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07/07/2020 | FRANCE | N°18/00044

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section a, 07 juillet 2020, 18/00044


VC



N° RG 18/00044



N° Portalis DBVM-V-B7C-JLA2



N° Minute :























































































Copie exécutoire délivrée le :





Me Thierry COSTE



la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE

AU NOM DU PEUPLE F

RANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 07 JUILLET 2020







Appel d'une décision (N° RG F 16/00216)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTELIMAR

en date du 28 novembre 2017

suivant déclaration d'appel du 23 Décembre 2017





APPELANT :



M. [U] [J]

né le [Date naissance 1] 1969 à MAROC

de nationalité Française

...

VC

N° RG 18/00044

N° Portalis DBVM-V-B7C-JLA2

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

Me Thierry COSTE

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 07 JUILLET 2020

Appel d'une décision (N° RG F 16/00216)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTELIMAR

en date du 28 novembre 2017

suivant déclaration d'appel du 23 Décembre 2017

APPELANT :

M. [U] [J]

né le [Date naissance 1] 1969 à MAROC

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 2]

représenté par Me Thierry COSTE, avocat au barreau d'AVIGNON

INTIMEE :

Société FABEMI ENVIRONNEMENT, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me Emmanuelle PHILIPPOT, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Blandine FRESSARD, Présidente,

Mme Valéry CHARBONNIER, Conseillère,

M. Antoine MOLINAR-MIN, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 24 Février 2020,

Mme Valéry CHARBONNIER, Conseillère chargée du rapport, et M. Antoine MOLINAR-MIN, Conseiller, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistés de M. Fabien OEUVRAY, Greffier, conformément aux dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 19 Mai 2020, prorogé en raison de l'état d'urgence sanitaire, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 07 juillet 2020.

Exposé du litige :

M. [U] [J] a été engagé par la SAS Fabemi Environnement en date du 13 mai 2002 sous contrat de travail à durée indéterminée en qualité d'ouvrier de production.

La SAS Fabemi Environnement a décidé de réaliser une restructuration impliquant la suppression de 9 postes d'ouvriers manutentionnaires.

Les délégués du personnel ont été consultés sur ce projet lors d'une réunion en date du 15 juin 2016, au terme de laquelle ils ont émis un avis favorable.

M.[J] a été convoqué par courrier en date du 22 juin 2016 à un entretien préalable fixé au 29 juin 2016.

M.[J] a été dispensé de se présenter à son poste de travail à compter du 27 juin 2016 en raison de la fermeture de l'usine pour cause de travaux.

M.[J] n'a pas accepté l'offre de reclassement qui lui a été proposée par son employeur, et n'a pas adhéré au contrat de sécurisation professionnelle.

M.[J] a été licencié par un courrier en date du 8 juillet 2016 avec un préavis de deux mois.

M.[J] a saisi le conseil de prud'hommes de Montélimar en date du 10 novembre 2016, aux fins de contester le bien-fondé de son licenciement pour motif économique et obtenir la condamnation de son employeur à lui payer un rappel de salaires au titre des heures de travail de nuit réalisées.

Par jugement en date du 28 novembre 2017, le conseil de prud'hommes de Montélimar a :

' Dit et jugé que le licenciement économique de M.[J] [U] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

' Débouté M.[J] de sa demande afférente ;

' Condamné en outre la SAS Fabemi Environnement à payer à M.[J] les sommes suivantes :

'Trois cent quatre euros et quarante deux centimes bruts (304,42) au titre des heures de nuit ;

'Cinq cents euros net (500,00) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

' Fixé le salaire mensuel moyen brut de M.[J] à 2.706,75 euros ;

' Débouté M.[J] du surplus de ses demandes ;

' Constaté l'exécution provisoire de droit et l'a ordonnée pour le surplus en application de l'article 515 du code de procédure civile ;

' Débouté la SAS Fabemi Environnement de sa demande reconventionnelle basée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

' Condamné la SAS Fabemi Environnement aux dépens.

M.[J] a interjeté appel de la décision par déclaration en date du 23 décembre 2017.

