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26/01/2021 | FRANCE | N°17/00931

France | France, Cour d'appel de Grenoble, 2ème chambre, 26 janvier 2021, 17/00931


N° RG 17/00931 - N° Portalis DBVM-V-B7B-I423



N° Minute :



ALP































































Copie exécutoire délivrée

le :



à



la SELARL HDPR AVOCAT HARTEMANN-DE CICCO PICHOUD



la SELARL EUROPA AVOCATS



SELARL CABINET BALESTAS



SELARL L. LIGAS-RAYMOND - JB PETI

T















AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



2ÈME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU MARDI 26 JANVIER 2021



Appel d'un Jugement (N° R.G. 14/00146)

rendu par le Tribunal de Grande Instance de Grenoble

en date du 15 décembre 2016

suivant déclaration d'appel du 21 Février 2017





APPELANTS :



M. [J] [I]

né ...

N° RG 17/00931 - N° Portalis DBVM-V-B7B-I423

N° Minute :

ALP

Copie exécutoire délivrée

le :

à

la SELARL HDPR AVOCAT HARTEMANN-DE CICCO PICHOUD

la SELARL EUROPA AVOCATS

SELARL CABINET BALESTAS

SELARL L. LIGAS-RAYMOND - JB PETIT

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

2ÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 26 JANVIER 2021

Appel d'un Jugement (N° R.G. 14/00146)

rendu par le Tribunal de Grande Instance de Grenoble

en date du 15 décembre 2016

suivant déclaration d'appel du 21 Février 2017

APPELANTS :

M. [J] [I]

né le [Date naissance 13] 1957 à [Localité 18]

de nationalité Française

[Adresse 12]

[Adresse 12]

Mme [H] [T] épouse [I]

née le [Date naissance 13] 1956 à [Localité 24]

de nationalité Française

[Adresse 12]

[Adresse 12]

M. [D] [S]

né le [Date naissance 2] 1950 à [Localité 18]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Société d'assurances MAIF prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 7]

[Adresse 7]

Représentés par Me Marie-christine HARTEMANN-DE CICCO de la SELARL HDPR AVOCAT HARTEMANN-DE CICCO PICHOUD, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, plaidant par Me Raphael BERGER, substitué par Me DUNAND, avocat au barreau de LYON

INTIMES :

M. [E] [M]

né le [Date naissance 1] 1936 à [Localité 25]

de nationalité Française

[Adresse 23]

[Adresse 23]

Représenté par Me Sylvain REBOUL de la SELARL EUROPA AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me ROUDIL

Mme [W] [M]

née le [Date naissance 3] 1935 à [Localité 17]

de nationalité Française

[Adresse 23]

[Adresse 23]

Représentée par Me Sylvain REBOUL de la SELARL EUROPA AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE, substitué par Me ROUDIL

Société d'assurances GROUPAMA RHONE-ALPES AUVERGNE représentée par ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 15]

[Adresse 15]

Représentée par Me Sylvain REBOUL de la SELARL EUROPA AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE, substitué par Me ROUDIL

M. [K] [N]

né le [Date naissance 4] 1953 à [Localité 20]

de nationalité Française

[Adresse 19]

[Adresse 19]

Représenté par Me Yves BALESTAS de la SELARL CABINET BALESTAS, avocat au barreau de GRENOBLE

Mme [Y] [F] épouse [N]

née le [Date naissance 14] 1957 à [Localité 20]

de nationalité Française

[Adresse 19]

[Adresse 19]

Représentée par Me Yves BALESTAS de la SELARL CABINET BALESTAS, avocat au barreau de GRENOBLE

M. [R] [A]

de nationalité Française

[Adresse 22]

[Adresse 22]

Représenté par Me Laurence LIGAS de la SELARL L. LIGAS-RAYMOND - JB PETIT, avocat au barreau de GRENOBLE

Mme [P] [G] épouse [A]

née le [Date naissance 6] 1960 à [Localité 21]

de nationalité Française

[Adresse 22]

[Adresse 22]

Représentée par Me Laurence LIGAS de la SELARL L. LIGAS-RAYMOND - JB PETIT, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Emmanuèle Cardona, Présidente,

Anne-Laure Pliskine, Conseillère,

Laurent Grava, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 17 novembre 2020, Anne-Laure Pliskine, conseillère chargée du rapport d'audience, assistée de Caroline Bertolo, greffière, a entendu seule les avocats en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées, conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile.

