La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/09/2020 | FRANCE | N°17/04736

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section b, 24 septembre 2020, 17/04736


BF



N° RG 17/04736



N° Portalis DBVM-V-B7B-JHXB



N° Minute :









































































Copie exécutoire délivrée le :





la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET



la SELARL MONNIER-BORDES

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENO

BLE



Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 24 SEPTEMBRE 2020





Appel d'une décision (N° RG 15/01453)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 21 septembre 2017

suivant déclaration d'appel du 11 octobre 2017





APPELANTE :



Mme [W] [A]

née le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 4]

de nationalité Français...

BF

N° RG 17/04736

N° Portalis DBVM-V-B7B-JHXB

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET

la SELARL MONNIER-BORDES

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 24 SEPTEMBRE 2020

Appel d'une décision (N° RG 15/01453)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 21 septembre 2017

suivant déclaration d'appel du 11 octobre 2017

APPELANTE :

Mme [W] [A]

née le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Laure GERMAIN-PHION de la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMEE :

SAS ATEIS FRANCE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Me Laurence BORDES-MONNIER de la SELARL MONNIER-BORDES, avocat au barreau de GRENOBLE,

et par Me Bruce MONNIER de la SELARL MONNIER-BORDES, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Blandine FRESSARD, Présidente,

M. Frédéric BLANC, Conseiller,

M. Antoine MOLINAR-MIN, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience du 04 juin 2020 tenue en publicité restreinte en raison de l'état d'urgence sanitaire,

Mme Blandine FRESSARD, Présidente chargée du rapport, assistée de M. Fabien OEUVRAY, Greffier, a entendu les parties en leurs conclusions, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile.

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 24 septembre 2020, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 24 septembre 2020.

EXPOSE DU LITIGE :

Madame [W] [A] a été embauchée en qualité de Responsable de Production par la société ATEÏS FRANCE le 23 avril 2012 dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel à hauteur de 80%.

Elle a auparavant déjà travaillé pour le compte de la société ATEÎS entre 2004 et 2009, sur un poste similaire.

Suite à des problèmes rencontrés lors de l'inventaire annuel de l'année 2015, un entretien s'est tenu le 9 janvier 2015 entre Monsieur [H], Directeur Général, Monsieur [X], Directeur Commercial, et Madame [W] [A], assistée de Monsieur [I], Délégué du Personnel, qui en a rédigé le même jour un compte rendu.

Madame [W] [A] a été placée en arrêt de travail du 12 au 23 janvier 2015, puis, à partir du 13 mars 2015.

Par courrier du 26 mars 2015, le Médecin du Travail a alerté la SAS ATEÏS FRANCE au sujet du sentiment de souffrance au travail que Madame [W] [A] disait ressentir.

Pendant l'arrêt de travail de Madame [W] [A], une réunion a été organisée le 20 avril 2015, à sa demande, réunion dont un compte rendu a été établi par le Délégué du Personnel par mail du même jour, intitulé « entretien de réintégration », et dans lequel il était fait état :

- du souhait de Madame [W] [A] de ne pas réintégrer l'entreprise,

- d'appréciations divergentes sur les conséquences financières d'une éventuelle rupture.

Le ler juin 2015, le Médecin du Travail a émis un premier avis d'inaptitude de Madame [W] [A], réitéré le 18 juin 2015, dans les termes suivants : « Inapte sur poste actuel. Elle serait apte sur un poste équivalent dans un autre environnement de travail. Étude de poste le 08/06/2015 ».

Par courrier recommandé avec accusé de réception du ler juillet 2015, Madame [W] [A] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 9 juillet 2015, auquel elle ne s'est pas présentée.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 16 juillet 2015, la SAS ATEÏS FRANCE a notifié à Madame [A] son licenciement pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement.

Le 22 juillet 2015, Madame [A] a saisi le conseil de prud'homme de GRENOBLE.

Par jugement du 21 septembre 2017, le conseil de prud'homme de GRENOBLE a :

' dit que la SAS ATEÏS FRANCE n'a pas manqué à son obligation de sécurité de résultat,

' dit que le licenciement de Madame [W] [A] repose bien sur une cause réelle et sérieuse,

' débouté Madame [W] [A] de l'ensemble de ses demandes,

' débouté la SAS ATEÏS FRANCE de sa demande reconventionnelle,

' condamné Madame [W] [A] aux dépens.

