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10/05/2022 | FRANCE | N°19/04164

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section a, 10 mai 2022, 19/04164


C4



N° RG 19/04164



N° Portalis DBVM-V-B7D-KGIM



N° Minute :























































































Copie exécutoire délivrée le :





la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC



M. [F] [N]





AU

NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 10 MAI 2022







Appel d'une décision (N° RG F 18/00181)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTELIMAR

en date du 10 septembre 2019

suivant déclaration d'appel du 14 Octobre 2019



APPELANTE :



SARL B.I.R.S, prise en la personne de son représentant légal en exercice,

dom...

C4

N° RG 19/04164

N° Portalis DBVM-V-B7D-KGIM

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC

M. [F] [N]

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 10 MAI 2022

Appel d'une décision (N° RG F 18/00181)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTELIMAR

en date du 10 septembre 2019

suivant déclaration d'appel du 14 Octobre 2019

APPELANTE :

SARL B.I.R.S, prise en la personne de son représentant légal en exercice,

domicilié en cette qualité audit siège,

Le Grés des Garrigues Nord

26790 SUZE LA ROUSSE

représentée par Me Dejan MIHAJLOVIC de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat postulant inscrit au barreau de GRENOBLE,

et par Me Eric FORTUNET, avocat plaidant inscrit au barreau d'AVIGNON,

INTIME :

Monsieur [X] [V]

Les Molières Route de Richerenches

84600 VALREAS

représenté par M. [F] [N], Défenseur syndical,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,

Madame Gaëlle BARDOSSE, Conseillère,

Madame Magali DURAND-MULIN, Conseillère,

DÉBATS :

A l'audience publique du 28 Février 2022,

Mme Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente chargée du rapport, et Mme Gaëlle BARDOSSE, Conseillère, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistées de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 10 Mai 2022, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 10 Mai 2022.

Exposé du litige :

Le 4 mars 2013, M. [V] a été embauché par la SARL BIRS en qualité d'ouvrier d'exécution suivant contrat à durée déterminée jusqu'au 30 juin 2013, renouvelé jusqu'au 31 décembre 2013.

Le 1er janvier 2014, M. [V] a été embauché suivant contrat à durée indéterminée.

Le 6 octobre 2015, il a fait l'objet d'un arrêt maladie jusqu'au 6 juin 2017.

Le 31 mai 2017, le médecin du travail a préconisé des restrictions de tâches avec aménagement de poste à l'occasion d'une visite de pré-reprise.

Le 15 mai 2018, le salarié a été déclaré inapte par le médecin du travail.

Le salarié a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement et licencié pour inaptitude le 14 juin 2018.

Le 30 novembre 2018, M. [V] a saisi le conseil des prud'hommes de Montélimar aux fins de condamner l'employeur à un rappel de salaires et d'heures supplémentaires, ainsi qu'à des dommages et intérêts.

Par jugement en date du 10 septembre 2019, le conseil des prud'hommes de Montélimar a :

Dit et jugé que les demandes du salarié sont recevables ;

Condamné l'employeur à lui verser les sommes suivantes :

656,36 € à titre de salaire de juin 2017 à juin 2018 ;

9.104,25 € à titre d'heures supplémentaires ;

2.500 € au titre de dommages et intérêts pour préjudice subi ;

1.200 € au titre des frais irrépétibles ;

Lui a ordonné de lui remettre des bulletins de salaire 2018 rectifiés, d'un certificat de travail ainsi qu'une attestation Pôle Emploi dont un exemplaire à adresser sans délai aux organismes concernés le tout conforme au présent jugement, sous astreinte de 100 € par jour de retard et par document à compter d'un mois après la notification du présent jugement ;

Dit que l'exécution provisoire est de droit pour les sommes au titre de salaires de juin 2017 à juin 2018 et les heures supplémentaires ;

Dit n'y avoir lieu à prononcer celle en application de l'article 515 du code de procédure civile ;

