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24/05/2022 | FRANCE | N°19/04566

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section a, 24 mai 2022, 19/04566


C1



N° RG 19/04566



N° Portalis DBVM-V-B7D-KHQZ



N° Minute :













































































Copie exécutoire délivrée le :





Me Virginie RAMON



la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR

D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 24 MAI 2022







Appel d'une décision (N° RG 18/00108)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GAP

en date du 16 septembre 2019

suivant déclaration d'appel du 12 Novembre 2019



APPELANTE :



Madame [K], Françoise, [X] [S]

née le 08 Décembre 1964 à AVIGNON (84000)

de nationalit...

C1

N° RG 19/04566

N° Portalis DBVM-V-B7D-KHQZ

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

Me Virginie RAMON

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 24 MAI 2022

Appel d'une décision (N° RG 18/00108)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GAP

en date du 16 septembre 2019

suivant déclaration d'appel du 12 Novembre 2019

APPELANTE :

Madame [K], Françoise, [X] [S]

née le 08 Décembre 1964 à AVIGNON (84000)

de nationalité Française

44, Avenue Jean Jaurès

05000 GAP

représentée par Me Virginie RAMON, avocat au barreau de GRENOBLE,

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/010762 du 14/10/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de GRENOBLE),

INTIMEE :

Association ADIL 05, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège,

SIRET N° : 505 110 130 00018

1, Rue de Valserres

05000 GAP

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat postulant inscrit au barreau de GRENOBLE,

et par Me Corinne PELLEGRIN de la SELARL BGLM, avocat plaidant inscrit au barreau de HAUTES-ALPES,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,

Madame Gaëlle BARDOSSE, Conseillère,

Madame Magali DURAND-MULIN, Conseillère,

DÉBATS :

A l'audience publique du 14 Mars 2022,

Mme Gaëlle BARDOSSE, Conseillère chargée du rapport, et Mme Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente ont entendu les parties en leurs conclusions et observations, assistées de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 24 Mai 2022, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 24 Mai 2022.

Exposé du litige :

En 2008, la ville de GAP a créé l'ADIL 05 (association départementale d'information sur le logement) ayant pour mission d'informer gratuitement les usagers sur leurs droits et leurs obligations sur les solutions de logement qui leur sont adaptées.

Mme [S] a été embauchée par l'ADIL 05 par contrat de travail à durée indéterminée en date du 15 juillet 2008 en qualité de directrice.

Le 30 juin 2011, elle procédait à une déclaration de maladie professionnelle. Par décision en date du 31 janvier 2012, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie a refusé de reconnaître le caractère professionnel de l'affection.

Le 03 avril 2012, Mme [S] a saisi la Commission de Recours Amiable près la Caisse Primaire d'Assurance Maladie d'Avignon aux fins de contester la décision rendue le 31 janvier 2012. Ce recours amiable a été rejeté par décision du 22 mai 2012 et Mme [S] a saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'Avignon le 06 août 2012.

Mme [S] a été licenciée pour faute grave le 08 octobre 2012 et a saisi le Conseil des prud'hommes de Gap en septembre 2013 en contestation du licenciement. 

Par jugement en date du 05 mars 2015, le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'Avignon a jugé que l'affection déclarée par Mme [S] constitue une maladie professionnelle et dit que cette prise en charge n'est pas opposable à l'employeur.

Le Conseil des prud'hommes a, par décision du 31 aout 2015, procédé à la radiation de l'affaire pour défaut de diligence de Mme [S]. Par requête du 20 octobre 2017, elle a sollicité la réinscription au rôle de l'affaire qui a de nouveau fait l'objet d'une radiation le 22 octobre 2018.

Par requête du 26 octobre 2018, Mme [S] a sollicité lé réinscription au rôle du conseil des prud'hommes de Gap, et contesté le bien-fondé de son licenciement.

Par jugement du 16 septembre 2019, le conseil des prud'hommes de Gap, a :

Dit et jugé bien-fondé le licenciement pour faute grave de Mme [S],

Rejeté l'ensemble de ses demandes,

Rejeté la demande reconventionnelle de l'Association Adil 05,

Dit que chaque partie supportera la charge de ses dépens.

La décision a été notifiée aux parties et Mme [S] en a interjeté appel.

Par conclusions du 12 février 2020, Mme [S] demande à la cour d'appel de :

' Dire et juger nul son licenciement intervenu au cours de la suspension de son contrat de travail,

' En conséquence, ordonner sa réintégration,

' Condamner l'ADIL 05 à lui régler les salaires de la période du 8 octobre 2012 au jour du prononcé de l'arrêt à intervenir,

A titre subisidiaire,

Dire et juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

Condamner l'ADIL 05 à lui régler les sommes suivantes :

25 392 € au titre du préavis,

2 539,20 € au titre des congés payés afférents au préavis,

177 744 € au titre de l'indemnité de licenciement,

50 784 € au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En tout état de cause,

Dire et juger que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité de résultat et condamner l'ADIL 05 à lui régler la somme de 101 506 € en réparation de ce poste de préjudice,

Dire et juger qu'elle justifie avoir effectué de nombreuses heures supplémentaires qui n'ont pas été réglées par l'employeur, en conséquence, condamner l'A.D.I.L. 05 à lui régler la somme de 104 664,83 € en règlement des heures supplémentaires outre la somme de 10 466,48 € au titre des congés payés y afférents,

