N° RG 18/04747 - N° Portalis DBVM-V-B7C-JYP3
YDF
N° Minute :
Copie Exécutoire délivrée
le :
à
la SCP MONTOYA PASCAL-MONTOYA DORNE GOARANT
la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE DES AFFAIRES FAMILIALES
ARRET DU MARDI 16 JUIN 2020
APPEL
jugement au fond, origine tribunal de grande instance de GAP, décision attaquée en date du 25 septembre 2018, enregistrée sous le n° 18/00169 suivant déclaration d'appel du 19 novembre 2018.
APPELANTS :
Maître [T] [I], Notaire associé de la S.C.P. [T] [I] - [T] [F] - [K] [VK], y demeurant [Adresse 1],
S.C.P. [T] [I], [T] [F] et [K] [VK], Notaires associés, dont le siège social est [Adresse 1]
[Adresse 1],
prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège,
représentés par Me Catherine GOARANT de la SCP MONTOYA PASCAL-MONTOYA DORNE GOARANT, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMES :
M. [G] [E]
né le [Date naissance 7] 1982 à [Localité 14], de nationalité Italienne
domicilié [Adresse 12],
[Adresse 12].
représenté par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE, avocat au barreau de GRENOBLE
Mme [H] [J] épouse [X]
née le [Date naissance 4] 1948 à [Localité 15] ITALIE
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Non représentée
Mme [A] [J] épouse [O]
née le [Date naissance 6] 1953 à [Localité 15] ITALIE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Non représentée
Mme [B] [J] épouse [W]
née le [Date naissance 10] 1960 à [Localité 15] ITALIE
[Adresse 5]
[Adresse 5] (ITALIE)
Non représentée
Affaire initialement fixée à l'audience de plaidoiries du 24 Mars 2020
non tenue en raison de l'état d'urgence sanitaire ;
Arrêt rendu en application de l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale.
En l'absence de refus des parties pour l'application des dispositions sus-visées, l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour.
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors du délibéré :
M. Yves DE FRANÇA, Président,
Mme Françoise BARRIER, Conseiller,
Mme Anne-Laure PLISKINE, Conseiller,
FAITS ET PROCEDURE
[L] [Z] née le [Date naissance 9] 1926 à [Localité 15] était mariée à [K] [S] et de cette union sont issus cinq enfants en l'espèce Mme [H] [J] épouse [X], Mme [A] [J] épouse [O], Mme [B] [J] épouse [W], M. [C] [W] et [D] [W], cette dernière étant elle-même décédée le [Date décès 8] 1994 et laissant pour lui succéder un fils M. [G] [E].
[L] [Z] est décédée le [Date décès 11] 2015 à [Localité 13] en l'état d'une donation au profit de son conjoint survivant portant sur l'usufruit de l'universalité des biens composant sa succession reçue par acte notarié en date du 20 mars 1993 de maître [V] et d'un testament authentique reçu le 17 avril 2002 par maître [I], en présence de deux témoins et avec le concours d'une interprète en langue italienne, aux termes duquel elle a entendu léguer le surplus de la quotité disponible à ses trois filles actuellement vivantes.
La succession de la défunte se composait de liquidités bancaires pour un montant de 2937,90 euros et de ses droits indivis sur une maison sise à [Localité 13] constituant un acquêt de communauté.
Considérant que le testament ne reflétait pas l'exacte volonté de la défunte, M. [G] [E] a fait assigner ses trois tantes devant le tribunal de grande instance de Gap par actes signifiés en date du 3 juillet et du 26 août 2015 pour entendre prononcer son annulation.
Les défenderesses ont appelé en intervention forcée maître [I] et la société civile professionnelle d'exercice notarial [I]-[F]-[VK] par actes signifiés en date du 25 février 2016.
