AMM
N° RG 18/00958
N° Portalis DBVM-V-B7C-JNNC
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
la SCP DELACHENAL DELCROIX
la SCP FOLCO TOURRETTE NERI
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
Ch. Sociale -Section B
ARRÊT DU JEUDI 05 NOVEMBRE 2020
Appel d'une décision (N° RG F 17/00332)
rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE
en date du 12 février 2018
suivant déclaration d'appel du 23 février 2018
APPELANTE :
Mme [W] [H]
née le [Date naissance 2] 1988 à [Localité 8]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par Me Xavier DELACHENAL de la SCP DELACHENAL DELCROIX, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMES :
Me [P] [V], ès-qualités de mandataire-liquidateur de l'Association HANDBALL POLE SUD 38 [Localité 6]-[Localité 7]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté par Me Florence NERI de la SCP FOLCO TOURRETTE NERI, avocat au barreau de GRENOBLE
Association UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA D'ANNECY, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
représentée par Me Florence NERI de la SCP FOLCO TOURRETTE NERI, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Blandine FRESSARD, Présidente,
M. Frédéric BLANC, Conseiller,
M. Antoine MOLINAR-MIN, Conseiller,
Assistés lors des débats de M. Fabien OEUVRAY, Greffier,
DÉBATS :
A l'audience publique du 02 septembre 2020, Monsieur MOLINAR-MIN, conseiller est entendu en son rapport.
Les parties ont été entendues en leurs observations et plaidoiries.
Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
[W] [H] a été engagée par l'association HANDBALL POLE SUD 38 [Localité 6] [Localité 7], par conventions de joueuse de handball en date des 25 août 2015 et 24 juillet 2016, pour la période du 1er septembre 2015 au 31 mai 2017.
Suivant jugement du 21 février 2017 du tribunal de commerce de Grenoble, l'association HANDBALL POLE SUD 38 [Localité 6] [Localité 7] a été placée en redressement judiciaire.
Le 21 avril 2017, [W] [H] a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de requalification de la convention de joueuse de handball en contrat de travail à temps plein à durée indéterminée, d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, et de demandes indemnitaires et salariales afférentes à la requalification et à la rupture de son contrat de travail.
L'association HANDBALL POLE SUD 38 [Localité 6] [Localité 7] a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 22 juin 2017 du tribunal de commerce de Grenoble, ayant notamment désigné Me [P] [V] en qualité de mandataire-liquidateur.
Par jugement en date du 12 février 2018, dont appel, le conseil des prud'hommes de Grenoble ' section activités diverses ' a :
'DIT qu'[W] [H] ne pouvait bénéficier d'un contrat de travail au sein de l'association HANDBALL POLE SUD 38 ;
'DÉBOUTÉ en conséquence [W] [H] de la totalité de ses demandes ;
'LAISSÉ les dépens à la charge d'[W] [H].
La décision a été notifiée aux parties par lettre recommandée avec accusés de réception en date des 14 et 15 février 2018. [W] [H] en a interjeté appel par déclaration de son conseil transmise par voie électronique au greffe de la présente juridiction le 23 février 2018.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 15 mai 2018, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, [W] [H] demande à la cour d'appel de :
'INFIRMER le jugement du conseil de prud'hommes du 12 février 2018 en ce qu'il l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes ;
En conséquence,
'FAIRE droit à sa demande de requalification de sa convention de joueuse de handball en contrat de travail à temps plein à durée indéterminée ;
'PRONONCER la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur ;
'DIRE et JUGER que seront portées à l'état des créances salariales de la liquidation judiciaire de l'Association HANDBALL POLE SUD 38 les sommes suivantes :
1. Indemnité de requalification.............................................................................. 1 391,20 €,
2. Rappel de salaires du 1er septembre 2015 au 22 juin 2017 (prononcé liquidation judiciaire) :
21 (mois) x 1391,20 € + (22 jours x 1118 €) ............. 30 333,20 €
Sous déduction des sommes perçues, soit ................. - 4 613,47 €
Solde en brut ............................................................... 25 719,73 €
3. Congés payés afférents'''''''''''''''''''''''2 571,9 €
4. Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur : mémoire,
5. Indemnité compensatrice de préavis .............................................................. 1 391,20 €,
6. Indemnité de licenciement .................................................................................. 556,48 €,
7. Dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ............ 5 564,80 €,
8. Indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ...................................................... 8 347,20 €,
9. Article 700 ............................................................................................................ 1 500 €,
'DIRE ET JUGER que ces sommes seront garanties par l'AGS dans les conditions fixées par l'article L 3253-8 du Code du Travail ;
'RENDRE opposable l'arrêt qui sera rendu à l'AGS.
