C4
N° RG 19/04112
N° Portalis DBVM-V-B7D-KGEK
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
la SELARL CABINET ADS - SOULA MICHAL- MAGNIN
la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
Ch. Sociale -Section A
ARRÊT DU MARDI 17 MAI 2022
Appel d'une décision (N° RG F 18/00015)
rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VIENNE
en date du 09 septembre 2019
suivant déclaration d'appel du 08 Octobre 2019
APPELANT :
Monsieur [M] [T]
né le 31 Juillet 1966 à LYON 2EME (69000)
de nationalité Française
111 Boulevard des Etats Unis
69008 LYON
représenté par Me Sofia SOULA-MICHAL de la SELARL CABINET ADS - SOULA MICHAL- MAGNIN, avocat au barreau de LYON substituée par Me Elsa MAGNIN, avocat au barreau de LYON
INTIMEE :
SAS MALHERBE RHONE ALPES, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
11, rue du Maine
38070 saint quentin fallavier
représentée par Me Laure GERMAIN-PHION de la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET, avocat au barreau de GRENOBLE, avocat postulant, et Me Xavier MORICE de l'ASSOCIATION TOURRET-MORICE, avocat au barreau de CAEN, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,
Madame Gaëlle BARDOSSE, Conseillère,
Madame Magali DURAND-MULIN, Conseillère,
DÉBATS :
A l'audience publique du 08 Mars 2022,
Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente chargée du rapport, en présence d'Amandine GAUCY, assistante de justice, assistée de Valérie RENOUF, Greffière, a entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile.
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 17 Mai 2022, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L'arrêt a été rendu le 17 Mai 2022.
Exposé du litige :
Le 27 avril 2010, M. [T] a été embauché par la SAS MALHERBE RHONE ALPES en qualité de conducteur routier.
Le 9 octobre 2012, M. [T] a été victime d'un accident du travail et placé en arrêt de travail jusqu'au 6 avril 2014. Le 15 octobre 2012, la Caisse primaire d'assurance maladie a reconnu le caractère professionnel de l'accident.
Le 10 juin 2014, le médecin du travail l'a déclaré définitivement inapte à son poste.
Le 1er septembre 2014, M. [T] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement et le 16 septembre 2014, il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Le 29 février 2016, M. [T] a saisi le conseil des prud'hommes de Vienne aux fins d'obtenir réparation de la violation de l'employeur à son obligation de recherche de reclassement, contesté le bien fondé de sn licenciement, et obtenir les indemnités afférentes ainsi que des dommages et intérêts.
Par jugement en date du 9 septembre 2019, le conseil des prud'hommes de Vienne a :
' Dit et jugé que l'employeur a valablement exécuté son obligation de recherche de reclassement ;
' Dit et jugé que le licenciement du salarié est justifié et repose sur une cause réelle et sérieuse ;
En conséquence,
' Débouté le salarié de l'intégralité de ses demandes, comprenant celle au titre des frais irrépétibles ;
' L'a condamné à verser à l'employeur la somme de 100 € au titre des frais irrépétibles ;
' L'a condamné aux entiers dépens de l'instance.
La décision a été notifiée aux parties par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception le 9 septembre 2019.
M. [T] a interjeté appel de la décision par déclaration en date du 6 novembre 2019.
Par conclusions en date du 7 janvier 2020, M. [T] demande à la cour d'appel de :
' Réformer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions ;
Ce faisant,
' Dire et juger que l'employeur a violé son obligation de reclassement ;
' Dire et juger son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
' Condamner en conséquence l'employeur à lui verser la somme de 35.000 € à titre de dommages et intérêts, nets de CSG et de CRDS, pour licenciement sans cause et sérieuse ;
' Le condamner à lui verser la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles ;
' Condamner le même aux entiers dépens et aux éventuels frais d'exécution forcée.
Par conclusions en réponse en date du 4 mars 2020, la SAS MALHERBE RHONE ALPES demande à la cour d'appel de :
' Débouter le salarié de son appel ;
En conséquence,
' Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
Dit et jugé qu'elle a valablement exécuté son obligation de recherche de reclassement;
Que le licenciement du salarié est justifié et repose sur une cause réelle et sérieuse ;
A débouté en conséquence ce dernier de l'intégralité de ses demandes, comprenant celle au titre des frais irrépétibles ;
Condamné le salarié à lui verser la somme de 100 € au titre des frais irrépétibles ;
L'a condamné aux entiers dépens de l'instance.
A titre infiniment subsidiaire,
' Réduire le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 28.245,36 € ;
En toute hypothèse,
' Condamner enfin le salarié au paiement d'une indemnité d'un montant de 3.000 € au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 janvier 2022 et l'affaire a été fixée à plaider le 8 mars 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.
SUR QUOI :
Sur l'obligation de recherche de reclassement :
Moyens des parties :
M. [T] soutient que son licenciement n'est pas fondé sur une cause réelle et sérieuse car l'employeur a manqué à son obligation de reclassement. Il fait valoir que tous les postes disponibles au sein de l'entreprise et du groupe ne lui ont pas été proposés. L'employeur ne communique pas les registres uniques du personnel de la société et de ses établissements sur la période concernée, mais uniquement des registres partiels s'arrêtant à l'année 2013. Les lettres adressées aux sociétés du groupe n'étaient pas conformes (aucune précision sur le parcours ou les compétences du salarié), et les retours ne sont pas datés ni signés. L'employeur avait racheté, avant l'avis d'inaptitude, trois sociétés (sociétés de transport Griset, Duval et Codimas) dont il ne démontre pas qu'il les avait interrogées sur une possibilité de reclassement.