Par conclusions en date du 13 février 2020, M.[J] demande à la Cour d'appel de :

' Dire et juger que le requérant a été licencié au motif de prétendues difficultés économiques ;

' Dire et juger les registres du personnel produits irréguliers et donc non probants ;

' Dire et juger le critère de l'adaptation professionnelle illicite ;

' Dire et juger que la société Fabemi ne justifie pas des points alloués ;

' Dire et juger que la société Fabemi environnement n'établit ni ses difficultés économiques au niveau du secteur d'activité du groupe, ni la suppression du poste, ni l'absence de possibilité de reclassement ;

' Dire et juger que la société Fabemi a méconnu les critères légaux ;

' Condamner la société Fabemi à verser à M.[J] :

'79.600 euros en réparation des préjudices professionnel, moral et économique causés par son licenciement injustifié (article L. 1235-3 du code du travail) et, subsidiairement, le non-respect des critères légaux (article L. 1233-7 du code du travail) ;

'1.200 euros au titre des frais irrépétibles (article 700 du code de procédure civile) ;

' Débouter la société Fabemi de ses prétentions ;

' Infirmer en conséquence le jugement déféré.

Par conclusions en date du 11 février 2020, la SAS Fabemi Environnement demande à la Cour d'appel de :

' Infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a condamné la société Fabemi Environnement au paiement à M.[J] de la somme de 304,42 euros bruts au titre des heures de nuit et à la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

' Confirmer le jugement entrepris pour le surplus.

' Et ce faisant :

' Juger que le licenciement pour motif économique prononcé par la société Fabemi Environnement envers M.[J] repose sur une cause réelle sérieuse au sens de l'article L.1233-2 du code du travail,

' Et, en conséquence, débouter M.[J] de sa demande en paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle sérieuse sur le fondement de l'article L.1235-3 du code de travail qu'il évalue à la somme de 79.600 euros.

' Juger que la société Fabemi Environnement n'a pas violé les critères d'ordre légaux,

' Et, en conséquence, qu'il convient de débouter M.[J] de sa demande exprimée à titre subsidiaire sur le fondement de l'article L.1233-7 du Code du Travail et qu'il évalue à la somme de 79.600 euros.

' Juger qu'il convient de débouter M.[J] de sa demande au titre des frais de procédure exprimée sur le fondement de l'article 700 du Code du Procédure Civile et qu'il évalue à la somme de 1.200 euros.

' Juger que la demande en paiement d'une contrepartie pécuniaire exprimée par M. [J] au titre des heures de travail de nuit n'est pas fondée,

' Et, en conséquence, qu'il convient de débouter M.[J] de la demande qu'il exprimerait de ce chef.

' Condamner M.[J] à payer la société Fabemi Environnement la somme de 850 euros au titre des frais de procédure en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 février 2020 et l'affaire a été fixée à plaider le 24 février 2020.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.

Le délibéré est fixé au par mise à disposition au greffe.

SUR QUOI :

Sur le travail de nuit

Le droit applicable

Aux termes de l'article L.3122-39 du code du travail, dans sa version applicable au litige, les travailleurs de nuit doivent bénéficier de contreparties au titre des périodes de nuit pendant lesquelles ils sont employés sous forme de repos compensateur et, le cas échéant, sous forme de compensation salariale.

Aux termes de l'article L.3122-40 du code du travail, dans sa version applicable au litige, la contrepartie dont bénéficient les travailleurs de nuit est prévue par la convention ou l'accord mentionné à l'article L.3122-33. Cet accord prévoit, en outre, des mesures destinées :

1° A améliorer les conditions de travail des travailleurs ;

2° A faciliter l'articulation de leur activité nocturne avec l'exercice de responsabilités familiales et sociales, notamment en ce qui concerne les moyens de transport ;

3° A assurer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, notamment par l'accès à la formation.

L'accord prévoit également l'organisation des temps de pause.

Aux termes de l'article L.3122-33 du code du travail, dans sa version alors applicable, la mise en place dans une entreprise ou un établissement du travail de nuit au sens de l'article L.3122-31 ou son extension à de nouvelles catégories de salariés sont subordonnées à la conclusion préalable d'une convention ou d'un accord collectif de branche étendu ou d'un accord d'entreprise ou d'établissement. Cette convention ou cet accord collectif comporte les justifications du recours au travail de nuit mentionnées à l'article L.3122-32.

Il est de principe que les contreparties sous forme de repos compensateurs doivent être proportionnelles au nombre d'heures de nuit effectuées par les salariés concernés.