Il en a été rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [E] [M] et Madame [W] [M] sont propriétaires sur la commune de [Localité 25] de divers bâtiments dont deux bâtiments d'habitation, une cour et une grange, cadastrés notamment section [Cadastre 16], [Cadastre 9], [Cadastre 10] et [Cadastre 11] .

Les époux [I], assurés auprès de la Compagnie MAIF, sont eux propriétaires sur cette même commune d'une maison d'habitation.

Le 31 décembre 2011, Monsieur et Madame [I] se trouvaient à [Localité 25], en compagnie de leurs amis, les époux [A], Monsieur [S] et les épouxGirin, pour fêter la nouvelle année.

Ils ont décidé de tirer des feux d'artifice depuis la place Perquelin, à proximité immédiate de la maison d'habitation des époux [M].

Les bâtiments appartenant aux époux [M] ont fait l'objet d'un incendie.

Par acte d'huissier en date du 23 avril 2012, les époux [M] ont saisi le Président du tribunal de grande instance de Grenoble, statuant en référé, aux fins de voir ordonner une mesure d'expertise judiciaire, sur le fondement des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, ayant pour objet de déterminer de manière contradictoire la totalité de leurs préjudices et d'en déterminer l'origine.

Par ordonnance de référé du 13 juin 2012 , Monsieur [B] a été désigné et il a déposé son rapport le 2 avril 2013.

Par jugement du 15 décembre 2016, le Tribunal de Grande Instance de Grenoble a :

-jugé M. et Mme [R] [A], Mr [J] [I] et Madame [H] [X] épouse [I] ainsi que M. [D] [S], Monsieur [K] [N] et Mme [Y] [F] épouse [N] responsables de l'incendie survenu le 1er janvier 2012 dans les bâtiments appartenant à M. [E] [M] et son épouse Mme [W] [M],

- Condamné les mêmes in solidum et avec leur assureur la MAIF, à verser à Groupama Rhône Alpes Auvergne, subrogée dans les droits de Mr [E] [M] et de son épouse [W] [M], la somme de 525 759 euros au titre de leur préjudice matériel et de jouissance,

- Condamné les mêmes in solidum et avec leur assureur la MAIF, à verser à Mr [E] [M] et son épouse [W] [M], la somme complémentaire de 30 958€, au titre de leur préjudice matériel et de jouissance,

- Condamné les mêmes in solidum et avec leur assureur la MAIF, à verser à Mr [E] [M] et son épouse [W] [M], la somme complémentaire de 2000€, au titre de leur préjudice moral,

- Dit que dans leurs rapports entre eux, chacun des co-obligés y contribuera à hauteur de 1/7,

- Condamné les mêmes in solidum et avec leur assureur la MAIF, à verser à Mr [E] [M] et son épouse [W] [M], la somme complémentaire de 2000€, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné les mêmes in solidum et avec leur assureur la MAIF, aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, distraits au profit de la Selarl Spinella-Reboul-Roudil, avocats sur son affirmation de droit,

- Dit que dans leurs rapports entre eux, cette dette et celle de l'article 700 du code de procédure civile, seront supportés à hauteur de 1/7 par chacun des co-obligés.

Les consorts [I], [S] et la MAIF ont interjeté appel de cette décision, par déclaration d'appel du 21 février 2017, uniquement à l'encontre des consorts [M] et de la compagnie Groupama Rhône Alpes Auvergne (RG n° 17/00931)

Les consorts [M] et la compagnie Groupama ont constitué avocat.

Les consorts [I], [S] et la MAIF ont ensuite interjeté appel de la décision par déclaration au greffe du 11 avril 2017, à l'encontre des consorts [N] et [A] (RG n° 17/01937).

Par ordonnance du 30 mai 2017, les deux instances ont été jointes sous le n° de RG 17/00931.

Par acte d'huissier en date du 11 juillet 2017, les consorts [A] ont dénoncé la déclaration d'appel n° de RG 17/01937 du 11 avril 2017 et fait assigner les époux [M] et la compagnie Groupama aux fins d'appel provoqué.

