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24/05/2022 | FRANCE | N°19/04699

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section a, 24 mai 2022, 19/04699


C4



N° RG 19/04699



N° Portalis DBVM-V-B7D-KH5R



N° Minute :























































































Copie exécutoire délivrée le :





la SELARL JEROME LETANG



M. [D] [Y]





AU NOM DU P

EUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 24 MAI 2022







Appel d'une décision (N° RG F 18/00043)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTELIMAR

en date du 10 octobre 2019

suivant déclaration d'appel du 19 Novembre 2019



APPELANTE :



SAS ONET TECHNOLOGIE ND, prise en la personne de son représentant légal en exercice domi...

C4

N° RG 19/04699

N° Portalis DBVM-V-B7D-KH5R

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL JEROME LETANG

M. [D] [Y]

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 24 MAI 2022

Appel d'une décision (N° RG F 18/00043)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTELIMAR

en date du 10 octobre 2019

suivant déclaration d'appel du 19 Novembre 2019

APPELANTE :

SAS ONET TECHNOLOGIE ND, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège,

950, Chemin des Agriculteurs

26700 PIERRELATTE

représentée par Me Jérôme LETANG de la SELARL JEROME LETANG, avocat au barreau de LYON,

INTIME :

Monsieur [C] [U]

né le 30 Décembre 1972 à ORANGE (84100)

de nationalité Française

5, Rue des Lauriers

26790 BOUCHET

représenté par M. [D] [Y], Défenseur syndical,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,

Madame Gaëlle BARDOSSE, Conseillère,

Madame Magali DURAND-MULIN, Conseillère,

DÉBATS :

A l'audience publique du 14 Mars 2022,

Mme Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente, et Mme Gaëlle BARDOSSE, Conseillère, ont entendu les parties en leurs conclusions et observations, assistées de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 24 Mai 2022, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 24 Mai 2022.

Exposé du litige :

La SAS ONET TECHNOLOGIE ND, filiale du groupe ONET, est spécialisée dans le démantèlement nucléaire, la décontamination, le traitement de déchets radioactifs ou dangereux et le désamiantage.

M. [C] [U] a été embauché par la SAS ONET TECHNOLOGIE ND en qualité de décontamineur à compter du 23 février 2004.

L'agence de Pierrelatte, à laquelle est affecté M.[U], comporte une équipe dédiée au désamiantage de bâtiments publics ou privés.

Estimant que la SAS ONET TECHNOLOGIE ND n'avait pas pris toutes les mesures de sécurité le concernant et qu'il avait pu en conséquence être exposé dans le cadre de ses activités à de l'amiante, M.[U] a demandé à son employeur, par lettre recommandée en date du 31 octobre 2017, la liste des « fit-tests » depuis son arrivée ainsi que le rapport des vérifications annuelles de ses masques et leur traçabilité.

M.[U] a renouvelé sa demande le 30 novembre 2017 en sollicitant également cette fiche d'exposition à l'amiante depuis son entrée dans l'entreprise.

Le 5mars 2018, M. [U] a saisi le Conseil de prud'hommes de Montélimar aux fins de voir ordonner la remise sous astreinte des justificatifs ou documents prouvant les mesures de sécurité prises par son employeur depuis son embauche, condamner la SAS ONET TECHNOLOGIE ND à lui payer une somme à titre de dommages intérêts pour harcèlement moral et au titre du préjudice anxiété, outre le paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 10 octobre 2019, le Conseil de prud'hommes de Montélimar a:

-Dit et jugé que M. [U] n'a pas établi la matérialité des faits de harcèlement,

-Dit et jugé que la demande de préjudice d'anxiété de M. [U] est fondée,

-Condamné la SAS ONET TECHNOLOGIE ND à lui payer la somme de 6 000 euros à titre de préjudice anxiété,

-Rejeté la demande de M. [U] de remise de documents sous astreinte,

-Débouté M. [U] du surplus de ses demandes y compris celle basée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-Débouté la SAS ONET TECHNOLOGIE ND de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-Condamné M. [U] aux dépens.

La décision a été notifiée aux parties par lettres recommandées avec avis de réception.

La SAS ONET TECHNOLOGIE ND en a relevé appel par déclaration de son conseil au greffe de la présente juridiction le 19 novembre 2019.

