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12/01/2021 | FRANCE | N°18/00265

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section a, 12 janvier 2021, 18/00265


VC



N° RG 18/00265 - N° Portalis DBVM-V-B7C-JLU2



N° Minute :























































































Copie exécutoire délivrée le :





la SELARL ACO



la SELARL SELARL CABINET PHILIPPE GUIEU & VALERIE GABARRA

AU NO

M DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 12 JANVIER 2021







Appel d'une décision (N° RG 16/00136)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTELIMAR

en date du 04 décembre 2017

suivant déclaration d'appel du 12 Janvier 2018



APPELANTE :



SAS ADREXO prise en la personne de son représentant léga...

VC

N° RG 18/00265 - N° Portalis DBVM-V-B7C-JLU2

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL ACO

la SELARL SELARL CABINET PHILIPPE GUIEU & VALERIE GABARRA

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 12 JANVIER 2021

Appel d'une décision (N° RG 16/00136)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTELIMAR

en date du 04 décembre 2017

suivant déclaration d'appel du 12 Janvier 2018

APPELANTE :

SAS ADREXO prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Marc PELLET de la SELARL ACO, avocat au barreau de VIENNE,

Et Me Pierre-luc NISOL, avocat au barreau de LYON, plaidant, substitué par Me Charlotte PICHELINGAT, avocat au barreau de LYON

INTIME :

Monsieur [L] [H]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Philippe GUIEU FAUGOUX de la SELARL SELARL CABINET PHILIPPE GUIEU & VALERIE GABARRA, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant,

Et Me Hugues SENLECQ, avocat au barreau de DUNKERQUE, plaidant,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Philippe SILVAN, Conseiller faisant fonction de Président,

Mme Valéry CHARBONNIER, Conseillère,

Mme Magali DURAND-MULIN, Conseillère,

DÉBATS :

A l'audience publique du 09 Novembre 2020,

Madame Valéry CHARBONNIER, chargée du rapport, et Monsieur Philippe SILVAN, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistés de Mme Sarah DJABLI, greffière placée, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 12 Janvier 2021, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 12 Janvier 2021.

Exposé du litige :

M. [H] a été embauché le 7 novembre 2005 par la SAS ADREXO en qualité de distributeur d'imprimés publicitaires en contrat à temps partiel modulé (durée annuelle moyenne : 312 heures, durée indicative mensuelle moyenne : 26 heures).

M. [H] a démissionné le 30 septembre 2009 puis a été de nouveau été embauché le 13 octobre 2009 en contrat à temps partiel modulé.

M. [H] a saisi le conseil des prud'hommes de Montélimar en date du 23 juin 2014. L'affaire a été radiée le 13 avril 2015 puis réintroduite le 9 juin 2016.

M. [H] a pris acte de la rupture de son contrat de travail par courrier en date du 30 mai 2016.

Par jugement en date du 4 décembre 2017, le conseil des prud'hommes de Montélimar a :

'dit que le mandat de M. [F] est en bonne et due forme ; le déclare valable.

'requalifié le contrat de travail à temps partiel modulé de M. [H] en contrat à temps plein.

'condamné en conséquence la SAS ADREXO à verser à M. [H] les sommes suivantes :

' 71.141,75 € à titre de rappel de salaires pour la période de juin 2011 à mai 2016,

'7.114,17 €à titre des congés payés afférents,

'4.200,00 € à titre de dommages et intérêts suite au non respect des dispositions légales relatives au temps partiel modulé.

'dit en outre que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail est imputable à la SAS ADREXO pour manquements graves à ses obligations contractuelles produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse

'condamné en conséquence la SAS ADREXO à verser à M. [H] les sommes suivantes :

' 2 933,30€ à titre de préavis,

'293,33 € au titre des congés payés afférents,

'2.108,31€ à titre d'indemnité de licenciement

'13.199,85€ à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

'500,00 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

'fixé le salaire mensuel moyen brut de M. [H] à 1.466,65 €.