Dans leurs conclusions notifiées le 8 juin 2020, les consorts [I], M.[S] et la MAIF demandent à la cour de :

A titre principal,

-réformer le jugement du 15 décembre 2016 rendu par le tribunal de grande instance de Grenoble,

et statuant de nouveau,

-dire et juger que M.et Mme [M] et la compagnie Groupama ne démontrent aucun lien de causalité entre les tirs de feux d'artifice des époux [I] de M.[S] et des autres convives, et l'incendie,

-dire et juger en conséquence que la responsabilité des époux [I], de M. [S] et de la MAIF ne peut être mobilisée,

-débouter les époux [M] et la compagnie Groupama, ainsi que toute autre partie de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions à leur encontre,

Subsidiairement sur les demandes indemnitaires,

-dire et juger qu'il sera fait application d'un coefficient de vétusté, et en tout état de cause de la convention de renonciation à recours en valeur à neuf applicable entre assureurs,

-dire et juger que le montant de la réfection des bâtiments ne saurait excéder la somme de 330 831 euros TTC et en tout état de cause qu'il ne saurait excéder le montant de la subrogation vétusté déduite de la compagnie Groupama,

-réformer le jugement déféré en ce qu'il a alloué aux époux [M] la somme de 2000 euros au titre du préjudice de jouissance,

A titre infiniment subsidiaire,

-dire et juger que le montant de la réfection des bâtiments ne saurait excéder la somme de 357 425 euros TTC,

En tout état de cause,

-débouter au surplus les époux [M] et la compagnie Groupama ainsi que toute autre partie de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions à leur encontre,

-condamner in solidum les époux [M] et la compagnie Groupama à verser aux appelants la somme de 6000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, dont distraction au profit de la Selarl HDPR Hartemann de Sicco Pichoud, avocat, sur son affirmation de droit.

Au soutien de leurs demandes, les époux [I] et la compagnie MAIF énoncent que l'origine de l'incendie n'a pu être démontrée, l'expert judiciaire ayant envisagé trois hypothèses pour déduire par défaut, que seuls les feux d'artifice pouvaient avoir causé l'incendie, étant observé que la distribution électrique des bâtiments était vétuste, que l'origine humaine, alors que la porte d'entrée n'était pas verrouillée et que des gens déambulaient certainement dans la rue, qu'il existait un climat de tension dans le village, ne pouvait pas non plus être exclue.

Ils énoncent que les articles achetés ne correspondaient pas aux vestiges retrouvés, plusieurs personnes tirant des feux d'artifice cette nuit-là, que les témoignages relatifs aux trajectoires sont peu fiables, qu'aucune trace de produit pyrotechnique n'a été retrouvée sur les lieux du sinistre par l'expert, que la cause du sinistre reste donc indéterminée.

A titre subsidiaire, ils soulignent que les compagnies Maif et Groupama sont liées par une convention de renonciation de recours en valeur à neuf, affirment que la compagnie Groupama n'a jamais communiqué le montant exact de sa subrogation pour la réfection des bâtiments, qu'aucune somme n'a été déduite au titre de la vétusté.

S'agissant du quantum des travaux de réfection, ils contestent les sommes retenues par l'expert.

Enfin, ils énoncent que la société Groupama a versé la somme globale de 525 759 euros et non 529 954 euros comme elle l'allègue.

Dans leurs conclusions notifiées le 6 juillet 2017 et signifiées le 13 juillet 2017, les époux [A] demandent à la cour de :

-réformer en son intégralité le jugement rendu le 15 décembre 2016 par le tribunal de grande instance de Grenoble,

A cette fin,

-constater que les époux [M] et la compagnie Groupama n'ont pu démontrer que le sinistre incendie survenu dans la propriété [M] a été causé par les feux d'artifice détenus par les époux [A] ainsi que par les autres convives, l'expert n'ayant pu déterminer quelles étaient les fusées à l'origine de l'incendie survenu,

En conséquence,

-dire que les époux [A] ne sauraient être tenus pour responsables du sinistre incendie survenu dans la propriété des époux [M],

