La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/05/2022 | FRANCE | N°18/05187

France | France, Cour d'appel de Grenoble, 2ème chambre, 31 mai 2022, 18/05187


N° RG 18/05187 - N° Portalis DBVM-V-B7C-JZV2



N° Minute :





C3

























































Copie exécutoire délivrée

le :



à



la SELARL CABINET SEBASTIEN PLUNIAN



la SELARL SEDEX



SCP DURRLEMAN & COLAS















AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS<

br>


COUR D'APPEL DE GRENOBLE



2ÈME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU MARDI 31 MAI 2022



Appel d'un Jugement (N° R.G. 16/00270) rendu par le Tribunal de Grande Instance de VALENCE en date du 11 décembre 2018, suivant déclaration d'appel du 19 Décembre 2018





APPELANTE :



COMMUNE DE VALENCE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié e...

N° RG 18/05187 - N° Portalis DBVM-V-B7C-JZV2

N° Minute :

C3

Copie exécutoire délivrée

le :

à

la SELARL CABINET SEBASTIEN PLUNIAN

la SELARL SEDEX

SCP DURRLEMAN & COLAS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

2ÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 31 MAI 2022

Appel d'un Jugement (N° R.G. 16/00270) rendu par le Tribunal de Grande Instance de VALENCE en date du 11 décembre 2018, suivant déclaration d'appel du 19 Décembre 2018

APPELANTE :

COMMUNE DE VALENCE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

Hôtel de Ville

26000 VALENCE

Représentée et plaidant par Me Sébastien PLUNIAN de la SELARL CABINET SEBASTIEN PLUNIAN, avocat au barreau de VALENCE

INTIMÉS :

M. [H] [G]

né le 11 janvier 1941 à Valence

de nationalité Française

le Vincennes, Avenue Louise 479

1050 BRUXELLES

BELGIQUE

Représenté par Me Anne LE PIVERT LEBRUN de la SELARL SEDEX, avocat au barreau de VALENCE

M. [M] [G]

né le 12 Février 1931 à Valence

de nationalité Française

Parc Continental B 2 Place Stanislas

06400 CANNES

Représenté par Me Béatrice COLAS de la SCP DURRLEMAN & COLAS, avocat au barreau de VALENCE, plaidant par Me DE RENTY

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Emmanuèle Cardona, présidente

Laurent Grava, conseiller,

Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère

DÉBATS :

A l'audience publique du 21 mars 2022, Anne-Laure Pliskine, conseillère, qui a fait son rapport, en présence de Laurent Grava, conseiller, assistés de Caroline Bertolo, greffière, ont entendu seuls les avocats en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.

Il en a rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu à l'audience de ce jour.

EXPOSÉ DU LITIGE

MM. [H] [G] et [M] [G] sont propriétaires indivis de parcelles cadastrées section CN56 et 57 au 387, avenue Victor Hugo à Valence.

Le 16 novembre 2010, le maire de la commune de Valence a pris un arrêté de police, fondé sur les articles L.2212-1 et 2 du code général des collectivités territoriales (CGCT), interdisant l'accès à ces parcelles afin d'assurer la sécurité publique.

Par ordonnance du 31 janvier 2011, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a ordonné une expertise aux fins d'examiner l'immeuble situé à l'adresse susvisée, sur les parcelles CN56 et 57, de constater leur état et de dire s'il y avait péril imminent.

Le 2 février 2011, l'expert judiciaire a déposé son rapport et a conclu à l'existence d'un péril imminent. Il préconisait la fermeture du site par tout moyen afin d'en interdire l'accès dans un délai d'une semaine, et la démolition des bâtiments dans un délai de 4 mois.

Le maire de la commune de Valence a pris un arrêté de péril le 11 février 2011.

Le 15 décembre 2011, le maire a pris un arrêté de mise en demeure d'éliminer un dépôt sauvage.

Par jugement du 13 juillet 2012, le tribunal administratif de Grenoble a annulél'arrêté du 11 février 2011, au motif que les circonstances relevées par l'expert ne suffisaient pas à établir l'existence d'un péril au sens des dispositions précitées.