Le jugement a été notifié par le greffe par LRAR dont les accusés de réception ont été signé le 22 septembre 2017 pour Madame [W] [A] et le 25 septembre 2017 pour la SAS ATEÏS FRANCE.

Le 11 octobre 2017, Madame [W] [A] a interjeté appel dudit jugement.

À l'issue de ses conclusions du 08 janvier 2018 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, Madame [A] demande à la cour de :

' infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- dit que la SAS ATEÏS FRANCE n'a pas manqué à son obligation de sécurité, de résultat, et l'a déboutée de sa demande tendant à la condamnation de la SARL REGIE IMMOBILIA à lui verser la somme de 15 000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

-dit que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,

-écarté sa demande tendant à la condamnation de la SAS ATEÏS France à lui verser les sommes de :

-30 000 € nets pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-7 560 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,outre 756 € bruts au titre des congés payés afférents.

Statuant à nouveau,

' juger que la société ATEÏS a manqué à son obligation de sécurité de résultat ;

' condamner en conséquence la société ATEÏS à lui verser la somme de 15 000 € nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;

' juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

' condamner en conséquence la société ATEÏS à lui verser les sommes suivantes :

- 7 560 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 756 € bruts au titre des congés payés afférents,

- 30 000 € nets, soit l'équivalent de 12 mois de salaire, à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

' condamner la société ATEÏS à lui verser la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens.

À l'issue de ses conclusions du 05 avril 2018 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, la SAS ATEÏS FRANCE demande à la cour de :

' juger que la société ATEÏS France n'a pas manqué à son obligation de sécurité de résultat à l'égard de Madame [A] ;

' juger que le licenciement de Madame [A] repose sur une cause réelle et sérieuse.

En conséquence,

' confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- dit que la société ATEÏS France n'a pas manqué à son obligation de sécurité de résultat ;

- dit que le licenciement de Madame [A] repose bien sur une cause réelle et sérieuse ;

- débouté Madame [A] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamné Madame [A] aux dépens;

' débouter Madame [A] de l'ensemble de ses demandes ;

' condamner Madame [A] à verser à la Société ATEÏS Frame la somme de 2 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile et condamner la même aux entiers dépens.

Moyens :

Mme [A] conclut à la violation par l'employeur de ses obligations de prévention et de sécurité en ce que :

'ses conditions de travail se sont énormément détériorées depuis son embauche au mois d'avril 2012.

'les conditions de travail ont été complètement différentes de ce qu'elles étaient lorsqu'elle a quitté pour la 1ère fois la société en 2009.

'elle a été mise à l'écart du reste de l'équipe dans un bureau à part, sans chauffage ni climatisation.

'son isolement géographique a rendu difficile la communication avec l'équipe qu'elle encadrait.

'les contours exacts de ses responsabilités n'ont pas été clairement définis, et son équipe ne lui a accordé aucune crédibilité.

'la charge de travail n'a cessé de croître alors même qu'elle ne travaillait qu'à temps partiel.

'le contexte de licenciement économique a détérioré encore les conditions de travail et augmenté la surcharge de travail.

'elle a été dévalorisée par des remarques déplacées de Monsieur [H], Directeur général et de Monsieur [X], Directeur commercial, ces derniers l'ayant affublée de surnoms humiliants et misogynes.

'face à ces manquements, son employeur a fait preuve d'inertie et n'a pas réagi.

'Monsieur [X] a admis lui même « avoir pu avoir des propos déplacés », pourtant l'employeur n'a rien mis en 'uvre pour apporter des solutions préventives à de nouveaux manquements, et bien qu'avouant que ce n'était pas la première fois que de tels faits lui soient remontés, il s'est contenté d'affirmer qu'aucun débordement de ce genre ne sera désormais admis.

'alors même que le médecin du travail a alerté l'employeur de sa souffrance au travail, son employeur n'a pas même jugé bon de revenir vers elle, et c'est à sa propre demande qu'un entretien a été organisé de nouveau le 20 avril 2015, lors duquel son employeur a affirmé qu'il était libre de gérer son entreprise et lui a proposé une rupture conventionnelle.

'de manière générale, l'employeur ne justifie d'aucune politique de prévention des risques.

S'agissant de son licenciement, Madame [A] soutient qu'il est sans cause réelle et sérieuse en ce que :

'il est avéré que son inaptitude a été causée par un environnement de travail nocif.

