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16/06/2020 | FRANCE | N°18/00861

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chbre des aff. familiales, 16 juin 2020, 18/00861


N° RG 18/00861 - N° Portalis DBVM-V-B7C-JNFJ





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N° Minute :























































































Copie Exécutoire délivrée

le :







à



Me Pascale HAYS



Me Valérie AMBLARD







AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE DES AFFAIRES FAMILIALES



ARRET DU MARDI 16 JUIN 2020





APPEL

jugement au fond, origine tribunal de grande instance de Gap, décision attaquée en date du 12 décembre 2017, enregistrée sous le n° 15/00957 suivant déclaration d'appel du 19 février 2018.





APPELANT :

M. [R], [A], [J] [E]

né le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 1...

N° RG 18/00861 - N° Portalis DBVM-V-B7C-JNFJ

FB

N° Minute :

Copie Exécutoire délivrée

le :

à

Me Pascale HAYS

Me Valérie AMBLARD

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE DES AFFAIRES FAMILIALES

ARRET DU MARDI 16 JUIN 2020

APPEL

jugement au fond, origine tribunal de grande instance de Gap, décision attaquée en date du 12 décembre 2017, enregistrée sous le n° 15/00957 suivant déclaration d'appel du 19 février 2018.

APPELANT :

M. [R], [A], [J] [E]

né le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 12] ([Localité 12])

de nationalité Française

[Adresse 8]

[Localité 3]

représenté par Me Pascale HAYS, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMEE :

Mme [L] [Y] épouse [E]

née le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 16] (97)

de nationalité Française

[Adresse 13]

[Localité 9]

représentée par Me Valérie AMBLARD, avocat au barreau des HAUTES-ALPES

Affaire initialement fixée à l'audience de plaidoiries du 31 Mars 2020

non tenue en raison de l'état d'urgence sanitaire ;

Arrêt rendu en application de l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale.

En l'absence de refus des parties pour l'application des dispositions sus-visées, l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour.

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors du délibéré :

M. Yves DE FRANÇA, Président,

Mme Françoise BARRIER, Conseiller,

Mme Anne-Laure PLISKINE, Conseiller,

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [R] [E] et Mme [L] [Y] se sont mariés le [Date mariage 4] 1988 à [Localité 12] (Hautes-Alpes), sans contrat de mariage préalable.

De cette union sont nés [Z], le [Date naissance 6] 1990, et [W], le [Date naissance 10] 1992, tous deux désormais majeurs.

Le couple s'est séparé définitivement en 2012.

Le 1er octobre 2015, Mme [Y] a déposé une requête en divorce.

Par ordonnance de non-conciliation contradictoire du 3 décembre 2015, le juge aux affaires familiales de Gap a notamment :

- attribué à M. [E] la jouissance du domicile conjugal, sis à [Localité 11], à titre onéreux,

- débouté M. [E] de sa demande de pension alimentaire au titre du devoir de secours et de sa demande tendant à la fixation à la charge de Mme [Y] d'une contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant majeur [W],

- attribué la jouissance de quatre véhicules à l'époux et de trois véhicules à l'épouse.

Par acte d'huissier signifié le 25 février 2016, Mme [Y] a assigné M. [E] en divorce.

Par jugement contradictoire du 12 décembre 2017, le juge aux affaires familiales de Gap a principalement :

- prononcé le divorce des époux sur le fondement des articles 237 et 238 du code civil,

- reporté les effets du divorce au 3 décembre 2015 (date de l'ordonnance de non-conciliation),

- débouté M. [E] de sa demande de prestation compensatoire,

- laissé à Mme [Y], demanderesse, la charge des dépens.

Le 19 février 2018, M. [E] a interjeté appel de ce jugement en ce qui concerne le prononcé du divorce, le report des effets de celui-ci à la date de l'ordonnance de non-conciliation, le rejet de sa demande de prestation compensatoire et de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées le 12 décembre 2019, M. [E] demande à la cour de :

- débouter Mme [Y] de sa demande tendant à voir écarter des débats les pièces 55, 57, 59, 66, 69, 70 et 71 dès lors qu'elles ne démontrent pas qu'il les aurait obtenues par fraude ou violence et dès lors qu'il justifie les avoir obtenues sans fraude ni violence,

- écarter des débats la pièce adverse n° 45,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a accueilli la demande en divorce de Mme [Y],

- dire que les conditions prévues par l'article 238 et suivants du code civil ne sont pas réunies pour que le divorce soit prononcé pour altération définitive du lien conjugal, Mme [Y] ne justifiant pas d'une cessation de communauté tant matérielle qu'affective d'une durée de deux ans au moment de l'assignation en divorce du 25 février 2016,

- débouter Mme [Y] de sa demande de prononcé du divorce par application de l'article 238 du code civil,