'ordonné à la SAS ADREXO de délivrer à Monsieur [H] [L]:

' un bulletin de paie reprenant le rappel de salaires et congés payés afférents de juin 2011 à mai 2016,

' un bulletin de paie reprenant le préavis, congés payés afférents et indemnité de licenciement,

' un certificat de travail rectifié,

' une attestation Pôle Emploi rectifiée (avec un exemplaire à adresser sans délai directement aux organismes concernés),le tout conformément au présent jugement ; rejeté l'astreinte.

'dit qu'il y a lieu d'assortir des intérêts au taux légal les condamnations à caractère salarial à compter de la première saisine soit le 23 juin 2014, et les autres condamnations à compter de la mise à disposition du présent jugement

'ordonné à la SAS ADREXO le remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage perçues par M. [H] du jour de la prise d'acte requalifiée en licenciement sans cause réelleet sérieuse au jour de la mise à disposition du résent jugement conformément aux dispositions de l'article L1235-4 du Code du Travail.

'dit qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire conformément aux dispositions de l'article

515 du Code de Procédure Civile ;

'débouté M. [H] du surplus de ses demandes

'condamné la SAS ADREXO aux dépens

La décision a été notifiée aux parties et la SAS ADREXO a interjeté appel de la décision.

Par conclusions en réponse en date du 12 avril 2018, la SAS ADREXO demande à la cour d'appel de :

'Infirmer le jugement entrepris,

'Débouter Monsieur [H] de l'intégralité de ses demandes;

'Le condamner aux entiers dépens.

Par conclusions N° 2 en date du 13 mars 2020, M. [H] demande à la cour d'appel de :

'Confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de MONTELIMAR en ce qu'il a :

Rejeté la demande de nullité du mandat de [I] [F] délivré par l'Union Locale CGT de LIEVIN,

-Requalifié le contrat à temps partiel modulé de Monsieur [H] en contrat à temps plein,

- Condamné la SAS ADREXO à verser à Monsieur [L] [H] la somme de 4.200 € à titre de dommages et intérêts suite au non respect des dispositions légales relatives au temps partiel modulé,

- Dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail est imputable à la SAS ADREXO pour manquements graves et répétés à ses obligations contractuelles et qu'elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-Condamné la SAS ADREXO à verser à Monsieur [L] [H] la somme de 2.933 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 293 € au titre de l'indemnité de congés payés afférente,

-Condamné la SAS ADREXO à verser à Monsieur [L] [H] la somme de 2.108 € au titre de l'indemnité de licenciement,

-Condamné la SAS ADREXO à verser à Monsieur [L] [H] la somme de 13.199 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Condamné la SAS ADREXO à verser à Monsieur [L] [H] la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

-Ordonné à la SAS ADREXO de lui délivrer des bulletins de paie, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi rectifiés,

-Assorti de l'intérêt au taux légal les condamnations à caractère salarial à compter de la première saisine soit le 23 juin 2014 et les autres condamnations à compter de la mise à disposition du jugement.

'Infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de MONTELIMAR en ce qu'il a :

-Dit et prescrit le rappel de salaire relatif à la période de juin 2009 à mai 2011,

-Limité, en conséquence, le rappel de salaire à la période de juin 2011 à mai 2016,

-Débouté Monsieur [H] de sa demande d'indemnité au titre de l'occupation de son domicile privé à des fins professionnelles,

-Débouté Monsieur [H] de sa demande de dommages et intérêts pour absence de formation professionnelle,

-Débouté Monsieur [H] de sa demande de dommages et intérêts pour le préjudice subi consécutif au défaut de paiement des sommes dues à leurs échéance normale,

Statuant à nouveau des chefs infirmés :

-Dire et juger que la demande de rappel de salaire pour la période de juin 2009 à mai 2016 est recevable,

-Condamner, en conséquence, la SAS ADREXO à verser à Monsieur [H] la somme de 93.872 € outre 9.387 € à titre de congés payés sur rappel de salaire, pour la période de juin 2009 à mai 2016,