Ordonné les intérêts légaux sur cette condamnation à compter de la mise à disposition de la présente décision ;

Dit et jugé que l'ensemble des condamnations, en ce compris les frais irrépétibles et les dépens, constituent des créances nées de l'exécution d'un contrat de travail et bénéficie de l'exonération ;

Dit et jugé à défaut, que le montant des sommes retenues sera supporté directement et intégralement par le débiteur aux, lieu et place du créancier en sus des frais irrépétibles ;

Débouté l'employeur de toutes ses demandes reconventionnelles y compris des frais irrépétibles ;

Mis la totalité des dépens à la charge de l'employeur, y compris les frais d'huissier en cas d'exécution forcée de la présente décision.

La décision a été notifiée aux parties par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception le 13 septembre 2019.

La SARL BIRS a interjeté appel de la décision par déclaration en date du 14 octobre 2019.

Par conclusions récapitulatives N°2 et en réponse à appel incident en date du 11 janvier 2022, la SARL BIRS demande à la cour d'appel de :

Accueillir l'appel comme régulier en la forme et juste au fond ;

Y faisant droit,

Statuant ce que de droit sur la recevabilité de l'appel incident, mais en tout état de cause le rejetant ;

Réformer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Montélimar le 10 septembre 2019 en ce qu'il a :

- Dit et jugé que les demandes de Monsieur [V] sont recevables.

- Condamné l'EURL BIRS à payer à Monsieur [V] les sommes de :

- 656,36 € à titre de salaire de juin 2017 à juin 2018.

- 9 104,25 € à titre d'heures supplémentaires.

- 2 500,00 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi.

- 1 200,00 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

- Ordonné à l'EURLde remettre à Monsieur [V] des bulletins de salaire 2018 rectifiés, un certificat de travail ainsi qu'une attestation Pôle Emploi dont un exemplaire à adresser sans délai aux organismes concernés le tout conforme au présent jugement, sous astreinte de 100,00 € par jour de retard et par document à compter d'un mois après la notification du présent jugement.

- Ordonné les intérêts légaux sur la condamnation à compter de la mise à disposition du jugement.

- Dit et Jugé que l'ensemble des condamnations en ce compris l'article 700 constituent des créances nées de l'exécution d'un contrat de travail et bénéficie d'une exonération.

- Dit et Jugé qu'à défaut que le montant des sommes retenues, par l'huissier de justice dans le cadre d'une exécution forcée des condamnations, sera supporté directement et intégralement par le débiteur.

- Débouté l'EURL BIRS de ses demandes en paiement d'une somme de 2 500,00 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et d'une somme de 4 000,00 € au titre des frais irrépétibles de l'article 700 ainsi que de sa demande de condamnation de Monsieur [V] en tous les dépens.

- Et statuant à nouveau,

Constatant que le salarié réclame paiement pour le 6 juin 2017 alors qu'il ne reprenait le travail que le 7 juin, alors il n'hésitait pas en cas de difficulté à alerter son employeur par écrit et que pour les réclamations en matière de salaire et d'heures supplémentaires, il a attendu de nombreux mois et n'a fourni, pour les heures supplémentaires, qu'un relevé établi par ses soins sans aucun élément objectif complémentaire accréditant sa thèse,

Constatant que si Monsieur [V] fournissait les fiches de pointage en 2013 et en 2014, il ne procédait pas de la même manière la dernière année sans pour autant manifester son mécontentement au regard des salaires payés,

Relevant que l'âge du salarié n'est pas en soi une cause justificative de l'octroi de dommages et intérêts en présence d'un licenciement pour inaptitude médicalement constatée qui n'est ni critiquable, ni critiquée,

Débouter le salarié de l'intégralité de ses demandes fins et conclusions ;