Dire et juger que le licenciement est intervenu dans des conditions vexatoires, en conséquence, condamner l'ADIL 05 à lui régler la somme de 25 392 € en réparation de ce poste de préjudice,

Dire et juger que l'employeur a commis une faute en l'insultant, en conséquence, condamner l'ADIL 05 à lui régler la somme de 25 000 € en réparation de ce poste de préjudice,

Condamner l'ADIL 05 à lui régler la somme de 4 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

Par conclusions en réponse du 15 octobre 2020, l'ADIL 05 demande à la cour d'appel de :

Confirmer le jugement rendu par le Conseil des Prud'hommes de Gap en date du 16 septembre 2016 en toutes ses dispositions,

Débouter Mme [S] de l'ensemble de ses demandes fins et prétentions,

En tout état de cause,

Condamner Me [S] à payer l'ADIL 05 la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC outre aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 08 février 2022.

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article 455 du code de procédure civile de se reporter à leurs écritures susvisées.

SUR QUOI :

Sur les heures supplémentaires :

Moyens des parties :

Madame [S] indique avoir fait de nombreuses heures supplémentaires non rémunérées et produit un tableau récapitulatif. Elle expose notamment avoir travaillé pendant ses arrêts maladie. Son assistante maternelle atteste ainsi du fait qu'elle avait une forte amplitude horaire de garde de son jeune enfant. Les heures supplémentaires ressortent encore de son entière disponibilité et des appréciations des usagers.

L'ADIL 05 expose que le tableau récapitulatif établi par la salariée ne permet pas de démontrer la réalité des heures supplémentaires alléguées. Le contrat de travail de Mme [S] prévoyait qu'elle disposait d'une totale liberté et indépendance d'organisation et de la gestion de son emploi du temps. L'actuelle directrice de l'ADIL indique que ce poste ne nécessite pas autant d'heures supplémentaires que Mme [S] le laisse entendre. Enfin, durant la relation contractuelle Mme [S] n'a jamais sollicité son employeur pour le règlement de supplémentaires.

Sur ce,

Conformément à l'article L. 3121-1 du code du travail, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; la durée légale du travail, constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré dans les conditions de l'article L.3121-22 du code du travail, les heures supplémentaires devant se décompter par semaine civile.

Par application de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, le juge formant sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande.

Ainsi, si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient aussi à ce dernier de présenter préalablement des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies de nature à permettre également à l'employeur d'y répondre utilement. Il est de jurisprudence constante que n'est pas suffisant un calcul basé sur une durée moyenne hebdomadaire théorique.

Une fois constatée l'existence d'heures supplémentaires, le juge est souverain pour évaluer l'importance des heures effectuées et fixer le montant du rappel de salaire qui en résulte sans qu'il soit nécessaire de préciser le détail du calcul appliqué.

En l'espèce Mme [S] qui argue de l'accomplissement d'heures supplémentaires produit pour en justifier :

Un tableau récapitulatif dressé par ses soins de 2008 à 2011 détaillant des heures supplémentaires par semaines et évaluant la moyenne de celles-ci à 5 heures par jours,

7 mails professionnels rédigés durant ses arrêts de travail,

Une attestation de l'assistante maternelle accueillant son fils à partir de 2008 qui indique qu'il lui est arrivé de garder parfois l'enfant à partir de 05h30 ou jusqu'à 23 heures en raison des réunions ou formations de Mme [S]. Mme [W] adresse par courrier distinct un récapitulatif des heures de gardes de 2008 à 2012,

Un mail adressé aux membres de l'ADIL et deux tableaux récapitulant la « comptabilisation des heures de travail des juristes de l'ADIL 05 de l'année 2010 » et la comptabilisation des heures de travail productives des juristes pour la même année. Ce mail fait état d'un solde d'heures « pour la directrice de 248 heures » et Mme [S] indique qu'elle souhaite que ces tableaux fassent appréhender à certains membres du CA le « déficit d'heures » qu'elle doit ponctionner hors du cadre contractuel ». Elle souligne enfin sa demande de recrutement de deux juristes, validée par le Président.

La cour considère que Mme [S] produit des éléments suffisamment précis de nature à permettre à l'employeur, chargé d'assurer le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

L'ADIL 05 produit en réponse :

Le contrat de travail de la salariée qui mentionne à l'article 4 qu'en « qualité de directeur de l'ADIL 05, Mme [S] ne peut être soumise à aucun horaire déterminé » et qu'elle disposera d'une totale liberté et indépendance dans l'organisation et la gestion de son emploi du temps,

L'attestation de M. [T], trésorier de l'ADIL, qui indique que Mme [S] n'a jamais formulé de demande à ce sujet, ce qui n'est pas contredit par les pièces versées par Mme [S],

L'attestation de Mme [H], directrice de l'ADIL 05 depuis septembre 2013, qui indique que ce poste ne nécessite pas autant d'heures supplémentaires que celles alléguées par Mme [S],

Un tableau de l'année 2010 récapitulant les heures faites/ payées pour 3 salariés dont Mme [S] qui fait état globalement d'un paiement d'heures supérieurs aux heures accomplies.