'aucun poste ne lui a été proposé.

'l'employeur ne justifie pas des démarches de reclassement faites avec sérieux et loyauté.

'en effet, il n'a pas communiqué avec le médecin du travail, et n'a pas consulté l'intégralité des sociétés du groupe auquel la société ATEÏS appartient.

'la société se contente d'affirmer qu'aucun poste n'était disponible sans jamais en justifier, aucun aménagement de poste n'a été envisagé, la procédure a été précipitée pour se débarrasser d'elle.

La société ATEÏS conteste tout manquement à ses obligations en matière de sécurité et soutient que :

'Madame [A] n'apporte ni la preuve d'un préjudice ni la preuve d'un manquement, en ne procédant que par affirmation.

'Mme [A] a accepté de revenir au sein de l'entreprise après l'avoir quittée en 2009, de sorte qu'elle aurait décliné une telle proposition si les conditions de travail y étaient mauvaises.

'son premier bureau avant le déménagement de la société se situait au milieu de l'atelier ;

'le second bureau qui lui a été attribué suite au déménagement était partagé entre elle et Madame [D],et était situé au premier étage, lui permettant facilement de rejoindre l'atelier. Au demeurant, elle disposait également d'un bureau au rez-de-chaussée.

'ses fonctions étaient bien définies dans son contrat de travail et dans le descriptif du poste.

'elle n'a jamais fait mention d'une surcharge de travail avant la procédure judiciaire.

'les postes supprimés lors du licenciement économique sont sans lien avec la chaine de production et n'ont pu entrainer un report de charge sur son poste.

'Mme [A] n'apporte pas la preuve de comportement déplacé de la part de Monsieur [X].

'aucune inertie ne peut être reproché à l'employeur, dès lors qu'averti des faits, le directeur général a convoqué les parties prenantes et s'est engagé à veiller au comportement de chacun afin d'éviter tout comportement préjudiciable.

'suite au courrier d'alerte du médecin du travail, la société a répondu contrairement à ce qu'affirme Madame [A], et a invité le médecin à visiter les locaux de l'entreprise.

'lorsque Madame [A] a envoyé le 17 avril 2015, alors qu'elle était en arrêt, un courriel à la direction afin d'étudier les suites à donner à son contrat, une réponse lui a été faite le jour même.

'dans le cadre de l'entretien, comme il est apparu que Madame [A] ne souhaitait pas réintégrer l'entreprise, l'employeur a considéré que la rupture conventionnelle ou la démission pouvaient être envisagée.

'à défaut d'accord, la rupture conventionnelle a échoué.

'il n'existe pas de relation causale entre les arrêts de travail de Madame [A] et son activité au sein de la société ATEÏS.

S'agissant du reclassement, la société soutient :

's'être rapprochée du médecin du travail pour permettre de trouver un poste adapté à Madame [A].

'qu'une mesure alternative telle que du télétravail était impossible.

'compte tenu de la petite taille de l'entreprise, un poste spécifique adapté aux recommandations du médecin du travail ne pouvait être créé.

'la société a bien sollicité le Groupe ATEÏS, les réponses ont toutes été négatives.

La clôture des débats a été fixée à la date du 05 décembre 2019.

EXPOSE DES MOTIFS :

Sur l'obligation relative à la santé et à la sécurité :

L'article L. 4121-1 du code du travail dans sa version antérieure à l'ordonnance n°2017-1389 du 22 septembre 2017 prévoit que :

L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés ;

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

L'article L. 4121-2 du code du travail dans sa version antérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 énonce que :

L'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

L'employeur doit notamment transcrire et mettre à jour un document unique des résultats de l'évaluation des risques, (physiques et psycho-sociaux), pour la santé et la sécurité des salariés qu'il est tenu de mener dans son entreprise, ainsi que les facteurs de pénibilité en vertu de l'article R. 4121-1 et suivants du code du travail.

L'employeur a une obligation de résultat s'agissant de la sécurité et de la santé des salariés dont il ne peut le cas échéant s'exonérer que s'il établit qu'il a pris toutes les mesures nécessaires et adaptées énoncées aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ou en cas de faute exclusive de la victime ou encore de force majeure.