Par jugement du 17 mars 2015, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 15 décembre 2011.

La commune de Valence, a fait procéder à la démolition:

-en mai 2012 du local « Omnipuce » ;

-le 19 juin 2012 de deux autres bâtiments.

Par acte d'huissier du 16 octobre 2012, M. [H] [G] fait assigner la commune de Valence devant le tribunal de grande instance de Valence en réparation de son préjudice, à savoir :

-d'une part, une indemnité de 87.780 euros, au titre du préjudice locatif,

-d'autre part, une indemnité de 325 000 euros au titre « de la valeur vénale » des immeubles détruits.

Par acte d'huissier en date du 20 décembre 2012, Monsieur [M] [G] a également fait assigner la commune de Valence devant le tribunal de grande instance de Valence, afin de voir condamner la commune à l'indemniser de son entier préjudice (pour sa part dans l'indivision) du fait de la démolition des immeubles susvisés, et il a demandé avant dire droit la désignation d'un expert ayant pour mission d'évaluer le préjudice résultant de la démolition des bâtiments.

Par ordonnance du 27 juin 2013, le juge de la mise en état a:

-joint les instances enrôlées sous les numéros 12/3731 ([H] [G] c/ Commune de Valence) et 13/01 ([M] [G] c/ Commune de Valence) ;

-débouté la commune de Valence de son exception d'incompétence partielle ;

-débouté la commune de Valence de sa demande d'expertise ;

-rejeté toutes les demandes présentées par les parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-réservé les dépens.

La commune de Valence a interjeté appel de cette décision.

Par un arrêt en date du 3 février 2014 rectifié le 24 février 2014, la cour d'appel de Grenoble a:

-infirmé l'ordonnance rendue ;

-dit que la demande d'indemnisation du préjudice locatif allégué par M.[H] [G] relevait de la compétence du tribunal administratif de Grenoble ;

-déclaré en conséquence la juridiction judiciaire incompétente pour en connaître

-fait droit à la demande d'expertise préalable à l'examen par le tribunal de grande instance des demandes d'indemnisation du préjudice consécutif à la démolition des bâtiments.

L'expert a déposé son rapport définitif le 18 mai 2015.

Par jugement en date du 11 décembre 2018, le tribunal de grande instance de Valence a notamment:

-condamné la commune de Valence à payer à :

-M. [H] [G], la somme de 515 342,90 euros en réparation de son préjudice matériel, et la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral, le tout avec intérêts légaux à compter du jugement ;

-M. [M] [G] la somme de 515 342,90 euros en réparation de son préjudice matériel, et la somme de 5.000 euros au titre de son préjudice moral, le tout avec intérêts légaux à compter du jugement ;

-condamné la commune de Valence à payer à M.[H] [G] et M.[M] [G] chacun la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

-débouté la commune de Valence de sa demande présentée à ce titre ;

-ordonné l'exécution provisoire à concurrence de la moitié des sommes allouées;

-condamné la commune de Valence aux dépens distraits au profit de la SCP Durrleman - Colas - De Renty et de Me Le Pivert-Lebrun.

Par déclaration en date du 19 décembre 2018, la commune de Valence a interjeté appel du jugement en ce qu'il a :

-condamné la commune de Valence à payer à :

-M. [H] [G], la somme de 515 342,90 euros en réparation de son préjudice matériel, et la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral, le tout avec intérêts légaux à compter du jugement ;

-M. [M] [G] la somme de 515 342,90 euros en réparation de son préjudice matériel, et la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral, le tout avec intérêts légaux à compter du jugement ;

-condamné la commune de Valence à payer à M.[H] [G] et M.[M] [G] chacun la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamné la commune de Valence aux dépens distraits au profit de la SCP Durrleman - Colas - De Renty et de Me Le Pivert-Lebrun.