Il ressort de ces éléments que Mme [S] avait, en vertu de son contrat de travail, toute liberté d'organisation et que les mails qu'elle produit sont insuffisants à démontrer la réalité d'heures supplémentaires et notamment du fait que son employeur lui imposait de travailler en plus du volume horaire légal. Il en est de même de l'attestation de l'assistante maternelle qui ne peut suffire à établir de la réalité des heures accomplies.

Au vu de ce qui précède et de l'absence de réclamation de la salariée durant la relation contractuelle, il convient de confirmer la décision des premiers juges et de rejeter la demande de Mme [S] au titre des heures supplémentaires.

Sur le travail dissimulé :

Madame [S] fait valoir que le délit de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié est constitué.

L'ADIL 05 expose que l'indemnité forfaitaire au titre du travail dissimulé n'a pas un caractère automatique et qu'au-delà de l'élément matériel, il convient de démontrer une volonté délibérée de l'employeur de dissimuler des heures de travail réellement effectuées.

Sur ce,

Il résulte des dispositions de l'article L. 8221-5 du code du travail qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L'article L. 8223-1 du code du travail dispose qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire. Le paiement de cette indemnité suppose de rapporter la preuve, outre de la violation des formalités visées à l'article L.8223-1 du code du travail, de la volonté de l'employeur de se soustraire intentionnellement à leur accomplissement. Ce caractère intentionnel ne peut résulter du seul défaut de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie ni se déduire de la seule application d'une convention de forfait illicite.

Cette indemnité forfaitaire n'est exigible qu'en cas de rupture de la relation de travail. Elle est due quelle que soit la qualification de la rupture, y compris en cas de rupture d'un commun accord. Cette indemnité est cumulable avec les indemnités de toute nature auxquelles le salarié a droit en cas de rupture du contrat de travail, y compris l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement ou l'indemnité de mise à la retraite.

La Cour de céans ayant rejeté la demande de Mme [S] au titre des heures supplémentaires, sa demande formulée au titre du travail dissimulé est devenue sans objet car fondée sur l'existence d'heures supplémentaires, et doit, par voie de confirmation de la décision déférée, être aussi rejetée.

Sur l'obligation de sécurité :

Moyens des parties :

Madame [S] expose que l'employeur ne s'est jamais préoccupé d'assurer l'effectivité l'obligation de sécurité à laquelle il est tenu :

Il a mis en place des actions qui ont directement mis en danger et dégradé son état de santé ainsi que démontré par les certificats médicaux ainsi que l'attestation de DIDLAC formation.

Les visites médicales de recrutement et de reprise n'ont pas eu lieu où sont intervenues tardivement et les restrictions à l'aptitude édictées à quatre reprises par le médecin du travail n'ont pas été prises en compte.

Les dénonciations de faits de harcèlement moral circonstanciées n'ont pas été prises en compte par l'employeur et en réponse elle a été licenciée pour faute grave.

L'ADIL 05 expose que c'est la salariée qui a, depuis plusieurs années, instauré un climat délétère en humiliant et injuriant ses collaborateurs.

L'association lui a toujours apporté son soutien jusqu'à ce qu'elle découvre que son maintien dans la structure s'avérait impossible en raison de son attitude à l'égard de ses collaborateurs.

Mme [S] avait toute autonomie sur sa fonction et ne démontre pas que le président ou les membres du conseil d'administration lui faisaient subir une pression.

Sur ce,

En application de l'article L. 4121-1 du code du travail, dans sa version en vigueur de mai 2008 à Novembre 2010 : « L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes ».

Dans sa version de novembre 2010 à octobre 2017 « l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existante ».

L'article L. 4121-2 du même code précise dans sa version applicable de mai 2008 à août 2012 :

L'employeur met en 'uvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral, tel qu'il est défini à l'article L. 1152-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

Dans la version applicable d'aout 2008 à aout 2016 ajoute au 7e la prévention du Ajoute au 7 et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;

Il résulte de l'article L.1152-4 du code du travail dans la version en vigueur du 01 mai 2008 au 08 août 2012 que l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral. Dans la version en vigueur en vigueur du 08 août 2012 au 28 juin 2014 que l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral. Le texte de l'article 222-33-2 du code pénal est affiché dans les lieux de travail.

En l'espèce, concernant la situation de la salariée et le fait conclu que malgré la dénonciation de faits de harcèlement moral, l'employeur n'aurait pas agi, il est établi que par lettre du 30 juin 2011, Mme [S] dénonce des faits de harcèlement moral à son égard de la part de certains membres du CA. Elle évoque être victime de comportements « méprisants et critiques » depuis 3 ans, mais ne justifie pas avoir alerté son employeur, avant juin 2011, sur des faits de harcèlement moral. Dans ce courrier, elle précise d'ailleurs avoir été toujours soutenue.

Il est cependant établi qu'à compter de cette date, elle a été placée en arrêt maladie puis, elle a repris son emploi en mi-temps thérapeutique à compter de septembre 2011 jusqu'en septembre 2012 et a enfin été licenciée en octobre 2012 alors qu'elle se trouvait en arrêt de travail depuis le 07 septembre 2012.