En l'espèce, d'une première part, l'employeur établit de manière suffisante par ses pièces n°15 et 40 que Madame [A] a disposé d'un espace de travail adapté au sein de l'entreprise avec un système de chauffage et de climatisation, les photographies des bureaux étant corroborées par les déclarations du personnel présent lors du constat d'huissier qui confirme où se trouvait le poste de travail de Madame [A] à compter de mars 2013 (open space puis bureau partagé) et de l'absence de problèmes de température.

Ces éléments contredisent les allégations de Madame [A], la photographie qu'elle produit en pièce n°28, soit une prise de vue très rapprochée avec en premier plan un écran allumé d'ordinateur et en arrière plan deux parois vitrées ne permet aucunement d'avoir une vue d'ensemble de son espace de travail et l'attestation de Monsieur [S] [J], quoique conforme à l'article 202 du code de procédure civile, ne peut suffire, à elle seule, compte tenu du fait qu'il est le conjoint pacsé de Madame [A] à mettre en doute les éléments fournis par la société ATEÏS FRANCE sur le caractère adapté de l'espace de travail mis à la disposition de la salarié.

D'une seconde part, l'employeur établit qu'il a défini de manière claire et suffisante les missions confiées à la salariée qui sont non seulement énumérées à l'article 2 du contrat de travail mais encore dans un descriptif de poste en date du 23 avril 2013, certes non signé mais que Madame [A] a pour autant adressé par mail à une dénommée [P] [R] le 25 juin 2013 ; ce qui confirme de sa réalité.

D'une troisième part, aucun élément ne vient corroborer l'affirmation de Madame [A] selon laquelle elle a subi une surcharge de travail et qu'elle a notamment dû assurer, en sus de ses fonctions habituelles, d'autres tâches compte tenu des licenciements économiques intervenus étant relevé que l'employeur désigne nommément avec leurs fonctions les salariés licenciés pour motifs économiques, produit à cette fin son registre du personnel, conclut à juste titre que les fonctions desdits salariés ne renvoient à des postes en production, Madame [A] ne précisant pas, sans inverser la charge de la preuve, les (s) salarié (s) ayant quitté l'entreprise qu'elle aurait été contrainte de remplacer dans tout ou partie de leurs missions.

D'une quatrième part, l'employeur établit qu'il a pris en compte les risques psycho-sociaux dans le document d'évaluation des risques professionnels, contrairement à ce qu'indique Madame [A], puisqu'il est fait état de « fatigue » et « stress ».

La Cour note par ailleurs, que les critiques de Madame [A] relatives aux points sus-évoqués ne figurent dans aucune des pièces produites par l'une ou l'autre des parties contemporaines de la relation de travail.

D'une cinquième part, l'employeur par l'intermédiaire du Directeur Général de l'entreprise, Monsieur [H], admet avoir été averti de propos injurieux et inadaptés proférés par Monsieur [X], responsable commercial à l'égard de Madame [A] à l'occasion de l'inventaire annuel. Il produit à ce titre un procès-verbal de réunion dressé le 9 janvier 2015 par Monsieur [I], délégué du personnel. L'employeur précise qu'il ne s'agit pas de la première fois et qu'aucun débordement de ce genre ne sera désormais admis.

L'employeur ne justifie aucunement avoir ensuite pris les mesures nécessaires pour préserver la santé de la salariée.

En effet, alors qu'elle s'est trouvée en arrêt de travail une première fois du 12 au 23 janvier 2015, soit dans les suites immédiates de l'incident de l'inventaire de sorte que même en l'absence de déclaration d'accident du travail ou de maladie professionnelle, l'employeur ne pouvait qu'être alerté par cette chronologie, Madame [A] a de nouveau été en arrêt maladie à compter du 30 mars 2015.

C'est dans ce contexte que l'employeur a appris par un courrier du 30 mars 2015 que lui a adressé le médecin du travail que celle-ci présente un état de santé dégradé et continue à se plaindre de ses conditions de travail, la salariée faisant le lien avec son arrêt de travail.

La société ATEÏS FRANCE a certes répondu rapidement le 2 avril 2015 au médecin du travail en confirmant un changement de comportement de la salariée, non seulement en passant sous silence l'incident avec un autre salarié s'étant produit quelques semaines avant mais en mettant l'accent sur les manquements observés ces derniers temps par celle-ci dans son travail et en particulier en faisant état de « difficultés de communication avec les autres collaborateurs ».