Dans ses conclusions notifiées le 29 novembre 2021, la commune de Valence demande à la cour de :

Statuant sur l'appel formé par la commune de Valence, à l'encontre du jugement rendu le 11 décembre 2018 par le tribunal de grande instance de Valence,

Le déclarant recevable et bien fondé,

Y faisant droit,

-infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

*condamné la Commune de Valence à payer à :

* à Monsieur [H] [G] la somme de 515 342,90 euros en réparation de son préjudice matériel et la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral, le tout avec intérêts légaux à compter du jugement,

* à Monsieur [M] [G] la somme de 515  342,90 euros en réparation de son préjudice matériel et la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral, le tout avec intérêts légaux à compter du jugement,

*condamné la commune de Valence à verser à Monsieur [H] [G] et à Monsieur [M] [G], chacun, la somme de 3 000 euros (soit 3.000 euros x 2) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

*débouté la commune de Valence de sa demande présentée à ce titre,

*ordonné l'exécution provisoire à concurrence de la moitié des sommes allouées,

*condamné la commune de Valence aux dépens distraits au profit de la SCP Durrleman- Colas- De Renty et Me Le Pivert-Lebrun.

Statuant à nouveau,

A titre principal, sur l'absence d'indemnisation

-rejeter les demandes d'indemnisation présentées par chacun des consorts [G] au motif, d'une part qu'il n'est pas rapporté l'existence d'une voie de fait (absence de faute), et, d'autre part, que la démolition des immeubles pouvait être prescrite sur le fondement de la police administrative générale issue des articles L. 2212-3 et suivants du code général des collectivités territoriales (absence de lien causal) ;

A titre subsidiaire,

-dire que la valeur des bâtiments démolis n'excédait pas 191.280 euros, ou au mieux 776.672 euros, à partager pour moitié pour chacun des frères [G] ;

Le cas échéant, à titre subsidiaire, avant dire droit,

-ordonner une nouvelle expertise avec pour mission confiée à l'expert d'évaluer le préjudice [G] en prenant en considération la valorisation du tènement immobilier [G] par la démolition réalisée ;

En toute hypothèse,

-rejeter toute demande supplémentaire présentée à l'encontre de la commune de Valence, et notamment les demandes de condamnation de la Ville à verser les sommes de 20 000 euros à titre de préjudice moral réclamés par M. [M] [G], et la somme de 50 000 euros à titre de préjudice moral réclamé par M. [H] [G], ainsi que toute demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens de l'instance ;

-débouter les consorts [G] de toutes leurs demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires et de tout appel incident.

-condamner au contraire solidairement MM. [H] et [M] [G] à verser à la commune de Valence la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Au soutien de ses demandes, la commune de Valence énonce à titre liminaire, en se fondant sur l'arrêt Giry, que lorsque le juge judiciaire statue sur la responsabilité de l'administration, notamment dans le cadre de l'exercice de son pouvoir de police ou à l'occasion d'un service public, il doit le faire selon les principes de droit public.

Elle indique que dans un arrêt du 17 juin 2013, le Tribunal des conflits a redéfini entièrement la notion de voie de fait, en la limitant, non plus au cas d'atteinte grave au droit de propriété, mais uniquement au cas d'extinction du droit de propriété, et que la jurisprudence judiciaire récente considère qu'il n'y a pas d'extinction du droit de propriété lorsque l'administration a démoli l'immeuble, mais que le propriétaire conserve son droit de propriété sur le tènement foncier, que par définition, la démolition d'un bâtiment édifié sur une propriété peut faire l'objet d'une remise en état, qu'ainsi, la démolition d'un immeuble n'entraînant pas l'extinction du droit de propriété sur le sol, il n'y a pas voie de fait.

Elle ajoute que la voie de fait ne peut exister que lorsque la décision ou l'exécution forcée irrégulière « est manifestement insusceptible d'être rattachée à un pouvoir appartenant à l'autorité administrative » et qu'en l'espèce, le premier juge a mélangé les notions de « décision irrégulière» et de décision « manifestement insusceptible d'être rattachée à un pouvoir de l'administration ».

Subsidiairement, elle fait valoir l'absence de lien causal avec le préjudice issu de la démolition dès lors que même si la police spéciale des immeubles menaçant ruine ne trouve pas à s'appliquer (parce que, par exemple, le vice n'est pas interne à l'immeuble menaçant ruine, ou que ce caractère interne n'est pas suffisamment rapporté), le maire peut prescrire les mêmes mesures sur le fondement de son pouvoir de police générale.