À l'issue de ses conclusions du 3 juillet 2020, la SAS ONET TECHNOLOGIE ND demande à la cour de:

-Réformant partiellement le jugement entrepris en première instance,

-Dire et juger que la demande de préjudice anxiété formé par M. [U] n'est pas fondée,

-Débouter M. [U] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

-Condamner M. [U] à lui payer la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-Condamner le même aux entiers dépens de première instance d'appel au profit de la SELARL JERÔME LETANG - Maître Jérôme LETANG - Avocat au Barreau de Lyon.

À l'issue de ses conclusions du 19 mai 2020, M. [U] demande à la cour de :

- Condamner la SAS ONET TECHNOLOGIE NDD à lui remettre et à lui verser :

-Remise sous astreinte de 100 euros par jour de retard des justificatifs et documents prouvant les mesures de sécurité prise par la SAS ONET TECHNOLOGIE ND depuis son embauche,

-15 000 euros pour harcèlement moral, préjudice anxiété, dégradation des conditions de travail atteint à sa dignité et à sa santé,

-500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 8 mars 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur le manquement à l'obligation de sécurité et le préjudice d'anxiété :

Moyens des parties :

S'agissant de la demande de communication sous astreinte de documents, la SAS ONET TECHNOLOGIE ND soutient que le salarié ne demande pas la communication d'un document identifié le concernant particulièrement.Un salarié isolé n'ayant pas à exiger de son employeur la preuve de la conformité à la loi en des termes généraux, elle n'est pas tenue de lui communiquer un ensemble indéterminé de documents relatifs à la prévention des risques professionnels dans l'entreprise et à la lutte contre la pénibilité au travail.

La SAS ONET TECHNOLOGIE ND fait valoir qu'au mois de mai 2017, certains désamianteurs de l'agence de Pierrelatte ont été affectés à un chantier situé en région parisienne, et que le responsable d'exploitation de ce secteur géographique a constaté que certains masques de certains opérateurs affectés à l'agence de Pierrelatte n'avaient pas fait l'objet d'essais d'ajustement récents ("fit tests") préalablement à leur mise à disposition dans le cadre de l'exécution de ce chantier. En janvier 2018, elle a adressé au salarié, à sa demande, la copie de documents le concernant, notamment les comptes rendus d'essais d'ajustement de son masque.

La SAS ONET TECHNOLOGIE ND ajoute que M. [U] ne verse aux débats aucun document qui pourrait justifier de façon concrète le risque auquel il prétend avoir été exposé. Les comptes rendus d'essais d'ajustement le concernant réalisés durant la période d'emploi sont tous positifs et n'établissent aucune exposition à un risque. Le salarié verse au dossier une fiche d'exposition habituelle à l'amiante et non une fiche d'exposition anormale. La fiche d'exposition habituelle, qui retrace l'ensemble des chantiers sur lesquels il a travaillé en atmosphère amiante et depuis son embauche, n'établit pas qu'il a été exposé de manière anormale à l'amiante. En outre, l'employeur relève que le salarié n'a jamais exercé son droit de retrait et l'AFNOR n'a jamais suspendu la certification dont bénéficie l'établissement de Pierrelatte.

Le salarié n'établit ni qu'il a été exposé accidentellement à l'amiante ni que cette exposition était significative et qu'elle a généré, par sa durée et son intensité, un risque élevé de pathologies graves, ni qu'il a subi un préjudice personnel résultant de cette exposition, ces trois conditions étant posées par la jurisprudence pour qu'il soit fait droit à une demande de dommages et intérêts au titre du préjudice d'anxiété.

M.[U] fait valoir, pour sa part, que les protections mises à sa disposition et avec lesquelles il travaillait étaient non réglementaires et inadaptées dans le cadre de son travail, depuis son embauche, et qu'il a ainsi été exposé à de la poussière d'amiante. L'employeur n'a pas effectué de tests d'ajustement de manière régulière, permettant d'assurer la parfaite étanchéité des masques qu'il utilisait.

Il a alerté à plusieurs reprises la direction sur ses conditions de travail et sur celles de ses collègues, mais celle-ci n'a pris aucune mesure en vue de le protéger.

Les éléments produits par l'employeur sont insuffisants pour démontrer qu'il a respecté les obligations qui s'imposaient à lui, en application des articles R. 4412-97 et suivants du code du travail.