Par conclusions en réponse notifiées par voie électronique le 11 juillet 2018, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, Maître [P] [V], ès-qualités de mandataire-liquidateur de l'association HANDBALL POLE SUD 38 [Localité 6] [Localité 7], demande à la cour d'appel de :
'CONFIRMER le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Grenoble en date du 12 février 2018 en toutes ses dispositions ;
A titre subsidiaire, si la cour devait requalifier les conventions en contrat de travail et prononcer leur résiliation judiciaire :
'DÉBOUTER [W] [H] de sa demande au titre de l'indemnité de requalification ;
'RAMENER la demande de rappel de salaires à la somme de 4.099,17 € ;
'RAMENER le montant des dommages et intérêts sollicités pour rupture abusive du contrat de travail à une somme symbolique compte tenu de la faible ancienneté d'[W] [H] comme de l'absence de tout élément de nature à établir la réalité et encore moins le quantum du préjudice prétendument subi du fait de la rupture ;
'RAMENER le montant de l'indemnité compensatrice de préavis sollicitée à la somme de 458,60 € ;
'DÉBOUTER [W] [H] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé ;
'En tout état de cause, DIRE ET JUGER qu'en vertu des articles L. 622-21 et suivants du code de commerce, seul un principe de fixation de créance peut être arrêté à l'encontre d'une entreprise soumise à procédure collective, aucune condamnation directe à l'encontre de cette entreprise ou de son liquidateur ne pouvant être prononcée ;
'STATUER ce que de droit quant aux dépens.
Enfin, par conclusions notifiées par voie électronique le 11 juillet 2018, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, l'AGS ' CGEA D'ANNECY demande à la cour d'appel de :
'CONFIRMER le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Grenoble en date du 12 février 2018 en toutes ses dispositions ;
Subsidiairement,
'LUI DONNER ACTE de ce qu'elle fait expressément assomption de cause avec Maître [P] [V], ès-qualités ;
'DIRE ET JUGER qu'en aucun cas elle ne saurait être tenue à garantir les conséquences d'une résiliation judiciaire du contrat de travail d'[W] [H] et la mettre, dès lors, purement et simplement hors de cause de ce chef, ainsi que pour le paiement des indemnités susceptibles d'en découler (indemnité compensatrice de congés payés, indemnités de rupture et dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse) ;
Pour le cas où les demandes de rappel de salaires seraient en tout ou partie accueillies :
'DISTINGUER strictement celles nées antérieurement à la date d'ouverture de la procédure collective, soit le 21 février 2017, de celles nées postérieurement à cette date (pendant la période d'observation), sa garantie n'étant acquise pour ces dernières que dans la limite d'un montant égal à un mois et demi de salaires, conformément aux dispositions de l'article L. 3253-8-4 du code du travail ;
En tout état de cause,
'DIRE ET JUGER qu'il ne pourra être prononcé de condamnations à son encontre mais que la décision à intervenir lui sera seulement déclarée opposable ;
'DIRE ET JUGER qu'une créance éventuelle sur le fondement de l'article 700 du CPC ne constitue pas une créance découlant du contrat de travail et, partant, se situe hors le champ de sa garantie, ce conformément aux dispositions de l'article L. 3253-6 du code du travail ;
'DIRE ET JUGER qu'elle ne devra procéder à l'avance des créances visées par les articles L. 3253-6 à L.3253-13 du code du travail que dans les termes et les conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-19 à L. 3253-21 du code du travail ;
'DIRE ET JUGER que sa garantie est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié à un des trois plafonds définis à l'article D. 3253-5 du code du travail et que son obligation de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement, les intérêts légaux étant arrêtés au jour du jugement déclaratif, conformément aux dispositions de l'article L. 621-48 du code de commerce ;
'LA DECHARGER de tous dépens.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 12 mars 2020, et l'affaire fixée pour être plaidée à l'audience du 13 mai 2020 puis renvoyée à l'audience du 2 septembre 2020 en raison de la situation sanitaire née de l'épidémie de Covid-19.
