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10/05/2022 | FRANCE | N°19/01995

France | France, Cour d'appel de Grenoble, 2ème chambre, 10 mai 2022, 19/01995


N° RG 19/01995 - N° Portalis DBVM-V-B7D-J76F



N° Minute :





C1

























































Copie exécutoire délivrée

le :



à



la SCP CHAPUIS CHANTELOVE GUILLET-LHOMAT



la SELARL BSV



SELARL CDMF AVOCATS















AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE GRENOBLE



2ÈME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU MARDI 10 MAI 2022



Appel d'un Jugement (N° R.G. 17/03291) rendu par le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE en date du 08 avril 2019, suivant déclaration d'appel du 07 Mai 2019





APPELANTE :



Société d'assurances MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES représentée par ses représentants légaux en ...

N° RG 19/01995 - N° Portalis DBVM-V-B7D-J76F

N° Minute :

C1

Copie exécutoire délivrée

le :

à

la SCP CHAPUIS CHANTELOVE GUILLET-LHOMAT

la SELARL BSV

SELARL CDMF AVOCATS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

2ÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 10 MAI 2022

Appel d'un Jugement (N° R.G. 17/03291) rendu par le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE en date du 08 avril 2019, suivant déclaration d'appel du 07 Mai 2019

APPELANTE :

Société d'assurances MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES représentée par ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège social

14 Boulevard Marie et Alexandre Oyon

72030 LE MANS

Représentée par Me Céline GUILLET LHOMAT de la SCP CHAPUIS CHANTELOVE GUILLET-LHOMAT, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMÉES :

ABEILLE IARD & SANTÉ venant aux droits d'AVIVA ASSURANCES prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

13 Rue du Moulin Bailly

92271 BOIS COLOMBES

Représentée par Me Laure BELLIN de la SELARL BSV, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et Me Soledad RICOUARD , avocat au Barreau de PARIS

SCI TERRAY prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

13 rue Pierre Sémard

38000 GRENOBLE

Représentée par Me Laure BELLIN de la SELARL BSV, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et Me Soledad RICOUARD , avocat au Barreau de PARIS

SARL TCI prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

4 Rue de New-York

38000 GRENOBLE

Représentée par Me Jean-Luc MEDINA de la SELARL CDMF AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me DJERBI

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Emmanuèle Cardona, présidente

Laurent Grava, conseiller,

Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère

DÉBATS :

A l'audience publique du 28 février 2022, Laurent Grava, conseiller, qui a fait son rapport, en présence d'Anne-Laure Pliskine, conseillère, assistés de Caroline Bertolo, greffière, ont entendu seuls les avocats en leurs conclusions, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.

Il en a rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu à l'audience de ce jour.

EXPOSÉ DU LITIGE :

La SCI Terray est propriétaire d'un ensemble immobilier situé 5-16 rue Jean Prévost, 2-4-6 rue de New-York et 3-5 rue de Londres, à Grenoble (38000).

Cet ensemble immobilier est composé de :

- un immeuble à usage d'habitation, élevé sur caves, composé d'un rez-chaussée, et de deux étages avec combles au-dessus,

- de divers bâtiments à usage de hangar,

- d'entrepôts et de remises,

- de divers bâtiments à usage de garage,

- de divers bâtiments à usage d'entrepôts et bureaux.

La SCI Terray a souscrit un contrat multirisque habitation n°73426546, auprès de la SA AVIVA Assurances garantissant notamment le risque incendie.

Elle a conclu un bail commercial, par acte sous seing privé du 14 juin 2014, avec la SARL TCI, portant sur trois de ces locaux.

La SARL TCI exploite un garage automobile dans cet ancien bâtiment de type industriel et elle est elle-même assurée par la SA MMA IARD Assurances mutuelles.

Le 25 juillet 2014, vers 22 heures, un incendie est survenu dans le bâtiment.

Chaque partie a fait diligenter une expertise amiable contradictoire.

La SA AVIVA Assurances a indemnisé la SCI Terray, puis a présenté un recours amiable auprès de la SA MMA IARD Assurances mutuelles aux fins de remboursement, recours auquel il n'a pas été donné suite.

