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24/09/2020 | FRANCE | N°17/04750

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section b, 24 septembre 2020, 17/04750


BF



N° RG 17/04750



N° Portalis DBVM-V-B7B-JHYA



N° Minute :









































































Copie exécutoire délivrée le :





Me Wilfried SAMBA-SAMBELIGUE



la SCP CLEMENT-CUZIN LEYRAUD DESCHEEMAKER

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D

'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 24 SEPTEMBRE 2020





Appel d'une décision (N° RG 15/01079)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 19 septembre 2017

suivant déclaration d'appel du 11 octobre 2017





APPELANT :



M. [K] [P]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]



re...

BF

N° RG 17/04750

N° Portalis DBVM-V-B7B-JHYA

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

Me Wilfried SAMBA-SAMBELIGUE

la SCP CLEMENT-CUZIN LEYRAUD DESCHEEMAKER

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 24 SEPTEMBRE 2020

Appel d'une décision (N° RG 15/01079)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 19 septembre 2017

suivant déclaration d'appel du 11 octobre 2017

APPELANT :

M. [K] [P]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Wilfried SAMBA-SAMBELIGUE, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMEE :

SA SEMITAG, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Laurent CLEMENT-CUZIN de la SCP CLEMENT-CUZIN LEYRAUD DESCHEEMAKER, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Blandine FRESSARD, Présidente,

M. Frédéric BLANC, Conseiller,

M. Antoine MOLINAR-MIN, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience du 04 juin 2020 tenue en publicité restreinte en raison de l'état d'urgence sanitaire,

Mme Blandine FRESSARD, Présidente chargée du rapport, assistée de M. Fabien OEUVRAY, Greffier, a entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile.

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 24 septembre 2020, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 24 septembre 2020.

EXPOSE DU LITIGE :

Le 11 mars 1976, Monsieur [K] [P] a été engagé par la SEMITAG en qualité de conducteur receveur par contrat à durée indéterminée.

Le 03 juin 2012 Monsieur [P] a été déclaré en maladie professionnelle.

Le 9 janvier 2013 Monsieur [P] a été placé en arrêt de travail dont une période de maladie professionnelle ininterrompue à tout le moins jusqu'au 13 septembre 2014.

Le 30 juillet 2014, Monsieur [P] a été consolidé et le 22 octobre 2014, la CPAM a notifié à Monsieur [P] un taux d'incapacité permanente de 15 % pour l'épaule droite et de 12 % pour l'épaule gauche.

A compter du 16 septembre 2014, Monsieur [K] [P] a été en arrêt maladie de droit commun.

A l'issue de deux visites des 7 et 27 octobre 2014, Monsieur [K] [P] a été déclaré par la médecine du travail « inapte définitif à la conduite de véhicule de transports en commun. Apte à un poste d'agent conseil et mobilité et vente en agence commerciale ».

Par courrier du 3 novembre 2014, la SA SEMITAG a convoqué Monsieur [K] [P] à un entretien avec la chargée d'emploi et mobilité afin d'envisager conjointement les perspectives de reclassement.

Monsieur [P] a été licencié par courrier du 26 décembre 2014 pour inaptitude médicalement constatée et impossibilité de reclassement.

Le 19 janvier 2015, Monsieur [K] [P] a demandé par lettre recommandée avec accusé de réception à la SEMITAG le paiement de :

' 28 jours de congés annuels couvrant la période de janvier à décembre 2014,

' 20 jours de réduction du temps de travail couvrant la période de janvier 2013 à décembre 2014,

' 4 jours de congés d'ancienneté couvrant la période de janvier à décembre 2014,

' 1 098,00 euros au titre du droit individuel,

' le versement aux organismes sociaux des cotisations salariales couvrant la période de rémunération du 9 janvier 2013 au 29 décembre 2014,

' la reprise de son salaire couvrant la période du 19 septembre au 6 octobre 2014 inclus.

' En précisant que l'ensemble de ces demandes, représentait pour sa part, une nécessité de droit permettant l'acceptation du solde de tout compte.

Suite au courrier de son employeur du 23 janvier 2015, répondant par la négative à ses demandes, Monsieur [P] a communiqué à l'inspection du travail son courrier de réclamation et la réponse apportée par son employeur.

Monsieur [K] [P] a saisi le conseil de prud'hommes de GRENOBLE par déclaration au greffe du 15 mai 2015.

Par jugement du 19 septembre 2017, le conseil de prud'hommes de GRENOBLE a :

' débouté Monsieur [K] [P] de l'intégralité de ses demandes,

' débouté la SEMITAG de sa demande reconventionnelle,

' condamné Monsieur [K] [P] aux dépens.

Le jugement a été notifié par le greffe par LRAR dont l'accusé de réception a été signé le 21 septembre 2017 par Monsieur [K] [P] et tamponné le même jour par la SEMITAG.

Par déclaration en date du 11 octobre 2017, Monsieur [K] [P] a interjeté appel du jugement.