-débouter les époux [M] et la compagnie Groupama de l'ensemble de leurs demandes non fondées ni justifiées,

-condamner les époux [M] et la compagnie Groupama à payer aux époux [A] une somme de 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl Ligas [E] Petit,

Très subsidiairement,

-dire et juger qu'un taux de vétusté doit être appliqué sur le bâtiment 1 à hauteur de 21, 5% et à hauteur de 22% sur le bâtiment 2,

-débouter les époux [M] de toutes leurs demandes d'indemnisation de leur préjudice moral,

-débouter les époux [M] et la société Groupama de toutes leurs demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile,

-statuer ce que de droit sur les dépens.

Les époux [A] énoncent également que l'expert n'a pu établir avec certitude l'origine de l'incendie, qu'en outre, eux-mêmes n'ont utilisé que de menus artifices, que la route était trempée et les toits enneigés, que dès lors que la porte d'entrée des bâtiments n'était pas verrouillée, et que le bien immobilier n'était pas sous surveillance, il était aisé de s'introduire dans les lieux, aucune investigation sérieuse n'ayant été réellement menée.

Ils soulignent qu'aucune des parties n'a reconnu avoir acquis ou lancé le type de fusées retrouvées dans le village, que l'expert déclare qu'au moins une trentaine d'engins pyrotechniques de tous genres ont été tirés pendant au moins 15 minutes alors que les époux [I], [N] et [A] ont seulement lancé quelques artifices qui pour la plupart sont retombés sur des sols mouillés et que d'autres personnes ont tiré des feux d'artifice.

Dans leurs conclusions notifiées le 28 octobre 2020, les époux [N] demandent à la cour de :

Sur l'absence de démonstration d'un lien de causalité direct et certain entre les fusées ' feux d'artifice et l'incendie subi par les époux [M]

- voir dire et juger que les époux [M] ne rapportent pas la preuve d'un lien de causalité direct et certain entre les tirs d'artifices et l'incendie dont ils ont été victimes.

Sur la preuve de la garde :

-voir constater que les époux [N] ont affirmé détenir quatre fusées et aucune autre,

-voir dire et juger que les époux [M] et la compagnie d'assurances Groupama ne rapportent pas la preuve de ce que les époux [N] ont été gardiens des fusées incendiaires,

-voir en définitive débouter ces derniers de l'ensemble de leurs demandes et les condamner à la somme de 2.500,00 € au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens de première instance et d'appel,

Subsidiairement :

-voir réformer le jugement quant au montant indemnitaire,

-voir limiter le préjudice matériel subi par les époux [M] à la somme de 420.500,00 €,

-voir dire et juger que c'est cette somme qui sera versée à Groupama subrogée dans les droits des époux [M],

-voir dire que ce montant indemnitaire sera réparti entre les codéfendeurs à hauteur de un septième à savoir :

- Monsieur et Madame [R] [A]

- Monsieur et Madame [J] [I] et la MAIF

- Monsieur [D] [S] et la MAIF

- Monsieur et Madame [K] [N]

Très subsidiairement :

-voir limiter le préjudice matériel subi par les époux [M] à la somme de 30.568,00 € répartie par septièmes comme indiqué ci-dessus.

Les époux [N] contestent la preuve d'un lien de causalité entre les feux d'artifice lancés et l'incendie, puisque les autres causes possibles ont été écartées malgré la vétusté de l'installation électrique et le climat de tension régnant dans le village qui pouvait conduire selon eux à une action humaine intentionnelle.

Ils indiquent avoir toujours contesté être détenteurs desdites fusées et allèguent que l'expert indique lui-même qu'il apparaît peu probable qu'une fusée, même équipée d'un cône balistique, soit de nature à briser un verre de 3 mm d'épaisseur, que la possibilité qu' une boulette incandescente se soit introduite dans le bâtiment 222 par une petite fenêtre non obturée située en pignon n'est pas corroborée par les investigations réalisées, aucun vestige du matériel pyrotechnique utilisé lors de la soirée du réveillon [I] n'ayant été retrouvé dans les bâtiments sinistrés, qu'il est acquis au débat que d'autres feux d'artifice ont été tirés ce soir là par les habitants du village.

