N° RG 19/01715 - N° Portalis DBVM-V-B7D-J7GT
N° Minute :
C3
Copie exécutoire délivrée
le :
à
la SELARL AUDEOUD
la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
2ÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 17 MAI 2022
Appel d'un Jugement (N° R.G. 15/02270) rendu par le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE en date du 22 janvier 2019, suivant déclaration d'appel du 17 Avril 2019
APPELANTE :
SARL FERDINAND BAYROU ET FILS prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représentée par Me Nathalie AUDEOUD de la SELARL AUDEOUD, avocat au barreau de HAUTES-ALPES
INTIMÉES :
SAS MGM prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 2]
Société MGM venant aux droits de MGM ALPE D'HUEZ prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, plaidant par Me BALLALOUD, avocat au barreau D'ANNECY substitué pr Me DUCHATEAU
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Emmanuèle Cardona, présidente
Laurent Grava, conseiller,
Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère
DÉBATS :
A l'audience publique du 08 mars 2022, Anne-Laure Pliskine, conseillère, qui a fait son rapport, assistée de Caroline Bertolo, greffière, a entendu seule les avocats en leurs conclusions et Me Duchateau en sa plaidoirie, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.
Il en a rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu à l'audience de ce jour.
EXPOSÉ DU LITIGE
La SCI MGM Alpe d'Huez a réalisé une opération immobilière sur la commune de [Localité 4] dénommée "Le cristal de l'Alpe". Dans le cadre de la réalisation de cet ensemble immobilier, la SCI MGM Alpe d'Huez a confié à la société Ferdinand Bayrou et fils, des travaux de charpente, bardage et couverture.
Du fait d'un litige entre les deux sociétés au sujet du paiement de travaux supplémentaires, la société Ferdinand Bayrou et fils & Fils a saisi le tribunal de commerce de Grenoble, aux fins de:
-constater l'existence d'un accord entre les parties en date du 31 janvier 2012 s'agissant de la gestion du coût des travaux supplémentaires exécutés par la société SARL Ferdinand Bayrou et fils sur le chantier Le cristal de l'Alpe
-constater que faute par la société M.G.M. d'avoir satisfait à ses obligations contractuelles, l'accord du 31 janvier 2012 doit faire l'objet d'une résolution,
-condamner la société M.G.M. au paiement des sommes suivantes :
o 179 734.43 euros toutes taxes comprises au titre du coût des travaux supplémentaires effectués, outre intérêts au taux légal à compter du 3 octobre 2012,
o 10 000 euros à titre de dommages et intérêts compensant la résistance abusive de la société M.G.M.,
o 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
-ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
-dire que dans l'hypothèse où à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans le jugement à intervenir, l'exécution forcée devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier, le montant des sommes retenues par l'huissier par application de l'article 10 du décret du 08 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 numéro 96-1080 (tarif des huissiers) devra être supporté par la société M.G.M. en sus de l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Ferdinand Bayrou et fils a, suivant acte en date du 28 mai 2013, assigné la SCI MGM Alpe d'Huez aux fins notamment d'ordonner la jonction du présent appel en cause avec la procédure principale initiée par la société Ferdinand Bayrou et fils à l'encontre de la société M.G.M.,
Suivant jugement en date du 24 avril 2015, le tribunal de commerce de Grenoble a joint les deux procédures et s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Grenoble.
Suivant jugement en date du 22 janvier 2019, le tribunal de grande instance de Grenoble a débouté la société Ferdinand Bayrou et fils de l'ensemble de ses demandes, dit que chaque partie conservera la charge de ses propres frais irrépétibles et condamné la SARL Ferdinand Bayrou et fils aux dépens dont distraction au profit des avocats en la cause.
Par déclaration en date du 17 avril 2019, la société Ferdinand Bayrou et fils a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes, dit que chaque partie conservera la charge de ses propres frais irrépétibles et condamné la SARL Ferdinand Bayrou et fils aux dépens dont distraction au profit des avocats en la cause.
Dans ses conclusions notifiées le 14 décembre 2020, la société Bayrou et fils demande à la cour de :
-réformer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Grenoble le 22 janvier 2019 en toutes ces dispositions,
Statuant de nouveau,
Vu les dispositions des articles 2044 et suivants du code civil,
-constater l'existence d'un accord entre les parties en date du 31 janvier 2012,
Vu les dispositions des articles 1217 du code civil,
-constater que faute par la société M.G.M et la société M.G.M Alpe d'Huez d'avoir satisfait à leurs obligations contractuelles, l'accord du 31 janvier 2012 doit faire l'objet d'une résolution.
