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24/05/2022 | FRANCE | N°19/04827

France | France, Cour d'appel de Grenoble, 2ème chambre, 24 mai 2022, 19/04827


N° RG 19/04827 - N° Portalis DBVM-V-B7D-KIKW



N° Minute :





C4

























































Copie exécutoire délivréele :



à



la S.C.P. MAISONOBE - OLLIVIER



la S.C.P. VBA AVOCATS ASSOCIES















AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GREN

OBLE



2ÈME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU MARDI 24 MAI 2022



Appel d'un Jugement (N° R.G. 16/04791) rendu par le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE en date du 30 septembre 2019, suivant déclaration d'appel du 02 Décembre 2019





APPELANT :



M. [B] [P]

né le 07 Juillet 1959 à [Localité 5] (ALGERIE)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Local...

N° RG 19/04827 - N° Portalis DBVM-V-B7D-KIKW

N° Minute :

C4

Copie exécutoire délivréele :

à

la S.C.P. MAISONOBE - OLLIVIER

la S.C.P. VBA AVOCATS ASSOCIES

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

2ÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 24 MAI 2022

Appel d'un Jugement (N° R.G. 16/04791) rendu par le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE en date du 30 septembre 2019, suivant déclaration d'appel du 02 Décembre 2019

APPELANT :

M. [B] [P]

né le 07 Juillet 1959 à [Localité 5] (ALGERIE)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Elise OLLIVIER de la S.C.P. MAISONOBE - OLLIVIER, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMÉE :

SA QUATREM prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Franck BENHAMOU de la S.C.P. VBA AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et Me Agnès GOLDMIC, Avocat au Barreau de PARIS,

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Emmanuèle Cardona, présidente

Laurent Grava, conseiller,

Frédéric Dumas, vice-président placé, en vertu d'une ordonnance en date du 18 novembre 2021 rendue par la première présidente de la cour d'appel de Grenoble

DÉBATS :

A l'audience publique du 18 janvier 2022, Frédéric Dumas, vice-président placé, qui a fait son rapport, assisté de Caroline Bertolo, greffière, a entendu seul les avocats en leurs conclusions, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.

Il en a rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu à l'audience de ce jour.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Le 24 mars 2010 M. [B] [P] a contracté deux prêts immobiliers auprès de la banque Rhône-Alpes en vue de l'acquisition de sa résidence principale. Le même jour il a souscrit par l'intermédiaire de la société AON, deux assurances garantissant les risques décès, invalidité et incapacité auprès de la société anonyme Quatrem Assurances Collectives.

Placé depuis le 25 septembre 2014 en incapacité temporaire de travail M. [P] a déclaré ce sinistre à la société Quatrem Assurances Collectives.

Le 17 février 2015 cette dernière a refusé d'accorder sa garantie en estimant que lors de la souscription des contrats d'assurance M. [P] avait répondu de façon erronée à certaines questions sur le questionnaire de santé médical, faussant ainsi son opinion sur la nature du risque garanti.

Suivant exploit du 22 septembre 2016 M. [P] a fait assigner la société Quatrem Assurances Collectives devant le tribunal de grande instance de Grenoble aux fins de l'entendre notamment condamner à prendre en charge les mensualités des prêts au titre de la garantie incapacité totale de travail depuis le 25 septembre 2014 et à lui rembourser les échéances des prêts réglées depuis le 25 septembre 2014.

Par une ordonnance juridictionnelle du 27 mars 2018 le juge de la mise en état a ordonné la levée du secret médical concernant le dossier médical de M. [P] en possession de la société Quatrem Assurances Collectives qu'il a autorisée à produire aux débats.