Moyens des parties

En l'espèce, M.[J] soutient qu'il travaillait de nuit et qu'il aurait dû, à ce titre, bénéficier d'une contrepartie en application des dispositions de l'article L.3122-39 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige.

Il fait valoir que :

' La contrepartie n'étant pas prévue par la convention collective applicable au contrat de travail, elle aurait dû être définie par l'employeur lui-même ;

' Aucun écrit n'a jamais consacré le droit à deux jours de repos par an invoqué par l'employeur en tant que contrepartie au travail de nuit, de sorte que les salariés n'ont jamais été placés en situation de faire valoir leur droit à l'encontre de leur employeur ;

' La SAS Fabemi ne justifie pas avoir avisé le personnel de ses droits, alors que la charge de prouver le respect de la loi repose entièrement sur elle ;

' Dans tous les cas, la contrepartie doit nécessairement être proportionnelle au temps de travail de nuit ;

' La décision sera intégralement confirmée sur ce chef de demande ;

La SAS Fabemi Environnement fait valoir en défense que :

' La charge du bien-fondé de la demande lui incombe en application des dispositions des articles 6 et 9 du code de procédure civile ;

' Les dispositions conventionnelles applicables ne prévoient pas de contrepartie particulière et laissent le soin à l'employeur de déterminer lui-même cette contrepartie ;

' L'article L.3122-39 du code du travail prévoit une contrepartie obligatoire sous forme de repos au titre du travail de nuit, mais n'impose aucune obligation à l'employeur de prévoir une compensation salariale, celle-ci n'étant qu'une faculté ;

' Il accorde aux salariés concernés deux jours de repos par an au titre du travail de nuit et la prise effective de ces repos figure sur les bulletins de paie des salariés ;

' Cette pratique ancienne dans l'entreprise a déjà été déclarée parfaitement valide dans d'autres décisions juridictionnelles la concernant ;

' Les premiers juges n'étaient pas fondés à fixer d'autorité une contrepartie pécuniaire supplémentaire au bénéfice du salarié ;

' Le jugement rendu en première instance devra par conséquent être infirmé sur ce point.

Sur ce,

La SAS Fabemi Environnement ne se prévaut d'aucune disposition conventionnelle applicable prévoyant les contreparties dues pour les heures de nuit effectuées par ses salariés et ne verse aux débats aucun accord d'entreprise ou d'établissement prévoyant la contrepartie sous forme de repos compensateurs pour les travailleurs de nuit, mais se limite à soutenir qu'elle accorde à ses salariés concernés par le travail de nuit deux jours de repos par an, et produit, pour établir la matérialité de cette allégation, les bulletins de paie des salariés concernés faisant apparaître les jours de repos compensateurs pris à ce titre.

Il y a lieu de considérer que la SAS Fabemi Environnement a manqué d'établir, dans un accord d'entreprise ou d'établissement, comme elle en avait légalement l'obligation, les contreparties dues au titre du travail de nuit sous forme de repos compensateurs. En outre, en attribuant unilatéralement deux jours de repos compensateurs annuellement à tous ses salariés effectuant des heures de nuit, la SAS Fabemi Environnement a manqué d'adapter les contreparties dues aux volumes horaires effectivement réalisés par chacun de ces salariés, violant de ce fait le principe susvisé.

Dès lors, il y a lieu de confirmer le jugement déféré qui a condamné la société Fabemi à payer à M.[J] la somme de 304,42 euros au titre de la réparation du préjudice subi pour violation de son obligation de le faire bénéficier de repos compensateurs en contrepartie des horaires de nuit qu'il a réalisés.

Sur le licenciement

Le droit applicable

Conformément à l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, constitue un licenciement économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou d'une transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à de mutations technologiques.

S'ajoutent aux causes ci-dessus énumérées, la réorganisation de l'entreprise ou du secteur d'activité pour sauvegarder sa compétitivité, et la cessation d'activité.

Les difficultés rencontrées par l'entreprise doivent être réelles et sérieuses pour justifier un licenciement économique. Lorsqu'une entreprise fait partie d'un groupe, les difficultés économiques de l'employeur doivent s'apprécier tant au sein de la société, qu'au regard de la situation économique du groupe de sociétés exerçant dans le même secteur d'activité, sans qu'il y ait lieu de réduire le groupe aux sociétés ou entreprises situées sur le territoire national. La cessation totale d'une entreprise appartenant à un groupe constitue une cause économique du licenciement sous réserve que ses salariés ne soient pas dans une situation de coemploi à l'égard d'une autre société du groupe.