Il estime établir également avoir subi un préjudice découlant du risque de développer une maladie grave en lien avec l'exposition aux particules d'amiante.

Sur ce,

L'article 10 du code de procédure civile prévoit que le juge a le pouvoir d'ordonner d'office toutes les mesures d'instruction légalement admissible.

Il y a lieu de constater que le salarié n'invoque aucun motif justifiant qu'il soit ordonné à la SAS ONET TECHNOLOGIE ND de produire des documents démontrant les mesures prises pour assurer sa sécurité depuis son embauche, le salarié ne visant, dans ses écritures, aucun document spécifique en lien avec les griefs qu'il invoque à l'encontre de son employeur, dans le cadre de l'instance.

M. [U] doit en conséquence être débouté de sa demande d'injonction, par confirmation du jugement déféré de ce chef.

Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

Selon l'article L. 4121-2 du même code, l'employeur met en 'uvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l'article L. 1142-2-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

Il résulte des dispositions susvisées que le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité.

Le salarié doit justifier d'un préjudice d'anxiété personnellement subi résultant d'un tel risque.

En outre, selon l'article 2 de l'arrêté du 7 mars 2013 relatif au choix, à l'entretien et à la vérification des équipements de protection individuelle utilisés lors d'opérations comportant un risque d'exposition à l'amiante, l'employeur s'assure que :

- les appareils de protection respiratoire (APR) sont adaptés aux conditions de l'opération ainsi qu'à la morphologie des travailleurs, notamment en réalisant un essai d'ajustement ;

- les travailleurs sont formés aux règles d'utilisation et d'entretien des APR ;

- les conditions de nettoyage, de rangement, d'entretien et de maintenance des APR sont conformes à la réglementation en vigueur et aux instructions du fabricant.

La mise en 'uvre des recommandations de la norme NF EN 529 par l'employeur est réputée satisfaire aux exigences du présent article.

Selon l'article 5 « Vérification, entretien et maintenance des appareils de protection respiratoire » de l'arrêté susvisé, avant chaque utilisation et conformément aux notices d'instructions du fabricant, les APR font l'objet des vérifications suivantes :

- un contrôle de l'état général ;

- un contrôle du bon fonctionnement des APR ;

- un test d'étanchéité permettant de vérifier que la pièce faciale est correctement ajustée par le travailleur.

Après chaque utilisation, les APR sont décontaminés.

Les APR sont vérifiés sous la responsabilité de l'employeur et conformément aux notices d'instructions du fabricant. Une vérification de l'état général, du bon fonctionnement et du maintien en conformité de l'APR est également réalisée, conformément aux instructions du fabricant :

- après toute intervention sur l'équipement ou tout événement susceptible d'altérer son efficacité ;

- et a minima tous les douze mois.

Les dates et la fréquence de changement des filtres des APR sont consignées dans le registre de sécurité mentionné à l'article L. 4711-5.

Il résulte de l'article 2 de l'arrêté susvisé que l'employeur a l'obligation de s'assurer que les appareils de protection respiratoire mis à la disposition du salarié sont adaptés à sa morphologie en réalisant un essai d'ajustement, également appelé « fit test ».

Il doit être relevé que cette disposition ne prévoit pas de périodicité particulière pour la réalisation d'essai d'ajustement. Toutefois, il se déduit des termes des dispositions susvisées, que l'employeur est tenu de réaliser un test d'ajustement à chaque évolution de la morphologie du salarié ayant pour effet de rendre l'ancien ajustement de l'APR inefficace, ainsi qu'à chaque changement de masque, y compris lorsque le masque est remplacé par un masque du même modèle; le fait que le modèle du nouveau masque soit identique à l'ancien ne pouvant garantir une identité absolue entre les masques, dès lors que ceux-ci peuvent être issus de lots de fabrication différents, à l'origine de différences potentiellement significatives.

Il en résulte également que l'employeur est tenu de former le salarié aux règles d'utilisation et d'entretien des APR, et qu'il doit respecter les règles en vigueur et les instructions du fabricant concernant le nettoyage, le rangement, l'entretien et la maintenance des APR.