- à titre subsidiaire, si la cour devait confirmer le jugement sur le prononcé du divorce pour altération définitive du lien conjugal, accueillir sa demande reconventionnelle de divorce pour faute à l'encontre de Mme [Y] et prononcer le divorce aux torts exclusifs de l'épouse,

- dire que la rupture du mariage créé une disparité dans la situation respective des parties et qu'il y a lieu à prestation compensatoire,

- condamner Mme [Y] à lui verser la somme de 80 000 euros à titre de prestation compensatoire,

- condamner Mme [Y] à lui verser la somme de 66 000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral et matériel de la rupture,

- débouter Mme [Y] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner Mme [Y] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers à recouvrer à Maître Haÿs, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 17 juillet 2019, Mme [Y] demande à la cour de :

à titre principal :

- débouter M. [E] de ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer le prononcé du divorce pour altération définitive du lien conjugal,

- dire que la date des effets du divorce sera fixée au 3 décembre 2015,

- rejeter la demande de prestation compensatoire formulée par M. [E],

- dire qu'il y a lieu d'écarter des débats les pièces adverses n° 55, 57, 59, 66, 69, 70 et 71 obtenues par M. [E] par vol de courrier ou fraude,

- ordonner la transcription du jugement à venir sur les registres d'état-civil,

à titre subsidiaire :

- rejeter la demande en divorce pour faute exclusive formulée par M. [E],

- rejeter la demande de dommages-intérêts de M. [E],

- condamner M. [E] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [E] aux dépens, distraits au profit de Maître Amblard.

Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application de l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées ainsi qu'aux développements infra.

Sur ce :

Sur la demande de Mme [Y] de voir écarter des débats les pièces 55, 57, 59, 66, 69, 70 et 71 de M. [E] :

Vu les articles 259 et 259-1 du code civil ;

Mme [Y] relève que ces pièces ont été obtenues par M. [E] en fraude de ses droits, M. [E] ayant fait usage de la correspondance privée de l'épouse adressée au domicile conjugal alors qu'elle-même vivait depuis 4 ans à La Réunion, en violation du secret des correspondances (pièces 55, 57, 59, 69 à 71 de M. [E]), ou reçue sur la boîte-mail OUTLOOK de Mme [Y] qui a été fusionnée avec celle de M. [E] à la demande de celui-ci, ce qui lui a aussi permis d'envoyer des messages en son nom (pièce 66 de M. [E]).

M. [E] signale que les faits invoqués comme cause de divorce peuvent être établis par tout mode de preuve, ce qui fait que la production de correspondances est admis, sans qu'il soit exigé le double consentement de l'auteur d'une lettre et de son destinataire, sauf si cet élément de preuve a été recueilli par fraude ou violence. Or, en l'absence de violence ou de fraude, les e-mails établis à partir de l'ordinateur acheté par M. [E] peuvent être valablement produits, étant précisé que les boites-mails étaient fusionnées sur OUTLOOK (l'ordinateur ayant été paramètré en décembre 2014 par [W], enfant majeur du couple et ingénieur en informatique) et que M. [E] avait accès aux mails de son épouse, bien que les mots de passe des adresses aient été différents. Il dit avoir eu connaissance de la pièce 66 lors du dernier passage de Mme [Y] au domicile conjugal en mai/juin 2015, ajoutant que Mme [Y] lui a fait une procuration postale le 12 août 2013 (pièce 112 de M. [E], voir aussi pièce 107 de M. [E] s'agissant d'une procuration sur ses comptes bancaires), ce qui lui a permis durant cette période de scanner les courriers adressés à Mme [Y] au domicile conjugal pour les lui envoyer à La Réunion, après ouverture, jusqu'au 5 juin 2015, Mme [Y] ayant officialisé son changement d'adresse le 25 octobre 2015.

M. [E] produit effectivement deux procurations signées de Mme [Y], l'une, datée du 12 août 2013, destinée à lui permettre de réceptionner son courrier (après vérification de l'identité du signataire par le préposé de La Poste), l'autre, datée du 4 août 2005, concernant l'ensemble de ses comptes et placement auprès de la Banque Populaire des Alpes (pièces 107 et 112 de M. [E]).

Or, les pièces 55, 59, 69 à 71 de M. [E] sont constituées de courriers assez anciens (en 2011 et 2012) concernant des opérations sur un contrat d'assurance-vie souscrit en 2009, la copie d'un chèque de banque destiné à un achat immobilier, ainsi qu'un relevé de compte bancaire concernant le compte commun des époux à la caisse d'épargne, dont Mme [Y] ne démontre pas qu'elles aient été obtenues par M. [E] par fraude, la plupart de ces pièces ayant été adressées à l'ancien domicile conjugal occupé par M. [E] depuis le départ de Mme [Y] à La Réunion en 2012 ([Adresse 7]), certaines pièces y ayant été reçues avant cette date. La pièce 59 de M. [E], qui correspond à un relevé de compte bancaire de Mme [Y] à la Banque Postale (C.C.P.), mentionne lui aussi la même adresse, ce relevé étant en date du 30 novembre 2015, donc postérieur à la procuration signée le 12 août 2013 par Mme [Y] pour permettre à M. [E] de réceptionner puis lui adresser son courrier, ce qui démontre là encore l'absence de fraude.