Les motifs invoqués doivent être précis, objectifs et matériellement vérifiables.

Il y a lieu de rappeler que la motivation du licenciement doit être contenue dans la lettre du licenciement qui doit se suffire à elle-même et que la motivation par référence au contenu de l'entretien préalable est inopérante.

Il résulte de l'article L.1233-16 du code du travail que la lettre de licenciement comporte l'énoncé des motifs économiques invoqués par l'employeur. Les motifs énoncés doivent être précis, objectifs et matériellement vérifiables, et la lettre de licenciement doit mentionner également leur incidence sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié. A défaut, le licenciement n'est pas motivé et il est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Les moyens des parties

Le salarié fait valoir que :

' L'employeur n'invoque dans la lettre de licenciement que des difficultés économiques ; il ne peut se prévaloir aujourd'hui de la « mutation technologique » pour justifier le licenciement, ce terme n'apparaissant pas dans la lettre de licenciement ; il ne peut non plus invoquer une « réorganisation » de l'entreprise, dès lors qu'il n'invoque pas la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ;

' La lettre de licenciement ne fait mention d'aucune difficulté économique au niveau du groupe ou du secteur d'activité ;

' L'employeur ne fournit aucune information précise sur les six premiers mois de l'exercice 2016 ;

' Le document fourni par la société dans le cadre d'une note en délibéré démontre que le groupe ne connaissait pas de difficultés économiques à l'époque des licenciements, mais l'inverse ;

' La situation économique de la filiale ne permet pas d'établir les difficultés économiques justifiant le licenciement des salariés, dès lors que le groupe ne faisait face à aucune difficulté économique ;

' L'employeur ne démontre pas avoir mis en 'uvre les dispositions de l'article 3, § 6 de la convention collective ;

' La baisse du chiffre d'affaires ne constitue pas un motif économique de licenciement ; seules les difficultés économiques peuvent le justifier ;

' Au surplus, depuis 2013, la société est toujours à l'équilibre ;

' A titre très subsidiaire, le salarié rappelle que seule la mutation technologique qui s'impose à l'employeur peut constituer une mutation technologique au sens des dispositions de l'article L. 1233-3 du code du travail ; or, en l'occurrence, l'automatisation de la production était un choix de l'employeur ; il ne démontre pas que cette automatisation entraînait la suppression de neuf postes.

L'employeur soutient que :

' La mutation technologique est une cause autonome de licenciement, peu important que la compétitivité de l'entreprise ne soit pas menacée ;

' Elle peut être caractérisée par le remplacement d'un procédé de fabrication par un autre ;

' La société Fabemi a été amenée à automatiser sa production qui était auparavant assurée manuellement selon un procédé coûteux devenu obsolète et dépassé ;

' Ce nouveau système de production est novateur et constitue une « première mondiale » ; il s'agit donc bien d'une mutation technologique ;

' En outre, comme l'indique la lettre de licenciement, la société est confrontée à des difficultés économiques depuis plusieurs années, comme en témoigne son résultat d'exploitation ;

' La baisse générale d'activité est également constatée au niveau du groupe ;

' Les comptes consolidés étaient les seuls connus au moment de l'engagement de la procédure de licenciement ; il n'existe pas de situation intermédiaire au niveau des comptes consolidés du groupe.

Sur ce,

Il ressort des termes de la lettre de licenciement en date du 8 juillet 2016 que la SAS Fabemi Environnement a licencié M.[J] pour motif économique en raison de difficultés économiques manifestées par une baisse importante de son chiffre d'affaires depuis 2007 et des pertes d'exploitation récurrentes.

Il résulte des bilans comptables de la société produits par l'employeur que le chiffre d'affaires de l'entreprise est en baisse constante depuis plusieurs années, dès lors qu'il s'élevait à plus de 22 millions d'euros en 2007 et qu'il s'élevait à un peu plus de 12 millions d'euros en 2014.

Toutefois, il y a lieu de relever que le chiffre d'affaires s'est stabilisé autour de 10 millions d'euros à compter de l'année 2015, celui-ci passant de 10.998.289 euros en 2015 à 10.403.020 euros en 2016 et à 9.594.723 euros en 2017.