Subsidiairement, ils font valoir la nécessaire prise en compte de la vétusté.

Dans leurs conclusions notifiées le 18 juillet 2020, les époux [M] et la compagnie Groupama demandent à la cour de :

-dire et juger que les feux d'artifice tirés par les consorts [I], [A], [N] et [S], sont à l'origine de l'incendie des bâtiments propriété des consorts [M], le 1er janvier 2012,

En conséquence,

-confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Grenoble du 15 décembre 2016, sur ce point,

-réformer la décision de première instance qui a chiffré le préjudice de la Compagnie Groupama à la somme de 525 759€, au lieu de la somme de 529 954€,

-donner acte à la compagnie Groupama qu'elle accepte de se voir verser le montant des travaux de reconstruction des bâtiments en valeur, vétusté déduite, à hauteur de 301 625€,

En conséquence,

-condamner les consorts [I], [A], [N] et [S] ainsi que la MAIF in solidum à verser à la Compagnie Groupama Rhône Alpes Auvergne la somme totale de 456 583€, comme subrogée dans les droits et actions des consorts [M],

-confirmer le jugement de première instance qui a condamné in solidum les mêmes à verser à Monsieur et Madame [M] la somme de 30 598€ TTC, (et non 30958€, comme indiqué par erreur dans le jugement), au titre de leur préjudice matériel en lien avec le sinistre ;

-réformer la décision de première instance qui a chiffré le préjudice moral des consorts [M] à la somme de 2000€,

-condamner les consorts [I], [A], [N] et [S] ainsi que la MAIF in solidum à verser aux consorts [M] la somme de 15 000€, en indemnisation de leur préjudice moral ;

-confirmer la décision de première instance qui a alloué la somme de 2000€, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Y ajoutant en cause d'appel,

-condamner les mêmes à verser aux consorts [M] et à la Compagnie Groupama Rhône Alpes Auvergne la somme de 3.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens qui comprendront notament les frais d'expertise judiciaire, distraits au profit de la Selarl Europa avocats, sur son affirmation de droit.

Les époux [M] et la société Groupama rappellent les conclusions de l'expert judiciaire, qui a exclu une défaillance de l'installation électrique ou un départ de feu dans l'atelier, qui a démontré le rôle causal des feux d'artifice acquis par les consorts [I], [N] et [A], a déterminé les trajectoires des fusées d'artifice et conclu que les 5 trajectoires étaient passées au-dessus des bâtiments de la ferme des consorts [M]. Ils font valoir que l'hypothèse criminelle n'a pas non plus été retenue, même par les services de gendarmerie.

Ils indiquent que selon l'expert, des particules incandescentes lâchées dans toutes les directions ont explosé devant la fenêtre non obturée et ont pu pénétrer dans le bâtiment en mettant le feu au foin stocké sur le plancher intermédiaire, au-dessus de la remise et soulignent que ce dernier a répondu de manière détaillée aux dires des appelants.

S'agissant de l'évaluation de leurs préjudices, ils rappellent qu'il est constant, en matière d'incendie, de ne pas appliquer un coefficient de vétusté, lequel ne replace pas la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit.

Ils allèguent que les pièces communiquées n'établissent pas que la compagnie Groupama Rhône Alpes Auvergne serait adhérente de la convention litigieuse et qu'elle lui est opposable, que pour autant, la compagnie Groupama Rhône Alpes Auvergne accepte, en application de la convention précitée, de voir ramener l'indemnité de reconstruction des bâtiments, vétusté déduite, à hauteur de la somme de 301 625€, conformément à ce qui a été noté par les experts d'assurance et comme indiqué par la MAIF (194 169€ au titre du bâtiment 1 et 107 456 € au titre du bâtiment 2).

Ils rappellent que la lettre d'acceptation vaut quittance définitive, que la compagnie Groupama se trouve donc subrogée dans les droits des époux [M].

Enfin, ils insistent sur le préjudice de jouissance des époux [M] compte tenu de leur âge et du fait qu'ils avaient toujours vécu dans les bâtiments incendiés.

La clôture a été prononcée le 4 novembre 2020.