En conséquence,
-condamner in solidum la société M.G.M. et la SCI M.G.M. Alpe d'Huez au paiement des sommes suivantes :
* 179.734,43 euros toutes taxes comprises au titre du coût des travaux supplémentaires effectués, outre intérêts au taux légal à compter du 3 octobre 2012.
* 30.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre au titre des démarches effectuées et dépenses engagées par la société Ferdinand Bayrou et fils en vue de la réalisation du marché Lodge Hemera
* 10.000 euros à titre de dommages et intérêts compensant la résistance abusive de la société MGM et de la société MGM Alpe d'Huez.
* 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Subsidiairement,
Vu les dispositions des articles 1103, 1104 et 1193 du code civil,
-condamner in solidum la société M.G.M. et la SCI M.G.M. Alpe d'Huez au paiement des sommes suivantes :
*179.734,43 euros toutes taxes comprises au titre du coût des travaux supplémentaires effectués, outre intérêts au taux légal à compter du 3 octobre 2012.
* 10.000 euros à titre de dommages et intérêts compensant la résistance abusive de la société MGM et de la société MGM Alpe d'Huez.
*5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Encore plus subsidiairement
Vu les dispositions des articles 1240 et suivants du code civil,
-condamner la société M.G.M. au paiement des sommes suivantes :
* 179.734,43 euros toutes taxes comprises au titre du coût des travaux supplémentaires effectués, outre intérêts au taux légal à compter du 3 octobre 2012.
* 10.000 euros à titre de dommages et intérêts compensant la résistance abusive de la société MGM et de la société MGM Alpe d'Huez.
* 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Au soutien de ses demandes, la société Bayrou et fils allègue que des pourparlers transactionnels étaient intervenus s'agissant de la demande en paiement de travaux supplémentaires et quand bien même le tableau n'avait pas été signé par M.[I], dirigeant commun des deux sociétés, ce dernier en était l'auteur, ainsi qu'en atteste le mail du 19 janvier 2012. Elle ajoute que de surcroît, la transaction a été exécutée en grande partie.
Elle énonce qu'en contrepartie de l'abandon de la somme de 150 279,63 euros, elle s'est vue attribuer le marché de travaux « Lodge Hemera », avant que le chantier ne soit finalement confié à une autre entreprise, alors que la société Bayrou et fils avait engagé des frais dans le cadre de ce nouveau marché.
A titre subsidiaire, elle sollicite le paiement de la somme de 150 279,63 euros au titre des travaux supplémentaires. A cet égard, elle allègue que les demandes de travaux supplémentaires ont été actés dans les compte-rendus et que ces travaux ont bouleversé l''économie du contrat.
Elle fait état de la responsabilité du maître d'oeuvre, puisque la société MGM savait qu'en s'abstenant de faire signer au maître d'ouvrage un avenant au contrat initial, elle exposait la société Bayrou et fils à un risque d'impayés.
Dans ses conclusions notifiées le 22 juin 2021, la société MGM venant aux droits de la société MGM Alpes d'Huez, suite à la dissolution de celle-ci, demande à la cour de :
-confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
-dire et juger que la société Ferdinand Bayrou et fils ne peut opposer à la société MGM venant aux droits de la société MGM Alpe d'Huez et/ou à la société MGM, l'existence d'un accord transactionnel.
En tout état de cause,
-dire et juger que les sociétés MGM et MGM Alpe d'Huez n'ont pas manqué à de quelconques obligations qui auraient été contenues dans un accord en date du 31 janvier 2012 dont l'existence n'est pas avérée.
-débouter la société Ferdinand Bayrou et fils de sa demande en résolution d'un accord.
-débouter la société Ferdinand Bayrou et fils de sa demande en paiement de travaux supplémentaires et en dommages et intérêts, tant irrecevable que mal fondée.
-dire et juger que la société MGM n'étant pas le co-contractant de la société Ferdinand Bayrou et fils, elle ne saurait être redevable de travaux supplémentaires.
-dire et juger que la société MGM n'a pas commis de faute quasi délictuelle.
