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05/01/2021 | FRANCE | N°20/00870

France | France, Cour d'appel de Grenoble, 2ème chambre, 05 janvier 2021, 20/00870


N° RG 20/00870 - N° Portalis DBVM-V-B7E-KLXS



N° Minute :



LG































































Copie exécutoire délivrée

le :



à



Me Agnès ORIOT



la SELARL BGLM



SCP ALPAZUR AVOCATS















AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



2ÈME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU MARDI 05 JANVIER 2021



DECLARATION DE SAISINE DU 20 Février 2020

sur un arrêt de cassation du 8 mars 2018



RECOURS SUR :



un jugement rendu par le tribunal d'instance de gap le 18 mars 2014, enregistrée sous le n° 11-12-334, puis un arrêt rendu par la cour d'appel de Grenoble en date du 18 octobre 2016 (RG 14...

N° RG 20/00870 - N° Portalis DBVM-V-B7E-KLXS

N° Minute :

LG

Copie exécutoire délivrée

le :

à

Me Agnès ORIOT

la SELARL BGLM

SCP ALPAZUR AVOCATS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

2ÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 05 JANVIER 2021

DECLARATION DE SAISINE DU 20 Février 2020

sur un arrêt de cassation du 8 mars 2018

RECOURS SUR :

un jugement rendu par le tribunal d'instance de gap le 18 mars 2014, enregistrée sous le n° 11-12-334, puis un arrêt rendu par la cour d'appel de Grenoble en date du 18 octobre 2016 (RG 14/1728)

SAISISSANT :

Mme [B] [I]

née le [Date naissance 2] 1956 à [Localité 15] ([Localité 15])

de nationalité Française

[Adresse 13]

[Localité 1]

Représentée par Me Agnès ORIOT, avocat au barreau de GRENOBLE, plaidant par Me Marc ANSELMETTI, avocat au barreau de GAP

SAISIS:

M. [F] [C]

né le [Date naissance 3] 1974 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représenté et plaidant par Me Christophe GUY de la SELARL BGLM, avocat au barreau de HAUTES-ALPES

[Adresse 13] prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 14]

[Localité 1]

Représentée et plaidant par Me Catherine MOINEAU de la SCP ALPAZUR AVOCATS, avocat au barreau de HAUTES-ALPES

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Emmanuèle Cardona, Présidente,

Anne-Laure Pliskine, Conseillère,

M. Laurent Grava, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 19 octobre 2020 Laurent Grava, conseiller chargé du rapport d'audience, en présence d'Anne-Laure Pliskine, conseillère, assistés de Caroline Bertolo, greffière, ont entendu seuls les avocats en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées, conformément aux dispositions des articles 805 Code de Procédure Civile.

Il en a été rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Mme [B] [I] est propriétaire à la Salle les Alpes (Hautes-Alpes) de plusieurs parcelles de terrain situées notamment aux lieudits « Les Voûtes », « Sous la [Localité 6] » et « [K] ». Elle a par ailleurs acquis avec M. [O] [X], le 29 avril 1983, au lieudit « [Adresse 12] », les parcelles bâties cadastrées section [Cadastre 7] et [Cadastre 8].

M. [F] [C] est propriétaire, selon acte du 22 juillet 2009, de parcelles au lieudit « Rivo » cadastrées section [Cadastre 10] et [Cadastre 11], sur lesquelles il a fait construire une maison d'habitation.

Par acte notarié du 12 mai 2011, l'association syndicale libre (ASL) du chemin de Puy Chirouzan, le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier le « Rivo », Mme [M], M. [F] [C] et M. [L] [Y] ont procédé à un remembrement amiable de terrains afin de « modifier le tracé du chemin rural existant, dénommé chemin rural de Puy Chirouzan ».

Par actes du 4 octobre 2012, Mme [B] [I] a assigné M. [F] [C] et l'[Adresse 13] devant le tribunal de grande instance de Gap, sur le fondement des articles L. 162-1 et suivants du code rural, afin que soit ordonné le rétablissement de l'assiette du chemin dans son état initial.

