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05/05/2022 | FRANCE | N°20/01677

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section b, 05 mai 2022, 20/01677


C2



N° RG 20/01677



N° Portalis DBVM-V-B7E-KN66



N° Minute :









































































Copie exécutoire délivrée le :





Me Véronique GARCIA GOMEZ



la SCP THOIZET & ASSOCIES

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE





Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 05 MAI 2022







Appel d'une décision (N° RG F19/00048)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURGOIN JALLIEU

en date du 30 avril 2020

suivant déclaration d'appel du 09 Juin 2020





APPELANTE :



S.A.R.L. POLE AMBULANCIER RHONE ALPES, prise en la personne de son représentant légal dom...

C2

N° RG 20/01677

N° Portalis DBVM-V-B7E-KN66

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

Me Véronique GARCIA GOMEZ

la SCP THOIZET & ASSOCIES

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 05 MAI 2022

Appel d'une décision (N° RG F19/00048)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURGOIN JALLIEU

en date du 30 avril 2020

suivant déclaration d'appel du 09 Juin 2020

APPELANTE :

S.A.R.L. POLE AMBULANCIER RHONE ALPES, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,

8 Rue Joseph Cugnot,

Centre d'Affaires Letter Case

38300 BOURGOIN JALLIEU

représentée par Me Véronique GARCIA GOMEZ, avocat postulant inscrit au barreau de GRENOBLE,

et par Me Cyril LAURENT, avocat plaidant inscrit au barreau de LYON,

INTIMEE :

Madame [V] [Y]

née le 19 Juillet 1992 à ALGER

de nationalité Française

10, Route de Sérézin

38300 NIVOLAS-VERMELLE

représentée par Me Jacques THOIZET de la SCP THOIZET & ASSOCIES, avocat au barreau de VIENNE,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Blandine FRESSARD, Présidente,

M. Frédéric BLANC, Conseiller,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

DÉBATS :

A l'audience publique du 17 février 2022,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère chargée du rapport, assistée de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, a entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile.

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 05 mai 2022, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 05 mai 2022.

EXPOSÉ DU LITIGE':

Le 5 octobre 2017, Mme [V] [Y] a été embauchée en qualité d'auxiliaire ambulancier par la société PÔLE AMBULANCIER RHÔNE-ALPES SARL suivant contrat à durée déterminée au titre du remplacement d'un salarié absent jusqu'au 6 janvier 2018, renouvelé jusqu'au 5 mai 2018 par avenant du 4 janvier 2018.

Le 14 mai 2018, la société PÔLE AMBULANCIER RHÔNE-ALPE a embauché Mme [V] [Y] en qualité d'auxiliaire ambulancier selon contrat à durée déterminée pour surcroît d'activité jusqu'au 16 février 2019.

Le 30 octobre 2018, Mme [V] [Y] a été convoquée à un entretien préalable à une sanction disciplinaire, fixé au 7 novembre 2018, avec mise à pied conservatoire.

Le 13 novembre 2018, la société PÔLE AMBULANCIER RHÔNE-ALPES a notifié à Mme'[V] [Y] la rupture anticipée de son contrat de travail à durée déterminée pour faute grave.

Le 15 février 2019, Mme [V] [Y] a saisi le conseil de prud'hommes d'une contestation de la rupture de son contrat de travail.

Suivant jugement en date du 30 avril 2020, le conseil de prud'hommes de Bourgoin-Jallieu a':

DIT ET JUGÉ que l'employeur a exécuté de manière fautive le contrat de travail';

CONDAMNÉ la société PÔLE AMBULANCIER RHÔNE-ALPES à verser à Mme [V] [Y] la somme de 1'500'euros à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail';

CONDAMNÉ la société PÔLE AMBULANCIER RHÔNE-ALPES à payer à Mme [V] [Y] la somme de 1'482,02 euros à titre d'arriéré de salaire, outre 148,20 euros de congés payés afférents';

CONDAMNÉ la société PÔLE AMBULANCIER RHÔNE-ALPES à payer à Mme [V] [Y] la somme de 10'euros au titre de la prime de vêtements de novembre 2018, outre 1 euros de congés payés afférents';