Débouter le salarié de son appel incident ' à la supposer déclaré recevable - portant non seulement sur une augmentation des condamnations accessoires mais encore ' et insidieusement - sur la délivrance sous astreinte d'une part de bulletins de salaires rectifiés - alors qu'il n'y a lieu à aucune rectification - d'autre part de pièces que l'employeur n'a aucune obligations de délivrer (fiches de pointage horaire, relevés autoroute) observation complémentairement faite que l'arrêt à intervenir mets un terme au débat judiciaire de fond ce qui rend inutile aux débats les demandes formées ;

Par suite de la réformation, le condamner à restituer sous astreinte de 50 € par jour de retard pendant trois mois après quoi il serait à nouveau statué, l'attestation pôle emploi, le projet de reçu pour solde de tout compte et surtout le bulletin de salaire d'octobre 2019, et les règlements correspondants qui ont été effectués ;

Reconventionnellement,

Retenant que le salarié ne saurait ignorer le caractère injustifié de ses réclamations ;

Le condamner au paiement de la somme de 2.000 € à titre de justes et légitimes dommages et intérêts pour procédure abusive et, au paiement de la somme de 4.000 € au titre des irrépétibles engagés par l'employeur, en première instance et en cause appel, pour faire assurer la défense de ses intérêts ;

Le condamner en tous les dépens.

Par conclusions en réponse en date du 22 juin 2020, M. [V] demande à la cour d'appel de :

Dire et juger qu'il est bien-fondé dans ses demandes ;

En conséquence,

Condamner l'employeur à lui payer les sommes suivantes :

656,36 € au titre des salaires de juin 2017 à juin 2018 ;

9.104,25 € au titre des heures supplémentaires (515 h) ;

10.000 € au titre des dommages et intérêts ;

3.000 € au titre des frais irrépétibles ;

Le condamner à lui remettre :

Attestation pôle emploi conforme ;

Certificat de travail conforme ;

Reçu pour solde tout compte rectifié ;

Bulletins de paie 2018 rectifiés ;

Copie feuilles de pointages horaires ;

Copie relevés carte autoroute ;

Le tout sous astreinte de 100 € par jour de retard et par document, à compter de la date du jugement à intervenir ;

Le condamner aux entiers dépens ;

Ordonner l'exécution provisoire pour l'intégralité de toutes les condamnations susdites ;

Dire et juger que l'ensemble des condamnations, en ce compris les frais irrépétibles et les dépends, constituent des créances nées de l'exécution d'un contrat de travail et bénéficie de l'exonération ;

Dire et juger à défaut, que le montant des sommes retenues sera supporté directement et intégralement par le débiteur aux, lieu et place du créancier en sus des frais irrépétibles ;

Assortir l'ensemble des condamnations des intérêts au taux légal à compter de la date du jugement à intervenir.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 janvier 2022 et l'affaire a été fixée à plaider le 28 février 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.

 

SUR QUOI :

Sur les rappels de salaires :

Moyens des parties :

M. [V] sollicite un rappel de ses salaires en ce que conformément à son statut (compagnon professionnel en charge d'une équipe) et à la demande de son employeur, il a dû effectuer de nombreux déplacements sur les chantiers, accompagner les équipes, effectuer les travaux, assister aux réunions de chantiers, lui générant de nombreuses heures de travail, dont une grande partie ne lui ont pas été réglées comme en attestent les nombreux documents de chantiers. La direction lui imposait de commencer sa journée de travail à 7 heures afin de préparer et charger le véhicule, ne le rémunérant qu'à compter de 8 heures. Il a sollicité à de nombreuses reprises la régularisation de sa situation, à l'appui de tableaux récapitulatifs, mais l'employeur n'a pas donné suite à sa demande.

La SARL BIRS fait valoir que la demande de rappel de salaires du salarié n'est pas fondée.