Par jugement contradictoire en date du 18 mars 2014, le tribunal d'instance de Gap a :

- déclaré Mme [B] [I] mal fondée en son action et l'en a débouté ;

- condamné Mme [B] [I] aux dépens.

Le tribunal a retenu qu'en l'état des titres de propriété au bénéfice de l'ASL du chemin de Puy Chirouzan, les dispositions du code rural ne trouvaient pas à s'appliquer.

Mme [B] [I] a interjeté appel de cette décision.

Par arrêt contradictoire en date du 18 octobre 2016, la 1re chambre civile de la cour d'appel de Grenoble a :

- confirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

- débouté l'[Adresse 13] de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

- dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

- condamné Mme [B] [I] aux dépens d'appel.

Mme [B] [I] a formé un pourvoi à l'encontre de cette décision.

Accueillant le pourvoi, la Cour de cassation, par arrêt du 8 mars 2018 a cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 octobre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble et a remis, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Grenoble, autrement composée.

La cassation est intervenue au vu de la motivation suivante :

' Vu l'article 15 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 18 octobre 2016), que Mme [I] et M. [C] sont propriétaires de parcelles bordant chacune un chemin d'exploitation, pour l'entretien duquel a été constituée en 1922, entre la majorité des propriétaires riverains, une association syndicale libre du chemin de Puy Chirouzan (l'ASL) ; que, par acte authentique du 12 mai 2011, l'ASL a procédé, avec le syndicat des copropriétaires de l'immeuble « Rivo » et M. [C], à un échange de parcelles, dont il est résulté une modification du tracé de ce chemin ; que Mme [I] a assigné M. [C] et l'ASL en rétablissement de l'assiette du chemin dans son état initial ;

Attendu que, pour déclarer recevables les dernières conclusions notifiées par l'ASL la veille de l'ordonnance de clôture, l'arrêt retient que la clôture initialement fixée avait été reportée au 6 septembre 2016 à la suite de la communication par Mme [I] de 75 pages de conclusions et de 18 pièces supplémentaires ;

Qu'en statuant ainsi, sans constater que Mme [I] avait disposé d'un temps utile pour examiner les trente-cinq nouvelles pièces produites et répondre aux conclusions notifiées par l'ASL, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; '

Par déclaration en date du 20 février 2020, Mme [B] [I] a saisi la cour d'appel de Grenoble en intimant M. [F] [C] et l'association [Adresse 13].

Par conclusions n° 2 notifiées par voie électronique le 2 octobre 2020, Mme [B] [I] demande à la cour de :

- réformer le jugement du tribunal d'instance de Gap du 18 mars 2014 ;

Statuant à nouveau,

Vu les articles L. 162-1 et suivants du code rural ;

Vu la modification non contestée par M. [C] de l'assiette du chemin ;

Vu l'absence de démonstration de droit de propriété sur cette assiette du chemin tant par M. [C] que par l'ASL ;

- ordonner sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir à M. [C] de rétablir l'assiette du chemin d'exploitation du Puy Chirouzan en son état initial précédant son déplacement, ce qui entraînera nécessairement la démolition de la partie de sa maison construite sur cette assiette initiale, tel que le plan cadastral en atteste ;

- déclarer opposable l'arrêt à intervenir à l'association syndicale libre (ASL) du chemin de Puy Chirouzan ;

- condamner M. [C] à verser à Mme [I] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- le condamner aux entiers dépens.

Elle expose notamment les éléments suivants au soutien de ses écritures :

- elle rappelle la chronologie des faits ;

- le chemin est, selon les pièces qu'elle produit, un chemin d'exploitation qui n'a jamais été transformé en chemin rural ;

- elle justifie être propriétaire riveraine du chemin ;

- ce chemin d'exploitation est soumis au régime des articles L. 162-1 et suivants du code rural et ce quels que soient les propriétaires de tout ou partie de l'assiette ;

- M. [C] en a modifié l'assiette sans l'autorisation des propriétaires riverains ;

- l'acte notarié d'échange du 12 mai 2011est dénué de force probante à défaut de tout constat d'origine de propriété et est erroné en ce qu'il attribue la propriété du chemin depuis 1956 à une ASL créée en 2008 de façon illégale ;