MOTIFS

Sur l'origine de l'incendie

Selon l'expert, le relevé des zones carbonisées et calcinées indique de toute évidence que l'incendie n'est ni parti des maisons d'habitation cadastrées [Cadastre 8] et [Cadastre 9], ni du corps de bâtiment cadastré [Cadastre 10], qu'en revanche, deux zones ont paru plus attaquées par les flammes, à savoir les combles de la maison d'habitation cadastrée [Cadastre 9], et la remise du bâtiment cadastré [Cadastre 8].

L'expert a précisé que les combles de la maison cadastrée [Cadastre 9] étaient remplis de deux rangées de bottes de paille posées au sol, l'état de la sablière est indiquant une combustion venant de l'intérieur des combles.

Les combles des bâtiments cadastrés [Cadastre 8] et [Cadastre 9] communiquent ensemble par un passage situé au-dessus de l'atelier. Si l'état de destruction des combles et des charpentes de ces bâtiments et les charges calorifiques présentes rendent difficile la détermination du point d'origine de l'incendie et du sens de propagation des flammes, l'état de destruction du bâtiment cadastré [Cadastre 8] indique que les flammes se sont déplacées de l'est vers l'ouest.

L'expert a évoqué trois hypothèses:

-une cause électrique

-une piste criminelle

-une piste humaine accidentelle.

S'agissant tout d'abord d'une éventuelle cause électrique, les appelants ont argué de cette vétusté de l'installation électrique pour énoncer qu'elle pouvait être à l'origine de l'incendie.

L'expert a certes relevé que l'installation électrique était vétuste, mais sur les deux vestiges électriques, à savoir une canalisation électrique au sol des combles du bâtiment cadastré [Cadastre 9], et une canalisation électrique qui alimentait le point d'éclairage de la remise, il a précisé qu'aucun signe d'échauffement ni aucun perlage n'avait été observé.

Il a donc clairement écarté toute cause électrique dans l'incendie.

Quant à la remise, l'état des portes de l'atelier donnant sur celle-ci indique d'une part que les portes étaient fermées et que les flammes provenaient de l'extérieur de l'atelier, ce qui permettait d'exclure un départ de feu dans l'atelier où étaient entreposées plusieurs machines électriques.

Aucun indice de départ de feu autour des batteries ni sur les câbles électriques ni d'une façon générale interne aux tracteurs agricoles n'a été remarqué.

S'agissant de la piste criminelle, les appelants ont fait état d'une forte tension entre plusieurs habitants du village, et allégué qu'il était plausible puisque de surcroît la porte de la remise était fermée mais non verrouillée, qu'une personne ait décidé d'incendier les bâtiments.

Toutefois, si le maire du village a effectivement fait état de tensions, celles-ci ne sont nullement liées aux époux [M], victimes de l'incendie, mais aux époux [I], dans un contexte de litige de voisinage et de contestation d'un arrêté municipal.

En outre, comme l'a souligné l'expert, le feu est parti des combles: si un incendiaire s'était introduit dans la remise qui était fermée mais non verrouillée, le feu serait parti du sol et non des combles.

Enfin, s'agissant de la piste accidentelle, en premier lieu, l'expert écarte le mégot de cigarette dans la remise, la dernière personne à y être entrée est Monsieur [M] le matin du 31 décembre et le temps écoulé entre cette instant et le déclenchement de l'incendie est trop long.

Les appelants contestent l'existence d'un lien de causalité avéré entre les feux d'artifice qu'ils ont tirés et l'incendie pour plusieurs motifs:

-ils ont été rapidement accusés par des voisins qui ont un grief envers les époux [I] et qui de ce fait n'ont pas hésité à mentir,

-d'autres personnes ont tiré des feux d'artifice,

-il n'est pas établi que les vestiges de fusées qui ont pu être retrouvés soient ceux provenant des quelques feux d'artifice qu'ils ont tirés,

-il n'est nullement avéré que leurs feux d'artifice aient survolé la propriété [M] et qu'ils aient pu causer cet incendie et ce d'autant plus que M.[M] a varié dans ses déclarations puisqu'il a fait état pour l'un de ses bâtiments d'une ouverture non grillagée puis grillagée or un grillage aurait empêché le passage d'une fusée.