Il résulte de l'article 5 de l'arrêté susvisé qu'avant chaque utilisation, l'APR utilisé par le salarié doit faire l'objet, conformément aux instructions du fabricant, d'un contrôle de l'état général, d'un contrôle de son bon fonctionnement et d'un test d'étanchéité, afin de s'assurer du bon ajustement de l'APR sur le visage du salarié.

Il se déduit des termes de cette disposition que ces différents contrôles, compte tenu du moment où ils doivent être réalisés, incombent au salarié lui-même, impliquant que celui-ci ait été formé préalablement par l'employeur pour les effectuer de manière efficace, conformément aux dispositions susvisées de l'article 2 de l'arrêté.

En revanche, il incombe à l'employeur de vérifier l'état général, le bon fonctionnement et le maintien en conformité de l'APR au minimum tous les douze mois, et après chaque intervention sur l'équipement ou tout événement susceptible d'avoir altéré son efficacité.

M.[U] n'invoque pas qu'il n'aurait pas été formé pour effectuer les différents contrôles prévus par l'article 5 de l'arrêté susvisé, et notamment le contrôle d'étanchéité, afin de s'assurer du bon ajustement du masque sur son visage.

La SAS ONET TECHNOLOGIE ND verse aux débats un document démontrant que M.[U] a suivi une formation intitulée « Recyclage opérateur de chantier applicable aux activités de confinement et de retrait d'amiante aux activités de confinement et de retrait de l'amiante » du 6 au 7 mai 2015, l'habilitation obtenue à exercer la fonction d'Opérateur de chantier sous-section 3 étant valable pour une durée de trois ans à compter de sa date de délivrance.

M.[U] ne soutient pas non plus qu'il aurait été contraint de travailler sur un chantier, alors que le contrôle d'étanchéité réalisé préalablement à l'utilisation de son APR aurait révélé un mauvais ajustement du masque sur son visage.

Il ne résulte par ailleurs pas de la fiche d'exposition au risque amiante produite par l'employeur pour la période du 1er avril 2013 au 29 septembre 2017 que le salarié aurait été accidentellement exposé à des particules d'amiante.

S'agissant de l'entretien annuel de l'APR s'imposant à l'employeur, en application de l'article 5 de l'arrêté susvisé, la cour constate que M.[U] a adressé à son employeur un courrier en date du 31 octobre 2017 par lequel il lui demandait, entre autres, de lui fournir les rapports des vérifications annuelles de ses masques.

Or, il est constant que la SAS ONET TECHNOLOGIE ND ne produit pas le registre de sécurité mentionné à l'article L. 4711-5 du code du travail permettant à la cour de vérifier qu'elle s'est bien acquittée de son obligation d'effectuer un contrôle, a minima annuellement, du ou des APR du salarié et qu'elle a bien procédé au changement régulier des filtres, conformément aux instructions du fabricant des APR concernés.

Faute pour l'employeur de verser aux débats le registre de sécurité susvisé, il y a lieu de retenir que la SAS ONET TECHNOLOGIE ND n'a pas respecté son obligation légale de sécurité à l'égard de M.[U], en manquant de procéder à la vérification annuelle de l'état général et du bon fonctionnement de l'APR du salarié, et au changement des filtres, omettant ainsi de prendre toutes les mesures propres à prévenir une éventuelle exposition du salarié à des particules d'amiante.

Toutefois, il ne se déduit pas de cette constatation que le salarié aurait été exposé à l'amiante en conséquence de ce manquement, générant ainsi un risque élevé pour M.[U] de développer une pathologie grave.

S'agissant de la réalisation des tests d'ajustement, la SAS ONET TECHNOLOGIE ND verse aux débats cinq rapports de test d'ajustement positifs réalisés le 16 mai 2014, le 15 juin 2015, le 15 janvier 2016, le 22 mai 2017 et le 23 juin 2017.