DIT que les contrats à durée déterminée conclus entre Mme [V] [Y] et la société PÔLE AMBULANCIER RHÔNE-ALPES sont irréguliers';

DIT que les contrats à durée déterminée sont un contrat à durée indéterminée';

CONDAMNÉ la société PÔLE AMBULANCIER RHÔNE-ALPES à payer à Mme [V] [Y] la somme de 1'516,70'euros à titre d'indemnité de requalification';

DIT ET JUGE que le licenciement dont a fait l'objet Mme [V] [Y] est dépourvu de cause réelle et sérieuse';

CONDAMNÉ la société PÔLE AMBULANCIER RHÔNE-ALPES à payer à Mme [V] [Y] les sommes suivantes':

- 1'516,70'euros à titre d'indemnité de préavis,

- 151,67'euros au titre des congés payés afférents,

- 379.17'euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 3'033.40 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse';

CONDAMNÉ la société PÔLE AMBULANCIER RHÔNE-ALPES à remettre à Mme [V] [Y] une attestation pôle emploi rectifiée et ce, sous astreinte de 50'euros par jours de retard à compter d'un mois suivant la notification de la décision à intervenir, la juridiction se réservant le droit d'en prononcer la liquidation.

CONDAMNÉ la société PÔLE AMBULANCIER RHÔNE-ALPES à payer à Mme [V] [Y] la somme de 2'000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';

ORDONNÉ l'exécution provisoire du jugement à intervenir pour les sommes afférentes aux salaires';

CONDAMNÉ la société PÔLE AMBULANCIER RHÔNE-ALPES aux entiers dépens';

DEBOUTÉ la société PÔLE AMBULANCIER RHÔNE-ALPES de ses demandes reconventionnelles';

DEBOUTÉ les parties de toutes leurs autres demandes, tant principales, que subsidiaires, que reconventionnelles';

La décision ainsi rendue a été notifiée par lettres recommandées avec accusés de réception signés le 12 mai 2020 par Mme [V] [Y] et le 11 mai 2020 par la société PÔLE AMBULANCIER RHÔNE-ALPES.

Appel de la décision a été interjeté par la société PÔLE AMBULANCIER RHÔNE-ALPES par déclaration de son conseil au greffe de la présente juridiction le 9 juin 2020.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 8 septembre 2020, la société POLE AMBULANCIER RHONE-ALPES SARL sollicite de la cour de':

RÉFORMER le jugement évoqué en toutes ses dispositions';

Ce faisant, DÉBOUTER Mme [Y] de sa demande en paiement de dommages et intérêts au titre d'une prétendue inexécution fautive du contrat de travail, faute d'établir un manquement à ce titre et la réalité d'un préjudice';

La DÉBOUTER également de sa demande en paiement d'une somme de 1 482,02 € à titre d'arriérés de salaires, outre de congés payés afférents';

DÉBOUTER Mme [Y] de sa demande tendant à la requalification des relations contractuelles et de sa demande en paiement d'une indemnité de requalification';

DIRE ET JUGER que le licenciement pour faute de Mme [Y], notifié le 13 novembre 2018, est parfaitement justifié';

Ce faisant, la DÉBOUTER de sa demande en paiement d'une indemnité de licenciement, d'une indemnité de préavis et de congés payés afférents, outre de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse';

La DÉBOUTER du surplus de ses demandes';

La CONDAMNER à payer à la concluante la somme de 2'500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens';

DÉBOUTER Mme [Y] de toutes demandes, fins et prétentions contraires

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 3 décembre 2020, Mme'[V] [Y] sollicite de la cour de':

A titre principal,

CONFIRMER le Jugement en toutes ses dispositions à l'exception du montant des dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail ;

CONDAMNER la société PÔLE AMBULANCIER RHÔNE-ALPES à payer à Mme [Y] la somme de 5'000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail ;

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée n'était pas ordonnée,

CONFIRMER le Jugement en ce qu'il a condamné la société PÔLE AMBULANCIER RHÔNE-ALPES à Mme [V] [Y] les sommes suivantes':

- 1'482,02 euros à titre d'arriéré de salaire,

- 148,20 euros de congés payés afférents,

- 10 euros au titre de la prime de vêtements de novembre 2018 outre 1 euro de congés payés afférents';