Durant cette période, il est constant qu'aucune enquête n'a été réalisée par l'employeur s'agissant des faits dénoncés par la salariée dans la lettre du 30 juin 2011. Le CA du 28 juillet 2011 évoque qu'une enquête devrait être faite auprès des agents de l'ADIL mais s'agissant uniquement des faits de harcèlement moral dénoncés par un salarié pour « avérer les faits reprochés à la directrice et caractériser le harcèlement moral de cette dernière à leur endroit ».

S'agissant des mesures de préventions pour démontrer le respect de l'obligation de sécurité, l'employeur sur lequel repose la charge de la preuve, produit uniquement un devis de formation de 3 000 €, daté du 30 septembre 2011, établi par DIDLAC FORMATION portant sur la « psychologie du management » et un accusé de réception de ce même organisme de la somme de 1 000 € pour la même formation le 13 décembre 2011 et le 24 janvier 2012.

L'ADIL 05 ne produit aucune pièce permettant de justifier du respect des recommandations du médecin du travail lors des visites médicales qui prévoyait notamment une « contre-indication formelle à toute sollicitation relative à une confrontation administrative ou une requête d'autorité » ni même des tâches de la salariée de juin 2011 au licenciement et du fait qu'elle aurait été préservée de la confrontation directe avec l'autorité.

Dans le même temps, Mme [S] a régulièrement fait l'objet d'arrêts de travail pour syndrome dépressif réactionnel à compter du 30 juin 2011 et le médecin du travail a alerté l'employeur notamment le 25 août 2011.

Il convient donc, par voir d'infirmation du jugement déféré, de juger que l'employeur ne justifie pas avoir respecté l'obligation de sécurité qui lui incombait concernant la salariée.

Compte tenu des conséquences dommageables résultant pour Mme [S] du manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur, telles qu'elles ressortent des pièces et des explications fournies et notamment des justificatifs médicaux, le préjudice doit être réparé par l'allocation de la somme de 3 000 € à titre de dommages-intérêts.

Sur le bien-fondé du licenciement :

Moyens des parties :

L'ADIL 05 expose que le licenciement de Mme [S] est lié à son comportement fautif et non à son état de santé ou à des faits de harcèlement moral et fait valoir que la salariée qui s'est rendue notamment coupable d'agissements de harcèlement envers ses subordonnés pouvait être licenciée pendant la suspension de son contrat pour maladie. :

La maladie professionnelle de la salariée n'a jamais été déclarée imputable à l'Association ADIL 05 et, par jugement en date du 7 mai 2015, le Tribunal des Affaires de la Sécurité Sociale a dit que la prise en charge par la caisse primaire était inopposable à l'employeur. Cette reconnaissance ne découle pas d'une faute commise par l'Association ADIL 05 mais d'un vice de procédure imputable à la CPAM, il n'est nullement établi que le syndrome dépressif dont se plaint la salariée serait essentiellement et directement causé par le travail habituel de cette dernière ;

Le licenciement n'a pas été décidé dès le 7 septembre 2012, elle a été convoquée à un entretien préalable par courrier du 19 septembre 2012 et l'entretien a bien eu lieu le 1er octobre 2012 ;

Elle n'a apporté aucune justification concrète sur les faits reprochés et elle prétend avoir subi « des mépris et critique de la part de certains membres du conseil d'administration » sans apporter de preuves ;

L'ADIL 05 expose que la faute grave est établie par les faits suivants :

Quatre salariés victimes ou témoins attestent des agissements fautifs de Mme [S]. Les motifs du licenciement ne sont pas prescrits et sont vérifiables. L'employeur n'a été avisé des agissements de Madame [S] qu'à la suite des quatre correspondances de salariés du 10 septembre 2012 et le licenciement est intervenu le 5 octobre 2012 ;

Au cours de l'été 2011, elle s'en est prise à l'un de ses subordonnés à tel point que l'association a été amenée à gérer un contentieux avec ce salarié qui s'est finalement réglé par voie transactionnelle ;

Plusieurs salariés se sont également plaints de leurs conditions de travail « les empêchant de dormir depuis quelques mois » ;

Elle s'est également acharnée à l'encontre de la nouvelle juriste en l'humiliant devant les autres salariés et en portant à son égard des propos antisémites ;

Mme [S] fait tout d'abord valoir que son licenciement est nul étant intervenu en raison de sa maladie et alors qu'elle avait dénoncé des faits de harcèlement moral et elle demande à être réintégrée dans l'entreprise :

Son employeur a reconnu qu'il avait licencié Madame [S] pour ses difficultés directement en rapport avec les dégradations son état de santé est donc directement en rapport avec la maladie professionnelle.

Ce licenciement est intervenu alors qu'elle avait dénoncé des faits de harcèlement moral. Elle a déposé plainte le 30 juin 2011 et elle ne pouvait être licenciée pour avoir dénoncé des faits de harcèlement moral.

Subsidiairement, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse :

Il a été décidé avant l'engagement de la procédure de licenciement, dès le 7 septembre 2012, et a été annoncé à la salariée par son propre conseil auquel une proposition de transaction a été faite. Elle a été ainsi informée verbalement de son licenciement.

L'entretien préalable a eu lieu en violation du code du travail puisque l'employeur a refusé de lui donner les motifs du licenciement.

Les faits évoqués dans la lettre de licenciement sont non vérifiables et prescrits puisqu'il est fait état des faits survenus au cours de l'été 2011 soit plus de deux mois avant l'engagement des poursuites diligentées le 19 septembre 2012.