Seule la pièce 66 pose difficulté, s'agissant d'un échange de correspondances par courriel adressés à Mme [Y] ou envoyés par une personne prétendant être celle-ci en date des 29 avril 2015 et 30 avril 2015, les échanges entre les parties à la présente procédure permettant d'affirmer que ces messages ont bien été reçus ou émis par l'ordinateur appartenant à M. [E], implanté à [Localité 3], dont les boites OUTLOOK avaient fusionné, ce qui fait qu'il recevait les messages adressés à son épouse et était en mesure d'adresser des messages sous l'identité de celle-ci à un tiers, comme souligné par Mme [Y]. Si rien ne démontre que M. [E] soit à l'origine de cette situation, imputable à une négligence de Mme [Y] ou à une erreur de paramétrage de l'ordinateur, et pas forcément à une manipulation de sa part, ce qui fait que là encore aucune fraude de M. [E] dans l'obtention de la preuve n'est établie, la force probante d'un tel échange de correspondance est estimée nulle par la présente cour, qui n'est pas en mesure de s'assurer de l'identité des correspondants eu égard au contexte (pièce 66 de M. [E]).

Il n'y a donc pas lieu de faire droit à la demande de Mme [Y] de voir écarter des débats certaines des pièces produites par M. [E].

Sur la demande de M. [E] de voir écarter des débats la pièce 45 de Mme [Y]:

Vu les articles 259 du code civil et 954 du code de procédure civil ;

M. [E] demande que la pièce 45 de Mme [Y] soit écartée des débats, sans pour autant motiver cette demande dans ses écritures. Mme [Y] s'oppose à cette demande, sa pièce 45 étant une attestation établie par [T] [M], enfant né d'une première union de Mme [Y], mais ne portant pas sur les griefs invoqués par les époux dans le cadre du divorce.

M. [E] ne formulant aucun moyen de fait ou de droit à l'appui de sa demande, contrairement aux dispositions de l'article 954 du code civil, il sera en conséquence débouté de celle-ci, la présente cour étant par ailleurs à même d'apprécier la force probante de cette pièce, non prohibée par la loi.

Sur le principe du divorce :

Vu les articles 242 et suivants, 237 et 238 du code civil, et notamment l'article 246 du code civil, tel qu'applicables avant le 1er septembre 2020 ;

M. [E] conclut à titre principal au débouté de la demande en divorce de Mme [Y], fondée sur les articles 237 et 238 du code civil, puis réclame, à titre subsidiaire et reconventionnellement, au cas où la demande en divorce de l'épouse serait accueillie (sic), le prononcé du divorce aux torts exclusifs de celle-ci, lui reprochant d'avoir abandonné le domicile conjugal et d'entretenir une relation adultère, en visant une seule pièce à l'appui de sa demande, la pièce 66 de M. [E] mentionnée précédemment, dont la présente cour estime qu'aucune force probante ne peut lui être accordée, l'identité des correspondants ne pouvant être établie avec certitude (cf ci-dessus).

Mme [Y] s'oppose à cette demande en divorce à ses torts exclusifs, formulée pour la première fois en appel par M. [E], exposant que le départ à La Réunion de l'épouse en 2012 a été toléré par le mari, qui s'est toutefois abstenu de venir l'y rejoindre, la communauté de vie ayant cessé d'être effective depuis 2010, ce qui a permis à M. [E] de profiter jusqu'en 2016 à moindres frais de la jouissance du domicile conjugal (maison sise à [Localité 11]) en laissant régler par Mme [Y] les impôts locaux sur ce bien immobilier commun. Elle conteste avoir entretenu une liaison amoureuse avec M. [S] [U], affirmant ne pas être la rédactrice du courriel produit par M. [E] en pièce 66, puis rapporte que M. [E] a choisi de faire chambre à part depuis 2010 et lui a imposé cette situation, ce qui constitue selon elle une faute permettant de prononcer le divorce aux torts exclusifs de l'époux et non de l'épouse (toutefois, cette demande de divorce aux torts exclusifs de l'époux n'étant pas évoquée dans le dispositif de ses écritures, il n'en sera pas tenu tenu compte). Elle demande le prononcé du divorce sur le fondement des articles 237 et 238 du code civil, le jugement frappé d'appel devant être confirmé sur cette question.

Selon l'article 246 du code civil, si une demande pour altération définitive du lien conjugal et une demande pour faute sont concurremment présentées, le juge examine en premier lieu la demande pour faute. S'il rejette celle-ci, le juge statue sur la demande en divorce pour altération définitive du lien conjugal.