CONDAMNER la société PÔLE AMBULANCIER RHÔNE-ALPES à payer à Mme [Y] la somme de 5'000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail';

CONFIRMER le jugement en ce qu'il a ordonné la remise d'une attestation destinée à POLE EMPLOI rectifiée';

CONFIRMER le Jugement en ce qu'il a condamné la société PÔLE AMBULANCIER RHÔNE-ALPES au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

CONSTATER l'absence de faute grave de Mme [Y],

En conséquence,

CONDAMNER la société PÔLE AMBULANCIER RHÔNE-ALPES à verser à Mme [Y] la somme de 4'550,10'euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail à durée déterminée';

CONDAMNER la société PÔLE AMBULANCIER RHÔNE-ALPES à verser à Mme [Y] la somme de 997,23 euros au titre de l'indemnité de fin de contrat';

En tout état de cause,

CONDAMNER la société PÔLE AMBULANCIER RHÔNE-ALPES à payer à Mme [Y] la somme de 3'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure pénale';

La condamner aux éventuels dépens.

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article 455 du code de procédure civile de se reporter à leurs écritures susvisées.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 janvier 2022 et l'affaire a été fixée pour être plaidée à l'audience du 17 février 2022'; la décision a été mise en délibéré au 5 mai 2022.

MOTIFS DE L'ARRÊT':

1 - Sur la demande au titre de rappels de salaire':

Il résulte des articles 1353 du code civil et L.'1221-1 du code du travail que, sauf à démontrer que le salarié a refusé d'exécuter son travail ou que celui-ci ne se serait pas tenu à sa disposition, l'employeur est tenu de payer sa rémunération et de fournir un travail à son salarié.

En l'espèce, la salariée produit son contrat de travail et ses bulletins de salaire en contestant la mention «'Absences congés sans solde'» pour les mois d'août, septembre et octobre 2018 en faisant valoir qu'elle n'avait pas sollicité de congés sans solde.

Or, l'employeur s'abstient de verser aux débats les pièces susceptibles d'établir que la salariée aurait effectué une demande de congé sans soldes et ne se serait donc pas tenue à sa disposition. Les déductions effectuées sur les salaires s'avèrent donc injustifiées.

En conséquence, par confirmation du jugement entrepris, il convient de condamner la société PÔLE AMBULANCIER RHÔNE-ALPES à payer à Mme [V] [Y] la somme de 1'482,02 euros à titre d'arriéré de salaires, outre 148,20'euros des congés payés afférents.

2 - Sur la demande au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail':

Conformément à l'article L. 1222-1 du code de travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. La bonne foi se présumant, la charge de la preuve de l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur incombe au salarié.

Au cas d'espèce, la cour rappelle que l'employeur n'a pas versé l'intégralité des salaires à sa salariée et qu'il a échoué à rapporter la preuve qu'elle ne se serait pas tenue à sa disposition.

Par ailleurs, Mme [V] [Y] verse des SMS en date du mois d'octobre 2018, de «'[T] Pro'», qui précise à la salariée ses horaires de travail pour le lendemain, établissant que son planning lui était transmis le jour-même pour le lendemain.

En réponse, l'employeur n'apporte aucun élément probant permettant d'établir que la salariée avait connaissance de son planning par un autre moyen que des SMS la veille de son travail.

Il convient donc de considérer que la société PÔLE AMBULANCIER RHÔNE-ALPES n'a pas exécuté loyalement le contrat de travail de Mme [Y].

En conséquence, par confirmation du jugement entrepris, la société PÔLE AMBULANCIER RHÔNE-ALPES est condamnée à verser à Mme [Y] la somme de 1'500'euros au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail, la salariée ne justifiant pas suffisamment du montant sollicité.

3 - Sur la demande au titre de la requalification du contrat de travail

Selon l'article L.1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

L'article L.1242-2 du même code dispose que, sous réserve des contrats spéciaux prévus à l'article L.1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans les cinq cas qu'il énumère, parmi lesquels figurent le remplacement d'un salarié (1°) et l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise (2°).

Aux termes de l'article L.1242-12 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif, et notamment les mentions énumérées par ce texte'; à défaut, il est réputé être conclu pour une durée indéterminée.