- elle a intérêt et qualité à agir dès lors qu'elle utilise de façon quasi permanente et quotidienne le chemin pour accéder à sa maison ;

- l'association de 1922 n'existe plus et l'association de 2008 est une nouvelle association sans lien avec l'ASL de 1922 et sans droit ni titre sur le chemin litigieux ;

- l'ASL de 2008 lui est inopposable et elle n'a le droit d'adhérer qu'à l'ASL de 1922 ;

- l'assiette du chemin a été rapprochée du torrent et passe en zone inondable.

Par conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 16 octobre 2020, l'association [Adresse 13] demande à la cour de :

A titre principal,

In limine litis,

- déclarer prescrites et mal dirigées les demandes de Mme [I] à l'encontre de l'ASL du Chemin de Puy Chirouzan, que ce soit à l'encontre de la rénovation de ses statuts en 2008, du titre de remembrement amiable du 10 mai 2011, de la validité des assemblées générales de l'ASL renovée, et plus généralement, de toutes ses demandes, fins et conclusions non seulement prescrites et/ou ne relevant pas de la présente juridiction, mais également infondées, en droit et en fait ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [I] de l'ensemble de ses demandes ;

- débouter M. [C] et Mme [I] de l'ensemble de leurs demandes dirigées contre l'ASL [Adresse 13] ;

- condamner Mme [I] à verser à l'ASL [Adresse 13] la somme de 5 000 euros pour procédure abusive et préjudice moral ;

- condamner Mme [I], ou qui mieux le devra, à verser à l'ASL [Adresse 13] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SCP Alpazur avocat, maître Moineau ;

A titre subsidiaire,

Si par extraordinaire la cour devait infirmer en tout ou partie la décision entreprise,

- être relevée et garantie de toute condamnation éventuelle par M. [C].

L'association expose les éléments suivants au soutien de ses prétentions :

- elle rappelle la chronologie des faits ;

- sur la prescription des demandes adverses et l'incompétence du tribunal d'instance, elle rappelle notamment les termes de l'article 2224 du code civil sur la prescription quinquennale ;

- elle estime que toutes les allégations de la partie adverse sont prescrites ;

- le tribunal d'instance, dont le jugement est critiqué, n'avait nulle compétence pour connaître d'une action en contestation de la validité des statuts d'une ASL et des délibérations de l'ASL ;

- en matière de contestation de décision d'assemblée générale, la prescription est de deux mois à compter de ladite assemblée générale ;

- elle est propriétaire depuis des temps immémoriaux du chemin ;

- Mme [I] n'a jamais adhéré, ni cotisé à l'ASL et est donc réputée avoir renoncé à ses droits ;

- l'inscription d'une parcelle au périmètre n'entraîne pas ipso facto l'adhésion à l'ASL de son propriétaire en qualité de membre ;

- les consorts [H] n'ont jamais contribué en quoi que ce soit à l'entretien du chemin, ni adhéré au périmètre de l'ASL ;

- ils ne sont pas propriétaires de l'emprise du chemin aux droits de la parcelle [Cadastre 9] servant d'assiette au chemin ;

- le 26 août 2008, après mise en conformité des statuts, l'ASL a opéré sa déclaration de statuts rénovés ;

- les statuts de l'ASL qui ont été publiés en 2008 lui sont opposables ;

- l'échange de parcelles intervenu notamment avec M. [F] [C] dans le cadre du remembrement amiable du 12 mai 2011 a permis de rendre plus praticable la voie empruntée par les usagers ;

- alors que le projet de déplacement de l'assiette a été publié, Mme [I], convoquée aux assemblées générales, n'y a pas fait opposition ;

- la fonction du chemin n'est clairement pas à ce jour uniquement d'assurer une communication entre les fonds ou leur exploitation, mais va bien au-delà ;

- la fonction de joindre les fonds ou servir à leur exploitation n'est manifestement pas exclusive du trafic du chemin litigieux ;