Pour justifier le licenciement pour faute grave, il lui a notamment été reproché des propos antisémites à l'égard de Mme [F] et les personnes qui attestent en ce sens n'ont pas entendu directement les propos tenus entre elles. Mme [F] qui est actuellement directrice adjointe d'une Adil dans le Var et n'a donc pas cessé son activité professionnelle suite aux propos qu'elle a dénoncés.

Elle dément le grief selon lequel elle n'aurait pas procédé à la demande de certaines subventions ou encore selon lequel elle ne serait pas très présente dans la structure.

Sur ce,

Il résulte des dispositions de l'article L. 1226-9 du code du travail, qu'au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie.

L'article L.1132-1 du code du travail dispose qu' « aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de nomination ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son exercice d'un mandat électif, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français ».

Aux termes de l'article L. 1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés. En vertu de l'article L. 1152-3 du même code, toute rupture de contrat de travail intervenue en méconnaissance des articles L. 1152-1 et L. 1152-2 du code précité, toute disposition contraire ou tout acte contraire est nul. Il s'en déduit que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il dénonce.

Selon les dispositions des articles L.1232-1 et L.1232-6 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, énoncée dans une lettre notifiée au salarié. Cette lettre, qui fixe les limites du litige doit exposer des motifs précis et matériellement vérifiables, permettant au juge d'en apprécier la réalité et le sérieux.

Il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

Il est de principe que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de l'intéressé au sein de l'entreprise même pendant la durée du préavis. La mise en 'uvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits fautifs mais le maintien du salarié dans l'entreprise est possible pendant le temps nécessaire pour apprécier le degré de gravité des fautes commises. L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

La gravité de la faute s'apprécie en tenant compte du contexte des faits, de l'ancienneté du salarié et des conséquences que peuvent avoir les agissements du salarié et de l'existence ou de l'absence de précédents disciplinaires.

Il résulte des dispositions des articles L. 1232-2 et suivants du code du travail que l'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable.

En l'espèce, la lettre de licenciement du 05 octobre 2012 qui fixe les limites du litige énonce les griefs suivant :

Au cours de l'été 2011, un subordonné de Mme [S] a souhaité rompre le contrat en raison de la dégradation de ses conditions de travail imputable, selon lui, à la salariée. Une rencontre serait intervenue avec elle pour « apprécier le climat social » au cours duquel elle aurait admis ses lacunes de management. Une deuxième chance a été laissée à Mme [S], le CA faisant le choix de lui apporter «d'avantage de soutien dans le mangement » tandis qu'une transaction était signée avec le salarié en question.

La découverte du comportement de Mme [S] entraînant la dégradation des conditions de travail de subordonnés « conduisant plusieurs d'entre eux à démissionner » en raison d'atteintes à leur dignité et santé mentale, ceci expliquant la suspension régulière de l'exécution de leur contrat,

L'acharnement sur la nouvelle juriste que Mme [S] aurait humiliée devant les autres salariés, à l'égard de laquelle elle aurait tenu des propos antisémites à plusieurs reprises dès lors qu'elle avait appris que cette salariée avait des origines juives. Plusieurs salariés témoins d'une des altercations ont été choqués par ses propos et par le fait qu'elle avait reconnu avoir tenu des propos antisémites et avoir proféré des injures,

Le « sabotage » de l'arrivée de la nouvelle juriste en février 2012 en refusant de lui rembourser ses frais professionnels puis en s'acharnant sur elle quand elle a présenté sa démission en ne cessant de « lui rétorquer chaque jour » qu'elle était d'accord pour qu'elle parte mais pas avant 2012,

Le constat que l'attitude de Mme [S] a rendu insupportable le climat social mettant en cause la bonne marche de l'association et en péril sa dimension sociale.

Sur la nullité du licenciement,

Mme [S] allègue tout d'abord que le licenciement serait nul car fondé sur sa maladie professionnelle, ladite maladie résultant des agissements de son employeur et des conditions de travail.

En l'espèce, il est constant qu'au moment du licenciement Mme [S] était en arrêt de travail depuis le 30 juin 2011 et qu'elle avait procédé à une déclaration de maladie professionnelle. Cependant, la reconnaissance de cette maladie professionnelle a tout d'abord fait l'objet d'un refus par la CPAM notamment au motif que la maladie ne figurait dans aucun tableau des maladies professionnelles.

En raison d'une erreur de procédure de la CPAM, le tribunal des affaires de sécurité sociale du Vaucluse, le 05 mars 2015, a reconnu la maladie professionnelle mais a déclaré inopposable la prise en charge de celle-ci à l'employeur. L'ADIL 05 pouvait dès lors procéder au licenciement pour faute grave de la salariée le 08 octobre 2012.

S'agissant du lien entre la maladie professionnelle et les agissements de l'employeur ou encore avec ses conditions de travail, Mme [S] qui dénonce un « management déplorable » du CA, le non soutien du président, un climat de suspicion permanent, une charge de travail effrayante et enfin des salaires pour les collaborateurs insuffisants entrainant un turn over déstabilisant et délétère, n'apporte pas la preuve de ces affirmations ni de leur dénonciation.