Selon l'article L.1245-1 du code du travail, est réputé à durée indéterminée tout contrat conclu en méconnaissance des dispositions des articles L.1242-1 à L.1242-4, L.1242-6 à L.1242-8, L.1242-12 alinéa 1, L.1243-11 alinéa 1, L.1243-13, L.1244-3 et L.1244-4 du même code.

Ainsi, le contrat de travail à durée déterminée ne peut comporter qu'un seul motif.

Le motif du recours à un contrat de travail à durée déterminée s'apprécie au jour de sa conclusion.

Les effets de la requalification, lorsqu'elle est prononcée, remontent à la date du premier contrat à durée déterminée irrégulier. Ainsi, le salarié est réputé avoir occupé un emploi à durée indéterminée depuis le jour de son engagement par un contrat à durée déterminée. Il est ainsi en droit de se prévaloir, à ce titre, d'une ancienneté remontant à cette date.

Les dispositions prévues par les articles'L.1242-1 et suivants du code du travail, relatives aux conditions de conclusion des contrats de travail à durée déterminée, ayant été édictées dans un souci de protection du salarié, seul celui-ci peut se prévaloir de leur inobservation.

En cas de litige sur le motif du recours au CDD, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat à durée déterminée.

Au cas d'espèce, le contrat de travail à durée déterminée en date du 5 octobre 2010 indique': «'Le salarié est engagé à titre personnel au service de l'entreprise en qualité d'auxiliaire ambulancier, et ce, à dater du 5 octobre 2017. Le présent contrat est conclu à durée déterminée en raison du remplacement d'un salarié absent.'».

L'avenant au contrat de travail en date du 4 janvier 2018 indique seulement la durée de prolongation de 4 mois, mais ne précise aucun élément quant au motif du contrat à durée déterminée.

Le second contrat de travail à durée déterminée, conclu le 14 mai 2018, précise que «'Le présent contrat est conclu à durée déterminée en raison d'un surcroît d'activité.'».

Outre que le premier contrat ne précise pas le nom et la qualification du salarié remplacé, la société PÔLE AMBULANCIER RHÔNE-ALPES n'apporte aucun élément probant démontrant la réalité des motifs énoncés dans les deux contrats à durée déterminée de Mme [V] [Y].

En conséquence, par confirmation du jugement entrepris, il convient de prononcer la requalification des contrats de travail à durée déterminée de Mme [V] [Y] en un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 5 octobre 2017, date d'embauche du premier contrat irrégulier.

Par application de l'article L.'1245-2 du code du travail, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SARL PÔLE AMBULANCIER RHÔNE-ALPES à verser à Mme [V] [Y] la somme de 1'516,70'euros au titre de l'indemnité de requalification.

4 - Sur les demandes au titre de la rupture du contrat de travail':

Le juge qui requalifie la relation contractuelle en un contrat de travail à durée indéterminée doit rechercher si la lettre de rupture des relations contractuelles vaut lettre de licenciement et si les motifs de rupture énoncés constituent des griefs matériellement vérifiables permettant de décider si le licenciement a une cause réelle et sérieuse.

Conformément aux articles L.'1232-1, L.'1232-6, L.'1234-1 et L.'1235-2 du code du travail, l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave doit établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre de licenciement. Il doit également démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis.

Les motifs invoqués par l'employeur doivent être précis, objectifs et vérifiables. Il ressort de l'article L.'1235-1 du code du travail qu'il appartient au juge d'apprécier non seulement le caractère réel du motif du licenciement disciplinaire mais également son caractère sérieux.

La procédure pour licenciement pour faute grave doit être engagée dans un délai restreint après la découverte des faits.

L'employeur, bien qu'informé de l'ensemble des faits reprochés à un salarié, qui choisit de lui notifier une sanction disciplinaire pour certains d'entre eux, a épuisé son pouvoir disciplinaire et ne peut prononcer ultérieurement un licenciement pour les autres faits que postérieurement à leur date.

Au cas d'espèce, l'employeur a respecté la procédure de rupture du contrat de travail, puisqu'après avoir convoqué Mme [V] [Y] à un entretien préalable fixé au'7'novembre 2018, par courrier en date du 30 octobre 2018, la SARL PÔLE AMBULANCIER RHÔNE-ALPES lui a notifié la rupture de son contrat de travail, par courrier en date du 13 novembre 2018.

