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07/06/2022 | FRANCE | N°19/04295

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section a, 07 juin 2022, 19/04295


C4



N° RG 19/04295



N° Portalis DBVM-V-B7D-KGSR



N° Minute :

















































































Copie exécutoire délivrée le :





la AARPI CAP CONSEIL



Me Philippe TATIGUIAN

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COU

R D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 07 JUIN 2022





Appel d'une décision (N° RG F18/00565)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCE

en date du 27 septembre 2019

suivant déclaration d'appel du 23 Octobre 2019



APPELANTE :



SAS AMBULANCE MOULIN, prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège,

9, ...

C4

N° RG 19/04295

N° Portalis DBVM-V-B7D-KGSR

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la AARPI CAP CONSEIL

Me Philippe TATIGUIAN

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 07 JUIN 2022

Appel d'une décision (N° RG F18/00565)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCE

en date du 27 septembre 2019

suivant déclaration d'appel du 23 Octobre 2019

APPELANTE :

SAS AMBULANCE MOULIN, prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège,

9, Chemin du Colombier

26000 VALENCE

représentée par Me Lidwine LECLERCQ de l'AARPI CAP CONSEIL, avocat au barreau de VALENCE substituée par Me Pierre-marie BAUDELET, avocat au barreau de VALENCE,

INTIME :

Monsieur [W] [D]

né le 22 Septembre 1986 à ARRAS (62)

de nationalité Française

31, Rue du Buisson Polongée

59700 MARCQ-EN-BAROEUL

représenté par Me Philippe TATIGUIAN, avocat au barreau de VALENCE,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,

Madame Gaëlle BARDOSSE, Conseillère,

Madame Magali DURAND-MULIN, Conseillère,

DÉBATS :

A l'audience publique du 28 Mars 2022, Mme Gaëlle BARDOSSE, Conseillère chargée du rapport, assistée de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, en présence de Mme Kristina YANCHEVA, Greffière et de Mme Elsa LAVERGNE, magistrate stagiaire, a entendu les parties en leurs conclusions et observations, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile

L'arrêt a été rendu le 07 Juin 2022.

Exposé du litige :

Le 1er novembre 2008, M. [D] a été embauché par la SAS AMBULANCE MOULIN en qualité d'ambulancier, en contrat à durée déterminée jusqu'au 31 janvier 2009.

Le 15 décembre 2008, M. [D] a été appelé avec un de ses collègues pour une intervention chez Mme [Z] qui était en détresse respiratoire, puis en arrêt cardio-respiratoire. Le médecin urgentiste l'a réanimée, puis celle-ci est tombée dans le coma et est décédée 8 ans après.

Le 1er avril 2009, les héritiers de Mme [Z] ont déposé plainte contre M. [D].

Le 23 octobre 2009, l'affaire a été classée sans suite

Le 16 mars 2011, les héritiers de Mme [Z] ont déposé plainte avec constitution de partie civile auprès du doyen des juges d'instruction contre M. [D].

Le 12 juin 2015, M. [D] a été mis en examen.

Le 27 juin 2016, les héritiers ont assigné la SAS AMBULANCE MOULIN et le Centre hospitalier de Valence aux fins de voir ordonnée une expertise, à laquelle le Tribunal de grande instance de Valence a fait droit. Le 6 juillet 2017, la SAS AMBULANCE MOULIN a sollicité du tribunal un complément de mission d'expertise afin d'entendre les deux salariés.

Le 28 juillet 2017, le juge d'instruction a rendu une ordonnance de non-lieu s'agissant de la plainte avec constitution de partie civile du 16 mars 2011.

Le 11 août 2017, les héritiers ont fait appel de l'ordonnance de non-lieu.

Le 27 mars 2017, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Grenoble a confirmé l'ordonnance de non-lieu.

Le 27 septembre 2017, le juge des référés du Tribunal de grande instance de Valence a rejeté la demande d'extension de mission d'expertise de l'employeur.

Le 14 novembre 2017, la SAS AMBULANCE MOULIN a assigné M. [D] et son collègue aux fins d'appel en cause dans la mesure d'expertise.

Par ordonnance du 10 janvier 2018, le juge des référés du Tribunal de grande instance de Valence a débouté l'employeur de sa demande.

Le 7 novembre 2018, M. [D] a saisi le conseil des prud'hommes de Valence aux fins de constater que la prescription de son action n'est pas acquise et condamner l'employeur à lui payer une indemnité pour les frais exposés pour sa défense dans le cadre de la procédure pénale.

Par jugement en date du 27 septembre 2019, le conseil des prud'hommes de Valence a :

Dit que la prescription de l'action du salarié n'est pas acquise ;

Condamné l'employeur à lui verser les sommes suivantes :

- 4 560 € au titre des frais engagés pour sa défense ;

- 100 € au titre des frais irrépétibles ;

Débouté l'employeur de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

L'a condamné aux dépens de l'instance.

La décision a été notifiée aux parties par lettre recommandée et la SAS AMBULANCE MOULIN a interjeté appel de la décision par déclaration en date du 23 octobre 2019.