-Condamner la SAS ADREXO à lui verser la somme de 5.000 € pour avoir été contraint d'utiliser son domicile privé à des fins professionnelles,

-Condamner la SAS ADREXO à lui verser la somme de 5.000 € pour le préjudice subi relatif à l'absence de formation professionnelle,

-Condamner la SAS ADREXO à lui verser la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi consécutif au défaut de paiement des sommes dues à leurs échéance normale,

'Y ajoutant :

-Condamner la SAS ADREXO à verser à Monsieur [L] [H] la somme de 3.000 € au titre de ses frais irrépétibles d'appel,

-Condamner la SAS ADREXO aux entiers dépens et notamment aux frais éventuels de l'exécution forcée de l'arrêt à intervenir.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 mai 2020 et l'affaire a été fixée à plaider le 9 novembre 2020.

M. [H] a indiqué lors des débats qu'il limitait sa demande de rappel de salaires suite à requalification à la somme de 81.118 € à compter de juin 2010.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.

 

SUR QUOI :

sur la requalification du contrat à temps partiel modulé en contrat à temps plein :

Moyens des parties :

M.[H] soutient, à l'appui de sa demande en requalification du contrat de travail en contrat à durée indéterminée à temps plein que:

'en violation de l'article L. 3123-25 du code du travail, dans sa version applicable au contrat de travail, ne mentionne pas de durée hebdomadaire ou mensuelle de référence mais seulement une durée indicative mensuelle moyenne de 26 heures.

'ni la convention collective de la distribution directe applicable, ni l'accord d'entreprise du 11 mai 2005, sur la base desquels le contrat de travail a été conclu, ne prévoient, en violation de l'article L. 3123-25 du code du travail, les conditions et délais dans lesquels les horaires de travail lui sont notifiés par écrit puisque le ct indique que le distributeur est autonome et sans horaire de travail,

'l'employeur ne démontre pas qu'il ne s'est pas tenu à la disposition permanente de celui-ci et qu'il était en mesure de prévoir son rythme de travail

M. [H] reproche enfin à la SAS ADREXO la violation, au cours de l'exécution de la relation de travail, de règles conventionnelles et des dispositions relatives à la modulation aux motifs, qu'en violation de la convention collective, le contrat de travail n'apporte aucune précision quant à ses jours de disponibilité et ne comprend pas en annexe les grilles de rémunération, que contrairement aux dispositions de l'article L. 3123-25, 6°) du code du travail, son planning de modulation ne lui a pas été remis à l'embauche ni adressé au moins quinze jours avant chaque période de modulation, que la SAS ADREXO ne l'a pas informé de ses horaires de travail pour la semaine suivante dans les conditions prévues par l'article L. 3123-25 alinéa 7 et 8 du même code et le non respect des limites à l'intérieur desquelles la durée du travail peut varier.

En réponse, la SAS ADREXO expose que l'accord de modulation du 15 mai 2005 a été mis en place en application de la loi n°2000-37 du 19 janvier 2000 et de la convention collective applicable et qu'en conséquence M.[H] ne peut prétendre à son inopposabilité, que M.[H] n'a jamais émis la moindre contestation au cours de la relation contractuelle, qu'il a ainsi signé les feuilles de route valant accord entre les parties quant à la quantification de la durée du travail et rendu à son employeur, sans aucune réserve relative à d'éventuelles difficultés, ses rapports journaliers de distribution que M. [H] ne s'est pas tenu à sa disposition permanente, qu'en effet, il a été embauché à temps partiel modulé à raison de 26 heures mensuelles, après avoir indiqué lors de son embauche qu'il n'était disponible que deux jours par semaine, choisissant ainsi ses jours d'intervention les lundi et mardi, et qu'il effectuait une tournée de distribution une fois par semaine, qu'il ne peut donc prétendre avoir été occupé à temps complet, qu'il ne peut reprocher à son employeur de ne pas lui avoir indiqué la répartition de son temps de travail puisqu'il a signé des avenants à son contrat de travail relatif à la modulation de son temps de travail et à la révision des volumes de distribution et qu'il a toujours bénéficié d'un programme indicatif de modulation personnalisé.