Il y a donc lieu de rechercher si les motifs énoncés dans la lettre de rupture constituent des griefs matériellement vérifiables permettant de décider si le licenciement a une cause réelle et sérieuse.

La lettre de rupture du 13 novembre 2018, qui fixe les limites du litige, est libellée dans les termes suivants':

«'Nous faisons suite à l'entretien préalable que nous avons eu ensemble le 7 novembre dernier, en présence de Madame [P] et votre conseiller, lors duquel nous vous avons largement présenté les griefs qui vous sont reprochés et qui sont à l'origine de la présente procédure disciplinaire.

Les observations que vous nous avez fourniers lors de cet entretien n'ont fait que confirmer nos craintes et la véracité des faits qui vous sont reprochés et qui vous sont exclusivement imputables.

Vos explications ne nous ayant pas permis de modifier notre appréciation des faits, ni même d'en atténuer leur gravité, nous avons décidé de poursuivre la procédure disciplinaire initiée à votre encontre.

Depuis que nous avons repris la Direction de la société PÔLE AMBULANCIER RHÔNE-ALPES, nous avons eu à déplorer un comportement de votre part que nous jugeons manifestement incompatibles avec les fonctions d'Ambulancière qui sont les vôtres.

Ainsi, le mardi 23 octobre 2018, nous avons été interpellés par Madame [H], votre coéquipière qui nous a fait part des termes particulièrement désobligeants que vous auriez eu à l'égard du régulateur Monsieur [K] en le traitant de fils de pute (il n'est pas là ce fils de pute).

Ces propos désagréables tenus à l'égard de votre collègue sont de nature à alimenter une ambiance de travail délétère et contribuent à altérer la qualité de la relation de travail que nous entendons préserver.

Par ailleurs, le 23 octobre 2018, Madame [H] et Monsieur [K], nous a rapporté que vous teniez également des propos dénigrants et insultants envers votre Direction en lui prêtant des termes ainsi qu'une réputation de nature à porter gravement atteinte à la notoriété de la société qui vous emploie.

Ainsi, le 23 octobre 2018, vous avez décrit la nouvelle Gérante Madame [P], d'incompétence, qu'elle ne sert à rien, qu'elle est inutile, ainsi que les deux diplômés Monsieur [K] et Madame [H].

Indépendamment du caractère outrancier et calomnieux de vos propos, ceux-ci caractérisent à l'évidence une intention de nuire à votre responsable hiérarchique et à notre société.

Vous n'hésitez d'ailleurs pas à colporter des allégations mensongères sur notre entreprise auprès des services hospitaliers que vous fréquentez dans le cadre de vos fonctions d'Ambulancière.

Votre volonté affichée est de nuire aux intérêts de notre entreprise, par vos propos acrimonieux, et au travers de l'attitude nuisible que vous avez décidé d'adopter contre les consignes et injonctions de votre Direction.

En effet, nous avons été alertés à plusieurs reprises sur la manière dangereuse et inconsciente dont vous conduisiez les patients pris en charge à bord de l'ambulance.

Vous roulez constamment à vive allure, n'hésitant pas à enfreindre les règles élémentaires de sécurité routières dictées par le Code de la route que vous ne semblez prendre en considération lors de vos acheminements.

De ce fait, et par votre comportement irréfléchi et irraisonné, vous exposez non seulement nos patients à un risque accidentel irréversible, mais mettez vos co-équipiers dans une situation de danger imminent dont vous ne semblez pas maîtrisez l'issue.

Outre une vitesse excessive et une attitude au volant inadaptée à l'environnement qui vous entoure, nous avons appris que vous utilisiez constamment votre téléphone portable au volant, de sorte que votre attention est déviée de la route ce qui expose nos patients à un risque d'accident démesuré.

L'inconscience dont vous avez fait preuve est très inquiétante.

Pourtant, nous vous avons à maintes reprises et dès votre entrée en fonction, dispensé une formation et donné toutes les instructions au sujet de l'attitude à tenir au volant.