Concernant l'hostilité de certains témoins à l'encontre de M.[I], elle est avérée pour M.[Z] et M.[O], toutefois plusieurs autres témoignages ont été produits et notamment celui du maire, qui confirme avoir vu un feu d'artifice dans la cour de M.[O], quand bien même les services de gendarmerie n'ont pas récupéré le projectile et dressé un procès-verbal.

Mme [L] évoque aussi des feux d'artifice, sans les imputer spécialement à M.[I].

S'agissant de la remise de la fusée par M.[M] et du non-respect allégué du principe du contradictoire, l'expert a rappelé dans ses réponses aux différents dires qu'il avait proposé une réunion, mais que celle-ci n'avait pas été jugée nécessaire, notamment par les époux [I], et ces derniers ne sauraient dès lors arguer d'un défaut de respect du contradictoire.

Aucun élément ne permet de dire que d'autres personnes que le groupe constitué des époux [I] et de leurs amis ont tiré des feux d'artifice. Il convient de rappeler que la commune de [Localité 25] est une petite commune, qu'à aucun moment au cours de la procédure et notamment lors de l'enquête effectuée par les services de gendarmerie, il n'a été mentionné que plusieurs groupes tiraient des feux d'artifice, pas même par les personnes mises en cause.

S'agissant des engins pyrotechniques utilisés, l'expert a souligné que les tickets de caisse produits n'ont pas permis d'identifier le type et la marque des engins pyrotechniques achetés et qu'aucune des parties n'était en capacité de décrire de façon précise les quantités, types et marques des produits utilisés. Une trentaine d'engins de toutes sortes a été tirée sans qu'il soit possible d'identifier avec précision les produits achetés par les quatre couples.

L'expert a en revanche fait état de plusieurs éléments qui permettent d'établir une corrélation entre les feux d'artifice et l'incendie.

Outre le fait que plusieurs vestiges ont été retrouvés dans un rayon de 50 mètres à partir du pas de tirs, il a tout d'abord souligné la concomitance entre les tirs d'engins pyrotechniques et le déclenchement de l'incendie. En effet, l'incendie a été remarqué entre une demi-heure et une heure après les tirs, sachant qu'à la suite de son éclosion, le feu se propage rapidement notamment dans des zones normalement ventilées mais qu'il faut entre 15 et 30 mn pour qu'il se propage et qu'il perce la couverture, ce temps étant variable en fonction de la hauteur sous faîtage, de la charge calorifique et de la qualité de la couverture.

Il s'appuie également sur la trajectoire des trois fusées retrouvées sur les lieux, qui passe exactement au-dessus de la propriété incendiée, ce qui est corroboré par un témoignage faisant état de fusées étant passées par-dessus la propriété voisine de la propriété [M].

Il rappelle qu'une fenêtre non obturée existe dans le pignon est du bâtiment 222, que cette ouverture se trouve à une dizaine de mètres de hauteur et à une vingtaine de mètres du pas de tir sur la trajectoire des fusées lancées. Il souligne que des particules incandescentes de taille millimétrique lâchées dans toutes les directions (éclatement 360°) à l'instant où la charge d'artifice passe et explose devant cette fenêtre non obturée ont pu pénétrer dans le bâtiment et mettre à feu le foin stocké sur le plancher intermédiaire au-dessus de la remise, que ce n'est pas la fusée qui a pénétré dans le bâtiment, mais les particules incandescentes lâchées lors de l'explosion à 360° de la charge pyrotechnique qui a eu lieu en face de l'orifice.

Il insiste sur le fait qu'il importait peu que l'ouverture soit grillagée ou non, compte tenu de la taille millimétrique des particules incandescentes, un grillage n'empêchant pas leur pénétration dans la grange.

S'agissant de l'absence de produit pyrotechnique, l'expert a souligné qu'il était difficile de retrouver des traces de produits pyrotechniques à la suite de ce type de sinistre.

Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les feux d'artifice lancés par les consorts [I], [S], [A] et [N] sont bien à l'origine de l'incendie des bâtiments appartenant aux époux [M] et leur responsabilité devra donc être retenue sur le fondement de l'ancien article 1384 du code civil.

Sur les préjudices

Sur le préjudice matériel

L'expert a fixé à 560 552 euros TTC le montant du préjudice matériel.