Il est également versé aux débats :

- Un test d'ajustement négatif en date du 9 juin 2017,

- Une attestation de M. [L] [B], magasinier au sein de l'agent de Pierrelatte, en date du 6 février 2018, qui indique que M. [U] a reçu un masque Scott Phantom Vision taille M au mois de mai 2016 à la suite de la panne de son masque Scott Proflow taille M/L,

- un courriel de M.[U] adressé à la SAS ONET TECHNOLOGIE ND en date du 6 juin 2017, par lequel il demande à ce qu'il lui soit transmis l'attestation de non-conformité de son masque « Scott Phantom Vision 02VA019 », le salarié indiquant que le « fit-test » de ce masque s'est révélé négatif à Paris, qu'on lui a alors fait passer un nouveau « fit-test » avec un autre masque, mais que sur le deuxième « fit-test », qui s'est révélé positif, il a été indiqué le modèle de son masque qui n'avait pas passé le premier « fit-test » et non le modèle du masque avec lequel il a passé le second « fit-test » ; le salarié ajoute qu'il a reçu son masque Scott Phantom Vision en mai 2016, après la panne de batterie de son masque Scott Proflow, et qu'il n'a pas passé de test d'ajustement à la réception de ce masque de remplacement,

- Une attestation du salarié en date du 7 juin 2017, dans laquelle celui-ci indique qu'il a fait un test d'ajustement le 22 mai 2017 à Paris avec son masque Scott Phantom Vision et que ce test s'est révélé négatif, qu'il a repassé le test avec un masque de prêt, que le test s'est révélé valide, mais que le certificat du test d'ajustement indique qu'il a été fait avec le masque Scott Phantom Vision et non avec le masque de remplacement.

La cour constate que le test d'ajustement du 15 janvier 2016 porte sur un masque Scott Proflow Vision, que le test négatif du 9 juin 2017 porte sur un masque Scott Phantom Vision, et que les deux tests positifs des 22 mai et 23 juin 2017 portent sur un masque Scott Phantom Vision.

Il est constant que, dans ses écritures, la SAS ONET TECHNOLOGIE ND indique que le salarié a été affecté sur un chantier situé en région parisienne en mai 2017 et que le responsable d'exploitation amiante de la SAS ONET TECHNOLOGIE ND du secteur géographique concerné a constaté que certains masques de certains opérateurs n'avaient pas fait l'objet de test d'ajustement récent, c'est-à-dire de moins d'un an.

La cour constate que la SAS ONET TECHNOLOGIE ND ne produit aucun élément permettant de contredire l'attestation de M. [B] selon laquelle le salarié se serait vu remettre un masque Scott Phantom Vision en mai 2016, à la suite de la panne de son masque Scott Proflow, et n'explique pas pourquoi elle a fait faire au salarié un test d'ajustement, le 9 juin 2017, qui s'est révélé négatif, alors qu'un test d'ajustement avait été effectué quelques jours auparavant, le 22 mai 2017, qui s'était révélé positif.

Il ressort de l'examen de l'ensemble des éléments soumis à l'appréciation de la cour et des moyens débattus que :

- Le salarié s'est vu remettre en janvier 2016 un masque Scott Proflow Vision, et non un masque Scott Phantom Vision comme le soutient l'employeur, et qu'il a passé un test d'ajustement positif à cette occasion,

- Le salarié a reçu un masque Scott Phantom Vision en mai 2016, ce que confirment à la fois l'attestation de M. [B] et le courriel susvisé du salarié en date du 6 juin 2017, et qu'il n'a manifestement pas passé de test d'ajustement à cette occasion, aucun test positif n'étant dans tous les cas versé aux débats par l'employeur,

- Le salarié a passé un test d'ajustement de ce masque le 22 mai 2017 à Paris, qui s'est révélé négatif, mais que ce test n'est pas versé aux débats, et n'a pas été communiqué au salarié malgré sa demande en ce sens,

- Le test d'ajustement positif du 22 mai 2017 n'a pas été fait avec son masque Scott Phantom, ce constat étant notamment corroboré par le fait que l'employeur s'est senti tenu de refaire un test le 9 juin 2017 avec le masque Scott Phantom Vision, qui s'est révélé négatif, puis un nouveau test le 23 juin 2017 avec un nouveau masque du même modèle, comme la SAS ONET TECHNOLOGIE ND l'indique elle-même dans ses écritures, lequel test s'est révélé positif.

Il résulte de l'ensemble de ces constatations que le salarié a utilisé un masque Scott Phantom Vision à compter du mois de mai 2016 sans qu'un test d'ajustement ne soit effectué et que l'ajustement de ce masque s'est révélé mauvais, ce qui a été constaté par l'employeur en mai 2017, lors de l'affectation du salarié sur un chantier à Paris, et confirmé à son retour à Pierrelatte, en juin 2017.