En effet, il est constant que Mme [S] justifie de sa maladie et d'un syndrome dépressif par la production d'éléments médicaux :

Attestation du médecin traitant, Dr [M] qui indique la suivre depuis mars 2011 pour « un état dépressif (réactionnel) qui paraissait motivé par une mauvaise adéquation avec son activité professionnelle »,

Les préconisations du Dr [M] des 05 octobre 2011, 26 octobre 2011, 04 janvier 2012, 31 mars 2012 par lesquelles il formule une « contre-indication de toute sollicitation relative à une confrontation administrative ou une requête d'autorité (telle une présence à une assemblée quelconque ou un conseil d'administration »,

Les avis d'aptitudes du médecin du travail du 06 octobre 2011, 03 novembre 2011, 17 janvier 2012, 05 avril 2012 par lesquels la salariée est déclarée apte pour un mi-temps thérapeutique jusqu'au 31 mai 2012, avec les mêmes réserves que celles posées par le médecin traitant, puis apte à temps plein à compter du 05 juin 2012 avec « contre-indication formelle à toute sollicitation relative à une confrontation administrative ou une requête d'autorité »,

La lettre du médecin du travail du 25 aout 2011 qui alerte l'employeur sur l'état psychologique de la salariée,

Attestation de M. [C], missionné par l'ADIL 05 en décembre 2011 comme coach-formateur qui est aussi le psychothérapeute de la salariée à compter de mai 2011. Il indique avoir relevé des carences de la salariée en termes de management mais aussi du fait que son poste était convoité, qu'elle est devenue « un objet » et plus « une personne » et était systématiquement remise en cause puis que les membres du CA ont tout fait pour l'évincer.

Ces éléments, s'ils confirment les troubles médicalement constatés de la salariée ne permettent pas pour autant de considérer qu'elle a été licenciée en raison de sa maladie qui ne revêtait pas encore un caractère professionnel lors du licenciement. Aucune des autres pièces ne permet de le démontrer.

De même, s'agissant du fait que le licenciement serait intervenu alors qu'elle avait dénoncé des faits de harcèlement moral à son égard par lettre du 30 juin 2011 dénonçant le « mépris, critiques systématiques de certains membres du CA », il convient tout d'abord de relever qu'elle ne donne dans ce courrier aucun éléments précis ou de date s'agissant des faits dénoncés qu'elle ne qualifie d'ailleurs pas de harcèlement moral, ni ne justifie en avoir fait état à son employeur auparavant.

La Cour observe au surplus que la salariée ne formule aucune demande financière dans la présente instance au titre du harcèlement moral.

En outre, l'employeur dans la lettre de licenciement ne fait pas grief à la salariée d'avoir dénoncé des faits de harcèlement moral mais énonce des griefs à son encontre.

Il n'est dès lors pas établi que le licenciement est intervenu en raison des faits de la dénonciation de fait de harcèlement moral par la salariée.

Sur la faute grave,

S'agissant de la prescription soulevée par la salariée, s'il est constant que la lettre de licenciement évoque des faits de 2011, elle fonde la faute grave sur des faits intervenus et un comportement de Mme [S] durant 2012, ceux-ci ayant été dénoncés en septembre 2012,date à laquelle l'employeur a été pleinement informé. Le licenciement étant intervenu en octobre 2012, la prescription de deux mois prévue à l'article L.1332-4 du code du travail n'est pas acquise.

S'agissant du grief concernant les faits de harcèlement moral dénoncés par M. [R] durant l'été 2011, l'ADIL produit un protocole transactionnel entre l'ADIL 05 et ce salarié. Ce document n'est ni daté ni signé et ne comporte aucune description des faits dénoncés ni même le nom de Mme [S]. Il y est au surplus mentionné que l'ADIL 05 considère « après enquête, quant à elle, que M. [L] [R] n'a jamais été victime de harcèlement moral ». Il n'est pas plus justifié d'échanges ou rappels à l'ordre de la salariée par rapport à ces faits. Ce grief n'est pas démontré.

S'agissant du comportement de Mme [S] à l'origine de la dégradation des conditions de travail de subordonnés « conduisant plusieurs d'entre eux à démissionner » en raison d'atteintes à leur dignité et santé mentale, aucun nom de salarié, de faits précis ne sont indiqués dans la lettre de licenciement. L'ADIL 05 ne produit aucune pièce permettant d'étayer ce grief qui n'est en conséquence pas établi.

S'agissant de l'acharnement sur la nouvelle juriste que Mme [S] aurait humiliée devant les autres salariés et à l'égard de laquelle elle aurait tenu des propos antisémites à plusieurs reprises dès lors qu'elle avait appris que cette salariée avait des origines juives, la date des faits, les propos et le nom de la salariée ne sont pas mentionnés dans la lettre de licenciement.

L'examen des pièces et conclusions permet de dire qu'il s'agit de Mme [F], qui a été embauchée en tant que juriste de l'ADIL 05 et que l'incident aurait eu lieu en février 2012. L'ADIL 05 produit en effet une lettre de cette salariée qui écrit, sur demande de l'association le « 10 septembre ».

La Cour relève qu'outre le fait que l'année de rédaction de l'attestation n'est pas précisée, de même que la date à laquelle cette salariée a quitté l'association, Mme [F] précisant seulement qu'elle n'a pas souhaité « engager des poursuites à l'encontre de la directrice » préférant le « choix difficile de démissionner » et quitter son CDI.