Elle indique que le premier juge s'est mépris sur la charge de la preuve de l'existence du lien causal (ou de la faute) et qu'il aurait dû rechercher si les éléments qu'elle rapportait pour démontrer que la démolition n'aurait pas pu être prescrite sur un autre fondement étaient suffisants.

Très subsidiairement, elle conteste les valeurs retenues par l'expert, rappelant que les bâtiments démolis étaient abandonnés.

Elle se fonde sur le rapport [K], dont l'objet est de préparer le partage judiciaire de la propriété [G] entre [H] et [M] [G], et qui prévoit donc ce partage en fonction de la volonté des deux ayant droits qui ont admis que l'évaluation de leur terrain soit réalisée en fonction d'un aménagement futur impliquant la démolition de l'existant.

Elle indique notamment que des aménageurs ont déjà pris l'attache avec elle, pour présenter leur projet d'aménagement sur le tènement des consorts [G], que le courrier de l'aménageur fait état du fait que les terrains doivent « être libres de toute occupation », et que l'objet de démolir l'existant pour reconstruire, qu'en conséquence, les consorts [G] ne subissent aucun préjudice.

Dans ses conclusions notifiées le 26 février 2021, M. [H] [G] demande à la cour de :

-juger la commune de Valence, non fondée en son appel et l'en débouter.

En conséquence,

-confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Valence du 11 décembre 2018.

En conséquence :

-juger la commune de Valence responsable de voie de fait sur les immeubles appartenant à l'indivision [G], sis 387 avenue Victor Hugo à Valence, parcelles cadastrées à la section CN sous les numéros 56 et 57,

-condamner la commune de Valence à indemniser le préjudice subi par Monsieur [G] [H] à hauteur de 615 095,15 euros et à défaut à 515 342,90 euros avec intérêts à compter de la décision à intervenir.

-condamner la commune de Valence au paiement de la somme de 50 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi par Monsieur [H] [G],

-condamner la commune de Valence à la somme de 30 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner la commune de Valence aux entiers dépens de première instance, et d'appel en faisant application à Maître Anne Le Pivert-Lebrun, avocat, des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

M.[H] [G] énonce que la démolition des bâtiments dont il est propriétaire indivis a été ordonnée par la commune de Valence en l'absence de tout titre l'habilitant à procéder d'office à la destruction.

Il rappelle les dispositions de l'article L. 511-2 du code de la construction et de l'habitation selon lesquelles « lorsque l'arrêté de péril n'a pas été exécuté dans le délai fixé, le maire met en demeure le propriétaire d'y procéder dans un délai qu'il fixe et qui ne peut être inférieur à un mois. A défaut de réalisation des travaux dans le délai imparti, le maire, par décision motivée, fait procéder d'office à leur exécution. Il peut également faire procéder à la démolition prescrite, sur ordonnance du juge statuant en la forme des référés, rendue à sa demande ».

Il déclare que le second arrêté en date du 15 décembre 2011 a également fait l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, devant le tribunal administratif de Grenoble, et que l'exécution d'office de cet arrêté, à supposer même que la commune de Valence mette en 'uvre la procédure prévue à l'article L. 541-3 du code de l'environnement, se limite à l'évacuation forcée des déchets, aux frais du propriétaire, et en aucun cas à la démolition de bâtiments.

Il fait état de son préjudice tant matériel que moral.

Dans ses conclusions notifiées le 30 août 2021, M.[M] [G] demande à la cour de :

-confirmer le jugement du 11 décembre 2018 en ce qu'il a jugé que la commune de Valence avait commis une voie de fait à l'égard de Monsieur [M] [G] en procédant à la démolition des bâtiments situés sur la propriété indivise sise 387 avenue Victor Hugo à 26000 Valence. Infirmer le jugement du 11 décembre 2018 sur le quantum des sommes allouées à Monsieur [M] [G].