Par acte du 24 juillet 2017, la SA AVIVA et la SCI Terray ont fait assigner la SARL TCI et la SA MMA IARD Assurances mutuelles devant le tribunal de grande instance de Grenoble.

Par jugement contradictoire en date du 8 avril 2019, le tribunal de grande instance de Grenoble a :

- condamné la SARL TCI à payer les sommes suivantes :

* à la SA AVIVA Assurances la somme de 259 718 euros, au titre de son recours subrogatoire suite au sinistre survenu dans les locaux de la SCI Terray le 25 juillet 2014,

* à la SCI Terray la somme de 126 783 euros au titre du découvert resté à sa charge suite au sinistre du 25 juillet 2014, avec intérêts au taux légal à compter du 24 juillet 2014 ;

- condamné la SA MMA IARD Assurances mutuelles à relever et garantir la SARL TCI à hauteur des sommes suivante  :

* 247 564,28 euros concernant sa condamnation à l'égard de la SA AVIVA Assurances,

* 120 850 euros concernant sa condamnation à l'égard de la SCI Terray,

sous réserve de l'application du plafond contractuel de garantie (1 800 euros par m²) et de la franchise de 800 euros ;

- condamné in solidum la SA MMA IARD Assurances mutuelles et la SARL TCI à payer à la SA AVIVA Assurances la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles ;

- condamné in solidum la SA MMA IARD Assurances mutuelles et la SARL TCI aux dépens, avec distraction au profit de Me Laure Bellin ;

- ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration en date du 7 mai 2019, la SA MMA IARD Assurances mutuelles a interjeté appel de la décision.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par conclusions n° 2 notifiées par voie électronique le 31 décembre 2019, la SA MMA IARD Assurances mutuelles demande à la cour de :

- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a :

« - admis l'application du plafond de garantie (1 800 euros par m²) et de la franchise de 800 euros de la SA MMA ;

- fixé à 259 718 euros la somme versé par la SA AVIVA Assurances ;

- jugé la SA MMA bien fondée à opposer la réduction de l'indemnité sur le fondement de l'article L. 113-9 du code des assurances » ;

Et statuant à nouveau,

A titre principal,

- dire et juger que la SARL TCI n'est pas responsable des conséquences de l'incendie survenu le 25 juillet 2014, ce dernier étant d'origine criminelle ;

En conséquence,

- débouter la SA AVIVA et la SCI Terray de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

A titre subsidiaire,

- constater que le découvert de la SCI Terray s'élève à 55 869 euros ;

En conséquence,

- dire et juger que la SA MMA IARD ne saurait être tenue de verser plus de 242 680,18 euros la SA AVIVA ;

- dire et juger que la SA MMA IARD ne saurait être tenue de verser plus de 52 230,93 euros à la SCI Terray ;

En tout état de cause,

- débouter la SA AVIVA et la SCI Terray de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

- condamner in solidum la SA AVIVA et la SCI Terray à verser à la SA MMA IARD la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner in solidum les mêmes aux entiers dépens.

Elle expose les éléments principaux suivants au soutien de ses écritures :

- elle rappelle les faits et la procédure ;

- le tribunal a considéré à tort que le rapport [Y] n'était pas suffisant pour rapporter la preuve de l'origine criminelle de l'incendie et subséquemment l'exonération de responsabilité de la SARL TCI, et ainsi la non-garantie de la SA MMA ;

- le preneur peut s'exonérer de sa responsabilité s'il rapporte la preuve que l'incendie résulte d'un cas fortuit ou d'un événement de force majeure ou d'un vice de construction, ou de la communication de l'incendie par une maison voisine ;

- c'est l'origine criminelle de l'incendie qui présente un caractère imprévisible, irrésistible et extérieur constitutif de la force majeure qui exonère le locataire ;

- autrement dit, l'origine criminelle de l'incendie présente de fait les caractères de la force majeure ;

- il n'y a donc pas lieu à démontrer d'une part l'existence de l'origine criminelle du sinistre et d'autre part le caractère imprévisible et irrésistible de ce dernier ;

- d'ailleurs, un incendie criminel est par définition imprévisible, puisqu'il ne peut être prédit, et irrésistible, l'intention criminelle faisant qu'il n'était pas possible de l'empêcher ;