Aux termes de cette lettre, Mme [F] indique qu'elle exerçait les missions de conseiller juridique et technicienne de surface et qu' « on » pouvait lui demander de se « bouger » pour donner à boire aux juristes qu'elle formait. Elle ajoute qu'un « lundi », Mme [S] lui aurait demandé si elle savait ce qu'était « un capo » et indiqué que, si elle était juive, dans ce cas elle devait connaître le sens de ce terme. Le même jour elle lui aurait demandé de la « lâcher avec ses gamineries ». Elle se serait confiée à Mme [V], en formation, et le lendemain, Mme [S] lui aurait demandé de rapporter le continu de leurs échanges en lui déclarant « vous êtes instituée capo de l'ADIL ».

Elle dénonce encore le fait que Mme [S] la qualifiait de « nouille », critiquait son travail ou encore que, lorsqu'elle a annoncé sa démission, Mme [S] insistait pour qu'elle reste jusqu'en février 2013. Elle fait enfin état d'un échange « vendredi dernier » avec Mme [S] qui l'avait convoquée afin de lui dire que par sa faute « elle avait perdu son poste », lui intimant de se taire. Mme [F] lui aurait rappelé les propos tenus, que Mme [S] aurait reconnus devant toute l'équipe en tentant de les justifier.

Mme [V], à laquelle Mme [F] se serait confiée, qui atteste le 10 septembre 2012, ne donne aucun détail sur cette confidence et sur la teneur des propos. Elle indique en revanche que « suite à un entretien mouvementé vendredi dernier entre Mme [S] et une de mes collègues où il était question de propos dégradants envers cette collègue, Mme [S] est partie en claquant la porte et jusqu'à ce jour notre directrice n'est pas présente à son poste ». Elle déplore en outre n'avoir vu que trop rarement Mme [S], devant assumer seule certaines tâches et, sans donner davantage de détails, que la directrice lui aurait été demandé de venir former la personne qui devait la remplacer lors de ses éventuels arrêts maladies. Elle conclut que ces conditions de travail l'empêchent de dormir depuis plusieurs mois.

S'agissant des propos qualifiés d'antisémites, deux autres salariés écrivent, eux aussi le 10 septembre 2012, que Mme [S] au cours de l'échange du 07 septembre 2012 n'aurait pas nié les propos dénoncés, Mme [A] précisant que la juriste disait à Mme [S] qu'elle l'avait traitée de « capo juive » ce que « semblait reconnaître, puisqu'elle s'en justifiait ».

La Cour relève que, non seulement la date des faits n'est pas précisée, mais encore qu'il n'est pas contesté que cette salariée n'a pas fait remonter la difficulté aux membres du CA avant la lettre ci-dessus visée, écrite sur demande de l'association. Enfin s'agissant des propos qualifiés d'antisémites par l'association, ils n'ont pas été tenus devant témoin.

Il est dès lors établi que Mme [S] a eu un échange avec Mme [F] le 07 septembre 2012, qu'aucun propos déplacé n'a été tenu ce jour-là. S'agissant d'autres propos tenus avant le 07 septembre, aucun témoin ne vient les confirmer et ils n'ont pas été dénoncés par la salariée qui s'en disait victime, celle-ci n'en faisant état qu'en septembre 2012 quand l'employeur lui demande si elle a rencontré des difficultés avec Mme [S]. Ce grief est n'est pas établi.

Concernant le « sabotage » de l'arrivée de la nouvelle juriste en février 2012 (Mme [F]) en refusant de lui rembourser ses frais professionnels puis l'acharnement quand elle a présenté sa démission en ne cessant de « lui rétorquer chaque jour » qu'elle était d'accord pour qu'elle parte mais pas avant 2012. Cette dernière indique dans la lettre adressée à l'employeur qu'elle déplore concernant Mme [S] le fait qu'elle n'ait pas accepté de régler ses frais durant sa formation et n'avoir obtenu par la suite qu'un remboursement partiel par Mme [S]. Elle dénonce ensuite des difficultés pour obtenir les avances de frais concernant les permanences juridiques.

Sur ce point, il convient de relever à nouveau que la salariée n'a pas fait remonter le problème, ne précise pas son préjudice et indique avoir obtenu certains paiements. L'association qui fait valoir au surplus que l'attitude de Mme [S] a rendu « insupportable le climat social mettant en cause la bonne marche de l'association et en péril sa dimension sociale » n'apporte aucun élément concret pour le démontrer.

A titre surabondant, sur le moyen selon lequel le licenciement de Mme [S] aurait été décidé avant l'entretien préalable du 1er octobre 2012, le privant de cause réelle et sérieuse, il convient de relever les éléments suivants :

Le compte rendu du CA du 30 juin 2011, dans lequel M. [P], président de l'ADIL souligne l'investissement personnel de la salariée, formule deux options suite aux dénonciations de M. [R] : entamer une procédure pour rupture du contrat ou poursuivre avec l'actuelle directrice avec un superviseur. Le CA décide que la deuxième solution est rejetée en raison du fait que la supervision pourrait être « perçue comme participant au harcèlement moral évoqué par Mme [S] » ;