-condamner la commune de Valence à payer à Monsieur [M] [G], la somme de 615.095,15 euros, ou à titre subsidiaire 515.342,90 euros correspondant à sa quote-part dans l'indivision,

-condamner la commune de Valence à payer à Monsieur [M] [G], la somme de 20.000 euros en réparation de son préjudice moral,

-condamner la commune de Valence à payer à Monsieur [M] [G], la somme de 15.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

-débouter la commune de Valence de toutes demandes, fins et prétentions à l'encontre de Monsieur [M] [G] et de sa demande d'expertise,

-condamner la commune de Valence aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la SCP Durrleman Colas De Renty, avocats aux offres de droit en application de l'article 699 du code de procédure civile.

M.[M] [G] indique que la notion de voie de fait repose sur 3 conditions cumulatives présentes en l'espèce :

- une activité matérielle d'exécution,

- une atteinte portée au droit de propriété ou à une liberté fondamentale, qui doit s'analyser comme « la perte définitive de la propriété soit par la destruction du titre de propriété soit par celle du bien objet de la propriété ».

- une irrégularité grossière affectant l'action de l'administration compte tenu des circonstances dans lesquelles la commune a procédé à la démolition des immeubles.

Il fait également état de ses préjudices.

La clôture a été prononcée le 19 janvier 2022.

MOTIFS

Sur l'existence d'une voie de fait

Selon l'article L.2212-2 du code général des collectivités territoriales, la police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment :

1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend le nettoiement, l'éclairage, l'enlèvement des encombrements, la démolition ou la réparation des édifices et monuments funéraires menaçant ruine, l'interdiction de rien exposer aux fenêtres ou autres parties des édifices qui puisse nuire par sa chute ou celle de rien jeter qui puisse endommager les passants ou causer des exhalaisons nuisibles ainsi que le soin de réprimer les dépôts, déversements, déjections, projections de toute matière ou objet de nature à nuire, en quelque manière que ce soit, à la sûreté ou à la commodité du passage ou à la propreté des voies susmentionnées ; [...]

5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que les incendies, les inondations, les ruptures de digues, les éboulements de terre ou de rochers, les avalanches ou autres accidents naturels, les maladies épidémiques ou contagieuses, les épizooties, de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours et, s'il y a lieu, de provoquer l'intervention de l'administration supérieure ;

Aux termes de l'article L2212-4, en cas de danger grave ou imminent, tel que les accidents naturels prévus au 5° de l'article L.2212-2 le maire prescrit l'exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances.

Il informe d'urgence le représentant de l'Etat dans le département et lui fait connaître les mesures qu'il a prescrites.

Selon l'article L.511-1 du code de la construction et de l'habitation, le maire peut prescrire la réparation ou la démolition des murs, bâtiments ou édifices quelconques lorsqu'ils menacent ruine et qu'ils pourraient, par leur effondrement, compromettre la sécurité ou lorsque, d'une façon générale, ils n'offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité publique, dans les conditions prévues à l'article L. 511-2. Toutefois, si leur état fait courir un péril imminent, le maire ordonne préalablement les mesures provisoires indispensables pour écarter ce péril, dans les conditions prévues à l'article L.511-3.

Il peut faire procéder à toutes visites qui lui paraîtront utiles à l'effet de vérifier l'état de solidité de tout mur, bâtiment et édifice.

Toute personne ayant connaissance de faits révélant l'insécurité d'un immeuble est tenue de signaler ces faits au maire, qui peut recourir à la procédure des articles ci-après.

Dans son arrêt du 17 juin 2013, [E]/Société ERDF Annecy Léman, auquel se réfère la commune de Valence, le tribunal des conflits a précisé la notion de voie de fait, indiquant qu'il n'y a voie de fait de la part de l'administration, justifiant, par exception au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire pour en ordonner la cessation ou la réparation, que dans la mesure où l'administration soit a procédé à l'exécution forcée, dans des conditions irrégulières, d'une décision, même régulière, portant atteinte à la liberté individuelle ou aboutissant à l'extinction d'un droit de propriété, soit a pris une décision qui a les mêmes effets d'atteinte à la liberté individuelle ou d'extinction d'un droit de propriété et qui est manifestement insusceptible d'être rattachée à un pouvoir appartenant à l'autorité administrative.