Celle-ci doit consister dans le strict respect des règles impérieuses du Code de la route pour le bien de tous.

Nous jugeons ces faits comme étant d'une extrême gravité, parce qu'ils mettent en cause votre sécurité, celle de nos patients et celle de vos collègues.

Ils révèlent votre volonté de ne pas respecter les règles élémentaires de sécurité auxquelles vous êtes pourtant astreinte et auxquelles vous avez été sensibilisée.

Nous vous rappelons que les règles de sécurité en vigueur dans notre établissement sont édictées pour prévenir la survenance de tout risque, danger ou accident et doivent être, à ce titre, rigoureusement observées.

Votre attitude inconsciente caractérise un manquement grave aux dispositions de l'article L.'4122-1 du code du travail.

Enfin, et fait sur lequel nous ne comprenons la persistance de votre attitude puisque vous refusez systématiquement de porter les tenus réglementaires que nous vous demandions pourtant de revêtir lors de vos prises en poste.

En effet, vous avez unilatéralement décrété de vous abstenir, sans le moindre motif, de vêtir la tenue vestimentaire que nous vous avons demandé, à plusieurs reprises, de porter.

Le port de cet uniforme n'induit aucune contrainte particulière pour vous.

De ce fait, la persistance de votre refus de le revêtir constitue donc la manifestation d'un acte d'insubordination persistant et constitutif d'une faute.

Vous refusez les tâches professionnelles obligatoires, remplir les feuilles de routes, le carnet de désinfection'

En conséquence de tout ce qui précède, nous sommes contraints de mettre un terme de manière anticipée à votre contrat de travail à durée déterminée pour faute grave.'».

Il ressort de la lettre de licenciement que la SARL PÔLE AMBULANCIER RHÔNE-ALPES avance quatre griefs à l'encontre de Mme [V] [Y]':

- Avoir insulté son collègue,

- Avoir tenu des propos dénigrants et insultants envers la direction,

- Ne pas respecter les règles du code de la route,

- Avoir refusé de porter la tenue réglementaire.

À l'appui de ses allégations, la société produit les attestations de Mme [W] [H] et de M. [T] [K].

Les attestations demeurent insuffisantes quant au fait que la salariée aurait insulté son collègue et tenu des propos dénigrants en ce qu'elles demeurent imprécises et ne permettent pas de matériellement vérifier les griefs allégués, les propos tenus n'étant pas retranscrits dans les attestations.

De la même manière, les deux attestations demeurent insuffisamment probantes en ce que la salariée ne respectait pas les règles du code de la route.

En effet, Mme [H] indique «'Lors de la prise en charge en ambulance, cette personne avait un comportement au volant inapproprié, conduite dangereuse, téléphone au volant inapproprié, répond aux appels-sms constamment, les patients redoutaient sa présence et nous l'on fait savoir et tous les jours la même attitude, sans se soucier de la sécurité des patients et de son binôme. De plus, une conduite excessive et non maîtrisée du véhicule, limitation de distance de sécurité non respectée.'».

De plus, Monsieur [K] confirme que «'Lorsque Madame [Y] était au volant de l'ambulances, tous les jours le même refrain (tête de mort, Pousse toi connard, L'ancêtre tu bouge'! Ta caisse Fils de Hum etc') à même vouloir rayé avec sa clefs un véhicule qui nous génait'!!! Le téléphone portable était constamment dans ces mains. Tout en conduisant, elle envoyait des SMS. Je lui ai dit des dizaines de fois de poser son téléphone car à plusieurs reprises nous avons frôlé l'accident grave avec patient à bord. Ceci dit, elle me répondait T'inquiète je gère'!'».

Cependant, aucun autre élément objectif ne vient corroborer ces deux attestations rédigées par des salariés de la société, M. [T] [K] étant le supérieur de la salariée.

En dernier lieu, l'employeur échoue à rapporter la preuve du refus de la salariée de porter la tenue réglementaire pendant ses fonctions.

Il résulte des énonciations précédentes que la société PÔLE AMBULANCIER RHÔNE-ALPES échoue à établir la matérialité des griefs invoqués dans la lettre de rupture du contrat de Mme'[Y].