M. [V] n'apporte aux débats pour seul élément de preuve qu'un tableau qu'il a opportunément établi à une date qui n'est pas précisée et manifestement postérieure aux périodes considérées alors qu'elle fournit les relevés réels des heures travaillées correspondant aux bulletins de salaire qui n'ont jamais été contestés par le salarié ainsi que copie des pointages en 2013 et 2014. Elle explique que le salarié n'attendait jamais pour se manifester auprès de l'employeur lorsqu'il considérait devoir réagir et élever des contestations. Après son arrêt maladie, elle a adressé au salarié des propositions d'aménagements du poste de travail validées par le médecin du travail et adaptés à son état de santé. Dès cet aménagement, les parties se sont accordées sur le fait que le salarié serait rémunéré sur la base de 8 heures de travail par jour et qu'il s'engageait à ne pas dépasser cette durée de travail, raison pour laquelle le salarié n'a plus remis de pointage après sa reprise. En réalité, le salarié a souhaité quitter l'entreprise, puisqu'il lui avait adressé une proposition de rupture conventionnelle et ne conteste pas son licenciement. En outre il existe des incohérences dans ses demandes. Le salarié affirme ainsi qu'il aurait effectué 8 heures de travail le 06/06/2017, alors qu'il n'a repris le travail ' après accord du médecin du travail ' que le 07/06/2017. Il affirme aussi qu'il aurait effectué des tâches non conformes aux adaptations prévues en accord avec le médecin du travail, alors qu'il s'est présenté devant lui pour contrôle de son état de santé et de sa situation professionnelle 6 mois après sa reprise sans faire aucune remarque, ni réclamation.

Sur ce,

Il ressort des dispositions de l'article 1353 du code civil que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. Il incombe à l'employeur de démontrer, notamment par la production de pièces comptables que le salaire dû afférent au travail effectivement effectué a été payé.

En l'espèce, il ressort du contrat de travail à durée déterminée de M. [V] en date 4 mars 2013, qu'il est embauché en qualité d'ouvrier d'exécution pour un horaire hebdomadaire de 35 heures, soit 151,67 heures mensualisées et que son contrat de travail est ensuite poursuivi le 23 décembre 2013 à durée indéterminée à compter du 1er janvier 2014, aux mêmes conditions de rémunération et d'emploi que le contrat de travail initial.

M. [V] est devenu compagnon professionnel niveau 3 Position 1 le 14 juin 2018 et l'employeur ne conteste pas qu'il était en charge d'une équipe et devait se rendre sur les chantiers.

S'agissant de l'heure d'embauche en début de journée, M. [V] verse les attestations de Messieurs [B], [U] et [G], collègues de travail, qui témoignent que la SARL BIRS obligeait M. [V] à embaucher tous les matins à 7 heures et ne payait qu'à partir de 8 heures comme pour tous les salariés.

M. [V] justifie avoir réclamé le paiement le 20 mars 2018 de rappels de salaires depuis sa reprise du travail au mois de juin 2017 auprès de son employeur avec copie à l'inspection du travail. Il verse également le courrier du syndicat FO du 22 octobre 2018 à l'employeur qui évoque sa situation et le fait qu'il se plaigne, que depuis le 4 mars 2013, il démarre sa journée à 7 heures et n'est rémunéré qu'à partir de 8 heures. Le salarié verse enfin un tableau récapitulatif et ses bulletins de salaire.

Les fiches de suivi des heures versées par la SARL BIRS ne sont pas signées par le salarié mais uniquement par l'employeur. Il y a lieu également de noter que les deux attestations versées par l'employeur de salariés toujours sous sa subordination (M. [C] et M. [M]) qui indiquent que lorsqu'ils se rendaient aux ateliers vers 7 heures 30, seul M . [W] était présent et n'avoir jamais eu de problèmes de rémunération et qu'il faisait tout pour arranger les salariés, sont identiques dans leur rédaction et ainsi sujettes à caution. Le fait que ces deux salariés n'aient par ailleurs pas vu M. [V] le matin vers 7 heures 30 dans les ateliers, ne démontrant pas qu'il n'était pas présent à 7 heures et déjà parti sur les chantiers avant leur arrivée.