En l'espèce, la commune de Valence soutient l'absence de voie de fait au motif qu'il ne s'agit pas d'une décision manifestement insusceptible d'être rattachée à un pouvoir appartenant à l'autorité administrative et qu'il n'y a pas eu d'extinction du droit de propriété.

Toutefois, et comme l'a à juste titre souligné le premier juge, le fait de détruire complètement les bâtiments sur un terrain constitue une atteinte au droit de propriété tellement grave qu'elle aboutit en réalité à l'extinction de ce droit.

En outre, lorsqu'elle a fait procéder à cette destruction, la commune de Valence savait que le premier arrêté, pris sur le fondement des articles précités, faisait l'objet d'un recours devant le tribunal administratif.

Quand au second arrêté en date du 15 décembre 2011, il ne portait que sur l'obligation d'ôter des déchets et ne pouvait servir de fondement aux destructions opérées par la commune.

En conséquence, et même si le fait d'agir en cas de péril imminent relève bien des pouvoirs du maire, la commune a fait le choix de faire procéder à la destruction de plusieurs immeubles, près de 15 mois après l'arrêté de péril imminent, ce qui ne caractérise pas l'urgence, et en sachant que cet arrêté pouvait faire l'objet d'une annulation, et donc d'opérer en-dehors de tout fondement légal.

Ces éléments caractérisent l'existence d'une voie de fait, le jugement sera confirmé.

Sur les préjudices

L'expert [I] s'est appuyé sur la valeur locative des biens et sur le taux de rendement, ce qui ne paraît pas approprié compte tenu des éléments du dossier, sachant que les bâtiments n'étaient plus loués depuis plusieurs années et faisaient l'objet de squats.

Ainsi que l'a rappelé le premier juge, la commune de Valence a fait le choix de ne pas formuler de dires lors de l'expertise judiciaire et de s'appuyer sur les dires d'un autre expert qui n'ont pas pu être soumis à une réelle contradiction lors de la réalisation de ladite expertise. Il n'est en outre pas démontré que M.[S] se soit déplacé sur site.

La mission impartie à Mme [K] dans le cadre du partage était différente puisqu'il s'agissait pour elle de procéder à l'inventaire et l'estimation des biens indivis qui incluaient les parcelles. Elle a en outre tenu compte de la valorisation des biens dans le cadre d'une opération de promotion immobilière, ce qui n'est pas l'objet du présent litige.

Le fait que les terrains soient ensuite destinés à être vendus à des aménageurs qui veulent un terrain dépourvu de construction n'a pas à être pris en compte dans le cadre de la présente instance, le principe étant celui de la réparation intégrale du préjudice, indépendamment du devenir ultérieur des terrains.

En conséquence, il convient de retenir les chiffres proposés par l'expert M.[A]. Aucune resconstruction n'étant envisagée, il faut retenir les chiffres sans reconstruction, le jugement sera confirmé.

Rien ne justifie d'ordonner une nouvelle mesure d'expertise.

Sur les demandes de dommages -intérêts

Il existe indéniablement un préjudice moral, toutefois celui-ci, compte tenu de l'état de délabrement des bâtiments depuis de nombreuses années, ayant donné lieu à plusieurs courriers du maire compte tenu des risques d'atteinte à la salubrité publique, celui-ci doit être ramené à de plus justes proportions et le premier juge a procédé à une exacte appréciation de la situation en fixant à 5 000 euros ce montant. Le jugement sera confirmé;

Sur les autres demandes

Il est équitable d'allouer à MM. [H] et [M] [G] chacun la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La commune de Valence qui succombe à l'instance sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Confirme le jugement déféré ;

Y ajoutant ;

Condamne la commune de Valence à verser à MM. [H] et [M] [G] chacun la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la commune de Valence aux dépens d'appel.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Mme Emmanuèle Cardona, Présidente de la deuxième chambre civile et par la Greffière,Caroline Bertolo, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIERELA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18/05187
Date de la décision : 31/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-31;18.05187 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award