Sur ce,

L'article L. 3123-25 du code du travail dans sa version applicable au présent litige prévoyait qu'une convention ou un accord collectif de travail étendu ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir que la durée hebdomadaire ou mensuelle peut varier dans certaines limites sur tout ou partie de l'année à condition que, sur un an, la durée hebdomadaire ou mensuelle n'excède pas en moyenne la durée stipulée au contrat de travail et que cette convention ou cet accord prévoit :

1° Les catégories de salariés concernés ;

2° Les modalités selon lesquelles la durée du travail est décomptée ;

3° La durée minimale de travail hebdomadaire ou mensuelle ;

4° La durée minimale de travail pendant les jours travaillés. Une convention de branche ou un accord professionnel étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir plus d'une interruption d'activité ou une interruption supérieure à deux heures ;

5° Les limites à l'intérieur desquelles la durée du travail peut varier, l'écart entre chacune de ces limites et la durée stipulée au contrat de travail ne pouvant excéder le tiers de cette durée. La durée du travail du salarié ne peut être portée à un niveau égal ou supérieur à la durée légale hebdomadaire ;

6° Les modalités selon lesquelles le programme indicatif de la répartition de la durée du travail est communiqué par écrit au salarié ;

7° Les conditions et les délais dans lesquels les horaires de travail sont notifiés par écrit au salarié ;

8° Les modalités et les délais selon lesquels ces horaires peuvent être modifiés, cette modification ne pouvant intervenir moins de sept jours après la date à laquelle le salarié en a été informé. Ce délai peut être ramené à trois jours par convention ou accord collectif de branche étendu ou convention ou accord d'entreprise ou d'établissement.

Le 15 mai 2005, la SAS ADREXO et ses partenaires sociaux ont signé un accord d'entreprise relatif à la mise en place d'une modulation du temps de travail.

La loi n°2008-789 du 20 août 2008 a abrogé l'article L. 3123-25 du code du travail mais dispose cependant que les accords conclus sur ce fondement restent en vigueur.

En l'espèce, le contrat de travail à temps partiel modulé de M.[H] mentionne une durée annuelle contractuelle de travail de référence de 312 heures et indique une durée mensuelle moyenne de travail variable selon le planning de 26 heures. Il en ressort ainsi clairement, en ce qu'il se borne à faire référence à une durée mensuelle moyenne variable, que ce contrat de travail ne mentionne aucune durée hebdomadaire ou mensuelle de référence.

Il est de jurisprudence constante que l'absence d'écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l'emploi est à temps complet et qu'il incombe à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue et, d'autre part que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

Il n'est pas démontré par la SAS ADREXO que M. [H] avait indiqué qu'il n'était disponible que les lundis et mardis et que les parties avaient entendu contracter en fonction des disponibilités de ce dernier. Par ailleurs, les divers avenants au contrat de travail produits à l'instance par l'intimé se bornent à faire référence à une durée annuelle contractuelle de référence et à des durées indicatives mensuelles moyennes (variables selon planning) sans qu'il en ressorte la démonstration de l'exécution de sa prestation de travail par M.[H] à des dates régulières lui permettant ainsi de prévoir à quel rythme il devait travailler. Enfin, la SAS ADREXO verse aux débats des listes détaillées des salaires de M.[H] pour les années 2013 à janvier 2016, ou de feuilles de route de ce dernier pour les mois de janvier, février et mars 2016 et jusqu'au 18 avril 2016 sans toutefois les assortir d'aucune explication permettant de démontrer que M.[H] exécutait régulièrement sa prestation de travail pendant les mêmes jours et démontrant ainsi qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

M.[H] est en conséquence fondé à solliciter la requalification de son contrat de travail en contrat à temps complet.