En l'espèce, bien que Mme [Y] fasse état de ce que M. [E] présente pour la première fois en appel sa demande en divorce pour faute, ce qui est exact au vu de la motivation du premier juge et des conclusions des parties communiquées à la cour par celui-ci avec son dossier, elle n'en tire pour autant aucune conséquence et ne conclut pas à l'irrecevabilité de sa demande.

La présente cour est donc tenue d'apprécier dans un premier temps si le divorce doit ou non être prononcé aux torts exclusifs de l'épouse, avant d'apprécier la demande de celle-ci sur le fondement des articles 237 et 238 du code civil.

S'agissant de sa demande en divorce pour faute, M. [E] ne vise qu'une seule pièce à l'appui de celle-ci, sa pièce 66, qui bien que n'ayant pas été écartée des débats, contrairement à ce que sollicitait Mme [Y], est sans force probante, et en tous cas insuffisante pour établir l'adultère de l'épouse, dont il fait état. Il reproche par ailleurs à Mme [Y] d'avoir abandonné le domicile conjugal, ce qui donne lieu à de nombreux échanges entre les parties, qui démontrent toutefois que M. [E] ne s'est pas opposé à ce départ en 2012, Mme [Y] étant alors venue rejoindre son père à La Réunion, et qu'il a même eu un temps le projet de l'y rejoindre, comme il le souligne lui-même.

Dans ce contexte, le départ de Mme [Y] pour rejoindre son père à La Réunion, où M. [E] devait ultérieurement la rejoindre, ne peut être qualifié d'abandon du domicile conjugal, et en tout cas ne peut constituer une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune. M. [E] sera donc débouté de sa demande en divorce aux torts exclusifs de Mme [Y].

S'agissant de la demande en divorce pour altération définitive du lien conjugal présentée par Mme [Y], il sera noté que celle-ci a déposé sa requête en divorce le 1er octobre 2015, puis a fait délivrer l'assignation en divorce le 25 février 2016, soit moins de deux ans après.

M. [E], bien qu'évoquant une première séparation du couple entre 2005 et 2008, conteste que les rapports du couple se soient progressivement détériorés, comme l'affirme Mme [Y], avant d'évoquer l'installation de Mme [Y] à La Réunion en février 2011, où il devait ultérieurement la rejoindre (achat de bien immobilier à La Réunion, transfert de l'avis d'imposition 2014 à La Réunion, pas de changement d'adresse de Mme [Y] avant la procédure de divorce, etc), étant tenu de rester en métropole pour maintenir son emploi et s'occuper des enfants majeurs du couple. Il estime que les relations des époux n'ont commencé à se dégrader qu'à partir du mois de mai 2015, Mme [Y] étant venue passer chez lui les fêtes de Noël 2014 puis étant revenue en mai/juin 2015, soit à une période où il recherchait un emploi à La Réunion pour y rejoindre son épouse, la communauté de vie n'ayant cessé qu'à ce moment-là, même si depuis 1988 (date de l'achat du domicile conjugal) ils utilisent des comptes bancaires séparés. Il indique que son activité d'exploitant agricole, que Mme [Y] dit n'avoir découvert qu'en 2018, ancienne et connue de Mme [Y] puisqu'apparaissant sur leurs avis d'imposition, n'était en rien un frein à son départ pour La Réunion.

Mme [Y] confirme l'existence d'une première séparation au cours de laquelle elle a vécu à [Localité 15] (de 2005 à 2008), puis dit être revenue vivre au domicile conjugal en 2009, les rapports entre époux se dégradant au point qu'à partir de 2010 le couple faisait chambre à part. Elle indique avoir repris des études afin d'obtenir une nouvelle qualification professionnelle, puis être partie vivre à La Réunion avec l'accord de M. [E], pour s'installer auprès de son père, mais conteste le fait que l'époux devait ultérieurement l'y rejoindre, M. [E] n'étant pas venu depuis 2010 dans l'Île et n'ayant jamais visité le domicile réunionnais de Mme [Y], acquis à l'aide de donations de son père (achat de deux biens immobiliers sis à [Localité 17], en 2011 et 2013, tous deux financés par le père de Mme [Y] : cf pièces 7 et 8 de Mme [Y]) et du prix de vente de l'appartement de [Localité 15], financé lui aussi par des donations du père de Mme [Y]. Elle indique que M. [E] (qui ne produit qu'une seule offre d'emploi) n'a jamais recherché comme il le prétend d'emploi à La Réunion, d'autant qu'il ne parle pas créole, et qu'il a créé en 2013 une société d'exploitant agricole pour la culture de céréales, qu'elle n'a découvert seulement qu'en 2018, ayant cru jusque-là que les revenus agricoles qu'il déclarait provenaient de la location de parcelles à des agriculteurs, ce qui démontre son intention de rester vivre à [Localité 3], où il pouvait jouir du bien immobilier commun sans bourse délier. Elle ajoute être revenue à [Localité 3] pour Noël 2014 afin de voir ses enfants et réunir les deux fratries, puis évoque la déclaration d'impôt commune effectuée à La Réunion en 2014, ce qui a permis au couple de bénéficier d'un abattement fiscal de 30 %, contestant que le couple ait eu pour projet de vivre ensemble à La Réunion, la cohabitation et la communauté de vie ayant selon elle pris fin dès 2011.