Faute pour l'employeur d'avoir effectué un test d'ajustement lors de la remise du masque, en mai 2016, la cour retient que le salarié a porté un masque qui n'était pas correctement ajusté à compter du mois de mai 2016 jusqu'à son changement de masque, en juin 2017.

Le seul fait, pour l'employeur, d'avoir omis de réaliser un test d'ajustement lors de la remise d'un nouveau masque emporte violation de son obligation légale de sécurité à l'égard de M. [U]

En outre, le salarié ayant travaillé sur des chantiers de désamiantage durant la période s'étendant de mai 2016 à juin 2017, tel que cela ressort de la fiche d'exposition au risque amiante produite par l'employeur, il en découle que M.[U] a été exposé à des particules d'amiante durant cette période, générant ainsi un risque élevé, pour le salarié, de développer une pathologie grave liée à l'exposition à l'amiante.

Le salarié, qui allègue qu'il a subi un préjudice d'anxiété en conséquence du manquement de l'employeur, verse aux débats un avis d'arrêt de travail de prolongation en date du 10 juillet 2018 indiquant qu'il souffre d'un syndrome anxieux lié à une souffrance au travail, et une ordonnance du 5 février 2018 lui prescrivant un traitement anxiolytique.

Ces éléments sont suffisants pour retenir que M.[U] souffre de troubles psychologiques engendrés par la connaissance du risque élevé de développer une pathologie grave en conséquence de l'exposition alléguée, et qu'il fait ainsi la démonstration de l'existence d'un préjudice d'anxiété personnellement subi résultant de ce risque.

Les premiers juges, qui ont condamné la SAS ONET TECHNOLOGIE ND à payer à M.[U] la somme de 6 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice d'anxiété, ont, compte tenu de la durée de l'exposition et de la démonstration par le salarié de son état psychologique, fait une juste appréciation du préjudice subi. Le jugement entrepris est confirmé de ce chef.

Sur le harcèlement moral :

M. [U] fait valoir qu'il a fait l'objet de pressions psychologiques et de harcèlement sur les chantiers depuis qu'il a dénoncé ses conditions de travail. Il lui est régulièrement reproché la qualité de son travail et de vouloir "couler" l'entreprise par son action contentieuse devant la juridiction prud'homale.

Le salarié fait valoir qu'il a également subi des changements d'emploi du temps régulièrement.

La SAS ONET TECHNOLOGIE ND fait valoir que M. [U] ne caractérise aucun élément de fait susceptible de laisser supposer une situation de harcèlement moral.

Elle a répondu, par une lettre en date du 3 mai 2018, aux allégations du salarié concernant la réunion organisée par la direction en date du 30 mars 2018, au cours de laquelle le salarié allègue avoir fait l'objet d'une forte pression pour qu'il mette un terme à sa procédure contentieuse et qu'il aurait fait l'objet de menaces et de chantage.

Sur ce,

Aux termes des articles L.1152-1 et L. 1152- 2 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel et aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

Suivant les dispositions de l'article L. 1154-1 du même code, lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui un harcèlement moral, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral. Dans l'affirmative, il appartient ensuite à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Le harcèlement moral est constitué peu important que les agissements se répètent uniquement sur une brève période.

M.[U] fait grief à la SAS ONET TECHNOLOGIE ND de lui avoir fait subir une situation de harcèlement moral caractérisée par :

- un entretien avec la direction en date du 30 mars 2018, au cours duquel le salarié dit avoir subi des pressions en raison de la procédure contentieuse devant le conseil de prud'hommes,

- des pressions psychologiques sur les chantiers (mise en cause de la qualité de son travail, reproches de vouloir « couler » l'entreprise par la procédure contentieuse qu'il a initiée),

- des changements d'emploi du temps réguliers.

S'agissant des pressions subies par le salarié lors de l'entretien en date du 30 mars 2018, M. [U] verse aux débats une convocation écrite à une réunion de service en date du 30 mars 2018 ayant pour ordre du jour : « point sur l'activité, réponse à vos questions ».