- en l'espèce, il relève de l'analyse des faits et des éléments prélevés sur site que l'incendie est d'origine criminelle ;

- le tribunal a écarté le rapport [Y] au prétexte que ce dernier n'était pas établi de manière contradictoire et non corroboré par un autre élément ;

- les représentants des demanderesses étaient tous présents à l'expertise ;

- il est de jurisprudence constante que l'expertise amiable peut valoir à titre de preuve dès lors qu'elle a été soumise à la libre discussion de parties ;

- il ne s'agit pas de la seule preuve du caractère criminel de l'incendie ;

- la plainte a été classée sans suite pour « recherches infructueuses » ;

- subsidiairement, elle discute le montant de l'indemnisation, les quittance produite et le reste à charge ;

- il existe un écart de surface à assurer de 287 m², qui justifie à lui seul la différence d'opinion sur le risque déclaré en ce qu'il s'agit d'une différence de surface de plus de 34 % ;

- MMA bien fondée à opposer la réduction de l'indemnité sur le fondement de l'article L. 113-9 du code des assurances ;

- si la cour reconnaissait la responsabilité de la SARL TCI, la SA MMA IARD ne saurait être tenue de verser plus de 242 680,18 euros à la SA AVIVA, ni plus de 52 230,93 euros à la SCI Terray ;

- il existe aussi un plafond contractuel et une franchise.

Par conclusions n° 2 notifiées par voie électronique le 19 décembre 2019, la SARL TCI demande à la cour de :

A titre principal,

- réformer le jugement en ce qu'il a indiqué que la SARL TCI était responsable de l'incendie survenu le 25 juillet 2014 ;

Statuant à nouveau,

- dire et juger que la SARL TCI n'est pas responsable des conséquences de l'incendie survenu le 25 juillet 2014, ce dernier étant d'origine criminelle ;

En conséquence,

- débouter la SA AVIVA Assurances et la SCI Terray de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

A titre subsidiaire,

- constater que le découvert de la SCI Terray s'élève à la somme de 55 869 euros ;

En conséquence,

- dire et juger que la société MMA IARD en qualité d'assureur de la SARL TCI devra relever et garantir cette dernière de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre, hormis la franchise et la réduction de l'indemnité prévue à l'article L. 113-9 du code des assurances ;

- dire et juger que la réduction de l'indemnité sur le fondement de l'article L. 113-9 du code des assurances est imputable au bailleur la SCI Terray ;

- condamner la SCI Terray à relever et garantir la SARL TCI des conséquences de la réduction de l'indemnité opposée par la SA MMA IARD.

En tout état de cause,

- condamner in solidum la SA AVIVA et la SCI Terray à payer à la SARL TCI la somme de 4 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner in solidum les mêmes aux entiers dépens.

Elle expose les principaux éléments suivants au soutien de ses écritures :

- elle rappelle les faits et la procédure ;

- elle précise les dispositions de l'article 1733 du code civil ;

- le tribunal a considéré que le rapport [Y] en date du 29 août 2014 n'était pas probant à lui seul et que, dès lors, la SARL TCI ne rapportait pas la preuve que l'incendie pouvait provenir de l'une des causes énumérées par l'article 1733 du code civil et de ce fait qu'elle devait répondre des conséquences de l'incendie ;

- le tribunal a également considéré que le droit à réparation de la victime commandait de ne pas lui opposer la vétusté et a évalué le dommage total à la somme de 386 509 euros valeur à neuf en se basant sur la pièce n°4 de la SA AVIVA ;

- le preneur peut s'exonérer de sa responsabilité s'il rapporte la preuve que l'incendie résulte d'un cas fortuit ou d'un événement de force majeure ou vice de construction, ou de la communication de l'incendie par une maison voisine ;

- la jurisprudence a considéré que l'incendie d'origine criminelle est de nature à exonérer de ses responsabilités le locataire ;

- en l'espèce, l'incendie est d'origine criminelle ;

- l'incendie a donc eu lieu par cas fortuit ou force majeure puisque selon la jurisprudence, l'incendie d'origine criminelle est de nature à exonérer la SARL TCI de sa responsabilité au visa de l'article 1733 du code civil ;

- elle discute le montant du préjudice ;