SUR CE :
- Sur la requalification de la relation en contrat de travail :
Il résulte de l'article L. 1221-1 du code du travail que l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur.
Et le lien de subordination définissant la relation de travail salariée se caractérise à cet égard par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
Or, il apparaît en l'espèce qu'aux termes des « convention de joueuse de handball » conclues les 25 août 2015 et 24 juillet 2016 avec l'association HANDBALL POLE SUD 38 [Localité 6] [Localité 7], [W] [H] s'est notamment engagée à se soumettre au règlement intérieur du club, à participer régulièrement aux entraînements, à toutes les compétitions officielles ou amicales, aux entraînements et séances physiques individuelles ou collectives décidées par les responsables de l'équipe, à respecter strictement les instructions des responsables de l'équipe, à aider le club dans les missions sportives et extra-sportives durant la saison et se tenir à la disposition de son club pour assister et participer « à toute action en direction des équipes de jeunes », à se tenir à la disposition du club pour participer aux manifestations promotionnelles ou publicitaires organisées par son club et à respecter les conventions conclues par le club avec ses partenaires, s'agissant notamment du port des équipements sportifs textiles.
Aux termes des conventions précitées, il était parallèlement interdit à [W] [H] de disputer tournois ou matchs avec aucune autre équipe, sans autorisation préalable de son club.
Et, en contrepartie de ces conventions, l'association HANDBALL POLE SUD 38 [Localité 6]-[Localité 7] s'était engagée à verser forfaitairement à [W] [H], indépendamment de toute référence (ou de tout justificatif) à des frais susceptibles d'être exposés, une « indemnité annuelle » d'un montant de 7 000 €, dont le paiement devait intervenir en dix mensualités.
Il apparaît ainsi qu'aux termes des conventions précitées, [W] [H] était tenue d'effectuer un travail sous l'autorité de l'association HANDALL POLE SUD 38 [Localité 6]-[Localité 7], qui avait le pouvoir de lui donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution, et de sanctionner ses manquements éventuels, de sorte que, au regard du lien de subordination qu'elles prévoient, celles-ci devaient nécessairement s'analyser en contrats de travail.
Il convient d'ailleurs de relever qu'à raison des obligations respectives strictement similaires dont avaient alors convenues les parties, l'association HANDBALL POLE SUD 38 [Localité 6]-[Localité 7] avait cru devoir régulariser un contrat de travail le 27 juin 2016 avec [S] [G], en qualité de joueuse de handball, pour la saison sportive 2016/2017. Et de façon convergente, l'association HANDBALL POLE SUD 38 s'était engagée, aux termes de l'article 2 de la « convention de joueuse de handball » conclue le 25 août 2015 avec [W] [H], « à proposer à la joueuse, un contrat de joueuse professionnelle si les moyens financiers le permettent et si les deux parties sont d'accord. Cela pourra se faire dans le cours ou à la fin de la saison ».
Ainsi, au regard de l'ensemble de ces constatations, c'est par un motif inopérant tiré de l'engagement par contrat de travail à temps plein d'[W] [H] à l'égard du club de handball de [Localité 5] au cours de la même période, que les premiers juges ont débouté l'intéressée de ses demandes tendant à la reconnaissance d'un contrat de travail la liant à l'association HANDBALL POLE SUD 38 [Localité 6] [Localité 7]. Au demeurant, et au surplus, [W] [H] justifie par la production des documents afférents à la fin de son contrat, que sa relation de travail avec l'association sportive [Localité 5] HANDBALL, ensuite du contrat de travail conclu le 22 mai 2015, avait en réalité pris fin le 15 août suivant, soit antérieurement à son engagement vis à vis de l'association HANDBALL POLE SUD 38 [Localité 6]-[Localité 7].