L'article L. 3245-1 du code du travail, dans sa version antérieure au 17 juin 2013, dispose que l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par cinq ans conformément à l'article 2224 du code civil.Le même article dispose, dans sa version applicable à compter du 17 juin 2013 que l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

L'article 21 du chapitre 4 de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi dispose que les dispositions du code du travail prévues aux III et IV du présent article s'appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la présente loi, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

En l'espèce, la saisine du conseil des prud'hommes par M. [H] avant la radiation est du 23 juin 2014.

M. [H] a, lors de l'audience de plaidoirie du 12 novembre 2020 de manière contradictoire actualisé sa demande à la somme de 81 118 € à compter du mois de juin 2010.

S'agissant des demandes de rappel de salaires portant sur la période postérieure au 23 juin 2009 et antérieure au 23 juin 2011 initialement soumises à la prescription quinquennale, puis, à compter du 17 juin 2013, à la prescription triennale, et pour lesquelles la durée totale de la prescription n'excède pas la durée prévue par la loi antérieure, elles seront déclarées non-prescrites, par voie d'infirmation du jugement déféré.

Il sera donc fait droit à sa demande en rappel de salaires et congés payés afférents de M. [H] à savoir la somme de 81 118 € € à titre de rappel de salaires pour la période de juin 2010 à mai 2016, outre 8 111 € à titre des congés payés afférents par voie de réformation du jugement déféré.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail :

M. [H] soutient avoir été victime des infractions permanentes de la SAS ADREXO en matière de respect des dispositions légales relatives au temps partiel et privé dès le début de la relation contractuelle de la rémunération qui lui était due et qu'en conséquence il a subi un préjudice à ce titre.

En réponse la SAS ADREXO conteste ne pas avoir respecté les dispositions légales sur le temps partiel.

Sur ce,

Aux termes des dispositions de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. L'employeur doit en respecter les dispositions et fournir au salarié le travail prévu et les moyens nécessaires à son exécution en le payant le salaire convenu. Le salarié doit s'abstenir de tout acte contraire à l'intérêt de l'entreprise et de commettre un acte moralement ou pénalement répréhensible à l'égard de l'entreprise. Il lui est notamment interdit d'abuser de ses fonctions pour s'octroyer un avantage particulier.

Toutefois, si la cour a jugé qu'il y avait lieu de requalifier le contrat de travail à temps partiel de M. [H] en contrat de travail à temps plein, faute pour ses contrats de travail de préciser les mentions obligatoires relatives à la durée hebdomadaire ou mensuelle de référence, M. [H] ne justifie pas d'un préjudice distinct de celui indemnisé par la condamnation de l'employeur à lui verser les rémunérations d'un contrat de travail à temps plein pendant toute la durée de la relation contractuelle.

Sur l'occupation du domicile personnel à des fins privés :

Moyens des parties :

M. [H] soutient qu'alors que ses collègues de travail et lui n'avaient aucune obligation de travailler à leur domicile, la SAS ADREXO a toujours refusé de mettre en place un local de travail adapté pour la préparation des documents et a imposé de fait à ses salariés d'effectuer les tâches de préparation à leur domicile tout en refusant de les indemniser pour cette sujétion particulière ainsi que pour les frais que cette situation engendrait.

La SAS ADREXO fait valoir pour sa part que l'utilisation du domicile privé pour préparer sa tournée est librement décidée par chaque distributeur et qu'elle met à disposition de son personnel des locaux pour la préparation des tournées, équipés de 8 tables et de chaises, de sorte que M. [H] n'était pas tenu de préparer sa tournée nécessairement à son domicile, M. [H] ne justifiant par ailleurs d'aucun préjudice.

Sur ce,

Il est de principe que l'occupation, à la demande de l'employeur, du domicile du salarié à des fins professionnelles constitue une immixtion dans la vie privée de celui-ci et n'entre pas dans l'économie générale du contrat de travail et que si le salarié, qui n'est tenu ni d'accepter de travailler à son domicile, ni d'y installer ses dossiers et ses instruments de travail, accède à la demande de son employeur, ce dernier doit l'indemniser de cette sujétion particulière ainsi que des frais engendrés par l'occupation à titre professionnel du domicile.