Par conclusions en date du 2 janvier 2020, la SAS AMBULANCE MOULIN demande à la cour d'appel de :

Déclarer recevable et bien fondé son appel ;

Infirmer dans toutes ses dispositions le jugement ;

Débouter le salarié de l'intégralité de ses demandes ;

Le condamner à lui verser la somme de 2 500 € au titre des frais irrépétibles ;

Le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par conclusions en réponse en date du 2 avril 2020, M. [D] demande à la cour d'appel de :

Confirmer le jugement en ce qu'il a :

- Dit que la prescription de son action n'est pas acquise ;

- Condamné l'employeur à lui verser les sommes suivantes :

- 4 560 € au titre des frais engagés pour sa défense ;

- 100 € au titre des frais irrépétibles ;

- Débouté l'employeur de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

- L'a condamné aux dépens de l'instance ;

Condamner l'employeur à lui payer la somme de 3 600 € au titre des frais irrépétibles.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 février 2022 et l'affaire a été fixée à plaider le 28 mars 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.

 

SUR QUOI :

Sur la prescription :

Moyens des parties :

La SAS AMBULANCE MOULIN fait valoir que la demande formée par M. [D], s'agissant des frais exposés au titre de sa défense dans le cadre de l'action en justice engagée contre elle à l'occasion de l'exécution de son contrat de travail, est aujourd'hui prescrite en ce qu'elle a été formée devant le conseil des prud'hommes le 7 novembre 2018, alors que le salarié avait connaissance des faits lui permettant d'exercer son action depuis le 16 mars 2011 (date à laquelle les héritiers de Mme [Z] ont déposé plainte avec constitution de partie civile à son encontre) ; de plus, sa mise en examen remonte au 12 juin 2015.

Elle soutient que M. [D] ne peut se prévaloir de la prescription quinquennale de droit commun qui ne s'applique qu'en l'absence de texte spécifique, alors qu'en matière prudhommale, le délai de prescription est de deux ans s'agissant de l'exécution du contrat de travail.

En tout état de cause, le salarié ne rapporte pas la preuve d'avoir réglé les factures dont il demande aujourd'hui le remboursement au titre de l'obligation de protection juridique de l'employeur envers son salarié.

M. [D] soutient que son action n'est pas prescrite en ce que le point de départ de la prescription était le 27 mars 2018, date de confirmation de l'ordonnance de non-lieu rendue par la chambre de l'instruction qui a mis fin à la procédure pénale. En effet, il ne pouvait être considéré comme ayant connaissance des faits lui permettant d'exercer ses droits à l'époque de sa mise en examen puisqu'il devait attendre la fin de la procédure pénale pour connaitre le montant définitif des frais exposés. En tout état de cause, l'employeur est tenu d'une obligation de paiement et à la dette qui n'est née qu'à l'issue de la procédure pénale. Enfin, l'obligation de protection juridique du salarié s'analyse en une action personnelle, qui se prescrit par 5 ans, délai de droit commun.

Sur ce,

Il de principe qu'investi par la loi du pouvoir de direction et de contrôle des salariés placés sous sa subordination juridique, l'employeur est tenu de garantir ceux-ci à raison des actes ou faits qu'ils passent ou accomplissent en exécution du contrat de travail et donc de garantir les frais exposés dans le cadre de sa défense dans la procédure pénale initiée à son encontre pour des faits commis lors de l'exécution de ses fonctions.

Cette obligation découlant de l'exécution du contrat de travail, le délai de prescription applicable est celui de l'article L. 1471-1 alinéa 1 du code du travail, soit deux années à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

En l'espèce s'agissant des frais exposés par M. [D] dans le cadre de sa défense dans la procédure pénale initiée à son encontre pour des faits commis lors de l'exécution de ses fonctions, le point de départ du délai de prescription de deux années susvisé est le 27 mars 2018, date de la confirmation de son ordonnance de non-lieu par la chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Grenoble, qui a permis à M. [D] de connaître le montant définitif des frais engendrés par la procédure désormais terminée. Ayant saisi le conseil des prud'hommes le 7 novembre 2018 aux fins d'exécution par l'employeur de son obligation de garantir les frais exposés, son action n'est pas prescrite, par voie de confirmation du jugement déféré.

Sur l'autorité de la chose jugée :

Moyens des parties :

La SAS AMBULANCE MOULIN fait valoir que le salarié doit être débouté de ses demandes en remboursement en ce qu'une décision définitive a déjà statué sur celles-ci, ce qui reviendrait à violer le principe de l'autorité de la chose jugée. En effet, par une ordonnance de référé rendue le 10 janvier 2018 (dans le cadre de l'instance où les héritiers de Mme [Z] ont assigné la SAS AMBULANCE MOULIN et où le salarié a été appelé en cause), le Tribunal de grande instance de Valence a débouté le salarié de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 1 500 €. Le salarié n'ayant pas souhaité interjeter appel de cette décision, elle a désormais l'autorité de la chose jugée.

M. [D] fait valoir pour sa part que l'obligation de protection juridique et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ont des fondements juridiques distincts et que le juge des référés a refusé de lui accorder une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile car il avait connaissance de l'existence de l'obligation de protection juridique du salarié qui incombe à l'employeur.