Ainsi, faute pour l'employeur de fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié contredisant ceux versés par ce dernier et faute de justifier d'avoir réglé à M. [V] les heures qu'il justifie avoir effectuées, il convient de confirmer la décision déférée et de condamner l'EURL BIRS à verser à M. [V] la somme de 656, 36 € à titre de rappel de salaires pour la période de juin 2017 à juin 2018.

Sur les rappels d'heures supplémentaires :

Moyens des parties :

M. [V] soutient qu'il a effectué des heures supplémentaires non rémunérées.

La SARL BIRS fait valoir que la demande du salarié relative aux heures supplémentaires non réglées qu'il aurait effectué doit être rejetée, que les relevés fournis par le salarié sont contradictoires, qu'il n'a jamais fait de réclamations en ce sens, qu'à son retour dans l'entreprise, le salarié a conduit les deux premiers mois un fourgon dont le télépéage pouvait être utilisé par d'autres salariés. La production de ces relevés de carte d'autoroute n'apporte donc rien et que dès le mois de septembre, un télépéage lui a été affecté exclusivement, permettant de connaître ses trajets mais pas les horaires de travail. Enfin, Il résulte de l'examen des relevés kilométriques fournis par le salarié qu'ils ne correspondent pas à la réalité de son activité et de son temps de travail.

Sur ce,

S'agissant des heures supplémentaires, conformément à l'article L. 3121-1 du code du travail, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; la durée légale du travail, constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré dans les conditions de l'article L 3121-22 du code du travail, les heures supplémentaires devant se décompter par semaine civile.

Par application de l'article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, le juge formant sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande.

Ainsi, si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient aussi à ce dernier de présenter préalablement des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies de nature à permettre également à l'employeur d'y répondre utilement.

Une fois constatée l'existence d'heures supplémentaires, le juge est souverain pour évaluer l'importance des heures effectuées et fixer le montant du rappel de salaire qui en résulte sans qu'il soit nécessaire de préciser le détail du calcul appliqué.

Par ailleurs, l'absence d'autorisation donnée par l'employeur au salarié pour effectuer des heures supplémentaires est indifférente dès lors que les heures supplémentaires ont été rendues nécessaires par les tâches confiées au salarié.

M. [V] verse aux débats au soutien de sa demande de rappel d'heures supplémentaires les éléments suivants :

Des compte-rendus et autres documents relatifs aux chantiers sur lesquels il indique avoir travaillé,

Un certificat de travail justifiant de sa qualité de compagnon professionnel Niveau 3 position 1,

Ses bulletins de salaire de juin à 2017 à juin 2018,

Les attestations de collègues de travail, Messieurs [B], [U] et [G] qui témoignent que la SARL BIRS ne paie pas toutes les heures de route pour se rendre sur les chantiers ni les heures de 7 à 8 heures,

Son courrier de réclamation auprès de son employeur du 20 mars 2018 au terme duquel il évoque des erreurs quant au calcul de sa rémunération et le fait qu'il effectué plus d'heures que la législation du travail autorise et de surcroit non rémunérées (200 à 256 heures par mois pour 171 heures comptabilisées ) outre les déplacements sur les différents chantiers,

Le courrier du syndicat FO du 16 avril 2018 à l'employeur rappelant à celui-ci que les temps de chargement et de déchargement des véhicules doivent être comptés comme du temps de travail et que M. [V] qui effectue environ 230 heures par mois n'est payé qu'à hauteur de 170 heures sur ses bulletins de salaire, et que les heures supplémentaires doivent être réglées avec leurs majoration le cas échéant,

Des feuilles de pointage manuscrites remplies par M. [V] par jour précisant les heures d'embauche et de débauche et la pause méridienne,

Un tableau excel récapitulatif des heures supplémentaires effectuées.

Les documents et pièces ainsi produits par M. [V] constituent une présentation d'éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies de nature à permettre à l'employeur d'y répondre utilement.