Le premier juge a motivé sa décision à partir de ces éléments et des pièces des parties, soulignant que M. [E] ne s'est plus rendu à La Réunion depuis 2011 et que Mme [Y] n'est revenue que de façon exceptionnelle depuis cette date à [Localité 3] pour séjourner dans le bien immobilier commun, le projet évoqué par M. [E] de venir rejoindre son épouse à La Réunion étant peu documenté, ce qui permet de douter de sa réalité, et l'acquisition par l'épouse seule de deux biens immobiliers à La Réunion en février et juin 2013, financés par des donations de son père (M. [E] étant intervenu aux actes pour reconnaître la qualité des fonds propres employés) étant significative de la cessation de la collaboration entre époux (tout comme l'absence d'usage du compte commun par Mme [Y], qui a accepté lors de la clôture de celui-ci que les fonds qui s'y trouvaient soient exclusivement versés à M. [E], ou le fait que chacun des époux a réglé sa part des impôts sur le revenu du couple en 2014), ce qui ne permet pas de renverser la présomption tirée de la cessation de la cohabitation, effective depuis le milieu de l'année 2012.

Le premier juge en a conclu que le lien conjugal est définitivement altéré puisque toute communauté de vie avait cessé depuis plus de deux ans à la date de l'assignation, le 25 février 2016.

Cette motivation, parfaitement adaptée au litige et à la situation des parties, sera purement et simplement adoptée par la présente cour, et le jugement frappé d'appel confirmé en ce qu'il a prononcé le divorce des époux pour altération définitive du lien conjugal sur le fondement des articles 237 et 238 du code civil.

Sur la date des effets du divorce dans les rapports patrimoniaux entre époux :

Vu l'article 262-1 du code civil ;

Mme [Y] demande que la date des effets du divorce dans les rapports patrimoniaux entre époux soit fixée au 3 décembre 2015, date de l'ordonnance de non-conciliation, conformément au jugement frappé d'appel, ce à quoi M. [E] ne s'oppose pas. Il sera donc fait droit à cette demande, puisque l'appel de M. [E] porte aussi sur cette question.

Sur les dommages-intérêts réclamés par M. [E] :

Vu les articles 266 et 1240 du code civil ;

M. [E] réclame la somme de 66 000 euros à titre de dommages-intérêts, évoquant la décision brutale de divorcer de Mme [Y], alors que lui-même a tout fait pour satisfaire son épouse, ce qui lui cause un important préjudice moral, le plonge dans une grande solitude et va lui imposer de devoir verser à l'épouse une soulte afin de pouvoir conserver le bien immobilier commun, ajoutant que cet abandon matériel et moral doublé d'une espérance entretenue de retrouvailles est constitutif d'une faute justifiant une indemnisation.

Mme [Y] s'oppose à cette demande, contestant être partie brutalement du domicile conjugal tout comme l'existence de démarches entreprises par M. [E] pour venir la rejoindre à La Réunion, ajoutant que M. [E] ne s'oppose à une procédure amiable de divorce que pour en tirer un avantage financier et s'enrichir à ses dépens. Elle souligne (sans en tirer les conséquences) que cette demande n'a pas été formulée en première instance par M. [E], dont elle signale la particulière mauvaise foi.

La demande de M. [E] fondée sur l'article 266 du code civil est irrecevable puisque ce texte suppose non seulement la démonstration de conséquences d'une particulière gravité subie du fait de la dissolution du mariage, mais aussi le prononcé d'un divorce aux torts exclusifs du conjoint ou, dans le cas d'un divorce prononcé pour altération définitive du lien conjugal, que celui qui invoque cet article n'ait pas lui-même formé de demande en divorce, ce qui est le cas en l'espèce, puisque M. [E] a formulé une demande en divorce pour faute à l'encontre de son épouse, comme signalé ci-dessus. M. [E] doit donc être débouté de sa demande de dommages-intérêts sur ce fondement, irrecevable.

S'agissant de sa demande formée sur le fondement de l'article 1240 du code civil, si tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, M. [E] ne démontre pas l'existence d'une faute de l'épouse, en lien de causalité direct avec un préjudice qu'il aurait personnellement subi. Il sera en conséquence débouté de sa demande de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1240 du code civil.