Par jugement en date du 25 septembre 2018 le tribunal de grande instance a annulé le testament reçu le 17 avril 2002 par maître [I] et condamné solidairement maître [I] et la société civile professionnelle d'exercice notarial [I]-[F]-[VK] à payer à Mme [H], [A] et [L] [J] solidairement la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, à M. [G] [E] la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens, les parties étant déboutées de leurs autres demandes.
Par déclaration en date du 19 novembre 2018 maître [I] et la société civile professionnelle d'exercice notarial [I]-[F]-[VK] ont interjeté appel de cette décision.
Dans le dernier état de leurs écritures en date du 9 août 2019, ils sollicitent que le jugement déféré soit infirmé en ce qu'il a annulé ce testament et les a condamnés solidairement, que la Cour constate que le testament établi par maître [I] par maître [I] respecte les dispositions de la loi uniforme annexée à la convention de Washington en date du 28 octobre 1973, le dise valide, juge que maître [I] n'a commis aucun manquement fautif dans l'accomplissement de sa mission et qu'il n'est aucunement justifié de l'existence d'un préjudice indemnisable par maître [I].
Ils sollicitent en conséquence le débouté de l'intégralité des demandes des consorts [J] et de M. [G] [E] et la condamnation in solidum des consorts [J] à leur payer la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens avec distraction au profit de maître Arnaud.
Dans le dernier état de ses conclusions en date du 6 juin 2019 M. [G] [E] sollicite de la Cour la confirmation du jugement déféré sauf en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts.
Il souhaite à titre principal que la Cour déclare nul et de nul effet le testament établi par acte notarié le 17 avril 2002 en l'étude de maître [I] pour vice de fond, qu'elle dise que la traductrice n'était pas assermentée et entretenait des liens avec les bénéficiaires du testament et que les dispositions de l'article 4 1 de la loi uniforme figurant en annexe de la convention de Washington en date du 26 octobre 1973 n'ont pas été respectées et donc qu'elle déclare nulle et de nul effet le testament comme testament international.
Il sollicite à titre subsidiaire que la Cour dise et juge que maître [I] engage sa responsabilité et que le préjudice qu'il a subi, correspondant au quart du surplus de la quotité disponible.
Il se revendique enfin de la condamnation in solidum de mesdames [H], [A] et [L] nées [J], de maître [I] et la société civile professionnelle d'exercice notarial [I]-[F]-[VK] à lui payer la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral, la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.
Les consorts [J] n'ont pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 janvier 2020, l'affaire devant être plaidée à l'audience du 4 février puis du 24 mars 2020.
MOTIFS DE LA DECISION :
Il résulte des dispositions de l'article 971 et de l'article 972 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 16 février 2015 que si le testament est reçu par un seul notaire, il doit être également dicté par le testateur, le notaire l'écrivant lui-même ou le faisant écrire à la main ou mécaniquement, le notaire étant assisté de deux témoins et le testateur ayant la possibilité de dicter le testament en langue étrangère, à la condition que le notaire et les témoins comprennent cette langue étrangère sans avoir recours à un interprète.
En l'espèce, par acte en date du 17 avril 2002 maître [I] a reçu le testament de [L] [Z] actuellement décédée dont il n'est pas contesté qu'elle ne s'exprimait pas en langue française, en présence de deux témoins M. [R] [N] et Mme [M] [P] mais également de Mme [Y] [U] à titre d'interprète et il n'apparaît pas contesté que les témoins mais également le notaire rédacteur ne maitrisaient pas la langue italienne.
Il est constant comme l'a rappelé le premier juge, que la possibilité de recourir à un interprète assermenté inscrit sur la liste d'une Cour d'Appel ou de la Cour de Cassation lorsque le notaire ou les témoins ne maitrisent pas la langue du testateur, n'a été introduit que par la loi du 16 février 2015 et qu'en conséquence sans qu'il soit nécessaire d'examiner les éventuels liens de proximité qui pouvaient exister entre les témoins, l'interprète et les bénéficiaires du testament, l'acte reçu le 17 avril 2002 par maître [I] qui ne maîtrise pas l'italien ne peut valoir comme testament authentique.