La SARL BIRS qui fait valoir que l'absence de réclamation de M. [V] pendant plusieurs mois oblige à écarter ses demandes, est inopérant, le seul fait pour un salarié de ne pas réclamer le paiement de ses salaires et de continuer à travailler alors qu'il n'est pas payé, ne suffit pas à caractériser une volonté non équivoque de sa part de renoncer à sa créance salariale.

Les relevés de consommations de télépéage versés aux débats par l'employeur ne permettent pas à la cour de se convaincre qu'ils concernaient bien un véhicule dont M. [V] était le conducteur exclusif et qu'il ne conduisait pas d'autres véhicules pour se rendre sur les chantiers. Cet élément de preuve est dès lors insuffisant à justifier desheures de travail effectivement réalisées par M. [V] comme il incombe à l'employeur au vu des dispositions légales susvisées. De même pour le ticket de caisse d'un repas Restauration rapide pour le 7 juin 2017 à 12 heures 49 versé aux débats qui pouvait concerner n'importe qui.

De plus, l'employeur indique dans un courrier du 26 mars 2018 adressé au salarié et versé aux débats qu'il a effectivement repris le travail depuis le 6 juin 2017 et non le 7 comme conclu comme une incohérence dans la présentation des éléments du salarié aux fins de paiement de paiement d'heures supplémentaires.

Il convient par conséquent de confirmer le jugement déféré s'agissant de la condamnation de la SARL BIRS à payer à M. [V] les heures supplémentaires.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail :

Moyens des parties :

M. [V] soutient qu'il est fondé à demander réparation du préjudice subi du fait de l'attitude déloyale de l'employeur à son égard. Il fait valoir qu'en raison de ses nombreuses heures supplémentaires, il a été victime d'un accident du travail et que l'employeur n'a pas respecté les préconisations du médecin du travail, le conduisant finalement à une inaptitude totale à son poste à un âge auquel il disposait de peu de chance de retrouver un emploi.

La SARL BIRS fait valoir que la demande de dommages et intérêts du salarié doit être rejetée en ce que la cause de son licenciement n'est pas critiquée, et que son âge ne peut justifier à lui seul son préjudice.

Sur ce,

Aux termes des dispositions de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. L'employeur doit en respecter les dispositions et fournir au salarié le travail prévu et les moyens nécessaires à son exécution en le payant le salaire convenu.

En l'espèce, il est constant que la SARL BIRS a été condamné à verser à M. [V] un rappel de salaires pour les heures effectuées le matin de 7 à 8 heures et à un rappel d'heures supplémentaires et qu'à ce titre la SARL BIRS a manqué à l'exécution loyale du contrat de travail. Toutefois, faute pour M. [V] de justifier d'un préjudice distinct de celui indemnisé par les rappels de salaires ordonnés, il doit être débouté de sa demande à ce titre.

M. [V] soutient que son inaptitude serait la conséquence du non-respect par son employeur des préconisations du médecin du travail ayant abouti à son inaptitude. Toutefois, il est constant que M. [V] n'a pas contesté son licenciement pour inaptitude et dans ce cadre, pas remis en cause le respect par l'employeur des préconisations du médecin du travail. Il n'a d'ailleurs pas versé lui-même aux présents débats les avis d'inaptitude du médecin du travail. Le seul fait que son inaptitude soit intervenue à un âge peu propice à la recherche d'un nouvel emploi ne constituant pas une faute de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail.

Il n'est en revanche pas contesté que la SARL BIRS n'a pas effectué les démarches auprès de la caisse du BTP s'agissant de ses congés payés, M. [V] devant rappeler l'employeur à ses obligations le 8 juillet 2018 par lettre recommandée avec avis de réception à la suite de la réponse de la caisse. La SARL BIRS ne conteste pas non plus que M. [V] a dû assumer indûment le paiement d'une contravention concernant un véhicule de la société suite à la présentation d'une copie de son permis de conduire. Par conséquent il convient de juger que l'EURL BIRS n'a pas exécuté loyalement le contrat de travail et de la condamner par voie de réformation du jugement déféré à payer à M. [V] la somme de 1 000 €.