Sur la prestation compensatoire réclamée par l'époux :

Vu les articles 270 et 271 du code civil ;

M. [E] réclame à ce titre une somme de 80 000 euros, arguant d'un revenu (salaires et revenu agricole pour son activité secondaire) sensiblement plus faible que celui de l'épouse, signalant qu'il ne perçoit en plus des indemnités pour son activité de conseiller prud'hommal que quand il siège sur des périodes non travaillées (puisque sinon c'est son employeur et non lui qui est remboursé). Il signale que figure sur ses comptes bancaires une somme de 92 000 euros remise par sa tante pour qu'il règle à sa place ses factures d'EHPAD (pièce 63). Il ajoute que Mme [Y] ne justifie pas de l'arrêt de son activité de sophrologue fin 2017, ni ne s'explique sur la composition de son patrimoine, ayant créé une SCI à St Sulpice dont elle ne communique pas les statuts. Il indique que les choix de vie opérés par Mme [Y] (départ à La Réunion) l'ont conduit à ne bénéficier d'aucune évolution de carrière, son employeur étant depuis longtemps informé de son projet de départ à La Réunion, étant précisé qu'il est délégué syndicat CFDT depuis fort longtemps et conseiller prud'hommal depuis 2008. Il dit s'être sacrifié pour permettre à l'épouse de développer son activité, son maintien en métropole ayant permis à celle-ci de développer ses activités sans avoir la responsabilité de surveiller l'éducation des enfants, ajoutant que celle-ci, fille unique, héritera des biens de son père, fortuné, Mme [Y] ayant selon lui un patrimoine et des droits à retraite supérieurs aux siens.

Mme [Y] s'oppose à cette demande, évoquant ses soucis de santé (nodulation mammaire, opération du col de l'utérus et pneumopathie) et l'arrêt de son activité de sophrologue en décembre 2017, à l'âge de 64 ans, ce qui fait que son seul revenu est maintenant constitué de sa retraite. Elle indique avoir vendu les deux biens immobiliers qu'elle possédait en propre à La Réunion (tout comme précédemment l'appartement de [Localité 15]) pour acquérir en métropole une maison qu'elle rénove, dans le cadre d'une SCI et avec les fonds provenant de ces ventes, puis conteste que M. [E] ait dû sacrifier sa carrière pour qu'elle-même développe la sienne, précisant qu'il n'est titulaire que du baccalauréat et n'a pas le diplôme d'éducateur spécialisé, ce qui ne lui permet qu'un emploi d'éducateur scolaire. Elle ajoute qu'il complète ses revenus (salaires + revenus agricoles déclarés) par des indemnités de conseiller prud'hommal (qui n'ont certes pas à être déclarés fiscalement), ses revenus étant équivalents aux siens, quoi qu'il en dise, tout en préparant sa retraite auprès de la MSA (règlements importants concernant des cotisations retraite qui lui permettront ultérieurement de toucher auprès de la MSA une retraite complémentaire). Elle s'étonne de la somme de 70 000 euros déposée sur le compte de M. [E] par la tante de celui-ci, qui pouvait mettre en place un prélèvement automatique pour régler ses frais d'hébergement et de restauration en EHPAD, cette somme correspondant selon elle à une donation déguisée. Elle ajoute s'être occupée des enfants du couple durant la vie commune, ce qui l'a conduite à travailler à temps partiel de 1991 à 1995, puis à prendre une retraite anticipée à 51 ans afin d'accompagner les enfants à [Localité 15] où [W] avait intégré un club de patrimoine artistique de haut niveau. Elle souligne enfin que les assurances-vies dont elle dispose ont été alimentées par son père et que M. [E] a hérité de son père, décédé le [Date décès 5] 2017, ce qu'il ne mentionne pas dans ses écritures.

À ce jour, le mariage a duré 32 ans dont 24 ans de vie commune (et près de 5 ans de procédure), et Mme [Y] est âgée de bientôt 67 ans et M. [E] de bientôt 61 ans.

M. [E] ne fait état d'aucun problème de santé, alors que Mme [Y], plus âgée, en évoque plusieurs (nodulation mammaire, opération du col de l'utérus et pneumopathie) et verse des justificatifs en ce qui concerne la nodulation mammaire (pièces 24 et 36 de Mme [Y]).

M. [E], qui exerce plusieurs activités (éducateur scolaire, élu au conseil des prud'hommes de Gap et chef d'exploitation agricole inscrit à la MSA pour une activité secondaire, la culture de céréales), justifie de ses revenus à hauteur de :

* 24 056 euros en 2014 (21 535 euros de salaires + 2 521 euros de revenus tirés de son activité agricole, soit au total 2 004,66 euros par mois),

* 24 728,99 euros en 2015 (21 809 euros de salaires + 2 920 euros de revenus tirés de son activité agricole, soit au total 2 060,74 euros par mois),

* 21 542 euros seulement en 2016 (uniquement des salaires, le revenu agricole n'étant pas documenté), soit 1 795,16 euros par mois,

* 22 587 euros en 2017 (21 525 euros de salaires + 1 062 euros de revenus tirés de son activité agricole (changement de régime : micro) , soit au total 1 882,25 euros par mois),

* 24 114 euros en 2018 (23 060 euros de salaires + 1 054 euros de revenus tirés de son activité agricole (régime micro), soit au total 2 009,50 euros par mois (pièces 60, 79, 80, 83 à 87, 89 et 109 de M. [E], 47 de Mme [Y]).

