N° RG 21/00516 - N° Portalis DBVM-V-B7F-KXEU
C6
N° Minute :
Copie Exécutoire délivrée
le :
à
la SELARL CABINET JP
la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE DES AFFAIRES FAMILIALES
ARRET DU MARDI 24 MAI 2022
APPEL
jugement au fond, origine tribunal judiciaire de Valence, décision attaquée en date du 5 novembre 2020, enregistrée sous le n° 19/01115 suivant déclaration d'appel du 28 janvier 2021.
APPELANTS :
M. [N] [H]
de nationalité Française
803 Chemin de la Rabassière
26790 SUZE LA ROUSSE
représenté par Me Jean POLLARD de la SELARL CABINET JP, avocat au barreau de VALENCE
Mme [A] [H]
de nationalité Française
5 Rue des Ecoles
30870 CLARENSAC
tous deux représentés par Me Jean POLLARD de la SELARL CABINET JP, avocat au barreau de VALENCE
INTIMES :
M. [J] [H]
né le 31 Août 1953 à SUZE LA ROUSSE
de nationalité Française
57 Allée des Pétunias
84320 ENTRAIGUES SUR LA SORGUE
représenté par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE
Mme [F] [H] épouse [Y]
de nationalité Française
4 Avenue Jean Perrin
26700 PIERRELATTE
tous deux représentés par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats et du délibéré :
Mme Anne BARRUOL, Présidente,
Mme Martine RIVIERE, Conseillère,
Mme Christelle ROULIN, Conseillère,
Assistées lors des débats de Mme Abla AMARI, Greffière.
DEBATS :
A l'audience publique du 15 mars 2022, Mme Martine Rivière, conseillère, a été entendue en son rapport. Les avocats ont été entendus en leurs conclusions, puis
l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience de ce jour.
EXPOSÉ DU LITIGE
[U] [H] est décédé à Orange, le 31 décembre 1999 tandis que son épouse, [D] [C] [K], est décédée à Suze-la-Rousse, le 5 septembre 2016. Les époux [V] laissent pour leur succéder leurs quatre enfants :
- Mme [A] [H],
- M. [J] [H],
- Mme [F] [H] épouse [Y],
- M. [N] [H].
Suivant acte reçu le 17 janvier 1994 par Maître [T], notaire à Nyons, les époux [V] avaient procédé à une donation entre vifs, à titre de partage anticipé de certains de leurs biens immobiliers au profit de leurs quatre enfants.
Aux termes de cet acte de donation-partage :
- M. [N] [H] s'est vu reconnaître une créance de 169.000 FF à titre de salaire différé et attribuer la nue-propriété de diverses parcelles en nature de vigne AOC, terres, bois;
- [A] [H] a reçu la nue-propriété d'une maison à Suze la Rousse et une parcelle avec hangar ;
- [J] [H] a reçu en pleine propriété une maison à Monteux ;
- [F] [H] a reçu en pleine propriété une maison en mauvais état avec hangar et cour à Suze la Rousse.
Par actes délivrés les 19 et 28 mars 2019, M. [J] [H] et Mme [F] [H] ont fait assigner M. [N] [H] et Mme [A] [H] devant le tribunal judiciaire de Valence aux fins de voir ordonner l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage des sucessions de leurs parents et en exercice d'une action en réduction, exposant que [N] [H] a reçu une part excédant ses droits, la parcelle qualifiée de terre cadastrée section AK n°213 lieudit La serre du Prieur à Suze-la-Rousse d'une contenance de 11a 60ca supportant en réalité une maison, et ayant ainsi une valeur bien plus importante que celle indiquée dans l'acte.