À l'issue des débats et de ses conclusions du 18 novembre 2019 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [K] [P] demande à la cour de :

' déclarer recevable et bien fondé son appel ;

' reformer le jugement du 19 septembre 2017 en ce qu'il l'a débouté de l'intégralité de ses demandes ;

Statuant de nouveau :

' juger qu'il a droit à un rappel de salaires sur congés payés pour la période de janvier 2014 à décembre 2014 ;

En conséquence :

' condamner la société SEMITAG à lui payer les sommes suivantes :

- 3629,90 € au titre de rappels de salaires sur congés payés de janvier à décembre 2014 ;

- 3000€ au titre de dommages et intérêts ;

' assortir ces condamnations des intérêts de droit à compter de l'enrôlement pour les créances à caractère salarial, et à compter de la notification de la décision à intervenir pour les autres ;

' condamner encore la société la société SEMITAG à lui payer la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

À l'issue des débats et des conclusions du 29 novembre 2019 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la SA SEMITAG demande à la cour de :

' constater que Monsieur [K] [P] a été entièrement rempli de ses droits et n'a subi aucun préjudice du fait de la SEMITAG ;

' confirmer en tous points le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de GRENOBLE déboutant Monsieur [P] de l'ensemble de ses réclamations ;

Y ajoutant,

' condamner Monsieur [K] [P] à verser à la SEMITAG la somme de 3000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Moyens :

Monsieur [P] soutient que :

'ayant été placé en arrêt de maladie professionnelle à compter du 9 janvier 2013, il ne s'est pas vu rémunérer de ses congés payés pour l'année 2014;

'son employeur lui a indiqué que ses absences pour maladie professionnelle ne pouvaient donner lieu à rémunération des congés payés que dans la limite de un an,

'la directive 2003/88/CE du Parlement européen, explicitée par l'arrêt du 24 janvier 2012 C282/10 de la CJUE s'oppose à ce que le droit au congé annuel payé soit subordonné à une période de travail effectif minimale,

'cette directive trouve à s'appliquer en ce que la société SEMITAG dispose d'une délégation de service public, la directive est alors d'application directe,

'il est donc bien fondé à demander les sommes en questions.

La SEMITAG soutient que :

'la question n'est pas celle de l'application directe de la directive, mais celle de sa conciliation avec l'article L.3141-5 alinéa 5 du code du travail ;

'en effet, le salarié en arrêt n'est pas en mesure de prendre des congés et ne peut les cumuler sur plusieurs exercices, sans quoi cela constituerait un enrichissement sans cause ;

'il a bénéficié de ses congés pendant les 12 premiers mois de son arrêt de travail, raison pour laquelle il ne réclame de congés payés que pour l'année 2014 alors que son arrêt commence en janvier 2013 ;

'le montant de ses demandes n'est pas justifié puisque Monsieur [P] demande un montant largement supérieur à un mois de salaire, alors même que la directive qu'il invoque fixe à 4 semaines les congés payés, ce qui ne saurait aboutir à un montant de 3653,56 €.

La clôture des débats a été prononcée au 05 décembre 2019.

EXPOSE DES MOTIFS :

Sur la demande d'indemnité compensatrice de congés payés :

Selon la jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne (CJCE 19 janvier 1982, Becker/Finazamt Muenster-Innenstadt, 8/81, points 23 à 25), lorsque les autorités communautaires ont, par voie de directive, obligé les États membres à adopter un comportement déterminé, l'effet utile d'un tel acte se trouverait affaibli si les justiciables étaient empêchés de s'en prévaloir en justice et les juridictions nationales de le prendre en considération en tant qu'élément du droit communautaire. Il en découle que l'Etat membre qui n'a pas pris, dans les délais, les mesures d'exécution imposées par la directive ne peut opposer aux particuliers le non-accomplissement par lui-même des obligations qu'elle comporte. Dans tous les cas où des dispositions d'une directive apparaissent comme étant, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises, ces dispositions peuvent être invoquées, à défaut de mesures d'application prises dans les délais, à l'encontre de toute disposition nationale non conforme à la directive, ou encore en tant qu'elles sont de nature à définir des droits que les particuliers sont en mesure de faire valoir à l'égard de l'État. Tel est le cas des dispositions de l'article 7 de la directive 2003/88 (CJUE 24 novembre 2012, Dominguez, C-282/10, point 36), qui énoncent que les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d'un congé annuel d'au moins quatre semaines, conformément aux conditions d'obtention et d'octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales. La jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne a jugé (CJUE 26 février 1986, Marshall, C-152/84, point 49), que, lorsque les justiciables sont en mesure de se prévaloir d'une directive à l'encontre de l'État, ils peuvent le faire quelle que soit la qualité en laquelle agit ce dernier, employeur ou autorité publique. En effet, il convient, d'éviter que l'État ne puisse tirer avantage de sa méconnaissance du droit de l'Union européenne. La Cour de Justice de l'Union européenne a ainsi admis que des dispositions inconditionnelles et suffisamment précises d'une directive pouvaient être invoquées par les justiciables à l'encontre d'organismes ou d'entités qui étaient soumis à l'autorité ou au contrôle de l'État ou qui disposaient de pouvoirs exorbitants par rapport à ceux qui résultent des règles applicables dans les relations entre particuliers (CJCE, 12 juillet 1990, C-188/89, Foster E.A, points 18 à 20).