Suivant jugement du 30 septembre 2019 le tribunal de grande instance de Grenoble a :

- prononcé la nullité du contrat d'assurance n°16760 souscrit par M. [P] auprès de la société Quatrem Assurances Collectives le 24 mars 2010,

- débouté M. [P] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné M. [P] aux dépens de l'instance qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile,

- condamné M. [P] à verser à la société Quatrem Assurances Collectives la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 2 décembre 2019 M. [P] a interjeté appel du jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions M. [P] demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :

- condamner la société Quatrem Assurances Collectives à lui rembourser les échéances des prêts réglées depuis le 25 septembre 2014,

- condamner la même à verser à M. [P] la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de sa résistance abusive,

- condamner la même à lui régler la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Au soutien de ses prétentions M. [P] expose que :

- il était fondé à répondre par la négative aux questions n°3, 5 et 6 du formulaire soumis par l'assureur lors de la conclusion du contrat,

- s'agissant de l'une des questions sur l'existence d'un ou plusieurs traitements médicaux suivi pendant plus de trois mois au cours des cinq dernières années les pièces versées aux débats font état d'un traitement mais aucune n'en précise la durée, un traitement suivi en 2004 ne signifie aucunement depuis'2004,

- sa déclaration n'a pas pu modifier l'appréciation du risque que ferait peser sur le contrat un suivi d'hypertension,

- son banquier l'a en outre fortement incité à répondre 'non' aux questions posées de sorte qu'il n'a pas été en mesure d'apprécier la portée des questions du questionnaire de santé, ne dissimulant pas lors de la déclaration du sinistre avoir été traité en 2004,

- l'intimée ne démontre pas en quoi il aurait fait preuve de la mauvaise foi qu'elle invoque.

Selon ses dernières écritures la société Quatrem Assurances Collectives conclut à ce que la cour confirme le jugement et :

- déboute M. [P] de l'intégralité de ses demandes,

- le condamne à lui verser une indemnité de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens distraits au profit de maître Benhamou.

L'intimée souligne la mauvaise foi de M. [P] qui a intentionnellement répondu par la négative aux trois questions relatives à sa santé dans le formulaire d'assurance en vue d'être soumis à un coût moins élevé de son assurance. L'assuré a en effet volontairement dissimulé ses antécédents médicaux et notamment une affection d'hypertension artérielle nécessitant la prise quotidienne d'un traitement longue durée depuis 2004. Les fausses déclarations s'induisent d'elles-mêmes dès lors que l'intéressé ne pouvait ignorer l'existence de sa pathologie et le traitement correspondant qu'il prenait.

Elle fait valoir que ces fausses déclarations ont nécessairement modifié sa perception du risque que présentait M. [P] et que si elle avait eu connaissance de ses antécédents médicaux le contrat d'assurance aurait fait l'objet d'une surprime de 50 %.

L'instruction a été clôturée suivant ordonnance du 17 novembre 2021.

MOTIFS

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées.

Sur les demandes principales

Aux termes de l'article L113-2 du code des assurances l'assuré est obligé :

1° De payer la prime ou cotisation aux époques convenues ;

2° De répondre exactement aux questions posées par l'assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel l'assureur l'interroge lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l'assureur les risques qu'il prend en charge...

L'article L113-8 du même code dispose en outre que, indépendamment des causes ordinaires de nullité, le contrat d'assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l'assuré a été sans influence sur le sinistre.

En application de l'article 9 du code de procédure civile, selon lequel il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention, il appartient en l'espèce à la société Quatrem Assurances Collectives qui se prévaut d'une cause de nullité du contrat d'assurance souscrit par M. [P] de rapporter la preuve tout à la fois de la fausseté de ses déclarations, en particulier en ce qu'il n'aurait pas sciemment indiqué être suivi pour certaines affections, et le cas échéant en quoi ces fausses déclarations auraient modifié son opinion sur le risque garanti.

Pour ce faire elle s'appuie sur le questionnaire médical du bulletin d'adhésion complété le 24 mars 2010 et différents avis médicaux.

La société Quatrem Assurances Collectives reproche à M. [P] d'avoir répondu par un 'non' à chacune des questions n° 3, 5 et 7 suivantes :

- question n°3 : 'avez-vous suivi un ou plusieurs traitements médicaux (prescription de médicaments, régime alimentaire,...) pendant plus de 3 mois au cours des 5 dernières années ''

- question n°5 : 'avez-vous été ou êtes-vous atteint d'infirmité quelconque, d'invalidité (ou bénéficiaire d'une pension ou rente d'incapacité), d'affection telles que tension artérielle élevée, excès de cholestérol, diabète, maladies cardiaques, rénales, respiratoires, des os, articulaires, rachidiennes, digestives ou hépatiques, dépressions nerveuses, épilepsie, tumeur ou autre maladie non citée ci-avant ''

- question n°7 : 'prenez-vous régulièrement un ou plusieurs médicaments ''

Or selon un certificat médical du 6 février 2015 établi par le docteur [L], médecin traitant de M. [P], ce dernier est traité par 'HTA (FORTZAAR et ICAZ)' pour une hypertension connue depuis 2007.