M. [U] verse également aux débats un document signé par lui-même et par quatre autres salariés, dans lequel ceux-ci allèguent avoir été conviés à une réunion de service le 30 mars 2018, qu'ils ont constaté à leur arrivée que deux de leurs collègues de travail n'avaient pas été convoqués, que l'ayant fait remarquer aux représentants de la direction présents, il leur a été rétorqué que leur présence n'était pas nécessaire, qu'à leur étonnement la réunion n'a pas porté sur les points mis à l'ordre du jour, mais exclusivement sur la procédure prud'homale en cours et qu'il leur a été demandé à plusieurs reprises, « d'éteindre » cette procédure, les salariés insistant sur le fait que le mot « éteindre » a été employé par l'un des représentants de la direction, qu'il leur a également été demandé de quitter l'entreprise s'ils ne s'y sentaient pas bien, et que les représentants de la direction ont cité plusieurs pièces du dossier prud'homal, dont des éléments d'ordre médical, afin de faire pression sur eux.

M. [U] produit, en outre, un courrier en date du 3 mai 2018, adressé par le conseil de la SAS ONET TECHNOLOGIE ND à son conseil, M. [Y], défenseur syndical, dans lequel celui-ci confirme que M. [U] a bien été convié à une réunion de service fixée au 30 mars 2018, qu'une confirmation écrite par courrier recommandé lui a été communiquée, que l'objet de cette réunion était de fournir aux cinq salariés convoqués des informations et des réassurances sur l'activité de désamiantage, ainsi que de répondre aux éventuelles questions de ces salariés afin d'ouvrir une discussion sur leurs demandes, ce qui aurait permis de préparer l'audience de conciliation à venir devant le conseil de prud'hommes, qu'ainsi il n'y avait pas lieu de convoquer les deux autres opérateurs puisque ceux-ci n'avaient exprimé aucune inquiétude particulière sur leurs conditions de travail, que les salariés présents ont, dès le début, adopté un comportement agressif et irrespectueux, et que les représentants de la direction n'ont exercé aucune menace ou pression, ni aucun chantage à l'encontre des salariés présents, le conseil de la SAS ONET TECHNOLOGIE ND ajoutant que les salariés n'expliquent pas en quoi la citation des pièces du dossier ou l'évocation d'éléments d'ordre médical aurait pu permettre à la direction de formuler des pressions à leur encontre, et que la société s'est limitée à préciser aux salariés que leur action ne devait pas perturber l'exploitation et la bonne réalisation de leur mission.

Enfin, M. [U] produit un courrier en réponse au courrier précité du conseil de la SAS ONET TECHNOLOGIE ND, dans lequel celui-ci, ainsi que les autres salariés conviés à la réunion du 30 mars 2018, confirment que la réunion de service n'a porté que sur la procédure prud'homale, et que les représentants la direction ont bien fait mention d'éléments du dossier médical de certains d'entre eux.

Ces éléments, pris ensemble, sont suffisants pour retenir que le salarié a subi des pressions visant à ce qu'il mette fin à son recours contentieux lors de la réunion du 30 mars 2018. Ce fait est établi.

S'agissant des autres faits invoqués par le salarié, la cour ne peut que constater qu'aucun élément permettant d'en établir la matérialité n'est versé aux débats.

Faute pour le salarié d'établir qu'il aurait subi d'autres pressions visant à ce qu'il mette fin à la procédure prud'homale à la suite de la réunion du 30 mars 2018, caractérisant ainsi des agissements répétés de la part de la SAS ONET TECHNOLOGIE ND à son égard, la cour retient que le seul fait établi par le salarié est insuffisant pour laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre.

M. [U] doit en conséquence être débouté de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait d'une situation de harcèlement moral. Le jugement dont appel est confirmé de ce chef.

Sur les demandes accessoires :

Le jugement de première instance est confirmé sur les frais irrépétibles et les dépens.

La SAS ONET TECHNOLOGIE ND, partie perdante, est condamné aux dépens d'appel et à payer à M. [U] la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, conformément à sa demande, cette condamnation emportant nécessaire rejet des demandes formulées par SAS ONET TECHNOLOGIE ND à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montélimar le 10 octobre 2019 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE la SAS ONET TECHNOLOGIE ND à payer à M. [U] la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,

CONDAMNE la SAS ONET TECHNOLOGIE ND aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Mme Valéry CHARBONNIER, conseillère faisant fonction de Présidente et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section a
Numéro d'arrêt : 19/04699
Date de la décision : 24/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-24;19.04699 ?
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