AMM
N° RG 18/02904
N° Portalis DBVM-V-B7C-JS4R
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
la SCP FESSLER JORQUERA & ASSOCIES
la SELARL DURAND GRANDGONNET MURIDI
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
Ch. Sociale -Section B
ARRÊT DU JEUDI 14 JANVIER 2021
Appel d'une décision (N° RG F 17/00571)
rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE
en date du 5 juin 2018
suivant déclaration d'appel du 28 juin 2018
APPELANTE :
SARL SKS TRANSPORT,
prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Adrien RENAUD de la SCP FESSLER JORQUERA & ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me Charlotte ALLOUCHE, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIME :
M. [K] [I]
né le [Date naissance 3] 1991 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 5]
représenté par Me Audrey GRANDGONNET de la SELARL DURAND GRANDGONNET MURIDI, avocat au barreau de GRENOBLE substituée par Me Floriane GASPERONI, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Blandine FRESSARD, Présidente,
M. Frédéric BLANC, Conseiller,
M. Antoine MOLINAR-MIN, Conseiller,
DÉBATS :
A l'audience publique du 5 novembre 2020, M. Antoine MOLINAR-MIN, Conseiller chargé du rapport, assisté de M. Fabien OEUVRAY, Greffier, a entendu les parties en leurs observations, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile.
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 14 janvier 2021, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L'arrêt a été rendu le 14 janvier 2021.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
[K] [I] a été engagé du 8 mars au 31 décembre 2017 par la SARL SKS TRANSPORT en qualité de chauffeur-livreur, suivant contrat de travail écrit à durée déterminée du 8 mars 2017.
Le 29 juin 2017, [K] [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble de demandes indemnitaires et salariales à raison de la rupture anticipée du contrat de travail par son employeur.
Suivant jugement en date du 5 juin 2018, dont appel, le conseil de prud'hommes de Grenoble ' section commerce ' a :
'DIT n'y avoir lieu à nullité de la requête déposée par [K] [I] le 29 juin 2017 ;
'CONDAMNÉ la SARL SKS TRANSPORT à payer à [K] [I] les sommes suivantes :
- 13 825 € à titre de salaires jusqu'au terme du contrat à durée déterminée,
- 1 382,50 € au titre des congés payés afférents,
- 1 540,50 € à titre d'indemnité de fin de contrat,
lesdites sommes avec intérêts de droit à compter du prononcé du jugement ;
'DÉBOUTÉ [K] [I] du surplus de ses demandes ;
'DÉBOUTÉ la SARL SKS TRANSPORT de sa demande reconventionnelle ;
'CONDAMNÉ la SARL SKS TRANSPORT aux dépens.
La décision ainsi rendue a été notifiée aux parties par lettres recommandées avec accusés de réception en date des 7 et 8 juin 2018. La SARL SKS TRANSPORT en a relevé appel par déclaration de son conseil transmise par voie électronique au greffe de la présente juridiction le 28 juin 2018.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 16 septembre 2020, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la SARL SKS TRANSPORT sollicite de la cour de :
'RÉFORMER le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Grenoble en date du 5 juin 2018 dans son intégralité ;
Et statuant à nouveau,
'DIRE ET JUGER qu'elle a valablement rompu la période d'essai prévue dans le contrat de travail de [K] [I] ;
En conséquence,
'DÉBOUTER [K] [I] de l'ensemble de ses demandes ;
'CONDAMNER [K] [I] à lui régler la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
'CONDAMNER [K] [I] aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour devait considérer que le contrat de a été rompu postérieurement à la période d'essai,
'LIMITER sa condamnation à la somme de 13 825 € bruts à titre de dommages-intérêts et au paiement de l'indemnité de précarité ;
'DÉBOUTER [K] [I] du surplus de ses demandes.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 16 septembre 2020, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, [K] [I] sollicite de la cour de :
1/
'CONFIRMER PARTIELLEMENT le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Grenoble le 5 juin 2018 ;
'DIRE ET JUGER que la rupture de son contrat de travail est intervenue après la fin de la période d'essai ;
'CONSTATER l'inexistence d'une faute grave ou d'un cas de force majeure ;
'DIRE ET JUGER que la société SARL SKS TRANSPORT TRANSPORT n'a pas respecté la procédure de rupture du contrat de travail à durée déterminée ;
Par conséquent,
'DIRE ET JUGER la rupture du contrat de travail à durée déterminée est abusive ;
'CONSTATER qu'il lui restait huit mois et trois semaines de travail avant le terme de son contrat de travail à durée indéterminée ;
Par conséquent,
'CONDAMNER la SARL SKS TRANSPORT à lui payer les sommes suivantes :
-13 825 € à titre de salaires jusqu'au terme du contrat à durée déterminée,
-1 382,50 € au titre des congés payés afférents,
-1 540,50 € à titre d'indemnité de fin de contrat,
2/
'RÉFORMER PARTIELLEMENT le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Grenoble le 5 juin 2018 en ce qu'il l'a débouté du surplus de ses demandes ;
Par conséquent,
'CONDAMNER la SARL SKS TRANSPORT à lui verser la somme de 1 000 € au titre du préjudice distinct lié au caractère vexatoire de la rupture du contrat de travail et ses conséquences ;
En tout état de cause,
'CONDAMNER la SARL SKS TRANSPORT au versement de la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
'CONDAMNER la SARL SKS TRANSPORT aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 septembre 2020 et l'affaire fixée pour être plaidée à l'audience du 5 novembre suivant, puis mise en délibéré au 14 janvier 2021.