- la première condition d'un usage exclusif pour la desserte des fonds ou leur exploitation n'est pas remplie ;

- la 2e condition d'absence de titre contraire, prévue par l'article L. 162-1 du code rural n'est pas non plus remplie en ce qu'il y a des titres au profit de l'ASL sur certaines parties de la voie ;

- les propriétés échangées appartenaient à l'ASL ;

- la nouvelle assiette n'est pas classée en « zone rouge » ;

- M. [F] [C] est seul responsable de l'aménagement et de l'implantation de l'assiette du nouveau chemin et ne saurait rechercher la responsabilité de l'ASL ;

- Mme [I] développe dans ses écritures des thèses totalement fantaisistes

sur :

* le défaut d'opposabilité des actes de l'ASL de 1922 aux statuts rénovés de 2008,

* la pseudo-coexistence de 2 ASL, de 1922 et de 2008,

* des controverses sur la nature du chemin en dépit des titres de propriété de l'ASL, interdisant de reconnaître au chemin la nature d'un chemin d'exploitation sur toute sa longueur et plus précisément sur les parcelles concernées par l'échange litigieux intervenu,

* une controverse sur sa qualité de propriétaire inscrite au périmètre de l'ASL, mais non adhérente,

* une controverse sur la propriété du chemin longeant sa propriété C1141, qu'elle prétend, sans titre, lui appartenir en droit soi.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 16 octobre 2020, M. [F] [C] demande à la cour de :

- statuer ce que de droit sur la saisine de la cour de Grenoble après l'arrêt de la Cour de cassation du 8 mars 2018 ;

Vu l'arrêt de la Cour de cassation, au seul visa de l'article 15 du code de procédure civile ;

Vu le jugement du tribunal d'instance de Gap du 18 mars 2014 et l'arrêt de la 1re chambre de la cour de Grenoble du 18 novembre 2016 ;

A titre principal,

Vu les articles L. 161-1 et suivants du code rural ;

- déclarer irrecevables et infondées les demandes de Mme [B] [I] ;

- débouter Mme [B] [I] de l'ensemble de ses demandes fins et prétentions ;

- confirmer en toutes ces dispositions le jugement entrepris ;

Subsidiairement,

- constater que M. [F] [C] détient ses droits de l'ASL du Chemin de Puy Chirouzan ;

- condamner l'ASL [Adresse 13] à relever et garantir M. [F] [C] de toute éventuelle condamnation prononcée à son encontre ;

- dire et juger qu'il appartiendrait à l'ASL de prendre en charge l'intégralité de toutes les conséquences liées au rétablissement de l'assiette initiale du chemin, s'agissant notamment de la démolition de la construction qui y a été érigée ;

En tout état de cause,

- condamner Mme [B] [I] à payer à M. [F] [C] la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Il expose les éléments suivants au soutien de ses prétentions :

- le rétablissement de l'assiette du chemin d'exploitation en son état initial, demandé par Mme [I], entraînera la démolition de la partie de la maison de M. [C], construite sur cette assiette initiale ;

- l'article L. 162-1 du code rural est explicite quant à la propriété des chemins et sentiers d'exploitation ;

- l'acte notarié du 12 mai 2011 mentionne la propriété de l'ASL « depuis des temps immémoriaux et ce antérieurement au 1er janvier1956 » ;

- la motivation de la cour d'appel, dans son arrêt cassé par la Cour de cassation, reste d'actualité, la cassation n'étant intervenue que sur une question de procédure et pas sur le fond du droit ;

- M. [C] a attendu d'être légalement propriétaire pour déplacer l'assiette du chemin (acte notarié précité) ;

- la construction érigée par M. [C] l'a été en totale légalité, puisque bénéficiant d'un acte notarié de propriété, d'un certificat d'urbanisme et d'un permis de construire ;

- à titre subsidiaire, l'ASL lui devra sa garantie en ce qu'elle a participé à l'échange de parcelles et étant rappelé que la maison ne peut pas être démolie seulement partiellement.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la prescription :

L'ASL [Adresse 13] estime que les demandes de Mme [I] sont prescrites à son endroit.