Il est constant que si la réparation du dommage ne doit procurer aucun enrichissement à celui qui en est la victime, cette réparation ne peut davantage lui causer une perte et doit être intégrale, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'appliquer de coefficient de vétusté à la valeur de remplacement des biens endommagés par l'incendie. C'est donc bien la somme de 560 552 euros TTC qui sera retenue au profit des époux [M].

Les époux [M] ont signé une lettre d'acceptation d'une indemnité de 529 954 euros avec leur assureur Groupama. Celle-ci mentionne expressément qu'après versement de la somme, cette lettre vaut quittance définitive et la société Groupama est donc subrogée dans les droits des époux [M], jusqu'à concurrence de l'indemnité versée, en application de l'article L.121-2 du code des assurances.

Les époux [I], leur assureur la MAIF , M.[S], les époux [A] et [N] seront également condamnés in solidum, en application du principe de réparation intégrale, à indemniser les époux [M] pour la somme complémentaire qui ne leur a pas été versée par leur assureur à savoir 30 598 euros TTC.

Toutefois, la société Groupama, qui est membre de la Fédération française d'assurance, a accepté pour ce qui la concerne l'application du taux de vétusté. En conséquence, il lui sera versé la somme de 456 583 euros, dont 301 625 euros au titre des travaux de reconstruction.

Les époux [I], leur assureur la MAIF , M.[S], les époux [A] et [N] seront condamnés in solidum au paiement de cette somme.

Le premier jugement sera confirmé en ce qu'il a précisé qu'eu égard aux circonstances de l'espèce, chacun des co-obligés à la dette y contribuera à hauteur de 1/7e.

S'agissant du préjudice moral, compte tenu de l'ampleur des dégâts, des circonstances dans lesquelles cet incendie a eu lieu, de l'âge des victimes, qui résidaient dans ce lieu depuis de très nombreuses années, il sera fixé à 10000 euros.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur les autres demandes

Il est équitable d'allouer aux époux [M] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Les autres demandes au titre de l'article 700 seront rejetées.

Les époux [I], leur assureur la MAIF , M.[S], les époux [A] et [N] seron condamnés in solidum au paiement des dépens de première instance et d'appel qui incluront les frais d'expertise judiciaire, dont distraction au profit de la Selarl Europa avocats, sur son affirmation de droit.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné les époux [A], les époux [I] et les époux [N], M.[S] et la MAIF ès qualités d'assureur des époux [I] à payer à Groupama, subrogée dans les droits des époux [M] la somme de 525 759 euros,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné les époux [A], les époux [I] et les époux [N], M.[S] et la MAIF ès qualités d'assureur des époux [I] à payer aux époux [M] la somme de 2 000 euros en réparation de leur préjudice moral et 30 958 euros en réparation de leur préjudice matériel et de jouissance,

et statuant de nouveau,

Condamne in solidum les époux les époux [I], [A] et [N], M.[S] et la MAIF ès qualités d'assureur des époux [I] à verser à Groupama, subrogée dans les droits des époux [M], la somme de 456 583 euros,

Condamne in solidum les époux les époux [I], [A] et [N], M.[S] et la MAIF ès qualités d'assureur des époux [I] à payer aux époux [M] la somme de 10 000 euros en réparation de leur préjudice moral et 30 598 euros en réparation de leur préjudie matériel et de jouissance,

Confirme le jugement déféré pour le surplus,

Y ajoutant,

Condamne in solidum les époux [I], [A] et [N], M.[S] et la MAIF ès qualités d'assureur des époux [I] à payer aux époux [M] la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum les époux [I], [A] et [N], M.[S] et la MAIF ès qualités d'assureur des époux [I] au paiement des dépens de première instance et d'appel qui incluront les frais d'expertise judiciaire, dont distraction au profit de la Selarl Europa avocats, sur son affirmation de droit.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Mme Emmanuèle Cardona, Présidente de la deuxième chambre civile et par la Greffière Caroline Bertolo, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17/00931
Date de la décision : 26/01/2021

Références :

Cour d'appel de Grenoble 02, arrêt n°17/00931 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-01-26;17.00931 ?
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