Sur ce,

Selon les dispositions de l'article 1351 du code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même , que la demande soit fondée sur la même cause, que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

Il convient de rappeler que l'obligation de protection juridique de l'employeur à l'égard de son salarié à raison des actes ou faits qu'il accomplit en exécution du contrat de travail, constitue une obligation découlant de l'exécution du contrat de travail et qu'elle a donc une cause différente et un fondement juridique distinct des demandes relatives aux frais exposés et non compris dans les dépens visés par l'article 700 du code de procédure civile.

Par conséquent, il convient de débouter la SAS AMBULANCE MOULIN de sa fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée des ordonnances de référé du Tribunal de grand instance de Valence des 27 septembre 2017 et 10 janvier 2018.

Sur le respect de l'obligation de protection juridique du salarié :

Moyens des parties :

M. [D] soutient qu'il est fondé à demander la prise en charge de ses frais de justice pour assurer sa défense à son employeur, en ce que ce dernier a une obligation de protection juridique envers lui. En effet, il a été mis en examen pour des faits commis alors qu'il était en fonction et salarié et il a déjà réglé les factures émises par son conseil. Il allègue que l'employeur ne peut pas échapper à son obligation de garantie en prétextant ne pas avoir été informé de la plainte pénale déposée à l'encontre du salarié. En tout état de cause, le conseil du salarié a pris contact avec l'employeur pour l'informer que sa responsabilité civile de commettant était susceptible d'être mise en cause et qu'il devait, par ailleurs, garantir les frais de justice de son salarié. Le juge des référés a refusé d'accorder au salariéune somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile car il avait connaissance de l'existence de l'obligation de protection juridique du salarié qui incombe à l'employeur.

La SAS AMBULANCE MOULIN fait valoir que la demande du salarié doit être rejetée en ce qu'il n'existe aucune obligation légale ou découlant du contrat de travail à la charge de l'employeur de fournir aide et assistance à son salarié en cas de poursuites pénales exercées à son encontre, même pour des faits commis dans le cadre de ses fonctions. De plus, le salarié n'a jamais demandé à l'employeur de l'assister et de prendre en charge les frais exposés pour sa défense dans le cadre de cette procédure pénale (lui réclamant ce remboursement pour la première fois en 2018, via la saisine du conseil de prud'hommes). Enfin, l'employeur n'a pas manqué à ses devoirs de loyauté et de coopération, ni à l'exécution de bonne foi du contrat de travail. Et en tout état de cause, la plainte de la famille [Z] à son encontre a donné lieu à un classement sans suite, puis à un non-lieu.

Sur ce,

Il de principe qu'investi par la loi du pouvoir de direction et de contrôle des salariés placés sous sa subordination juridique, l'employeur est tenu de garantir ceux-ci à raison des actes ou faits qu'ils passent ou accomplissent en exécution du contrat de travail et donc de garantir les frais exposés dans le cadre de sa défense dans la procédure pénale initiée à son encontre pour des faits commis lors de l'exécution de ses fonctions.

En l'espèce, il est constant que M. [D] a été attrait en justice par les consorts [Z], héritiers de Mme [Z] transportée le 15 décembre 2008 dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail et en sa qualité d'ambulancier salarié, par M. [D] et tombée dans le coma puis décédée 8 mois après.

M. [D] justifie avoir réglé à son conseil les factures suivantes :

2 400 € pour l'instruction pénale

960 € pour le référé expertise

1 200 € pour la procédure devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Grenoble sur appel de l'ordonnance de non-lieu du juge d'instruction

En outre, sans que l'obligation d'information ne soit une condition de l'exécution de l'obligation susvisée, il y a lieu de noter que le conseil de M. [D] a adressé un courrier à la SAS AMBULANCE MOULIN dès le 1er juillet 2015 pour l'informer qu'il était mis en cause par une procédure judiciaire pour des faits relatifs à une intervention dans le cadre de son activité professionnelle datant du mois d'octobre 2008, sa responsabilité de commettant étant susceptible d'être mise en cause et l'invitant à déclarer le sinistre à sa compagnie d'assurance.

Il convient de condamner par conséquent la SAS AMBULANCE MOULIN à payer à M. [D] la somme totale de 4 560 € au titre des frais engagés pour sa défense par voie de confirmation du jugement déféré.

Sur les demandes accessoires :

Il convient de confirmer la décision de première instance s'agissant des frais irrépétibles et des dépens.

Il convient de condamner la SAS AMBULANCE MOULIN, partie perdante, aux dépens d'appel et à la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

DECLARE la SAS AMBULANCE MOULIN recevable en son appel,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Y ajoutant,

DEBOUTE la SAS AMBULANCE MOULIN de sa fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée,

CONDAMNE la SAS AMBULANCE MOULIN à payer à M. [D] la somme de 2 500 € à sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

CONDAMNE la SAS AMBULANCE MOULIN aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au Greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

Signé par Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIERELA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section a
Numéro d'arrêt : 19/04295
Date de la décision : 07/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-07;19.04295 ?
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