En l'espèce, aux termes mêmes du dispositif des conclusions de Mme [I], cette dernière ne demande que le rétablissement de l'assiette du chemin issue de l'échange intervenu par acte notarié du 12 mai 2011 et consistant en un remembrement amiable de terrains afin de « modifier le tracé du chemin rural existant, dénommé chemin rural de Puy Chirouzan ».

Suite à cet acte notarié ayant permis le déplacement de l'assiette du chemin, Mme [B] [I] a fait assigner, par actes du 4 octobre 2012, M. [F] [C] et l'[Adresse 13] devant le tribunal de grande instance de Gap, sur le fondement des articles L. 162-1 et suivants du code rural, afin que soit ordonné le rétablissement de l'assiette du chemin dans son état initial.

Ainsi, aucune prescription quant à la demande de rétablissement de l'assiette du chemin n'étant encourue, la fin de non-recevoir tirée de la prescription sera rejetée.

Sur la demande de rétablissement de l'assiette de la voie :

Il convient de faire remarquer que, dans les documents versés par les parties aux débats, sont utilisés à la fois les termes « chemin d'exploitation », « chemin rural », « chemin » ou « route » pour désigner la même voie, dite « de Puy Chirouzan ».

Les dispositions des articles L. 162-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime définissent ce que sont les chemins ou sentiers d'exploitation.

Selon l'article L. 162-1 du code rural et de la pêche maritime, « les chemins et sentiers d'exploitation sont ceux qui servent exclusivement à la communication entre divers fonds, ou à leur exploitation. Ils sont, en l'absence de titre, présumés appartenir aux propriétaires riverains, chacun en droit soi, mais l'usage en est commun à tous les intéressés. L'usage de ces chemins peut être interdit au public ».

L'article L. 162-2 du même code précise que « tous les propriétaires dont les chemins et sentiers desservent les fonds sont tenus les uns envers les autres de contribuer, dans la proportion de leur intérêt, aux travaux nécessaires à leur entretien et à leur mise en état de viabilité ».

L'article L. 162-3 ajoute que « les chemins et sentiers d'exploitation ne peuvent être supprimés que du consentement de tous les propriétaires qui ont le droit de s'en servir ».

En l'espèce, les parties ne contestent pas que le chemin dit « de Puy Chirouzan » a vocation depuis les années 1920, et en tout cas depuis plus de 30 ans, à permettre l'accès aux champs et chalets d'estive sur les communes de la Salle les Alpes et de Saint-Chaffrey durant les périodes propices.

Il n'est pas non plus contesté que Mme [B] [I] l'utilise pour se rendre sur la parcelle bâtie qui lui appartient indivisément avec M. [O] [X].

L'ensemble des propriétaires de ce chemin se sont constitués en 1922 en association syndicale libre qui a été convertie, le 24 août 1949, en association syndicale autorisée (ASA).

L'ASA a été dissoute par arrêté préfectoral du 6 octobre 2008 et ses biens et charges ont été dévolus à l'ASL du chemin de Puy Chirouzan dont les statuts rénovés du 17 mai 2008 ont été publiés au Journal officiel de la République Française le 26 août 2008.

Selon ces statuts, l'ASL du chemin de Puy Chirouzan « réunit les propriétaires de terrains que renferme le périmètre tracé sur le plan annexé » et dont « les noms figurent sur l'état parcellaire qu'accompagne ce plan sur le territoire des communes de la Salle les Alpes et de Saint-Chaffrey ».

Mme [B] [I] figure au n° 42 sur l'état parcellaire joint aux statuts. Le fait qu'elle n'ait pas cotisé à l'association ne la prive pas de sa qualité de propriétaire en droit soi de la partie du chemin dont elle riveraine.

Les statuts de l'association rappellent que l'association syndicale est soumise aux règles et conditions édictées notamment par l'article 3 de l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004, selon lequel les obligations qui dérivent de la constitution d'une association syndicale sont attachés aux immeubles engagés et les suivent en quelque main qu'ils passent jusqu'à la dissolution de l'association.