Toutefois, il ne verse aucun justificatif en ce qui concerne ses revenus pour l'année 2019 (salaires et revenus agricoles), alors que la clôture fixée au 7 janvier 2020 lui permettait de le faire, au moins pour les premiers mois de l'année. Il ne justifie pas non plus des sommes qu'il perçoit au titre de son activité au sein du conseil des prud'hommes de Gap, certes non imposables, alors qu'il admet être rémunéré chaque fois que cette activité a lieu en dehors de ses horaires normaux de travail, ce qui arrive manifestement fréquemment au vu des justificatifs qu'il produit pour les années 2013 et 2014 (alors que le CPH rembourse directement l'employeur si cette activité a lieu durant ses horaires normaux de travail), étant précisé que Mme [Y] fait état le concernant de sommes importantes perçues à ce titre, qui viennent augmenter son revenu de 200 à 300 euros par an selon les années, ce dont elle justifie (pièce 50 de Mme [Y], 47, 98, 100 de M. [E]).

S'agissant de ses droits à retraite, il ne verse qu'un seul document, non daté et incomplet, qui parait ancien (en tous cas antérieur à 2015) et ne permet pas de retracer l'ensemble de sa carrière, ni même d'avoir une idée actualisée du montant des retraites qu'il va toucher, la situation de l'intéressé ayant pu évoluer depuis. Ce document démontre toutefois qu'il pourra prendre sa retraite à taux plein le 1er octobre 2022, en bénéficiant des pensions de la CNAV, ARRCO et IRCANTEC, pour un montant total de 1 640 euros à 62 ans et de 2 010 euros à 67 ans. Il ne dit rien en ce qui concerne une éventuelle pension de retraite de la MSA, alors qu'il cotise pour des sommes parfois importantes auprès de cet organisme, comme le souligne l'épouse (pièces 28, 92 et 93 de M. [E]).

Du fait de son emploi d'éducateur scolaire dans un centre éducatif sis à [Localité 3], M. [E] bénéficie de la convention nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées, ce qui fait que s'il venait à être licencié ou à prendre sa retraite (ce qui peut être rapidement le cas au vu de son âge et de ses droits à retraite) il toucherait de conséquentes indemnités (pièce 41 de Mme [Y]).

S'agissant de son patrimoine, M. [E] possède deux maisons dont il a hérité, dont il n'est pas contesté qu'il s'agit de biens propres, qu'il évalue dans le cadre de son attestation sur l'honneur datée de février 2018 à 80 000 euros pour la ferme agricole de Lacoue (où il exerce son activité agricole) et à 100 000 euros pour la maison d'habitation «La Guinguette» (pas de justificatif concernant l'évaluation de ces biens), outre une dizaine d'hectares de terrains agricoles et bois, ces biens immobiliers étant tous situés sur la commune de [Localité 12] dans les Hautes-Alpes où résident d'autres membres de sa famille. Il déclarait dans cette même attestation sur l'honneur une épargne de 80 000 euros, provenant d'un compte commun pour lequel Mme [Y] a accepté qu'il récupère l'intégralité des sommes dont le compte était porteur lors de sa clôture en 2015, étant précisé que sur ce compte figurait une somme de 70 000 euros appartenant à sa tante âgée (née en 1929) qui disait l'avoir déposée sur les comptes bancaires de son neveu afin qu'il puisse régler en son nom ses frais d'hébergement et de restauration en EHPAD, cette même tante ayant fait donation à M. [E] en 2002 de la maison «La Guinguette» mentionnée au début du paragraphe (pièces 65, 42, 46 de M. [E], 18 et 19 de Mme [Y]).

M. [E] a encore des droits sur la maison qu'il occupe à [Localité 3], qui constitue un bien commun des époux et dont la valeur a été estimée entre 218 000 et 240 000 euros en 2015, étant toutefois précisé que Mme [Y] a investi des fonds provenant de la vente d'un bien propre dans cet achat, qu'elle entend récupérer dans le cadre du partage de la communauté. Il va devoir régler une indemnité d'occupation pour ce bien immobilier, qu'il occupe depuis la séparation, l'ordonnance de non-conciliation du 3 décembre 2015 lui ayant attribué cette jouissance à titre onéreux seulement (pièces 58 de M. [E], 22 et 44 de Mme [Y]).