Une réunion est intervenue le 20 avril 2015 avec une retranscription de la part du délégué du personnel selon un procès-verbal révélant d'une part des discussions entre les parties sur une éventuelle rupture négociée et d'autre part et de manière préalable, la réaffirmation par Madame [A] qu'elle ne pouvait en l'état réintégrer la société et qu'elle demandait quelles solutions étaient envisageables dans cette optique ; ce à quoi, Monsieur [H] lui avait répondu qu'aucun nouveau débordement n'avait été constaté, qu'il comprenait son mal être et que s'il était impossible à la salariée de réintégrer la société, deux solutions étaient envisageables à savoir une rupture conventionnelle ou une démission.

En réponse à un courrier de son employeur du 28 avril 2015 portant sur les conditions d'une éventuelle rupture, Madame [A] lui a répondu que la situation ne s'était pas améliorée depuis janvier 2015.

Or, alors que l'employeur avait admis que Madame [A] avait bien été victime de propos injurieux et déplacés en janvier 2015 de la part d'un autre collaborateur, occupant par ailleurs des fonctions de responsabilité, et qu'il ne s'agissait pas de la première fois que ce type de situation se produisait, la société ATEÏS ne fournit aucun élément étayant l'affirmation de son directeur général lors de l'entrevue du 20 avril 2015 selon laquelle aucun autre débordement n'était intervenu depuis et n'allègue et encore moins ne justifie de la moindre enquête à ce titre, l'employeur ayant préféré immédiatement envisager la rupture du contrat de travail.

L'employeur a de nouveau vu de manière évidente son attention alerté sur la problématique des conditions de travail de la salariée à l'issue de la première visite de la salariée à la médecine du travail du 1er juin 2015 puisque celle-ci a été déclarée inapte à son poste actuel mais qu'elle pourrait occuper un poste équivalent dans un autre environnement de travail ; ce qui confirme que l'inaptitude de la salariée est directement lié à ses conditions de travail dans l'entreprise.

La société ATEÏS ne justifie pas davantage d'avoir entrepris la moindre vérification pour vérifier si Madame [A] avait ou non continué à être victime de conditions de travail dégradées, stigmatisant au contraire son attitude auprès du médecin du travail à l'égard de ses collègues en passant sous silence l'incident de janvier 2015.

Il s'en déduit que la société ATEÏS FRANCE n'a pas mis en oeuvre les mesures nécessaires pour préserver la santé et la sécurité de la salariée dans le cadre de son obligation à ce titre.

S'agissant du préjudice subi, Madame [A] établit que la dégradation de ses conditions de travail a eu progressivement une incidence sur son état de santé à compter de 2013 mais avec une nette accentuation fin 2014 début 2015 avec la prescription d'arrêts de travail et d'un traitement de phytothérapie par millepertuis et euphytose.

Le rapport d'examen psychiatrique du 15 juin 2015 conclut à « des troubles très modérés n'apparaissant que dans le discours et pas cliniquement à l'examen, mais il est fort probable que la mise à distance du travail a produit depuis mars des effets bénéfiques. On ne retrouve pas de signe phatognomonique de souffrance psychique au travail mais il est clair que la situation paraît dégradée au point que seule une sortie de l'entreprise puisse être une solution ».

Au vu de ces éléments, infirmant le jugement entrepris, il convient de dire que la SAS ATEÏS FRANCE a manqué à son obligation relative à la santé et à la sécurité de Madame [W] [A] et il convient de la condamner à lui verser la somme de 3000 euros nets de dommages et intérêts et de la débouter du surplus de sa demande indemnitaire.

Sur le licenciement :

L'article L. 1226-2 du code du travail dans sa version antérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 prévoit que :

Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.

Le point de départ de l'obligation de reclassement est la seconde visite du médecin du travail.

Les possibilités de reclassement doivent être recherchées non seulement dans l'entreprise au sein de laquelle travaille le salarié devenu inapte mais également dans toutes les entreprises du groupe auquel appartient l'entreprise dont les activités, l'organisation et le lieu d'exploitation permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

L'employeur doit rechercher une possibilité de reclassement du salarié, même lorsque le médecin du travail a déclaré le salarié inapte à tout emploi dans l'entreprise, par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de poste ou aménagement du temps de travail.

Seules les recherches de reclassement compatibles avec les conclusions du médecin du travail peuvent être prises en compte pour apprécier le respect par l'employeur de son obligation de reclassement.