Mais, alors que l'article L. 1242-2 du même code, dans sa rédaction applicable à la date du litige, dispose qu'un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas dérogatoires qu'il énonce, les conventions de joueuse de handball respectivement conclues par l'association HANDBALL POLE SUD 38 [Localité 6]-[Localité 7] avec [W] [H] les 25 août 2015 et 24 juillet 2016, respectivement jusqu'au 30 juin 2016 et jusqu'au 3 juin 2017, ne portent pas mention d'un quelconque motif de recours à un contrat de travail dérogatoire au droit commun. Et l'article L. 1245-1 du code du travail prévoit, dans cette hypothèse, qu'est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 1242-2.
Enfin, les intimés ne peuvent valablement soutenir que le contrat de travail susceptible d'avoir été formé entre l'association HANDBALL POLE SUD 38 [Localité 6]-[Localité 7] n'aurait tout au plus été conclu qu'à temps partiel alors que, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 3123-6 du code du travail, les conventions conclues avec [W] [H] les 25 août 2015 et 24 juillet 2016 ne portaient pas mention de la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail convenue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.
Les intimés ne versent d'ailleurs aux débats aucune pièce susceptible d'établir que, ainsi qu'ils l'allèguent, [W] [H] n'aurait été à la disposition de son employeur qu'à hauteur de 50 heures par mois au plus. Et il convient d'ailleurs de relever, à l'inverse, que c'est à temps plein que [S] [G], joueuse de la même équipe qu'[W] [H] et soumise aux mêmes obligations, a été embauchée par l'association HANDBALL POLE SUD 38 [Localité 6] [Localité 7], selon contrat de travail du 27 juin 2016. Les intimés n'établissent pas plus, a fortiori, que la salariée n'était pas placée dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler.
Il résulte de l'ensemble de ces constatations que, par voie d'infirmation, il convient de requalifier la relation de travail entre [W] [H] et l'association HANDBALL POLE SUD 38 [Localité 6]-[Localité 7] en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein à compter de la première convention irrégulière, soit à compter du 25 août 2015.
Et, dès lors que la convention du 25 août 2015 avait été conclue en méconnaissance ' notamment - des dispositions de l'article L. 1242-2 du code du travail, l'association HANDBALL POLE SUD 38 [Localité 6]-[Localité 7] doit être tenue de verser à sa salariée une indemnité au titre de la requalification de la relation de travail à hauteur d'une somme qui peut être fixée à la somme de 1 392 €, par application des articles L. 1245-1 et L. 1245-2 du code du travail.
- Sur le rappel de salaires :
Il ressort des dispositions de l'article 9.2.1 « salaires minima conventionnels SMC » de la convention collective nationale du sport, telles qu'issues des avenants n°88 du 15 mai 2014 et n°106 du 6 novembre 2015, étendu par arrêté du 29 février 2016 publié au journal officiel du 27 mai 2016, que le salaire minimum conventionnel était fixé à 1 386,35 € à compter du 1er juillet 2014, et à 1 391,20 € à compter du 1er juin 2016.
Il apparaît ainsi que, au titre de sa prestation de travail pour le compte de l'association HANDBALL POLE SUD 38 [Localité 6]-[Localité 7], [W] [H] aurait dû percevoir une rémunération à hauteur de 12 477,15 € pour la période du 1er septembre 2015 au 31 mai 2016, puis de 17 712,40 € pour la période du 1er juin 2016 au 22 juin 2017, soit la somme totale de 30 189,55 € au total.
Dès lors qu'[W] [H] a perçu les sommes de 1 680 € et de 2 933,47 € de l'association HANDBALL POLE SUD 38 [Localité 6]-[Localité 7] au titre des saisons sportives 2015/2016 puis 2016/2017, cette dernière restait à devoir à sa salariée la somme de 25 576,08 €, outre congés payés afférents.
- Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail :
Il ressort des dispositions de l'article 1184 du code civil ' dans leur rédaction applicable à la date du litige ' qu'il relève du pouvoir souverain des juges du fond d'apprécier si l'inexécution par l'un des cocontractants de certaines des dispositions résultant d'un contrat synallagmatique présente une gravité suffisante pour en justifier la résiliation.
Il s'ensuit que tout salarié est recevable à demander devant le juge prud'homal la résiliation de son contrat de travail s'il justifie de manquements de l'employeur à ses obligations nées de ce contrat, si leur gravité rend impossible la poursuite du contrat de travail.