Il résulte des dispositions de la convention de Washington en date du 26 octobre 1973 ratifiée par la France le 29 novembre 1974, portant loi uniforme et entrée en vigueur le 1er décembre 1994 que celles-ci ont introduit dans notre droit une nouvelle forme de testament dit international en l'absence de tout élément d'extranéité régie par des dispositions autonomes de celles du code civil, dispositions du code civil qui ne font donc pas obstacle à la reconnaissance de la validité de ce document comme testament international alors qu'il a été déclaré nul au vu des dispositions du code civil.
En l'espèce, M. [E] se revendique de la nullité de ce testament comme testament international au vu des dispositions de l'article 4 de la loi uniforme qui précisent que « le testateur déclare en présence de deux témoins et d'une personne habilitée à instrumenter à cet effet que le document est son testament et qu'il en connaît le contenu » pour faire valoir que cette mention n'a pas été retranscrite dans le testament reçu par maître [I] le 17 avril 2002 et qu'en l'espèce [L] [Z] qui ne s'exprimait pas en français a fait le choix de manifester sa volonté par l'intermédiaire d'un interprète Mme [Y] [U] qui n'était pas assermentée et n'est autre qu'une proche des bénéficiaires du testament, ce qui ne permet pas de s'assurer de sa volonté de tester.
Il produit pour étayer son argumentation en pièce 4, deux photocopies de photographies sur lesquelles on peut constater la présence de Mme [U] lors d'une manifestation familiale d'un des membres de la famille [J] mais également à une autre occasion à proximité de l'époux de Mme [H] [X] et de Mme [A] [O] née [J].
Au visa des dispositions de la loi uniforme et en particulier des dispositions de l'article 4, il appartient à la Cour de s'assurer qu'au-delà du formalisme prévu par ses dispositions, le testament respecte l'exacte volonté de son auteur comme l'a rappelé le premier juge.
Si l'acte en date du 17 avril 2002 reçu sous forme dactylographiée par maître [I] en son étude de la part de [L] [Z] en présence de deux témoins et de Mme [Y] [U] interprète ne porte pas mention exacte « que le document est son testament et qu'elle en connaît le contenu », il précise que «ce testament a été écrit en entier de la main de maître [I], tel qu'il lui a été dicté par la testatrice et l'interprète, puis que le notaire l'a lu à la testatrice et à l'interprète, lesquels ont déclaré le bien comprendre et reconnaître qu'il exprime les volontés de la testatrice, le tout en la présence simultanée et non interrompue des témoins», ce qui permet à la Cour de s'assurer que [L] [Z] en connaissait le contenu et qu'il portait mention de ses dernières volontés.
Les seules allégations de M. [E] selon lesquelles Mme [U] n'était pas une interprète assermentée, présentait des liens de proximité avec les personnes désignées comme légataires et les pièces communiquées en l'espèce deux photographies, en l'absence de tout autre élément soumis à l'appréciation de la Cour sont insuffisantes, pour mettre en doute la sincérité de la traduction de cette dernière et donc l'expression de la volonté de la testatrice [L] [Z].
En conséquence, la décision déférée sera réformée en ce qu'elle a annulé le testament contesté, celui-ci sera validé comme testament international et M. [G] sera débouté de toutes ses demandes.
En l'espèce, l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
Les consorts [J] qui succombent seront condamnés aux entiers dépens.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, et par arrêt de défaut, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions et valide le testament reçu le 17 avril 2002 par maître [I] en son étude de la part de [L] [Z] comme testament international au visa des dispositions de la Convention de Washington en date du 28 octobre 1973 portant loi uniforme.
Déboute M. [G] [E] de toutes ses demandes.
Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne Mme [H] [X] née [J], Mme[A] [O] née [J] et Mme [B] [W] née [J] aux entiers dépens avec distraction au profit de maître Arnaud.
PRONONCE par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
SIGNE par le président, Yves de França et par le greffier Abla Amari, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier Le Président