Dans le cadre de son obligation de reclassement, l'employeur doit justifier qu'il a suivi et le cas échéant sollicité les préconisations du médecin du travail sur les possibilités de reclassement telles que mutations ou transformations de postes.

Il appartient à l'employeur de justifier tant au niveau de l'entreprise que du groupe auquel elle appartient des démarches précises qu'il a effectuées pour parvenir au reclassement.

Les propositions de reclassement doivent être recherchées parmi les emplois disponibles de sorte que l'employeur ne peut être tenu d'imposer à un autre salarié une modification de son contrat de travail à l'effet de libérer son poste pour le proposer en reclassement à un salarié.

Le caractère temporaire d'un poste n'interdit pas de le proposer en reclassement.

L'employeur n'est pas tenu de donner au salarié une formation de base différente de la sienne et relevant d'un autre métier.

En l'espèce, l'employeur ne justifie pas de manière suffisante d'avoir rempli de manière sérieuse et loyale son obligation de reclassement en particulier dans les sociétés du groupe dans la mesure où son mail du 19 juin 2015 auquel lesdites entreprises ont répondu soit le même jour soit le 20 juin 2015 n'est absolument pas personnalisé puisqu'il met avant les éléments d'inaptitude au poste défini uniquement par son intitulé et le salaire mais ne comporte aucun détail sur les diplômes, les formations et les fonctions déjà exercées par Madame [A], en renvoyant à une très hypothétique demande de complément d'information sur le curriculum et les compétences de la salariée.

Par ailleurs, l'employeur ne fournit aucune réponse au moyen soulevé par la partie adverse sur le défaut d'interrogation des entités du groupe au moyen-orient, en Chine, en extrême orient, à Singapour et aux USA alors qu'il ne justifie pas s'être enquis de la position de la salariée quant à une mobilité géographique éventuelle et notamment dans une entreprise étrangère du groupe, la distance géographique n'étant pas nécessairement un obstacle à la permutabilité du personnel.

Infirmant le jugement entrepris, il convient de déclarer sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Madame [W] [A].

Sur les demandes afférentes à la rupture injustifiée du contrat de travail :

D'une première part, le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, il convient de condamner la SAS ATEÏS FRANCE à payer à Madame [W] [A] une indemnité compensatrice de préavis de 7.560 euros bruts, outre 756 euros bruts au titre des congés payés afférents, peu important que la salariée ait été dans l'incapacité physique de l'effectuer.

D'une deuxième part, au jour de la rupture injustifiée de son contrat de travail, Madame [W] [A] avait 3 ans et 6 mois d'ancienneté, préavis non exécuté inclus, justifie de son inscription à POLE EMPLOI et avoir perçu l'ARE du 4 septembre 2015 jusqu'au 30 avril 2016.

Dans ces conditions, il convient de condamner la SAS ATEÏS FRANCE à lui verser la somme de 18.900 euros nets de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de la débouter du surplus de sa demande indemnitaire.

Sur les demandes accessoires :

L'équité commande de condamner la SAS ATEÏS FRANCE à payer à Madame [W] [A] une indemnité de procédure de 2.000 euros.

Le surplus des prétentions des parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile est rejeté.

Au visa de l'article 696 du code de procédure civile, infirmant le jugement entrepris, il convient de condamner la SAS ATEÏS FRANCE, partie perdante, aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME le jugement entrepris ;

DIT que la SAS ATEÏS FRANCE a manqué à son obligation relative à la santé et à la sécurité de Madame [W] [A] ;

DECLARE sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Madame [W] [A] notifié le 16 juillet 2015 par la SAS ATEÏS FRANCE ;

CONDAMNE la SAS ATEÏS FRANCE à payer à Madame [W] [A] les sommes suivantes :

- 3.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation relative à la santé et à la sécurité,

- 7.560 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 756 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- 18.900 euros nets de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

DEBOUTE Madame [W] [A] du surplus de ses prétentions financières au principal ;

CONDAMNE la SAS ATEÏS FRANCE à payer à Madame [W] [A] une indemnité de procédure de 2.000 euros ;

REJETTE le surplus des prétentions des parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SAS ATEÏS FRANCE aux dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Mme Blandine FRESSARD, Présidente et par Mme Chrystel ROHRER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GreffierLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section b
Numéro d'arrêt : 17/04736
Date de la décision : 24/09/2020

Références :

Cour d'appel de Grenoble 13, arrêt n°17/04736 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-09-24;17.04736 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award