- l'éventuel découvert de la SCI Terray est de 55 869 euros et en aucun cas de 126 783 euros ;

- MMA IARD en sa qualité d'assureur de la SARL TCI en vertu du contrat d'assurances n°140274328-00 38 030 ne conteste pas devoir relever et garantir la concluante ;

- la SCI Terray devra relever et garantir la SARL TCI du montant de la réduction ;

- il ne s'agit pas d'une demande nouvelle en cause d'appel, mais d'une demande reconventionnelle ;

- la demande tendant à être relevé et garanti par la SARL TCI du montant restant dû à la charge de la concluante est indéniablement liée aux prétentions originaires des demandeurs initiaux, à savoir la condamnation de la concluante à payer les indemnités relatives à l'incendie du local litigieux.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 7 octobre 2019, la SA AVIVA Assurances et la SCI Terray demandent à la cour de :

- débouter la SA MMA IARD Assurances mutuelles de son appel principal comme mal fondé ;

- débouter la SARL TCI de son appel incident comme mal fondé ;

- dire et juger irrecevable la demande nouvelle de condamnation formée par la SARL TCI formée pour la première fois en cause d'appel contre la SCI Terray, et surabondamment mal fondée ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

« - dit que la SARL TCI ne rapporte pas la preuve que l'incendie survenu le 25 juillet 2014 provient de l'une des causes étrangères énumérées par l'article 1733 du code civil ;

- dit la SARL TCI, qui ne s'exonère pas de sa responsabilité, tenue de répondre des conséquences de l'incendie survenu le 25 juillet 2014 ;

- dit fondées AVIVA et la SCI Terray à réclamer respectivement les sommes de 259 718 euros au titre de son recours subrogatoire, et de 126 783 euros au titre du découvert resté à sa charge ;

- condamné la SARL TCI à leur payer les dites sommes avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;

- condamné in solidum la SA MMA IARD Assurances mutuelles et la SARL TCI à payer à la SA AVIVA Assurances la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux entier dépens » ;

- infirmer le jugement en ce qu'il :

« - n'a pas prononcé de condamnations in solidum à l'égard du responsable et de son assureur au titre du principal ;

- a dit la SA MMA IARD Assurances mutuelles fondée à opposer la réduction proportionnelle de l'article L. 113-9 du code des assurances » ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

- condamner in solidum la SARL TCI et la SA MMA IARD Assurances mutuelles à payer :

* la somme en principal de 259 718 euros au bénéfice de la SA AVIVA Assurances,

* la somme en principal de 126 783 euros au bénéfice de la SCI Terray,

avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation en date du 24 juillet 2017 à concurrence des sommes allouées par le jugement, et à compter du présent arrêt pour le surplus ;

Y ajoutant,

- condamner in solidum la SARL TCI et la SA MMA IARD Assurances mutuelles à payer à la SA AVIVA Assurances, une indemnité d'un montant de 5 000 euros, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel ;

- condamner les mêmes in solidum aux entiers dépens d'appel, lesquels seront recouvrés par Me Laure Bellin, SELARL-BSV Avocat, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Elles exposent les principaux éléments suivants au soutien de leurs écritures :

- elles rappelles les éléments factuels et judiciaires du dossier ;

- l'incendie est d'origine indéterminée et a pris naissance dans la partie des locaux à usage de stockage ;

- le locataire ne peut s'exonérer de la responsabilité qui lui incombe qu'à la condition de rapporter la preuve directe et positive que l'incendie provient de l'une des causes énumérées dans l'article 1733 du code civil ;

- pour conclure au caractère criminel de l'incendie, MMA se fonde exclusivement sur un rapport d'expertise non judiciaire du laboratoire [Y], et qui de surcroît a été établi par un expert dûment mandaté et rémunéré par elle ;

- selon MMA, un autre élément serait la « requalification de l'infraction » sur laquelle l'enquête pénale a été ouverte (dégradation de biens appartenant à autrui), l'appelant soutenant que « par cette qualification, les enquêteurs ont reconnu que l'incendie du 25 juillet 2014 n'était pas d'origine accidentelle, mais bien volontaire » ;