SUR CE :
- Sur la rupture du contrat de travail :
Il convient de rappeler que chaque partie désirant rompre la période d'essai prévue dans le contrat travail peut y procéder sans formalisme ni motiver sa décision de rompre sauf si les circonstances de la rupture révèlent une attitude fautive d'une des deux parties pouvant ouvrir droit à des dommages et intérêts.
Au cas particulier, le contrat de travail à durée déterminée conclu le 8 mars 2017 entre [K] [I] et la SARL SKS TRANSPORT prévoyait (article 5 ' période d'essai) que « Le contrat de travail ne deviendra définitif qu'à l'issue d'une période d'essai de 30 jours au cours de laquelle chacune des parties pourra rompre le contrat sans indemnité mais en respectant un délai de prévenance défini selon les dispositions légales en vigueur. (') La période d'essai ne peut être prolongée du fait de la durée du délai de prévenance. S'agissant d'une période de travail effectif, la durée des suspensions qui interviendraient prolongera d'autant celle de la période d'essai stipulée ».
La SARL SKS TRANSPORT soutient que son gérant en exercice, [W] [J] a, le 5 avril 2017, la période d'essai courant, verbalement signifié au salarié son intention de mettre un terme aux relations contractuelles. Et, pour corroborer ses allégations de ce chef, elle verse aux débats les attestations de deux employés ' [C] [O] et [Y] [L] ' lesquels témoignent de ce que [K] [I] aurait cessé toute prestation de travail après avoir reçu le 5 avril 2017, en leur présence, notification orale de ce que l'essai s'était révélé infructueux.
Or, il ressort des mentions du certificat de travail et du bulletin de paie d'avril 2017 délivrés à [K] [I] par son employeur que la relation de travail avec la SARL SKS TRANSPORT s'est en réalité poursuivie jusqu'au 11 avril 2017, ce qui n'est pas sans susciter de sérieuses interrogations quant à la sincérité des déclarations de [C] [O] et [Y] [L].
Et si la SARL SKS TRANSPORT produit également aux débats une correspondance datée du 5 avril 2017, aux termes de laquelle il est formellement signifié à [K] [I] la rupture de la période d'essai prévue au contrat de travail, l'employeur ne justifie pas que ce document aurait été effectivement transmis à l'intéressé avant l'expiration de la durée d'épreuve.
Il convient par conséquent de constater que l'employeur échoue à rapporter la preuve, dont il avait pourtant la charge, qu'il aurait rompu les relations contractuelles avant l'expiration du terme de la période de l'essai fixé au contrat de travail, ni qu'il aurait respecté le délai de prévenance prévu par les dispositions des articles L. 1221-25 et L. 1221-26 du code du travail, rappelées dans le contrat de travail conclu avec [K] [I].
Et il apparaît à l'inverse que la rupture anticipée par l'employeur du contrat de travail à durée déterminée le liant à [K] [I] est intervenue hors de tout formalisme et sans que celui-ci ait été convoqué à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire.
Partant, [K] [I] est fondé à solliciter ' sans préjudice de l'indemnité de rupture prévue à l'article L. 1243-8 du code du travail ' la condamnation de l'employeur à réparer le préjudice qu'il a subi à raison de la perte injustifiée de son emploi et dont le montant ne peut, conformément aux dispositions de l'article L. 1243-4 du code du travail, être inférieur aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme de son contrat de travail.
C'est donc par une juste appréciation des circonstances de l'espèce, que la cour fait sienne que, faisant application des dispositions de l'article L. 1243-4 du code du travail, les premiers juges, ont condamné la SARL SKS TRANSPORT à verser à [K] [I] la somme de 13 825 € en réparation du préjudice né de la rupture anticipée, sans motif légitime, de son contrat de travail, outre la somme de 1 540,50 € à titre d'indemnité de fin de contrat.
En revanche, et compte tenu précisément de la nature indemnitaire des sommes lui étant reconnues à raison de la rupture anticipée de son contrat, jugée ici abusive, [K] [I] n'est pas fondé à revendiquer, en sus, la régularisation d'une indemnité compensatrice de congés payés afférente.
Il convient par conséquent d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SARL SKS TRANSPORT à verser à [K] [I] la somme de 1 382,50 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés.
Enfin, dès lors qu'il ne peut être considéré, aux termes des seules écritures dont il saisit la cour et en l'absence de toute pièce justificative produite de ce chef, que la rupture anticipée du contrat de travail de [K] [I] serait intervenue dans des circonstances vexatoires, ce dernier ne peut qu'être débouté, par confirmation du jugement déféré, de la demande indemnitaire qu'il formait de ce chef.
- Sur les demandes accessoires :
La SARL SKS TRANSPORT, qui succombe partiellement à l'instance, sera tenue d'en supporter les entiers dépens.
Il serait par ailleurs particulièrement inéquitable, au regard des circonstances de l'espèce telles qu'elles ressortent des éléments de fait ci-dessus exposés, de laisser à la charge de [K] [I] les sommes qu'il a été contraint d'exposer en justice pour la défense de ses intérêts, en première instance puis à hauteur d'appel.
Il convient ainsi de condamner la SARL SKS TRANSPORT à lui verser la somme globale de 2 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi :
INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SARL SKS TRANSPORT à rappel d'indemnité compensatrice de congés payés et, statuant de nouveau du chef infirmé,
DÉBOUTE [K] [I] de la demande qu'il formait de ce chef ;
CONFIRME le jugement déféré pour le surplus ;
Y ajoutant,
CONDAMNE la SARL SKS TRANSPORT à verser à [K] [I] la somme de deux mille cinq cents euros (2 500 €) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SARL SKS TRANSPORT au paiement des entiers dépens de l'instance.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Blandine FRESSARD, Présidente et par Mme Sarah DJABLI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GreffierLa Présidente