Dès lors, c'est par une juste appréciation des circonstances de l'espèce, que la cour fait sienne, que les premiers juges ont considéré le licenciement de Mme [V] [Y] dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris est donc confirmé en ce qu'il a condamné la société PÔLE AMBULANCIER RHÔNE-ALPES à payer à Mme [V] [Y] les sommes suivantes':

- 1'516,70'euros à titre d'indemnité de préavis, outre 151,67'euros au titre des congés payés afférents,

- 379,17'euros à titre d'indemnité de licenciement

- 3'033,40'euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Finalement, concernant la prime de vêtement du mois de novembre, il ressort du bulletin de salaire et de la convocation à un entretien préalable avec mise à pied conservatoire, que la salariée n'a pas travaillé au mois de novembre.

En conséquence, Mme [Y] n'est pas valablement fondée à solliciter le versement de la prime de vêtement à hauteur de 10'euros, outre 1'euros de congés payés afférents, de sorte qu'il convient de la débouter de ce chef.

5 - Sur la demande au titre de l'attestation Pôle Emploi':

L'article R.'1234-9 du code du travail dispose que l'employeur est tenu de délivrer au salarié, au moment de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d'exercer ses droits aux prestations d'assurance chômage et transmettre sans délai ces mêmes attestations à Pôle emploi.

Il ressort de l'attestation pôle emploi produite par la salariée que celle-ci est datée du 22 mai 2018 et porte le nom de Mme [N] [F], ancienne gérante de la société.

En conséquence, Mme [V] [Y] est valablement fondée à solliciter la transmission, par la société PÔLE AMBULANCIER RHÔNE-ALPES d'une attestation Pôle Emploi conforme aux énonciations du présent arrêt.

Pour autant, les circonstances de l'espèce ne justifient pas d'assortir l'injonction faite à l'employeur de ce chef du prononcé d'une astreinte, le jugement entrepris étant infirmé à ce titre.

Sur les demandes accessoires':

La société PÔLE AMBULANCIER RHÔNE-ALPES, partie perdante à l'instance au sens des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, doit être tenue d'en supporter les entiers dépens.

Il serait par ailleurs inéquitable, au regard des circonstances de l'espèce comme des situations économiques des parties, de laisser à la charge de Mme [Y] l'intégralité des sommes qu'elle a été contrainte d'exposer en justice pour la défense de ses intérêts, de sorte qu'il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société PÔLE AMBULANCIER RHÔNE-ALPES à lui payer la somme de 2'000'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et, y ajoutant, de la condamner à lui verser la somme de 1'500'euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS'

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, dans les limites de l'appel et après en avoir délibéré conformément à la loi';

CONFIRME le jugement en ce qu'il a':

- Condamné la société PÔLE AMBULANCIER RHÔNE-ALPES SARL à payer à Mme [V] [Y] les sommes suivantes':

- 1'482,02'euros à titre de rappels de salaire, outre 148,20'euros de congés payés afférents,

- 1'500'euros à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,

- 1'516,70'euros à titre d'indemnité de requalification,

- 1'516,70'euros à titre d'indemnité de préavis, outre 151,67'euros de congés payés afférents,

- 379,17'euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 3'033,40'euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2'000'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Débouté la société PÔLE AMBULANCIER RHÔNE-ALPES SARL de ses demandes reconventionnelles,

- Condamné la société PÔLE AMBULANCIER RHÔNE-ALPES SARL aux dépens.

L'INFIRME pour le surplus';

Statuant à nouveau et y ajoutant,

ORDONNE à la société PÔLE AMBULANCIER RHÔNE-ALPES SARL de remettre à Mme'[V] [Y] une attestation Pôle Emploi conforme au présent arrêt';

DÉBOUTE Mme [V] [Y] de sa demande au titre de la prime de vêtement';

DÉBOUTE la société PÔLE AMBULANCIER RHÔNE-ALPES SARL de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

CONDAMNE la société PÔLE AMBULANCIER RHÔNE-ALPES à payer à Mme'[V]'[Y] la somme de 1'500'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

CONDAMNE la société PÔLE AMBULANCIER RHÔNE-ALPES SARL aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Mme Blandine FRESSARD, Présidente et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section b
Numéro d'arrêt : 20/01677
Date de la décision : 05/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-05;20.01677 ?
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