt-neuf centimes) bruts à titre de congés payés afférents

- 2000 euros (deux mille euros) nets à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de formation et d'adaptation au poste

- 5 000 euros (cinq mille euros) nets à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité

DÉBOUTE Mme [R] [J] du surplus de ses prétentions au principal

DÉBOUTE la société ECHIROLLES DISTRIBUTION de sa demande indemnitaire pour appel abusif

CONDAMNE la SAS SOFIDIS à payer à Mme [R] [J] une indemnité complémentaire de procédure de 1 500 euros en cause d'appel

REJETTE le surplus des prétentions des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE la SAS SOFIDIS aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Mme Blandine FRESSARD, Présidente et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section b
Numéro d'arrêt : 20/02470
Date de la décision : 09/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-09;20.02470 ?
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