Au cas particulier, [W] [H] fait valoir que l'association HANDBALL POLE SUD 38 [Localité 6]-[Localité 7] a gravement manqué à ses obligations contractuelle en ce qu'elle a été embauchée selon contrat précaire à temps partiel tandis qu'elle occupait en emploi à temps plein, et en ce que son employeur a cessé de lui verser la rémunération à laquelle elle pouvait prétendre à compter de février 2016.
Or, il ressort des énonciations qui précèdent que les conventions de joueuse de handball conclues les 25 août 2015 et 24 juillet 2016 par [W] [H] avec l'association HANDBALL POLE SUD 38 [Localité 6]-[Localité 7] étaient irrégulières, notamment en ce qu'elles ne portaient pas mention du motif de recours au contrat précaire et ne comportait pas d'indication sur la répartition des périodes de travail et des heures de travail auxquelles était astreinte la salariée.
Et l'association HANDBALL POLE SUD 38 [Localité 6]-[Localité 7], qui ne justifie pas du versement d'une quelconque rémunération à sa salariée à compter du mois de février 2016, reste à ce jour redevable envers [W] [H] d'une somme de 25 576,08 € à titre de rappel de salaires, outre congés payés afférents.
Ainsi, au regard de leur persistance et de leur gravité en ce qu'elle touche à des obligations essentielles du contrat, les manquements de l'association HANDBALL POLE SUD 38 [Localité 6]-[Localité 7] à ses obligations nées du contrat de travail étaient d'une gravité telle qu'elles justifient la résolution du contrat de travail d'[W] [H] aux torts de l'association.
La résiliation produit ses effets au jour où le juge la prononce pour autant qu'à cette date, le contrat de travail n'avait pas été rompu et que le salarié demeurait au service de la société qu'il l'emploie. Il apparaît nécessaire de rappeler, à cet égard, que l'ouverture d'une procédure collective, fût-ce de liquidation judiciaire, n'emporte pas en elle-même rupture du contrat de travail.
Il convient par conséquent de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail qui liait [W] [H] à l'association HANDBALL POLE SUD 38 [Localité 6]-[Localité 7] à la date du présent arrêt, et de fixer les indemnités de rupture dues à l'intéressé à la somme de 1 391,20 € s'agissant de l'indemnité compensatrice de préavis, et à la somme de 556,48 € s'agissant de l'indemnité légale de licenciement, conformément à la demande de l'intéressée.
Enfin, eu égard au montant de sa rémunération mensuelle, de son ancienneté au service de l'entreprise, des circonstances de la rupture de son contrat de travail, et de sa situation au regard du marché du travail, le préjudice subi par [W] [H] à raison de la perte injustifiée de son emploi peut être évalué à la somme de 5 564,80 €, dont l'employeur lui doit réparation.
- Sur le travail dissimulé :
L'article L. 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé, défini et exercé dans les conditions prévues par l'article L. 8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié.
Et l'article L.8221-5 dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de se soustraire intentionnellement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10 relatif à la déclaration préalable à l'embauche, de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie, et de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci, notamment en déclarant un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.
Or, il convient de relever en l'espèce que l'association HANDBALL POLE SUD 38 [Localité 6]-[Localité 7] a cru devoir soumettre la relation de travail initiée avec [W] [H] le 25 août 2015 à une « convention de joueuse », moyennant le versement d'une « indemnité » forfaitaire modique, tandis qu'elle soumettait parallèlement une joueuse étrangère de la même équipe à un contrat de travail à temps plein.
Ainsi, le versement à [W] [H] d'une rémunération sous le couvert d'une indemnité versée par fractions mensuelles forfaitaires et déconnectées de tout frais professionnel, au-demeurant pour un montant largement inférieur aux sommes dues à la salariée au titre du contrat de travail à temps plein auquel elle pouvait légitimement prétendre pour encadrer la relation de travail, revêtait un caractère délibéré et caractérisait ainsi la dissimulation d'emploi salarié réprimée par les dispositions précitées du code du travail.
Il s'ensuit qu'il conviendra de fixer au passif de l'association HANDBALL POLE SUD 38 [Localité 6]-[Localité 7] la somme de 8 347,20 € au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par les dispositions de l'article L. 8223-1 du code du travail.