Par jugement contradictoire du 5 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Valence a principalement :
- déclaré recevable comme non prescrite l'action en réduction de donation-partage exercée par
M. [J] [H] et Mme [F] [H] ;
- ordonné le partage de la succession d'[U] [H] et [D] [K] ;
- commis M. le président de la chambre départementale des notaires de la Drôme pour procéder aux opérations de compte, liquidation et partage, avec faculté de délégation ;
- commis M. le président de la 1ère chambre civile du tribunal judiciaire de Valence, pour surveiller les opérations de partage ;
- dit qu'en cas d'empêchement du magistrat ou du notaire commis, il sera procédé à leur remplacement par le président de ce tribunal sur simple requête ;
- préalablement aux opérations de liquidation partage et pour y parvenir, ordonné une expertise patrimoniale ;
- commis pour y procéder M. [M] [Z], avec mission de :
prendre connaissance des pièces du dossier et se faire remettre par les parties, les notaires et les établissements bancaires concernés tous documents utiles à l'accomplissement de sa mission,
entendre les parties en leurs explications,
dresser l'inventaire des biens immobiliers dépendant de la succession d'[U] [H] et [D] [K],
décrire et évaluer ces biens à la date la plus proche du partage (à défaut d'indication précise sur cette date, à la date de l'expertise),
dire s'il sont commodément partageables en nature, compte tenu des droits et des demandes des parties (et en cas d'accord des parties, composer des lots en vue d'un partage amiable), à défaut fixer la valeur de la mise à prix des immeubles en cas de vente aux enchères publiques par licitation,
indiquer s'il y a lieu la valeur locative des immeubles et donner les éléments permettant d'évaluer l'indemnité d'occupation mensuelle éventuellement due par les héritiers qui occupent un ou plusieurs biens immobiliers à titre exclusif depuis le décès d'[U] [H] et d'[D] [K],
calculer le montant de la réserve de chacun des héritiers d'[D] [K] en procédant à l'évaluation à la date d'ouverture de la succession des biens dont elle a disposé par donation entre vifs d'après leur état à l'époque de la donation,
fournir tous éléments permettant de déterminer s'il y a eu atteinte à la réserve de M. [J] [H], Mme [F] [H] et Mme [A] [H],
d'une façon générale, donner tous les éléments permettant de faire les comptes entre les héritiers ;
- fixé à 2.000 euros le montant de la provision à valoir sur les honoraires de l'expert, somme qui devra être consignée par M. [J] [H] et Mme [F] [H], dans le délai d'un mois suivant le prononcé de la décision ;
- subordonné le commencement des opérations d'expertise au versement de la consignation fixée ;
- dit que l'expert devra déposer le rapport écrit de ses opérations au greffe du tribunal dans le délai de six mois à dater de sa saisine, sauf prorogation autorisée et qu'il en délivrera copie à chacune des parties en cause ainsi qu'au notaire désigné et un second original au tribunal, et un mémoire d'honoraires en triple exemplaires ;
- dit qu'en cas de désaccord entre les copartageants sur le projet d'état liquidatif dressé par le notaire, ce dernier devra dresser, et transmettre au juge commis, un procès-verbal de difficultés, auquel seront annexés les dires respectifs des parties, ainsi que son projet d'état liquidatif ;
- dit qu'il appartiendra à la partie la plus diligente, au vu de ce procès-verbal, de saisir le tribunal des points de désaccord subsistants par le dépôt de conclusions récapitulatives (qui devront être signifiées aux parties défaillantes) ;
- débouté les parties de leurs demandes d'indemnités sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rejeté toute prétention plus ample ou contraire des parties ;
- ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de partage.
Le 28 janvier 2021, M. [N] [H] et Mme [A] [H] ont interjeté appel de ce jugement, en ce qui concerne l'action en réduction de donation-partage, le partage des successions, la désignation du président de la chambre départementale des notaires de la Drôme pour procéder aux opérations de compte, liquidation et partage, la désignation du président de la 1ère chambre civile de Valence pour surveiller les opérations de partage, l'expertise patrimoniale, le montant de la provision à valoir sur les honoraires de l'expert ainsi que les demandes d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées le 27 avril 2021, M. [N] [H] et Mme [A] [H] demandent à la cour de :
- infirmer la décision rendue par le tribunal judiciaire en ce qu'il a :
déclaré recevable comme non prescrite l'action en réduction de donation-partage exercée par M. [J] [H] et Mme [F] [H],
ordonné le partage de la succession d'[U] [H] et d'[D] [K],
commis M. le président de la chambre départementale des notaires de la Drôme pour procéder aux opérations de compte, liquidation et partage, avec faculté de délégation,
commis monsieur le président de la 1ère chambre civile du tribunal judiciaire de Valence pour surveiller les opérations de partage,
dit qu'en cas d'empêchement du magistrat ou du notaire commis, il sera procédé à leur remplacement par le président de ce tribunal sur simple requête,
préalablement aux opérations de liquidation partage, et pour y parvenir, ordonné une expertise patrimoniale,
ordonné une expertise ;
statuant de nouveau,
- débouter M. [J] [H] et Mme [F] [H] de leur demande d'action en réduction ;
- condamner in solidum M. [J] [H] et Mme [F] [H] à la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner les mêmes aux entiers dépens.
Ils exposent en substance que :
- l'action des intimés est prématurée, puisqu'ils ne démontrent pas que leur réserve est atteinte du fait de la donation du bien litigieux ;
- le premier juge aurait dû ordonner une expertise avant dire droit visant à calculer le montant de la réserve de chacun des héritiers ;
- l'acte du 17/01/1994 était connu de l'ensemble des héritiers ;
- le bien litigieux avait peu de valeur, s'agissant d'un corps de ferme inhabitable, sans eau courante, ni électricité, ni raccordement au tout à l'égoût ;
- en tout état de cause, le bien doit être évalué dans son état au jour de la donation partage.