Sur la procédure abusive :

Moyens des parties :

M. [V] demande de condamner la SARL BIRS qui malgré des preuves accablantes à son encontre s'est obstinée à contester sa déloyauté et a persisté à vouloir lui nuire en faisant appel du jugement déféré.

L'EURL BIRS fait valoir que le double degré de juridiction est un principe fondamental de procédure et que son appel n'est pas abusif d'autant que par application de l'exécution provisoire, elle a été contrainte de payer les condamnations de première instance. La SARL BIRS sollicitant pour sa part à titre reconventionnel également la condamnation de M. [V] à ce titre.

Sur ce,

Les faits de l'espèce ne révèlent pas d'abus ni d'intention de nuire ni de la part de la SARL BIRS ni de M. [V] dans l'exercice de leur droit d'appel. M. [V] et la SARL BIRS seront par conséquent déboutés de leurs demandes en dommages et intérêts à ce titre.

Sur la remise de documents :

Il convient d'ordonner à la SARL BIRS de remettre à M. [V] un bulletin de salaire et une attestation POLE EMPLOI conformes au présent arrêt dans le mois de la notification ou de l'éventuel acquiescement à la présente décision.

La demande d'astreinte sera rejetée car elle n'est pas utile à l'exécution dans la présente décision.

Sur les demandes accessoires :

Il convient de confirmer la décision de première instance s'agissant des frais irrépétibles et des dépens.

Chaque partie a été partiellement déboutée de ses demandes dans le cadre de l'instance d'appel. Dans ces circonstances, l'équité commande de les débouter de leurs demandes au titre de leurs frais irrépétibles et de dire qu'elles supporteront chacune la charge des frais et dépens qu'elles ont engagés en première instance et en appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

DECLARE la SARL BIRS et M. [V] recevables en leurs appels principal et incident,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a :

Dit et jugé que les demandes du salarié sont recevables ;

Condamné l'employeur à lui verser les sommes suivantes :

656,36 € à titre de salaire de juin 2017 à juin 2018 ;

9.104,25 € à titre d'heures supplémentaires ;

1.200 € au titre des frais irrépétibles ;

Dit n'y avoir lieu à prononcer celle en application de l'article 515 du code de procédure civile ;

Ordonné les intérêts légaux sur cette condamnation à compter de la mise à disposition de la présente décision ;

Dit et jugé que l'ensemble des condamnations, en ce compris les frais irrépétibles et les dépens, constituent des créances nées de l'exécution d'un contrat de travail et bénéficie de l'exonération ;

Dit et jugé à défaut, que le montant des sommes retenues sera supporté directement et intégralement par le débiteur aux, lieu et place du créancier en sus des frais irrépétibles ;

Débouté l'employeur de toutes ses demandes reconventionnelles y compris des frais irrépétibles ;

Mis la totalité des dépens à la charge de l'employeur, y compris les frais d'huissier en cas d'exécution forcée de la présente décision.

L'INFIRME pour le surplus,

STATUANT à nouveau sur les chefs d'infirmation,

Y ajoutant,

DIT que la SARL BIRS est condamnée à payer à M. [V] la somme de 1 000 € pour exécution déloyale du contrat de travail,

DEBOUTE M. [V] de sa demande de dommages et intérêts au titre de la procédure abusive,

ORDONNE à la SARL BIRS de remettre à M. [V] un bulletin de salaire et une attestation POLE EMPLOI conformes au présent arrêt dans le mois de la signification ou de l'éventuel acquiescement à la présente décision,

DEBOUTE M. [V] de sa demande d'astreinte à ce titre,

DEBOUTE M. [V] de ses autres demandes,

DEBOUTE la SARL BIRS de ses demandes,

DIT que chaque partie supportera la charge des frais et dépens qu'elle a engagé en cause d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La Greffière, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section a
Numéro d'arrêt : 19/04164
Date de la décision : 10/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-10;19.04164 ?
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