- Sur les demandes accessoires :
Me [P] [V], ès-qualités de mandataire liquidateur de l'association HANDBALL POLE SUD 38 [Localité 6]-[Localité 7], qui succombe à l'instance, est tenue d'en supporter les entiers dépens, qui seront réglés comme frais privilégiés dans la procédure de liquidation judiciaire.
Il est, par ailleurs, inéquitable de laisser à la charge d'[W] [H] les sommes qu'elle a été contrainte d'exposer pour la défense en justice de ses intérêts, en première instance puis en cause d'appel. Les considérations tirées de l'équité, comme les circonstances de l'espèce, justifient la fixation au passif de la liquidation de l'association HANDBALL POLE SUD 38 [Localité 6]-[Localité 7] de la somme de 1 500 € à titre de contribution aux frais irrépétibles.
- Sur la garantie de l'A.G.S :
Il ressort des dispositions de l'article L. 3253-1 du code du travail que les créances résultant du contrat de travail sont garanties, y compris en cas de redressement ou de liquidation judiciaire de l'employeur. Les dispositions combinées des articles L. 3253-6 et L. 3253-8 du code du travail prévoient ainsi que tout salarié bénéficie d'une assurance pour les sommes qui lui sont dues en exécution ou du fait de la rupture du contrat de travail à la date du jugement d'ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.
Toutefois, aux termes de l'article L. 3253-8, les sommes dues aux salariés antérieurement à la date d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, de même que les créances résultant de la rupture du contrat de travail intervenant postérieurement à un délai de quinze jours suivant le jugement de liquidation, ne sont pas couvertes par l'assurance de l'A.G.S contre le risque de non-paiement des sommes dues en exécution du contrat de travail.
Et les sommes dues en application de l'article 700 du code de procédure civile, dès lors qu'elles sont nées d'une procédure judiciaire et ne sont pas dues en exécution du contrat de travail, n'entrent pas dans le champ de la garantie due par l'A.G.S, défini par les dispositions précitées.
PAR CES MOTIFS':
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
INFIRME le jugement déféré et, statuant à nouveau,
REQUALIFIE la convention conclue le 25 août 2015 entre [W] [H] et l'association HANDBALL POLE SUD 38 [Localité 6]-[Localité 7] en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein ;
ORDONNE à Me [P] [V], ès-qualités, d'inscrire au passif de l'association HANDBALL POLE SUD 38 [Localité 6]-[Localité 7], au bénéfice d'[W] [H], les sommes suivantes :
- mille trois cent quatre-vingts-douze euros (1 392 €) nets au titre de l'indemnité de requalification prévue à l'article L. 1245-2 du code du travail,
- vingt-cinq mille cinq cent soixante-seize euros et huit centimes (25 576,08 €) bruts à titre de rappel de salaire pour la période du 1er septembre 2015 au 22 juin 2017,
- deux mille cinq cent cinquante-sept euros et soixante-et-un centimes (2 557,61 €) bruts au titre des congés payés afférents,
- huit mille trois cent quarante-sept euros et vingt centimes (8 347,20€) nets à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;
- cinq cent cinquante six euros et quarante-huit centimes (556,48 €) nets au titre de l'indemnité légale de licenciement,
- mille trois cent quatre-vingts-onze euros et vingt centimes (1 391,20 €) bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- cinq mille cinq cent soixante-quatre euros et quatre-vingts centimes (5 564,80 €) nets à titre de dommages-intérêts en réparation du subi par [W] [H] à raison de la perte injustifiée de son emploi,
- mille cinq cents euros (1 500 €) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
DECLARE le présent arrêt opposable à l'UNEDIC - DELEGATION AGS CGEA D'ANNECY ;
CONSTATE que les sommes dues à [W] [H] au titre des rappels de salaire pour la période antérieure au jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire le 21 février 2017, au titre de la rupture du contrat de travail, ainsi qu'en application de l'article 700 du code de procédure civile n'entrent pas dans le champ de la garantie due par l'AGS ;
CONDAMNE Me [P] [V], ès-qualités de mandataire-liquidateur de l'association HANDBALL POLE SUD 38 [Localité 6]-[Localité 7], au paiement des entiers dépens de première instance et d'appel, qui seront réglés comme frais privilégiés dans la procédure de liquidation judiciaire.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Blandine FRESSARD, Présidente et par Mme Morgane MATHERON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GreffierLa Présidente