- or, la qualification pénale donnée à l'ouverture d'une enquête (qui, pour se ménager les plus grandes marges de man'uvre, est souvent l'expression pénale la plus haute) ne saurait constituer un élément de preuve direct ou même la preuve d'un fait : elle révèle tout au plus l'infraction que l'on ne fait que soupçonner, l'enquête étant précisément destinée à réunir des éléments de preuve destinés à la constatation de l'infraction, étant de surcroît rappelé que les acteurs de la procédure pénale ne sont pas liés par des qualifications ;

- de plus, il importe de noter qu'en l'espèce cette « requalification » n'intervient pas au vu d'éléments de preuve ou d'indices matériels recueillis par les enquêteurs, mais au vu « des circonstances énoncées dans la plainte » du locataire et elle ne vise aucun texte, et notamment pas l'article 322-1 du code pénal cité par l'appelant ;

- c'est sans encourir de critique que le tribunal a considéré que le classement sans suite pour cause de « recherche infructueuses » de la plainte déposée par le gérant de la SARL TCI n'est pas de nature à étayer l'hypothèse de l'incendie criminel défendue par la SA MMA ;

- de même, le caractère criminel de l'incendie n'est qu'une hypothèse envisagée par le laboratoire [Y], en procédant par élimination des causes, aucune cause exacte n'ayant pu être établie ;

- aucun indice ne permet d'établir avec certitude l'intervention humaine d'un tiers, de sorte que le caractère criminel allégué reste une hypothèse mais non une certitude ;

- de plus, l'hypothèse de l'auto-inflammation d'étoupes ou de chiffons imbibés par les graisses siccatives des restes d'huiles synthétiques, au contact de l'oxygène de l'air n'a pas été envisagée ;

- s'il ressort de la jurisprudence qu'un incendie d'origine criminelle peut être considéré comme un cas de force majeure de nature à exonérer le locataire, c'est à la condition que ce dernier établisse qu'il présente pour lui les caractères d'imprévisibilité et d'irrésistibilité ;

- en l'espèce, et quand bien même les MMA seraient en mesure de démontrer qu'il s'agit d'un incendie criminel, il apparaît clairement que celui-ci n'était ni imprévisible ni irrésistible compte tenu d'une part des deux trous existants dans la toiture antérieurement au sinistre, et d'autre part de l'absence de système de verrouillage de la porte arrière coulissante de la zone de stockage des véhicules ;

- soit autant d'éléments qui établissent une négligence du locataire dans la protection et la sécurisation des lieux loués, qui n'étaient pas entièrement clos, et qui auraient dû faire l'objet d'une vigilance particulière afin de prévenir toute intrusion de tiers ;

- les locaux n'étaient donc pas clos, ni assez protégés au regard notamment de leur localisation, puisqu'ils donnent directement sur la rue ;

- elles discutent le montant des indemnités ;

- elles contestent la réduction proportionnelle.

Après le dépôt de ses conclusions, la SA AVIVA Assurances est devenue « la SA Abeille IARD et Santé ».

La clôture de l'instruction est intervenue le 28 février 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la responsabilité :

L'article 1733 du code civil dispose « [le preneur] répond de l'incendie, à moins qu'il ne prouve :

- que l'incendie est arrivé par cas fortuit ou force majeure, ou par vice de construction,

- ou que le feu a été communiqué par une maison voisine ».

Dans le présent dossier, le rapport de l'expert privé [Y] en date du 29 août 2014 a conclu que l'hypothèse d'un incendie d'origine malveillante était la seule possible.

Cependant, ce rapport a été établi de façon non contradictoire et il n'est corroboré par aucun autre élément probatoire, pertinent et non contestable.

Ainsi, le classement sans suite de la plainte, avec le motif « recherches infructueuses » n'est pas la preuve d'un incendie criminel.

Bien au contraire, l'enquête diligentée n'a pas permis de mettre en évidence que l'incendie était d'origine criminelle, la terminologie « recherches infructueuses » s'appliquant à l'éventuelle infraction ayant motivé la plainte et ne signifiant nullement que la recherche d'un incendiaire potentiel était restée infructueuse.

Il importe de rappeler que, dans une telle hypothèse, le motif de classement sans suite aurait été « auteur inconnu » et non pas « recherches infructueuses ».

De plus, le procès-verbal de constatations réalisé contradictoirement à la demande d'AVIVA le 24 novembre 2014, précise que l'incendie est d'origine indéterminée.

