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19/05/2022 | FRANCE | N°20/00565

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch.secu-fiva-cdas, 19 mai 2022, 20/00565


C6



N° RG 20/00565 - N° Portalis DBVM-V-B7E-KKZK



N° Minute :







































































Notifié le :



Copie exécutoire délivrée le :







Me Wilfried SAMBA-SAMBELIGUE



la CPAM DE L'SÈRE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL D

E GRENOBLE



CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU JEUDI 19 MAI 2022

Ch.secu-fiva-cdas



Appel d'une décision (N° RG 17/00268)

rendue par le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE

en date du 28 novembre 2019

suivant déclaration d'appel du 17 Janvier 2020



APPELANTE :



SAS ARMAND THIERY prise en la personne de son représentant légal en exerc...

C6

N° RG 20/00565 - N° Portalis DBVM-V-B7E-KKZK

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

Me Wilfried SAMBA-SAMBELIGUE

la CPAM DE L'SÈRE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU JEUDI 19 MAI 2022

Ch.secu-fiva-cdas

Appel d'une décision (N° RG 17/00268)

rendue par le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE

en date du 28 novembre 2019

suivant déclaration d'appel du 17 Janvier 2020

APPELANTE :

SAS ARMAND THIERY prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

2 bis rue de Villiers

92309 LEVALLOIS PERRET CEDEX

représentée par Me Aude BOUDIER-GILLES de la SELARL ADK AVOCATS, avocat au barreau de LYON

INTIMEES :

Mme [D] [S]

de nationalité Française

26 Rue le harivel du Rocher

38180 SEYSSINS

représentée par Me Wilfried SAMBA-SAMBELIGUE, avocat au barreau de GRENOBLE

Organisme CPAM DE L'ISÈRE Prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié audit siège

Service Contentieux Général

02 rue des Alliés

38045 GRENOBLE CEDEX 09

comparante en la personne de Mme [J] [X] régulièrement munie d'un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Magali DURAND-MULIN, Conseiller faisant fonction de Président,

Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller,

Mme Gaëlle BARDOSSE, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 22 Mars 2022

Mme Magali DURAND-MULIN, chargée du rapport, Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller ont entendu les parties en leurs dépôts de conclusions et observations, assistées de Mme Chrystel ROHRER, Greffier, en présence de Mme Kristina YANCHEVA, Greffier, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 19 Mai 2022, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 19 Mai 2022.

Mme [D] [S] a été embauchée par la société Armand Thiery, en qualité de vendeuse le 15 avril 2002. En 2005, la salariée a été élue en qualité de déléguée du personnel et désignée comme membre du CHSCT.

Le 21 juillet 2010, Mme [S] a souscrit auprès de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Isère une déclaration de maladie professionnelle mentionnant «dépression d'épuisement professionnel sur harcèlement moral caractérisé», le certificat médical initial ayant été établi en date du 17 juin 2010 par un médecin psychiatre.

Par décision du 7 avril 2011, après avis rendu par le Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles de Lyon, la CPAM de l'Isère a refusé de prendre en charge cette maladie au titre de la législation professionnelle. Cette décision a été maintenue par la commission de recours amiable de la caisse.

Suivant arrêt de la chambre sociale de la Cour de Grenoble du 5 novembre 2015, confirmant le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Grenoble le 13 mars 2014, le caractère professionnel de la maladie déclarée a été reconnu.

Le 28 juillet 2016, la CPAM de l'Isère a attribué à Mme [S] un taux d'IPP de 30 % ainsi qu'une rente à compter du 1er juillet 2016.

Le 7 mars 2017, suite au procès-verbal de carence établi par la caisse primaire le 21 février 2017, Mme [S] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Grenoble aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur à l'origine de sa maladie professionnelle.

Par jugement du 28 novembre 2019, le pôle social du tribunal de grande instance de Grenoble a :

- dit que la maladie professionnelle dont a été victime Mme [S] résulte de la faute inexcusable de son employeur, la société Armand Thiery,

- avant dire droit sur l'indemnisation des préjudices complémentaires de Mme [S], ordonné une expertise médicale judiciaire confiée au docteur [N] avec mission habituelle en la matière,

- dit que la CPAM de l'Isère fera l'avance des frais d'expertise,

- condamné la société Armand Thiery à rembourser à la la CPAM de l'Isère l'ensemble des sommes dont elle aura fait l'avance, y compris les frais d'expertise et la provision, outre les intérêts au taux légal à compter de leur versement,

- condamné la société Armand Thiery à payer à Mme [S] la somme de 1 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- renvoyé Mme [S] à faire valoir ses demandes indemnitaires devant la juridiction sociale après dépôt du rapport d'expertise,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- réservé les dépens.

Le 17 janvier 2020, la société Armand Thiery a interjeté appel de ce jugement.

Selon ses conclusions parvenues le 16 juillet 2021 et oralement reprises à l'audience, la société Armand Thiery demande à la cour de :

- juger recevable et bien fondé son appel,

- réformer le jugement rendu par le pôle social du tribunal de grande instance de Grenoble le 28 novembre 2019,

Statuant à nouveau,

- constater que Mme [S] se contente de reprendre les termes de l'arrêt rendu le 12 mai 2010 par la cour d'appel de Grenoble sans caractériser l'existence d'une faute inexcusable à l'origine de la pathologie,

- juger que Mme [S] ne rapporte pas la preuve de l'existence d'une faute inexcusable,

En conséquence,

- débouter Mme [S] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner Mme [S] ou qui mieux le devra à lui verser la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Selon ses conclusions notifiées par voie électronique le 18 janvier 2022 et oralement reprises à l'audience, Mme [S] demande à la cour de :

- déclarer la société Armand Thiery recevable mais mal fondée en ses demandes, fins et conclusions,

- juger que la maladie professionnelle dont elle a été victime résulte bien d'une faute inexcusable de son employeur, la société Armand Thiery,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que la maladie qu'elle a déclarée le 21 juillet 2010 devait être prise en charge au titre de la législation professionnelle,

En conséquence,

- juger que la rente qui lui sera accordée devra être majorée au maximum en raison de la faute inexcusable retenue à l'encontre de son ancien employeur,

Avant dire droit,

- confirmer la désignation de Mme le docteur [N] [Z] en qualité d'expert aux frais avancés de la CPAM de l'Isère, avec pour mission de :

l'examiner,

décrire les lésions imputables à la maladie professionnelle litigieuse,

dégager en les spécifiant les éléments propres à justifier une indemnisation au titre de la douleur physique et morale endurée,

indiquer le cas échéant quelles sont parmi les activités sportives, de loisirs et d'agrément mentionnées par la victime, celles qui ne peuvent plus être exercées ou accomplies sans gêne du fait de son incapacité fonctionnelle en précisant si cette privation ou gêne est temporaire ou définitive,

donner son avis sur le préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités professionnelles,

donner son avis sur l'incidence professionnelle,

déterminer la durée du déficit fonctionnel temporaire ainsi que le taux,

chiffrer le taux du déficit fonctionnel permanent,

En tout état de cause,

- déclarer la décision à intervenir commune et opposable à la CPAM de l'Isère,

- juger que les paiements des éventuelles condamnations et de la majoration de rente seront assurés directement par la CPAM de l'Isère conformément aux dispositions des articles L.452-3 et L.452-4 du code de la sécurité sociale,

- ordonner en conséquence à la CPAM de l'Isère de lui verser toutes les prestations en nature et en espèces relatives à la faute inexcusable en lien avec la maladie professionnelle en cause,

- condamner encore la société Armand Thiery à lui payer la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon ses conclusions développées oralement à l'audience, la CPAM de l'Isère s'en rapporte à justice sur la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ainsi que l'évaluation des préjudices. Le cas échéant, elle sollicite la condamnation de la société Armand Thiery au remboursement des sommes dont elle aura fait l'avance.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

SUR CE

Sur la faute inexcusable

En application des articles L. 452-1 et L. 461-1 du code de la sécurité sociale, la victime d'une maladie professionnelle a droit à une indemnisation complémentaire lorsque cette maladie est due à une faute inexcusable de l'employeur.

Le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il incombe au salarié, demandeur d'une indemnisation complémentaire des conséquences de la maladie professionnelle dont il est reconnu victime, d'apporter la preuve de la faute inexcusable qu'il impute à son employeur. Il n'a pas à démontrer que cette faute inexcusable a été la cause déterminante de la maladie professionnelle, et il suffit qu'elle en ait été une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée.

En l'espèce, la charge de la preuve pèse sur Mme [S] qui impute à son employeur une faute inexcusable comme étant à l'origine de sa maladie professionnelle déclarée le 21 juillet 2010.

La société Armand Thiery qui conteste avoir commis une faute inexcusable ne remet pas en cause le caractère professionnel de la maladie lequel a été reconnu par arrêt de la cour d'appel de Grenoble du 5 novembre 2015 dans le litige opposant Mme [S] et l'organisme social.

Sur la conscience du danger, la salariée fait valoir qu'elle a été victime de la part de son employeur de faits de discrimination syndicale et harcèlement moral et produit un arrêt de la cour d'appel de Grenoble du 12 mai 2010 ayant condamné son employeur en raison de la commission de tels faits dont la réalité est ainsi établie.

Contrairement à ce que soutient l'employeur, cette condamnation ne fait pas obstacle à ce que la salariée puisse se prévaloir de la commission de ces faits pour justifier de la conscience du danger que devait en avoir son employeur.

Etant à l'origine de faits de discrimination syndicale et harcèlement moral, l'employeur tenu d'une obligation légale de sécurité à l'égard de ses salariés notamment en matière de risques psycho-sociaux, ne pouvait pas ne pas avoir conscience du danger lié à une souffrance psychique auquel la salariée victime de tels faits se trouvait exposée.

Sur les mesures de préservation, la société appelante qui se limite à invoquer l'absence de conscience du danger, n'allègue et a fortiori ne justifie pas avoir pris des mesures de prévention en matière de harcèlement ni des mesures permettant de mettre fin à ces actes comme le fait justement observer Mme [S].

Le fait que la salariée ait travaillé à temps partiel est sans incidence sur la nécessité pour l'employeur de prendre des mesures de préservation.

La circonstance que l'employeur soutienne que les troubles décrits par la salariée ne sont que la manifestation de sa dépression apparue dès 2006, n'est pas de nature à exclure la faute inexcusable de l'employeur dès lors que les faits de discrimination syndicale et de harcèlement moral commis par ce dernier de novembre 2007 jusqu'à la date de l'arrêt de travail de la salariée du 30 avril 2009, ont à tout le moins concouru à la survenance du syndrome dépressif reconnu à titre de maladie professionnelle.

Dès lors que la société Armand Thiery ne pouvait méconnaître le danger auquel elle a exposé sa salariée et qu'elle n'a pris aucune mesure pour la préserver, la faute inexcusable à l'origine de la maladie professionnelle déclarée le 21 juillet 2010 se trouve ainsi caractérisée.

La salariée est fondée en sa demande d'expertise en vue d'une indemnisation complémentaire de son préjudice comme l'a justement décidé le tribunal.

Le jugement déféré sera donc confirmé en toutes ses dispositions.

Il convient en outre de faire droit à la prétention tendant à voir ordonner la majoration au maximum de la rente versée par la caisse laquelle versera cette majoration à la salariée et en recouvrera le montant auprès de l'employeur.

Sur les mesures accessoires

Outre les dépens qu'elle devra supporter en application de l'article 696 du code de procédure civile, la société Armand Thiery sera condamnée à verser à Mme [S] la somme de 1 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement déféré.

Y ajoutant,

Ordonne la majoration au maximum de la rente versée à Mme [D] [S] par la CPAM de l'Isère.

Dit que le versement de cette majoration de rente sera assuré directement par la CPAM de l'Isère qui en recouvrera le montant auprès de la société Armand Thiery.

Condamne la société Armand Thiery à verser à Mme [D] [S] la somme de 1 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société Armand Thiery aux dépens.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Mme Magali DURAND-MULIN, Conseiller faisant fonction de président et par Mme Chrystel ROHRER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GreffierLe Conseiller


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch.secu-fiva-cdas
Numéro d'arrêt : 20/00565
Date de la décision : 19/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-19;20.00565 ?
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