Par conclusions notifiées le 20 juillet 2021, M. [J] [H] et Mme [F] [H] demandent à la cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement;
- condamner in solidum M. [N] [H] et Mme [A] [H] à leur payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens
Ils font valoir que :
- l'action en réduction leur est ouverte par l'article 1077-1 du code civil et n'est pas prescrite ;
- que l'acte de donation-partage ne faisait état que d'un terrain nu, alors qu'il il y était édifié un immeuble ;
- cet acte ne porte pas de mention de leur accord ;
- l'expertise ordonnée est nécessaire pour que soit apprécié le bien-fondé de leur action ;
- le bien doit être évalué à la date du 17/01/1994jour de la donation partage
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la recevabilité de l'action en réduction
Les appelants soutiennent que [J] et [F] [H] doivent démontrer au préalable qu'ils ont été privés de leur réserve. En d'autres termes, les intimés n'auraient pas d'intérêt à agir, l'article 31 du code de procédure civile n'ouvrant le bénéfice d'une action en justice qu'à 'ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention'.
En celà ils confondent la recevabilité d'une action et le succès de celle-ci au fond, étant rappelé qu'il est de principe que l' intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action.
En l'espèce, les intimés, étant successibles, ont qualité à agir contre leurs co-héritiers, puisqu' ils sont réservataires et qu'ils peuvent invoquer tout élément utile susceptible de démontrer une atteinte à leur réserve. Il conviendra en revanche lors de l'examen du fond du litige de déterminer si leur prétention est fondée ou non.
Par ailleurs, c'est par une exacte application des dispositions de l'article 1077-2 du code civil que le premier juge a déclaré l'action non prescrite, pour avoir été engagée dans les cinq ans du décès du survivant des époux donateurs.
Leur action est ainsi recevable, le fait que les intimés aient pu avoir connaissance dès la donation de l'existence d'une maison sur la parcelle cadastrée section AK n° 213 étant sans incidence. En tout état de cause, l'acte notarié ne porte aucune précision à ce sujet. Si une mention manuscrite ('ferme en ruine') a pu être apposée sur un des actes, elle n'apparaît pas dans l'acte original ni dans celui communiqué par le notaire aux intimés.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur les opérations de liquidation partage
Il n'est pas démontré que la donation partage du 17/01/1994 a réglé l'entière succession des parents des parties. Dès lors, c'est exactement que le premier juge a ordonné le partage de ces successions et, au vu de la complexité de ces opérations, a désigné un notaire pour y procéder.
Quant à la question de la valeur de la parcelle cadastrée section AK n° 213, elle ne peut être tranchée qu'après expertise. En effet, l'état du bien a évolué depuis la donation partage de 1994, puisque désormais le réseau électrique passe à proximité, ce qui permettrait son raccordement éventuel dans le cadre d'une réhabilitation.
Le jugement déféré sera confirmé de ces chefs.
En revanche, si les intimés considèrent que la valeur du bien doit être fixée au jour de la donation partage du 17/01/1994, suivis en cela par les appelants, l'expertise doit être diligentée au regard des dispositions de l'article 922 §2 du code civil dans sa rédaction actuelle du 23/06/2006, qui dispose que 'les biens dont il a été disposé par donation entre vifs sont fictivement réunis à cette masse, d'après leur état à l'époque de la donation et leur valeur à l'ouverture de la succession, après qu'en ont été déduites les dettes ou les charges les grevant'. Ce texte s'applique non seulement à la succession de [D] [C] [K], décèdée postérieurement à son entrée en vigueur, mais aussi à celle de [U] [H], puisque cette régle était déjà édictée par cet article dans sa version du 3 juillet 1971.
Le jugement sera donc réformé partiellement quant à la mission de l'expert.
Sur les frais irrépétibles
A ce stade de la procédure, la demande formée par les intimés au titre des frais visés à l'article 700 du code de procédure civile prématurée sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a donné mission à l'expert commis d'évaluer les biens immobiliers dépendant des successions de [U] [H] et [D] [C] [K] à la date la plus proche du partage ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que l'expert évaluera les biens objet de la donation partage à la date de l'ouverture des successions d'après leur état au 17/01/1994 date de la donation, l'évaluation des autres biens se faisant à la date la plus proche du partage;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage ;
PRONONÇÉ par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
SIGNÉ par la présidente Anne Barruol et par la greffière Abla Amari, à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
La greffière La Présidente
A. AMARI A. BARRUOL