Les éléments ci-dessus permettent de conclure que la SARL TCI, et son assureur MMA, ne rapportent pas la preuve que l'incendie provient de l'une des causes énumérées par l'article 1733 du code civil.

Dès lors, la SARL TCI doit répondre des conséquences de l'incendie, sous la garantie de la SA MMA IARD Assurances mutuelles.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le recours subrogatoire :

En application des articles L. 121-12 et L. 124-3 du code des assurances, la SA AVIVA Assurances (devenue la SA Abeille IARD et Santé) est fondée à exercer un recours subrogatoire à l'encontre de la SARL TCI et de la SA MMA IARD Assurances mutuelles.

Aux termes des dispositions de l'article L. 124-3 du code des assurances, la SCI Terray est recevable à agir directement contre l'assureur de son locataire.

Au vu des quittances subrogatives produites, il apparaît que l'assureur la SA AVIVA a versé à son assuré la somme totale de 264 718 euros (191 294 + 58 784 + 14 640).

AVIVA fonde ses demandes sur la somme moindre de 259 718 euros, cette somme devant dès lors être retenue.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la réduction de l'indemnité :

Les conditions particulières du contrat d'assurance en vigueur à la date du sinistre font apparaître que la SARL TCI était assurée auprès de la SA MMA pour une superficie totale de 553 m².

Néanmoins, le métré précis effectué par le cabinet CET le 21 août 2014 en présence de l'ensemble des parties, a mis en évidence que la surface des locaux était de 840 m².

Il s'en déduit un écart de surface à assurer de 287 m², soit une différence de 34 %.

Une telle différence relative à la surface assurable est de nature à modifier, à l'évidence, l'opinion de l'assureur sur le risque déclaré, en l'espèce sur le risque « non déclaré ».

En conséquence, la SA MMA est bien fondée à opposer à son assuré la réduction proportionnelle de l'indemnité sur le fondement de l'article L. 113-9 du code des assurances.

Les conditions particulières sus-évoquées indiquent que la prime annuelle était de 3 198 euros TTC.

Au sein de ce montant, le coût spécialement imputable à la garantie « incendie » peut être fixé à 461,85 euros par an.

En raison d'une surface à assurer supérieure de 34 % à la surface réellement déclarée, la prime d'assurance aurait dû s'élever à la somme de 461,85 euros augmentée de 34 %, soit une somme de 618,88 euros par an.

Le montant total de la prime annuelle aurait alors été de 3 355 euros.

Par application des éléments chiffrés déterminés ci-dessus, les indemnités auxquelles la SA MMA sera tenue doivent être recalculées comme suit :

[3 198/3 355] x 259 718 = 247 564,28 euros,

[3 198/3 355] x 126 783 = 120 850 euros.

En conséquence, la SA MMA Assurances mutuelles sera condamnée à ne garantir la SARL TCI qu'à hauteur de 247 564,28 euros concernant sa condamnation à l'égard de la SA AVIVA Assurances devenue « la SA Abeille IARD et Santé », et 120 850 euros concernant sa condamnation à l'égard de la SCI Terray.

Le jugement entrepris sera confirmé de ces chefs.

Sur la franchise et le plafond de garantie :

Le présent sinistre ne fait pas l'objet d'une garantie d'assurance obligatoire.

En conséquence, la SA MMA IARD Assurances mutuelles est légitime à opposer la franchise contractuelle d'un montant de 800 euros ainsi que le plafond de garantie (1 800 euros par m²) prévus par les dispositions contractuelles.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

La SA MMA IARD Assurances mutuelles, dont l'appel est rejeté, supportera les dépens d'appel avec distraction, ceux de première instance étant confirmés.

Pour la même raison, il ne sera pas fait droit à sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des autres parties les frais engagés pour la défense de ses intérêts en cause d'appel. Aucune condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ne sera donc prononcée en leur faveur en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi :

Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Condamne la SA MMA IARD Assurances mutuelles aux dépens.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Mme Emmanuèle Cardona, Présidente de la deuxième chambre civile et par la Greffière,Caroline Bertolo, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIERELA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19/01995
Date de la décision : 10/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-10;19.01995 ?
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