Ainsi, l'échange de terrains avec MM. [C] et [Y], dûment autorisé par l'assemblée générale des propriétaires adhérents à l'ASL du chemin de Puy Chirouzan lors de ses délibérations des 26 avril 2008 et 17 avril 2011 dont il est justifié de l'affichage en mairie, et réalisé par acte du 12 mai 2011, est opposable à Mme [B] [I]. L'appelante n'est donc pas fondée à invoquer un quelconque défaut d'autorisation ni à contester l'existence de l'ASL.

Ont été insérées à l'acte d'échange du 12 mai 2011, les conditions posées par l'assemblée générale des propriétaires lors de sa délibération du 17 avril 2011, en ces termes :

« - La voie devra, après réalisation de la déviation, être rétablie aux frais exclusifs de M. [F] [C], demandeur, sur les terrains adéquats de l'association.

- Cette rectification qui devra respecter les plans établis par le géomètre devra permettre la libre

circulation d'engins motorisés agricoles ou de particuliers.

- La circulation devra être réduite au minimum nécessaire, une information des usagers (par le biais de l'association et par affichage préalable au niveau de la voie) devra être faite au plus tôt et au minimum quinze jours avant le début des travaux pouvant limiter ou empêcher l'utilisation normale par les riverains.

- La voie devra rester ouverte pendant la période des fauches ».

Mme [I] ne démontre pas que les engagements pris par M. [C] pour rétablir la voie n'ont pas été respectés ni que le nouveau tracé du chemin lui est préjudiciable, alors même qu'il ressort des attestations de propriétaires riverains et utilisateurs du chemin que la modification de son assiette sur quelques mètres au niveau de la zone dite du « Rivo » a amélioré et facilité la circulation sur les deux virages, au regard du « pourcentage et de la courbe » de la voie située dans une station de sports d'hiver.

La demande de Mme [I] en rétablissement de l'assiette du chemin n'étant pas fondée, elle en sera déboutée et le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur les dommages-intérêts :

L'[Adresse 13] estime que la procédure judiciaire intentée par Mme [I] présente un caractère abusif qui doit être sanctionné par le versement de dommages-intérêts.

Agir en justice est un droit qui peut néanmoins dégénérer en abus lorsque l'action en justice est exercée de mauvaise foi ou, à tout le moins, sans aucun fondement sérieux.

En l'espèce, Mme [B] [I] a utilisé les voies de droit à sa disposition pour contester, certes sans succès, la modification d'une emprise routière.

Le fait de ne pas voir triompher sa cause ne confère pas de facto à l'action une dimension maligne ou malveillante.

À défaut de démontrer la réalité d'une telle intention, la demande indemnitaire de l'[Adresse 13] ne peut qu'être rejetée.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Mme [B] [I], dont les prétentions d'appel sont rejetées, supportera les dépens d'appel avec distraction, ceux de première instance étant confirmés.

Pour la même raison, il ne sera pas fait droit à sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de l'[Adresse 13] les frais engagés pour la défense de ses intérêts en cause d'appel. Mme [B] [I] sera condamnée à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [F] [C] les frais engagés pour la défense de ses intérêts en cause d'appel. Mme [B] [I] sera condamnée à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi :

Vu le jugement rendu le 18 mars 2014 par le tribunal d'instance de Gap, l'arrêt rendu le 18 octobre 2016 par la 1re chambre civile de la cour d'appel de Grenoble et l'arrêt de cassation rendu par la 3e chambre civile de la Cour de cassation le 8 mars 2018 ;

Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

Y ajoutant,

Condamne Mme [B] [I] à payer à M. [F] [C] la somme de 3 000 euros (trois mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [B] [I] à payer à l'[Adresse 13] la somme de 3 000 euros (trois mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [B] [I] aux dépens, avec application, au profit des avocats qui en ont fait la demande, des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Mme Emmanuèle Cardona, Présidente de la deuxième chambre civile et par la Greffière Caroline Bertolo, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20/00870
Date de la décision : 05/01/2021

Références :

Cour d'appel de Grenoble 02, arrêt n°20/00870 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-01-05;20.00870 ?
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