En outre, si le résultat d'exploitation de l'entreprise est systématiquement négatif entre 2014 et 2017 (-1.454.842 euros en 2013 et -1.596.785 euros en 2017), il est à noter que la société n'en est pas moins systématiquement à l'équilibre, dès lors que les pertes d'exploitation sont chaque année compensées par un résultat exceptionnel, étant précisé que l'employeur n'apporte aucune précision sur l'origine de cette compensation.

S'agissant de la réalité des motifs économiques invoqués, les difficultés doivent s'apprécier au niveau du groupe Fabemi auquel appartient la société et non uniquement au niveau de la SAS Fabemi Environnement.

Or, il résulte des comptes annuels consolidés produits par l'employeur pour les années 2013 à 2015 que si le chiffre d'affaires du groupe est passé de 134.087 k-euros en 2013 à 110.248 k-euros en 2015, le résultat net a lui, augmenté sur cette même période, passant de 820 k-euros en 2013 à 2.307 k-euros. Et dès lors que l'employeur n'a pas produit en appel les comptes annuels consolidés du groupe pour l'exercice 2016, année au cours de laquelle a eu lieu le licenciement, il y a lieu de considérer qu'à la date du licenciement, l'employeur ne démontre pas que le groupe Fabemi rencontrait des difficultés économiques dans le secteur d'activité de la SAS Fabemi Environnement.

Eu égard au fait que la mutation technologique n'est pas mentionnée dans la lettre de licenciement, et qu'elle ne peut par conséquent pas être invoquée par l'employeur pour justifier a posteriori le licenciement et que l'employeur n'invoque pas dans ses conclusions la réorganisation de l'entreprise en vue de préserver la compétitivité de l'entreprise, la cour considère sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres moyens soulevés par le salarié, que le licenciement de M.[J] pour motif économique est dénué de cause réelle et sérieuse, par infirmation du jugement dont appel.

Aux termes de l'article L.1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L.1234-9.

Compte tenu de l'ancienneté de M.[J] lors de son licenciement, de son âge et de sa situation professionnelle dont il fait état par la production de plusieurs pièces, dont un courrier de Pôle Emploi justifiant qu'il a été bénéficiaire de l'allocation de retour à l'emploi à l'issue de son licenciement, ainsi que des contrats de travail temporaire démontrant qu'il n'a pas retrouvé un emploi stable, la SAS Fabemi Environnement est condamnée à payer à M.[J] la somme de 36.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par celui-ci en raison de son licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.

Sur le remboursement des allocations chômage:

Il conviendra, conformément aux dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail, d'ordonner d'office à l'employeur le remboursement des allocations chômages perçues par le salarié du jour de son licenciement au jour de la présente décision dans la limite de six mois, les organismes intéressés n'étant pas intervenus à l'audience et n'ayant pas fait connaître le montant des indemnités versées.

Une copie de la présente décision sera adressée à Pôle Emploi à la diligence du greffe de la présente juridiction.

Sur les demandes accessoires

Il convient de confirmer le jugement déféré dans ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

La SAS Fabemi Environnement, qui succombe à hauteur de cour, est condamnée à payer à M.[J] la somme de 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel, cette condamnation emportant nécessairement rejet de ses prétentions formées à ce titre.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montélimar le 28 novembre 2017, sauf en ce qu'il a condamné la SAS Fabemi Environnement à payer à M. [U] [J] les sommes suivantes :

' 304,42 euros au titre des heures de nuit ;

' 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Le réformant et y ajoutant,

DIT que le licenciement pour motif économique de M. [U] [J] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la SAS Fabemi Environnement à payer à M. [U] [J] la somme de 36.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi causé par son licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

ORDONNE le remboursement des allocations chômages perçues par le salarié du jour de son licenciement au jour de la présente décision dans la limite de six mois,

Une copie de la présente décision sera adressée à Pôle Emploi à la diligence du greffe de la présente juridiction.

CONDAMNE la SAS Fabemi Environnement à payer à M. [U] [J] la somme de 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SAS Fabemi Environnement aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame FRESSARD, Présidente, et par Madame ROCHARD, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIERLA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section a
Numéro d'arrêt : 18/00044
Date de la décision : 07/07/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-07-07;18.00044 ?
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