Si la SAS ADREXO conclut qu'elle met à la disposition de son personnel des locaux pour préparer les tournées, elle ne le démontre pas. M. [H] est en conséquence fondé à solliciter l'indemnisation par la SAS ADREXO de cette sujétion particulière. Il convient d'allouer la somme de 1.200 € à M. [H] en réparation de son préjudice à ce titre par voie de réformation du jugement référé.

Sur le défaut de formation professionnelle :

Moyens des parties :

M. [H] soutient qu'il n'a bénéficié d'aucune formation professionnelle depuis son embauche en octobre 2005 et qu'il a subi un préjudice de ce fait.

La SAS ADREXO soutient en réponse que l'emploi de distributeur n'ayant connu aucune modification particulière en matière de technologie utilisée ou d'organisation, l'absence de formation professionnelle au cours de la relation contractuelle n'avait aucunement été préjudiciable à M. [H].

Sur ce,

L'article L. 6321-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au présent litige prévoit que l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail, veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations. Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences.

L'employeur ne conteste pas que M. [H] n'a bénéficié d'aucune formation durant la relation contractuelle de 11 années.

Toutefois M. [H] ne justifie pas de quel type de formation il aurait pu bénéficier aux fins de maintien de ses capacités à l'emploi en l'absence d'évolution prévisible de son emploi et de l'existence d'un préjudice à ce titre.

Il y a lieu de le débouter de sa demande de dommages et intérêts à ce titre par voie de confirmation du jugement déféré.

Sur le non paiement du salaire à échéance normale :

M. [H] soutient avoir subi un préjudice du fait de l'absence de paiement de son salaire à temps complet à échéance normale en raison de l'impossibilité de ne réparer les intérêts de retard qu'à compter de la saisine de la juridiction

La SAS ADREXO fait valoir pour sa part que M. [H] a toujours bénéficié, à échéance normale, du paiement de son salaire conformément à ses feuilles de route et au système de préquantification du temps de travail.

Sur ce,

Toutefois, si la cour a jugé qu'il y avait lieu de requalifier le contrat de travail à temps partiel de M. [H] en contrat de travail à temps plein, faute pour le contrat de travail de préciser les mentions obligatoires relatives durée hebdomadaire ou mensuelle de référence, M. [H] ne justifie pas d'un préjudice distinct de celui indemnisé par la condamnation de l'employeur à lui verser les rémunérations d'un contrat de travail à temps plein pendant toute la durée de la relation contractuelle par voie de réformation du jugement déféré.

Sur la prise d'acte de rupture du contrat de travail :

Moyens des parties :

M. [H] énumère au titre des manquement graves de son employeur fondant sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail :

'le fait pour un employeur de ne pas rémunérer l'intégralité des heures de travail effectuées par le salarié

'la variation de la durée du travail selon les propres besoins de l'employeur en méconnaissance des stipulations contractuelles et des dispositions légales, le laissant dans l'incertitude quant à répartition hebdomadaire de son horaire de travail qui l'a empêché de prévoir son rythme de travail

'l'absence de rémunération de l'intégralité des heures de travail, le non respect des dispositions légales, conventionnelles et contractuelles relatives au temps partiel modulé

'l'obligation de travailler à domicile et l'atteinte à sa vie privée

'l'absence de respect de son droit à formation

La SAS ADREXO conteste les manquements invoqués par le salarié et fait valoir qu'après avoir démissionné de ses fonctions le 30 septembre 2009, il a demandé à être réembauché un mois après, démontrant que les griefs soulevés au soutien de sa prise d'acte n'étaient pas de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.