De plus l'assuré a complété sa déclaration de sinistre par un certificat médical d'incapacité de travail dont il a renseigné lui-même les deux premières pages le 2 janvier 2015 avec un troisième volet rempli par son médecin traitant, le docteur [S]. Les deux documents mentionnent que M. [P] était suivi pour une hypertension artérielle depuis 2004.

Ces pièces, et notamment la partie remplie par M. [P] lui-même qui représente un aveu extrajudiciaire, attestent que lorsqu'il a souscrit l'assurance de ses prêts immobiliers le 24 mars 2010 il était déjà affecté d'une hypertension artérielle pour laquelle il suivait un traitement depuis 2004, soit depuis au moins six ans. L'intéressé connaissait par conséquent sa situation sanitaire lorsqu'il a répondu négativement aux questions susvisées qui exigeaient nécessairement des réponses positives.

M. [P] a donc répondu en parfaite connaissance de cause de manière erronée auxdites questions, lesquelles étaient claires et dépourvues d'ambiguïté.

Afin d'écarter le grief de mauvaise foi l'appelant soutient qu'il aurait été influencé par le banquier qui lui aurait intimé de répondre ainsi au questionnaire de santé et produit une attestation de son épouse, Mme [X] [W], selon laquelle le prêteur leur aurait dit de cocher la case 'non'.

Toutefois ce témoignage ne peut qu'être relativisé du fait de la communauté d'intérêts que l'assuré partage avec son auteur, co-emprunteuse, qui ne fait que reprendre les allégations de M. [P].

En tout état de cause il est constant que l'obligation de répondre avec loyauté et sincérité aux questions posées par l'assureur relevant de l'obligation de bonne foi qui s'impose en matière contractuelle, la banque Rhône-Alpes, à laquelle M. [P] reproche d'avoir failli à son devoir de conseil, ne saurait être mise en cause pour n'avoir pas rappelé cette obligation de bonne foi ou les conséquences de sa transgression (Civile 1ère, 7 juin 2001).

Par conséquent, ainsi que l'a justement souligné le premier juge, la succession de réponses négatives inexactes sur une situation qu'il n'ignorait pas permet de caractériser la mauvaise foi de l'intéressé.

C'est encore à bon droit que le tribunal a jugé que, en se présentant dans le questionnaire médical comme un assuré n'étant atteint d'aucune maladie chronique et ne nécessitant aucun traitement, M. [P] avait tronqué la réalité de sa situation médicale et ce faisant nécessairement modifié l'opinion de l'assureur sur le risque qu'il présentait. En témoigne d'ailleurs la surprime de 50 % dont aurait fait l'objet le contrat d'assurance sur toutes les garanties s'il avait déclaré le traitement médicamenteux qu'il suivait selon le médecin-conseil de la société Quatrem Assurances Collectives.

A cet égard il importe peu que son placement en invalidité soit étranger aux affections tues dans le questionnaire médical, seules la bonne foi du souscripteur et l'opinion de l'assureur sur le risque garanti étant prises en compte en ce qui concerne la validité du contrat conclu.

Il conviendra en conséquence de débouter l'appelant de l'intégralité de ses demandes et de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat d'assurance n°16760 souscrit par M. [P] auprès de la société Quatrem Assurances Collectives le 24 mars 2010, les primes déjà versées demeurant acquises par l'assureur.

Sur les demandes annexes

Il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés pour faire valoir leurs droits.

En revanche l'appelant qui succombe sera condamné aux entiers dépens de la procédure d'appel en application de l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement du 30 septembre 2019 du tribunal de grande instance de Grenoble en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute M. [P] de l'intégralité de ses demandes,

Déboute les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [B] [P] aux entiers dépens de la procédure d'appel en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Laurent Grava, conseiller faisant fonction de Président de la deuxième chambre civile et par la Greffière Caroline Bertolo, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIERE, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19/04827
Date de la décision : 24/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-24;19.04827 ?
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