La SA SEMITAG admet que la directive n°2003/88/CE est invocable directement à son égard en sa qualité de délégataire d'une mission de service public par une autorité étatique.

L'article L. 3141-5-5° du code du travail modifié par la loi n°2012-1404 du 17 décembre 2012 énonce que :

Sont considérées comme périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé :

5° Les périodes, dans la limite d'une durée ininterrompue d'un an, pendant lesquelles l'exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle.

A ce titre, la SA SEMITAG a rempli Monsieur [P] de ses droits à congés payés jusqu'au 31 décembre 2013, en faisant application dudit texte à l'arrêt de travail d'origine professionnelle.

S'agissant de l'année 2014, dès lors que la directive 2003/88/CE est jugée directement invocable à l'égard de la SA SEMITAG, assimilée à un organe étatique et qu'elle est au demeurant d'applicabilité directe puisqu'elle confère un droit inconditionnel, Monsieur [P] est fondé à revendiquer l'application de l'article 7 qui lui ouvre droit à des congés payés d'au moins quatre semaines, du seul fait de sa qualité de travailleur, et peu important qu'il ait été absent à raison d'un arrêt de travail pour maladie professionnelle.

Il ne peut en revanche solliciter pour l'année 2014 le bénéfice de dispositions légales et conventionnelles plus favorables que le droit de l'Union Européenne dans l'hypothèse où il n'aurait pas été en arrêt de travail puisque le droit français est moins favorable en cas d'arrêt maladie d'origine professionnelle s'agissant du droit à acquérir des congés payés puisqu'il a été vu précédemment que l'article L. 3141-5 du code du travail limite à un an la période d'arrêt maladie d'origine professionnelle ouvrant droits à congés.

Pour une année entière, Monsieur [P] aurait droit au titre de la directive à l'acquisition de 4 semaines de congés payés de 6 jours ouvrables, soit 24 jours.

Monsieur [P] a été en arrêt maladie d'origine professionnelle selon des conclusions concordantes sur ce points du 1er janvier 2014 au 15 septembre 2014 puis d'un arrêt de droit commun et a fait l'objet d'une notification de licenciement pour inaptitude par courrier du 24 décembre 2014, sans exécution de préavis compte tenu de son état de santé.

Il s'en déduit que Monsieur [P], à raison de sa seule qualité de travailleur et peu important ses absences, a acquis 24 jours de congés payés au titre de l'année 2014 en application de la directive européenne conformément au subsidiaire de la SA SEMITAG.

Il a dès lors droit à une indemnité compensatrice de congés payés non pris de 3102,72 euros bruts.

Le jugement entrepris est dès lors infirmé. La SA SEMITAG est condamnée à payer à Monsieur [K] [P] cette somme, l'appelant étant débouté du surplus de sa demande de ce chef.

Les intérêts au taux légal courent sur cette somme à compter du 15 mai 2015.

Sur la demande indemnitaire :

Monsieur [K] [P] qui a sollicité les intérêts moratoires sur l'indemnité compensatrice de congés payés depuis la saisine du Conseil de Prud'hommes, ne justifie pas avoir subi un préjudice financier distinct à raison de la privation de cette somme.

La demande indemnitaire de ce chef est rejeté, le jugement étant confirmé à ce titre.

Sur les demandes accessoires :

L'équité commande de condamner la SA SEMITAG à payer à Monsieur [K] [P] une indemnité de procédure de 2000 euros.

Le surplus des prétentions des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile est rejeté.

Au visa de l'article 696 du code de procédure civile, infirmant le jugement entrepris, il convient de condamner la SA SEMITAG, partie perdante, aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté Monsieur [K] [P] de sa demande indemnitaire ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE la SA SEMITAG à payer à Monsieur [K] [P] une indemnité compensatrice de congés payés non pris de trois mille cent deux euros et soixante douze centimes (3102,72 euros bruts), outre intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2015 ;

DEBOUTE Monsieur [K] [P] du surplus de sa demande d'indemnité compensatrice de congés payés non pris ;

CONDAMNE la SA SEMITAG à payer à Monsieur [K] [P] une indemnité de procédure de 2000 euros ;

REJETTE le surplus des prétentions des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SA SEMITAG aux dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Mme Blandine FRESSARD, Présidente et par Mme Chrystel ROHRER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GreffierLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section b
Numéro d'arrêt : 17/04750
Date de la décision : 24/09/2020

Références :

Cour d'appel de Grenoble 13, arrêt n°17/04750 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-09-24;17.04750 ?
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