Sur ce,

Il est de jurisprudence constante que le salarié qui reproche à l'employeur des manquements à ses obligations peut prendre acte de la rupture de son contrat. La prise d'acte doit être transmise à l'employeur ; lorsque le salarié justifie de manquements suffisamment graves de la part de l'employeur pour empêcher la poursuite du contrat de travail, la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et dans le cas contraire d'une démission. La prise d'acte ne nécessite aucun formalisme particulier mais doit être transmise directement à l'employeur.

En l'espèce, M. [H] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur par courrier du 30 mai 2016.

Les manquements de la SAS ADREXO relevés par la cour, à savoir le non respect des dispositions légales et conventionnelles relatives au temps de travail partiel modulé le mettant dans l'impossibilité de prévoir son temps de travail ainsi que le non respect de sa vie privée pendant la relation contractuelle de 11 années en l'obligeant à préparer ses tournées à son domicile, sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail, et il convient de juger que la prise d'acte de M. [H] produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse par voie de confirmation du jugement déféré. Le jugement déféré sera également confirmé s'agissant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alloué à M. [H] compte tenu de son âge, de son ancienneté (11 ans) et de sa situation professionnelle et personnelle.

Sur le remboursement des allocations chômage :

Il convient de confirmer le jugement déféré.

Sur les demandes accessoires :

Il convient de condamner la SAS ADREXO partie perdante, aux entiers dépens et à la somme de

1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement et contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

DECLARE recevable en son appel,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a :

'dit que le mandat de M. [F] est en bonne et due forme ; le déclare valable.

'requalifié le contrat de travail à temps partiel modulé de M. [H] en contrat à temps plein.

'dit en outre que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail est imputable à la SAS

ADREXO pour manquements graves à ses obligations contractuelles produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

'condamné en conséquence la SAS ADREXO à verser à M. [H] les sommes suivantes :

'2 933,30€ à titre de préavis,

'293,33 € au titre des congés payés afférents,

'2.108,31 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

'13.199,85 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

'500,00 €au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

'fixé le salaire mensuel moyen brut de M. [H] à 1.466,65 €.

'ordonné à la SAS ADREXO de délivrer à Monsieur [H] [L] :

' un bulletin de paie reprenant le rappel de salaires et congés payés afférents de juin 2011 à mai 2016,

' un bulletin de paie reprenant le préavis, congés payés afférents et indemnité de licenciement,

'un certificat de travail rectifié,

' une attestation Pôle Emploi rectifiée (avec un exemplaire à adresser sans délai directement aux organismes concernés), le tout conformément au présent jugement ; rejeté l'astreinte.

'dit qu'il y a lieu d'assortir des intérêts au taux légal les condamnations à caractère salarial à compter de la première saisine soit le 23 juin 2014, et les autres condamnations à compter de la mise à disposition du présent jugement.

'ordonné à la SAS ADREXO le remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage perçues par M. [H] du jour de la prise d'acte requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse au jour de la mise à disposition du présent jugement conformément aux dispositions de l'article L1235-4 du Code du Travail.

'dit qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire conformément aux dispositions de l'article

515 du Code de Procédure Civile.

'débouté M. [H] du surplus de ses demandes.

'condamné la SAS ADREXO aux dépens.

INFIRME le jugement déféré sur le surplus,

Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et y Ajoutant:

CONDAMNE la SAS ADREXO à payer à M. [H] les sommes suivantes :

'93.872 € à titre de rappel de salaires pour la période de juin 2009 à mai 2016,

'9.387 € à titre des congés payés afférents,

'1.200 € de dommages et intérêts pour non respect de sa vie privée.

DEBOUTE M. [H] du surplus de ses demandes,

CONDAMNE la SAS ADREXO à payer la somme de 1.500 € à M. [H] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

CONDAMNE la SAS ADREXO aux dépens exposés en cause d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Philippe SILVAN, Conseiller faisant fonction de président et par Mme Morgane MATHERON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIERLE CONSEILLER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section a
Numéro d'arrêt : 18/00265
Date de la décision : 12/01/2021

Références :

Cour d'appel de Grenoble 04, arrêt n°18/00265 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-01-12;18.00265 ?
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