Le compte rendu du CA du 11 juillet 2011 mentionne la nécessité de consulter un avocat pour décider des suites s'agissant du « relationnel avec M. [R] suite à son recommandé pour harcèlement moral de la directrice à son endroit » et des « préconisations en matière de procédure éventuelle pour le cas de la directrice » ;

Le compte rendu du CA du 28 juillet 2011 évoque l'analyse faite par le conseil s'agissant des deux points évoqués le 11 juillet. Il est proposé de faire une enquête auprès des agents de l'ADIL pour « avérer les faits reprochés à la directrice et caractériser le harcèlement moral de cette dernière à leur endroit » et de la convoquer à un entretien informel « pour lui proposer une procédure transactionnelle et lui signifier une mise à pied conservatoire. Cette procédure transactionnelle se ferait sur la base du versement de 4 à 6 mois des salaire », en cas de refus « l'Adil sera contraint de procéder au licenciement pour faute grave ou lourde de la directrice ». Le CA donne son accord à ces propositions et tous pouvoirs au président pour les engager et convient de « se revoir fin aout, début septembre pour définir les suites à donner aux affaires en cours, et en fonction des contacts avec la directrice ».

Un mail du 07 septembre 2012 adressé au CA indiquant que son avocate venait de l'informer que « son licenciement pour faute était décidé mais qu'un accord de rupture avec une somme de 40 000€ pouvait éviter le licenciement ».

Les lettres rédigées ci-dessus évoquées l'ont été le 10 septembre 2012 ;

La Cour relève, qu'il est ainsi établi que le principe du licenciement était acquis dès le 30 juin 2011 et n'intervient que le 05 octobre 2012.

L'ADIL 05 est taisante sur la question d'une éventuelle transaction avec la salariée alors même que celle-ci est actée lors du conseil d'administration (CA) du 28 juillet 2011. Elle ne produit aucun compte-rendu du CA postérieur à celui du 28 juillet 2011 alors qu'elle indique dans la lettre de licenciement que le CA avait fait le choix d'apporter à la salariée « d'avantage de soutien dans le mangement » suite aux faits dénoncés par M. [R].

Par conséquent, les faits reprochés à la salariée ne sont pas établis et le licenciement n'est fondé ni sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse

La faute grave n'étant pas établie, et le licenciement se trouvant sans cause réelle et sérieuse, il convient par voie d'infirmation de la décision déférée de fixer le salaire moyen à la somme de 3 806 € et de condamner l'ADIL 05 au paiement de la somme de 28 500 € de dommage et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L'ADIL 05 est en outre condamnée au paiement des sommes suivantes au titre du licenciement :

22 836€ outre la somme de 2 283 € au titre des congés payés au titre de l'indemnité compensatrice de préavis (6 mois en application des clauses contractuelles) ;

3 806 € au titre de l'indemnité de licenciement. Mme [S] n'ayant pas fait l'objet d'une déclaration d'inaptitude et n'ayant formulé aucune demande devant la juridiction prud'homale au fin de voir juger du lien entre sa maladie professionnelle et le licenciement, cette indemnité ne doit pas être doublée.

Sur le caractère vexatoire du licenciement et injure par l'employeur :

Madame [S] fait valoir que le licenciement est intervenu de manière brutale et vexatoire qui ont provoqué une forte décompensation. Il a été porté atteinte à son honneur et à sa considération puisqu'elle a été accusée à tort d'avoir tenu des propos antisémites et dans un courrier du 17 octobre 2012 la directrice de l'association l'a traité « d'hystérique ». Elle sollicite à ce titre des dommages et intérêts.

L'ADIL 05 ne conclut pas sur ce point.

Il est constant que l'employeur, suite à la lettre de la salariée qui conteste les griefs formulés durant l'entretien préalable, lui répond par courrier du 17 octobre 2012 que cet entretien a tourné court en raison du comportement « quelque peu hystérique » de Mme [S]. Ce qualificatif, objectivement dénigrant, n'a pour autant pas été tenu en public, n'ayant par conséquent pu porter atteinte à sa considération vis à vis des autres salariés. Mme [S] ne démontre pas non plus l'existence d'un préjudice distinct de celui de la rupture du contrat de travail. Il convient par conséquent de rejeter sa demande à ce titre.

Sur les demandes accessoires :

Il convient de condamner l'ADIL 05 partie perdante, aux entiers dépens et à la somme de 2 000 €sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

DECLARE Mme [S] recevable en son appel,

INFIRME le jugement déféré excepté en ce qu'il a rejeté les demandes de Mme [S] au titre des heures supplémentaires et du travail dissimulé,

STATUANT à nouveau sur les chefs d'infirmation,

DIT que l'ADIL 05 a manqué à son obligation de sécurité,

DIT que le licenciement de Mme [S] est sans cause réelle et sérieuse,

FIXE le salaire moyen à la somme de 3 806 €,

CONDAMNE l'ADIL 05 à payer à Mme [S] les sommes suivantes :

22 836 € outre la somme de 2 283 € au titre des congés payés au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

3 806 € d'indemnité de licenciement,

3 000€ de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité,

28 500 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

REJETTE toutes les autres demandes de Mme [S],

Y ajoutant,

CONDAMNE l'ADIL 05 à payer la somme de 2 000 € à sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens en cause d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La Greffière, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section a
Numéro d'arrêt : 19/04566
Date de la décision : 24/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-24;19.04566 ?
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