Mme [Y], qui exerçait comme fonctionnaire, a été admise à faire valoir ses droits à la retraite le 2 septembre 2005, en tant que mère de trois enfants (retraite anticipée), après avoir exercé à temps partiel durant plusieurs années après la naissance des enfants du couple. Elle a engagé entre 2010 et 2012 des formations en sophrologie, coaching et Reiki qui lui ont permis d'exercer à partir de 2015 comme sophrologue ou hypnothérapeute en tant qu'auto-entrepreneur, mais a mis fin à cette activité le 31 décembre 2017, à l'âge de 64 ans, ce dont elle justifie. Ses revenus ne se composent donc plus à ce jour que du montant de sa retraite, justifiée à hauteur de :

* 2 158,57 euros par mois en 2013,

* 2 439 euros par mois en 2015 (y compris à priori quelques salaires),

* 2 258,99 euros par mois en 2017,

* 2 393 euros par mois en 2018,

* 1 959,82 euros net imposable (après déduction de la CSG) seulement en janvier 2019 (pièces 40, 43 et 95 de M. [E], 2 à 4, 25, 27 et 38 de Mme [Y]).

Selon son attestation sur l'honneur du 6 décembre 2019, son patrimoine se compose :

* d'assurances-vie pour un montant total de 288 263 euros, dont une partie est toutefois susceptible de correspondre à des fonds communs, le reste provenant de donations dont elle a bénéficié de la part de son père,

* 75 % des parts de la SCI qui possède la maison de St Sulpice (Lot) qu'elle habite maintenant, ce bien immobilier ayant été acquis pour 250 000 euros, à l'aide de fonds propres provenant de la revente de son appartement de La Réunion, lui-même acquis à l'aide des fonds provenant de la vente en 2012 de deux appartements sis à [Localité 14] et [Localité 15] (là encore des biens propres),

* un studio sis à La Réunion, acheté en 2011 en son nom par son père, qui l'a financé pour 114 000 euros, dont les pièces versées aux débats ne démontrent pas qu'il a été revendu contrairement à ce qui est indiqué dans ses écritures (pièces 7 et 8, 31, 67 et 68 de Mme [Y], 51 et 52 de M. [E]).

Elle a aussi des droits sur la maison occupée par M. [E] à [Localité 3], qui constitue un bien commun des époux et dont la valeur a été estimée entre 218 000 et 240 000 euros en 2015, sachant qu'elle entend récupérer dans le cadre du partage de la communauté les fonds propres qu'elle y a investi (pièces 22 et 44 de Mme [Y]).

Par ailleurs, Mme [Y] démontre avoir participé au financement des études des enfants du couple après la séparation, en personne et avec l'aide de son père, ce qui fait que M. [E] n'a pas eu à supporter seul cette charge, importante puisque les études d'un des deux enfants ont été onéreuses, étant précisé que les enfants communs du couple sont majeurs respectivement depuis 2008 et 2010 et tous les deux autonomes financièrement, pour le plus jeune à partir de novembre 2015 (pièces 33 et 46 de Mme [Y], motivation de l'ordonnance de non-conciliation).

Eu égard aux lacunes qui persistent en appel en ce qui concerne les pièces produites par M. [E] (absence de justificatifs de certains revenus ou d'évaluation par un tiers extérieur des biens immobiliers qu'il possède en propre notamment), il n'est pas démontré que ses revenus sont à ce jour inférieurs à ceux de Mme [Y], bien au contraire, ni que le patrimoine de Mme [Y] est supérieur au sien, et il en est de même en ce qui concerne ses droits à retraite, pour lequel le justificatif produit est insuffisant. M. [E] ne démontre pas non plus avoir sacrifié sa carrière pour s'occuper de l'éducation des enfants, déjà majeurs lors de la séparation (ni même avoir financé seul les études de [W]), ni pour favoriser la carrière de l'épouse, qui a travaillé à temps partiel après la naissance des enfants et a pris en 2005 une retraite anticipée pour être plus disponible, alors que les enfants avaient à l'époque 15 et 13 ans.

Faute de démontrer que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des parties une quelconque disparité, M. [E] sera débouté de sa demande de prestation compensatoire, injustifiée, le jugement frappé d'appel devant être confirmé sur cette question.

Sur les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile :

M. [E] sera condamné à régler à Mme [Y] une somme de 3 000 euros à ce titre.

Sur les dépens de l'instance :

M. [E] supportera la totalité des dépens de l'appel, distraits au profit de Maître Amblard.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, après débats en chambre du conseil, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement du juge aux affaires familiales de Gap en date du 12 décembre 2017 en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'il a prononcé le divorce des époux pour altération définitive du lien conjugal, fixé au 3 décembre 2015 la date des effets du divorce dans les rapports patrimoniaux entre époux et débouté M. [E] de sa demande de prestation compensatoire,

Y ajoutant,

Condamne M. [E] à régler à Mme [Y] une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne M. [E] à supporter la totalité des dépens d'appel, distraits au profit de Maître Amblard.

PRONONCE par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

SIGNE par le président, Yves de França et par le greffier Abla Amari, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chbre des aff. familiales
Numéro d'arrêt : 18/00861
Date de la décision : 16/06/2020

Références :

Cour d'appel de Grenoble 03, arrêt n°18/00861 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-06-16;18.00861 ?
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