-débouter la société Ferdinand Bayrou et fils de l'ensemble de ses demandes.
-condamner la société Ferdinand Bayrou et fils à verser à la société une somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
-condamner la même aux entiers dépens.
La société MGM réfute l'existence d'un accord conclu le 31 janvier 2022 et réfute également toute transaction, en l'absence de concessions réciproques. Elle souligne que la SCCV MGM Alpe d'Huez était une société civile, qu'il fallait donc une preuve par écrit.
Elle conteste de la même manière toute faute des sociétés MGM et MGM Alpe d'Huez et déclare que, en refusant de communiquer les prix unitaires et les quantités, la société Ferdinand Bayrou et fils n'a pas permis à la société MGM de vérifier si celle-ci respectait l'accord qu'elle revendique.
Elle énonce que contrairement aux allégations de la société Bayrou et fils, les travaux supplémentaires ne sont pas mentionnés dans les compte-rendus de chantier, qu'en outre, celle-ci ne rapporte pas la preuve d'un bouleversement de l'économie du contrat.
La clôture a été prononcée le 19 janvier 2022.
MOTIFS
Sur l'existence d'un accord le 31 janvier 2012
Selon l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
En l'espèce, contrairement aux allégations de la société Bayrou, les pièces n°4 et 5 ne démontrent pas l'existence d'un accord, pas plus que l'encaissement d'un chèque de 147 694, 74 euros.
En particulier, il n'est pas démontré que le document en pièce 4 ait été établi par la société MGM L'Alpe d'Huez et en tout état de cause, il n'est pas signé.
C'est donc à juste titre que le premier juge a débouté la SARL Bayrou de sa demande sur ce point.
Sur les travaux supplémentaires
Aux termes de l'article 1793 du code civil, lorsqu'un architecte ou un entrepreneur s'est chargé de la construction à forfait d'un bâtiment, d'après un plan arrêté et convenu avec le propriétaire du sol, il ne peut demander aucune augmentation de prix, ni sous le prétexte de l'augmentation de la main-d'oeuvre ou des matériaux, ni sous celui de changements ou d'augmentations faits sur ce plan, si ces changements ou augmentations n'ont pas été autorisés par écrit, et le prix convenu avec le propriétaire.
En l'espèce, les différents actes d'engagement qui ont été signés pour les travaux de charpente-couverture, bardage, garde-corps, chalet abri poubelles, platelage et jardinières précisent que le prix est global, ferme, définitif, forfaitaire et non révisable « Ne variatur ».
La SARL Bayrou énonce que ses devis font suite à des travaux supplémentaires non prévus dans le cadre des marchés de travaux initiaux, toutefois, à l'exception de la modification des plans de façade et la demande de mise en place de garde-corps en plus pour l'escalier d'accès extérieur du bâtiment C/E, la preuve de ces travaux supplémentaires n'est pas démontrée. Ainsi, les sablières ou le platelage sont bien prévus dans les actes d'engagement, plusieurs travaux concernent des points à reprendre ou à terminer. En outre et surtout, il n'existe pas de correspondance entre les éléments figurant sur les divers comptes-rendus de chantier et les devis présentés par la SARL Bayrou.
La pièce n°8 porte le cachet de la SCI MGM sur les deux premières pages, mais les annotations qui figurent en rouge sur les pages suivantes ne sont pas probantes, faute d'en connaître l'origine.
Enfin, la société Bayrou fait état d'un bouleversement de l'économie du contrat, toutefois le montant des travaux supplémentaires allégués s'élève à 150 279,63 euros, sur un montant total de 1 545 680, 87 euros HT, soit moins de 10%, ce qui ne caractérise pas un bouleversement de l'économie du contrat.
Sa demande en paiement sera rejetée, le jugement est confirmé.
Sur la responsabilité du maître d''uvre
La preuve d'une faute de la maîtrise d''uvre n'est pas démontrée, le jugement sera confirmé.
Sur les autres demandes
La preuve d'une résistance abusive n'est pas démontrée, la demande de dommages et intérêts est rejetée.
L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Bayrou qui succombe à l'instance sera condamnée aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Confirme le jugement déféré ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SARL Ferdinand Bayrou et fils aux dépens d'appel.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Mme Emmanuèle Cardona, Présidente de la deuxième chambre civile et par la Greffière,Caroline Bertolo, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIERELA PRESIDENTE