La SAS MALHERBE RHONE ALPES fait valoir qu'elle a respecté son obligation de recherche de reclassement. Dès la notification de l'avis d'inaptitude, elle a entamé des recherches de reclassement, a proposé au salarié la réalisation d'un bilan de compétence, que celui-ci a refusé, puis elle a interrogé l'ensemble des sociétés du groupe ainsi que deux organisations syndicales patronales sur l'existence de postes disponibles. Contrairement aux allégations du salarié, les courriers ainsi adressés n'étaient pas des simples lettres non conformes (détail des préconisations du médecin du travail, descriptif de l'inaptitude). De plus, ces mails comportaient en annexe la fiche profil du salarié permettant de connaitre les compétences de ce dernier ainsi que son parcours professionnel. S'agissant de l'interrogation effective des différents établissements et sociétés du groupe, l'employeur justifie d'avoir adressé des mails à l'ensemble des structures du groupe dans le cadre des recherches de reclassement mais aussi des réponses apportées par ces dernières. Contrairement aux affirmations du salarié, l'employeur communique les registres du personnel et seuls des postes de conducteurs étaient disponibles, et incompatibles avec l'avis du médecin du travail, et seul le poste d'agent d'exploitation palettes situé dans le Calvados permettait de satisfaire à ses préconisations. Les délégués du personnel ont été interrogés sur la procédure de reclassement et ont émis un avis favorable, mais le salarié a refusé la proposition.
Sur ce,
Il ressort des dispositions de l'article L. 1226-10 code du travail dans sa version applicable aux faits d'espèce, que lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.
Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté.
L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.
En l'espèce, il ressort de la fiche médicale d'aptitude du 26 mai 2014 qui mentionne le poste de conducteur routier de M. [T], que le médecin du travail l'a jugé « inapte au poste à confirmer après étude de poste et seconde visite médicale. A revoir le 10 juin' ».
Le 10 juin 2014, le médecin du travail confirme l'inaptitude définitive de M. [T] au poste de conducteur routier.
La SAS MALHERBE RHONE ALPES justifie avoir sollicité, par mail le 16 juin 2014, le médecin du travail, celui-ci ayant répondu « je prends note de votre recherche de reclassement pour M. [T] à la suite de son avis d'inaptitude au poste de chauffeur du 10 juin 2014. Compte tenu de l'état de santé du salarié, celui-ci présente une contre-indication à la conduite ainsi qu'à la manutention. Je ne vois aucune poste au sein de votre site susceptible d'être adapté' ».
Le 1er juillet 2014, elle adresse au salarié son profil professionnel l'invitant à la rencontrer le 10 juillet 2014 pour faire un bilan complet de ses compétences et de ses capacités (avec un bulletin de réponse à renvoyer), lui demandant de se munir de son curriculum vitae et let de lui communiquer des informations complémentaires afin d'accompagner les recherches de reclassement. Sur la fiche profil jointe à ce courrier, sont précisés, le poste occupé, son âge, son ancienneté, le temps de travail, l'expérience professionnelle et sa formation.
Le 3 juillet 2014, M. [T] renvoyait le bulletin réponse joint indiquant qu'il ne désirait pas se rendre au rendez-vous prévu le 10 juillet 2014 et qu'il n'avait pas d'éléments complémentaires à ajouter à la fiche profil.
La SAS MALHERBE RHONE ALPES justifie avoir adressé par mail, du 29 juillet 2014, à 27 sociétés du groupe en France, un courrier, en demandant de lui faire savoir si elles disposaient d'emplois disponibles qui pourraient être proposés en reclassement à M. [T].
Elle justifie également qu'était jointe à ces demandes la fiche PROFIL susvisée permettant de s'assurer de l'individualisation suffisante de la recherche de reclassement de M. [T].
Il n'est par ailleurs pas contesté qu'à la suite de cette recherche, la SAS MALHERBE RHONE ALPES a pu proposer à M. [T] le poste d'Agent d'exploitation Palettes à Rots (Calvados) le 11 août 2014 que le salarié a refusé par courrier du 22 août 2014, le site étant trop éloigné de sa famille et des soins actuellement en cours.
M. [T] ne démontre par ailleurs pas que d'autres postes étaient disponibles et compatibles avec son état de santé, au vu du registre du personnel de la SAS MALHERBE RHONE ALPES.
Il doit être, au surplus, constaté que le transfert de la société GRISET avait déjà eu lieu au sein de la SAS MALHERBE RHONE ALPES alors que les recherches de reclassement ont été effectuées auprès du groupe dans son entier.
Le groupe DUVAL n'avait pas à être intégré aux recherches de reclassement, le transfert ayant eu lieu le 1er novembre 2014, soit postérieurement à la date du licenciement, comme l'ont justement motivé les juges de première instance.
Il n'est enfin, pas contesté que la seule société CODIMAS qui a été acquise par le groupe le 22 mai 2014, n'a pas été interrogée mais le médecin du travail a précisé dans un mail du 7 août 2014 que « l'état de santé du salarié ne me permet pas de formuler des propositions de reclassement sur le site ou au sein de votre groupe car tout travail me paraît incompatible avec sa situation médicale actuelle ».
Il convient, par conséquent, de confirmer le jugement déféré qui a jugé que la SAS MALHERBE RHONE ALPES avait respecté loyalement son obligation de reclassement et que le licenciement de M. [T] était fondé sur une cause réelle et sérieuse.
Sur les demandes accessoires :
Il convient de confirmer la décision de première instance s'agissant des frais irrépétibles et des dépens.
M. [T] partie perdante sera condamné aux dépens.
L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,
DECLARE M. [T] recevable en son appel,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré,
Y ajoutant,
DIT n'y avoir à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
CONDAMNE M. [T] aux dépens d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Valéry CHARBONNIER, conseillère faisant fonction de Présidente et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente