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30/01/2020 | FRANCE | N°17/04497

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section b, 30 janvier 2020, 17/04497


AMM





N° RG 17/04497



N° Portalis DBVM-V-B7B-JHAJ



N° Minute :















































































Copie exécutoire délivrée le :









la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET



la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE





AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 30 JANVIER 2020







Appel d'une décision (N° RG 16/00031)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de GRENOBLE

en date du 12 septembre 2017

suivant déclaration d'appel du 25 Septembre 2017





APPELANT :



Monsieur [F] [W]

né le [Date naissance 3] 1957 à [Localité ...

AMM

N° RG 17/04497

N° Portalis DBVM-V-B7B-JHAJ

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 30 JANVIER 2020

Appel d'une décision (N° RG 16/00031)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de GRENOBLE

en date du 12 septembre 2017

suivant déclaration d'appel du 25 Septembre 2017

APPELANT :

Monsieur [F] [W]

né le [Date naissance 3] 1957 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Laure GERMAIN-PHION de la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMEE :

Société VOYAGES MONNET SASU agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant

ayant pour avocat plaidant Me Ludovic GENTY, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Blandine FRESSARD, Présidente,

Monsieur Frédéric BLANC, Conseiller,

Monsieur Antoine MOLINAR-MIN, Conseiller,

Assistés lors des débats de Mme Carole COLAS, greffier ;

DÉBATS :

A l'audience publique du 13 Novembre 2019, Monsieur MOLINAR-MIN, Conseiller est entendu en son rapport.

Les parties ont été entendues en leurs observations et plaidoiries.

Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

[F] [W] a été engagé à compter du 22 septembre 2008, avec reprise d'ancienneté au 22 septembre 2003, en qualité de conducteur d'autocars par la S.A.S VOYAGES MONNET, suivant contrat écrit à durée indéterminée soumis à la convention collective nationale du transport routier.

Au cours de la relation contractuelle, [F] [W] a été élu en qualité de membre titulaire du comité d'entreprise, et désigné en qualité de délégué syndical.

Par correspondance en date du 12 août 2014, la S.A.S VOYAGES MONNET a convoqué [F] [W] à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 20 août suivant.

Suivant l'avis défavorable du comité d'entreprise le 26 août 2014, l'inspection du travail a refusé, par décision du 10 novembre 2014 maintenue par décision implicite de rejet du ministre du travail (elle-même confirmée par décision du tribunal administratif en date du 10 avril 2017), d'autoriser le licenciement économique de [F] [W], envisagé par la S.A.S MONNET.

Par correspondance en date du 23 novembre 2015, la S.A.S VOYAGES MONNET a convoqué [F] [W] à un nouvel entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 2 décembre 2015.

La S.A.S VOYAGES MONNET a finalement licencié [F] [W] pour motif économique et impossibilité de reclassement par correspondance en date du 14 décembre 2015.

Le 8 janvier 2016, [F] [W] a saisi le conseil de prud'hommes, principalement, d'une contestation du licenciement dont il a ainsi fait l'objet, ainsi que de demandes indemnitaires afférentes, de demandes de rappel de primes de vacance, d'assiduité et de tenue, et de demandes indemnitaires au titre de la discrimination syndicale dont il disait avoir été l'objet, formées tant à l'encontre de la S.A.S VOYAGES MONNET que des sociétés S.A KEOLIS et S.A.S GROUPE KEOLIS.

Par jugement en date du 12 septembre 2017, dont appel, le conseil des prud'hommes de Grenoble ' section commerce ' a :

' PRIS ACTE de ce que [F] [W] demande la mise hors de cause des sociétés S.A KEOLIS et S.A.S GROUPE KEOLIS ;

' CONSTATÉ que [F] [W] n'a pas été victime de discrimination syndicale de la part de la S.A.S VOYAGES MONNET ;

' DIT n'y avoir lieu à prononcer la nullité du licenciement de [F] [W] ;

' DIT que le licenciement de [F] [W] pour motif économique repose sur une cause réelle et sérieuse ;

' DIT que la S.A.S VOYAGES MONNET a rempli ses obligations en termes de reclassement à l'égard de [F] [W] ;

' CONDAMNÉ la S.A.S VOYAGES MONNET à payer à [F] [W] les sommes suivantes :

- 300€ nets à titre de prime de vacances,

- 2.160€ nets à titre de prime d'assiduité et de tenue,

lesdites sommes avec intérêts de droit à compter du 14 janvier 2016,

- 1.200€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

ladite somme avec intérêts de droit à compter du prononcé du jugement ;

' RAPPELÉ que les sommes à caractère salarial bénéficient de l'exécution provisoire de droit, nonobstant appel et sans caution en application de l'article R. 1454-28 du Code du travail, dans la limite de neuf mois de salaire, la moyenne mensuelle brute des trois derniers mois de salaire étant de 1.555,91€ ;

' DÉBOUTÉ [F] [W] du surplus de ses demandes ;

' DÉBOUTÉ la S.A.S VOYAGES MONNET de sa demande reconventionnelle ;

' DIT que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

La décision a été notifiée aux parties par lettres recommandées avec accusés de réception en date des 14 et 15 septembre 2017. [F] [W] en a interjeté appel à l'encontre de la S.A.S VOYAGES MONNET par déclaration de son conseil transmise par voie électronique au greffe de la présente juridiction le 25 septembre 2017.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 12 septembre 2019, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, [F] [W] demande à la cour d'appel de :

' INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a :

- Constaté qu'il n'a pas été victime de discrimination syndicale de la part de la société VOYAGES MONNET,

- Dit n'y avoir lieu à prononcer la nullité de son licenciement,

- Dit que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,

- Dit que la société VOYAGES MONNET a rempli ses obligations en terme de reclassement à son égard ;

- Débouté Monsieur [W] de ses demandes tendant à la condamnation de la société VOYAGES MONNET à lui verser les sommes suivantes :

- 15.000€ net à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale,

- 11.032,91€ de rappels de salaires entre la rupture de son contrat et sa réintégration,

- 30.000€ nets de dommages et intérêts pour violation des dispositions protectrices issues de l'article L.1132-4 du Code du travail,

- 80.000€ net à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi au titre de la nullité du licenciement à titre principal, et au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse a titre subsidiaire,

- 272,97€ à titre de rappel de salaire conventionnel du 1er janvier 2015 au 19 février 2016, outre 27,29 € de congés payés afférents ;

Statuant à nouveau,

A titre principal,

' CONSTATER la discrimination syndicale dont il a fait l'objet ;

En conséquence,

' CONDAMNER la société VOYAGES MONNET à lui verser la somme de 15.000€ nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;

' DIRE ET JUGER que le licenciement notifié le 14 décembre 2015 est nul ;

' PRONONCER à titre principal sa réintégration au sein de la société VOYAGES MONNET et CONDAMNER la société VOYAGES MONNET à lui verser les sommes suivantes :

- 11.032,91€, sauf à parfaire, soit l'équivalent des salaires dont le salarié a été injustement privé entre la rupture de son contrat de travail et sa réintégration,

- 30.000€ net à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi compte tenu de la violation des dispositions protectrices issues de l'article L.1132-4 du code du travail ;

' CONDAMNER à titre subsidiaire la société VOYAGES MONNET à lui verser la somme de 80.000€ nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi au titre de la nullité du licenciement ;

A titre subsidiaire,

' DIRE ET JUGER que son licenciement de Monsieur [W] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

' CONDAMNER la société VOYAGES MONNET à lui verser la somme de 80.000€ nets à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

En tout état de cause,

' CONDAMNER la société VOYAGES MONNET à lui verser la somme de 272,97€ bruts à titre de rappel de salaire afférent au minimum conventionnel, pour la période du 1er janvier 2015 au 19 février 2016, outre la somme de 27,29€ brut au titre des congés payés afférents ;

' CONDAMNER la société VOYAGES MONNET à lui verser la somme de 2.000€ net au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi que les dépens.

Par conclusions en réponse notifiées par voie électronique le 16 octobre 2019, auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la S.A.S VOYAGES MONNET demande à la cour d'appel de :

' INFIRMER le jugement rendu le 12 septembre 2017 par le conseil de prud'hommes de Grenoble en ce qu'il a attribué à Monsieur [W] des sommes au titre des primes de vacances, d'assiduité et de tenue, ainsi qu'au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

' CONFIRMER le jugement pour le surplus ;

En conséquence,

' CONSTATER l'absence de toute discrimination syndicale à l'égard de Monsieur [W] ;

' CONSTATER que Monsieur [W] a été rempli de ses droits au titre du salaire minimum conventionnel ;

' CONSTATER que Monsieur [W] ne remplissait pas les conditions lui permettant de bénéficier de la prime de vacances, ainsi que de la prime d'assiduité et de tenue ;

' DIRE ET JUGER que le licenciement pour motif économique de Monsieur [W] procède d'une cause réelle et sérieuse ;

' DIRE ET JUGER qu'elle a rempli l'ensemble de ses obligations à l'égard de Monsieur [W] en matière de reclassement ;

' DIRE ET JUGER que Monsieur [W] n'apporte pas la preuve d'une situation de co-emploi avec le groupe KEOLIS ;

En conséquence,

' DEBOUTER Monsieur [W] de l'intégralité de ses demandes ;

' CONDAMNER Monsieur [W] à lui verser la somme de 3.000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 Octobre 2019 et l'audience de plaidoirie fixée au 13 novembre 2019.

SUR CE :

- Sur le rappel de salaire au titre des minima conventionnels :

A compter de son embauche définitive, [F] [W] a occupé au sein de la S.A.S MONNET VOYAGES l'emploi de conducteur d'autocars, relevant de la catégorie ouvrier et du coefficient 145V de la convention collective.

Par avenant n°90 du 10 mars 2015 relatif à l'annexe II « Employés » à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, les partenaires sociaux ont souhaité procéder à une revalorisation des minima conventionnels des employés dans les entreprises de transport routier de voyageurs.

Si la date d'effet de la revalorisation salariale ainsi convenue a été fixée au 1er janvier 2015, il apparaît constant que la S.A.S VOYAGES MONNET n'était pas affiliée à l'une des organisations syndicales parties à cet accord. Et ce n'est que par arrêté du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 21 mars 2016, publié au journal officiel du 26 mars suivant, que les dispositions de l'avenant n°90 du 10 mars 2015 ont été rendues obligatoires pour tous les employeurs et tous les salariés des entreprises du transport routier de voyageurs.

Aussi, [F] [W] n'apparaît-il pas valablement fondé à invoquer, à l'appui de sa demande de rappel de salaire, les dispositions de l'avenant n°90 du 10 mars 2015 dont l'effet obligatoire n'était pas acquis au cours de sa période d'emploi au sein de la S.A.S VOYAGES MONNET.

Il n'est pas démontré ni même soutenu par l'intéressé, par ailleurs, que la rémunération perçue de la S.A.S VOYAGES MONNET au cours de la période d'emploi aurait été inférieure aux minima conventionnels fixés, en dernier lieu pour la période en cause, par l'avenant n°102 du 19 février 2013 étendu par arrêté du 5 août 2013.

Il convient, dès lors, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté [F] [W] de sa demande de rappel de salaire au titre des minima conventionnels.

- Sur le rappel de salaire au titre des primes de vacances et de qualité :

Par accord d'entreprise en date du 18 juillet 2012, applicable pour une durée indéterminée à compter du 1er septembre suivant, la S.A.S VOYAGES MONNET s'est notamment engagée envers ses salariés au versement d'une prime de vacances (chapitre 3 ' rémunération et frais professionnels, article 4.8), et d'une prime qualité (article 4.5).

L'article 4.8 de l'accord précité prévoit ainsi qu'une prime de vacances, d'un montant maximum de 150€ brut par an calculé ' le cas échéant ' au prorata temporis en cas d'absence, sera versée aux salariés ayant six mois d'ancienneté révolus dans l'entreprise.

De même, l'article 4.5 du même accord stipule qu'une prime qualité, d'un montant maximum de 120€ brut par mois, sera versée aux salariés ayant 6 mois d'ancienneté révolus dans l'entreprise, sous réserve d'atteindre les critères de ponctualité, de port de la tenue, de propreté du véhicule et de « sinistralité » qu'il définit.

Dès lors que [F] [W] s'est tenu à la disposition constante de son employeur et disposait au cours de la période concernée de l'ancienneté minimale prévue par les dispositions précitées de l'accord d'entreprise, la S.A.S VOYAGES MONNET ne peut valablement tirer argument de ce qu'elle s'est abstenue de fournir du travail à son salarié à compter du 4 juillet 2014, pour se soustraire aux obligations qu'elle avait souscrites au terme de l'accord collectif conclu le 18 juillet 2012.

Il convient par conséquent de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la S.A.S VOYAGES MONNET à verser à [F] [W] les sommes de 300€ à titre de prime de vacances pour les années 2014 et 2015, et de 2.160€ à titre de prime d'assiduité et de tenue pour la période de juillet 2014 à décembre 2015, outre intérêts au taux légal à compter du 14 janvier 2016, sauf à dire que les sommes allouées, constitutives d'éléments de salaire, seront soumises à charges sociales.

- Sur la discrimination syndicale :

Les dispositions de l'article L. 1132-1 du code du travail rappellent qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle ou de mutation, en raison de ses activités syndicales.

Aux termes de l'article L.1134-1 du même code, il appartient en cas de litige au salarié concerné de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008, et il incombe alors à l'employeur, au vu des éléments ainsi produits, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Il apparaît à cet égard, au cas particulier, que [F] [W] a exercé des mandats de membre titulaire de la délégation unique du personnel et de délégué syndical au cours de sa période d'emploi au sein de la S.A.S VOYAGES MONNET.

[F] [W] soutient qu'il a été victime d'une discrimination à raison de ses engagements syndicaux en ce que :

1. l'employeur n'a pas répercuté sur sa rémunération l'augmentation de la valeur du point négociée au niveau de la branche, et s'est abstenu de lui verser les primes de vacances, d'assiduité et de tenue auxquelles il pouvait prétendre ;

2. l'employeur s'est abstenu de lui fournir du travail à compter du mois de septembre 2014 et a attendu le terme de ses mandats, et de la protection afférente dont il bénéficiait, pour engager une nouvelle procédure de licenciement ;

3. la S.A.S VOYAGES MONNET a cessé à compter de septembre 2014 de procéder à la réunion mensuelle du comité d'entreprise et du CHSCT.

Il convient de relever à cet égard que, sous la réserve des énonciations qui précèdent s'agissant de l'étendue des rappels de salaire auxquels peut légitimement prétendre l'intéressé, la matérialité des faits dénoncés par [F] [W] est expressément admise par l'employeur, et ressort au demeurant de l'examen des pièces que produit aux débats l'intéressé.

Si la réduction des effectifs qu'a connue la S.A.S VOYAGES MONNET ne pouvait constituer une circonstance de nature à justifier l'absence de réunion du comité d'entreprise et du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail en dehors de toute mise en 'uvre de la procédure prévue par les dispositions de l'article L. 2322-7 du code du travail alors applicable (s'agissant du comité d'entreprise), la méconnaissance par l'employeur des attributions des institutions représentatives du personnel ne constituait pas nécessairement, en soi, une discrimination syndicale à l'égard des salariés qui les composent au sens de l'article L. 1132-1 du code du travail.

Il convient de constater, toutefois, que la S.A.S VOYAGES MONNET ' qui a cessé toute activité économique à compter du 5 juillet 2014 ' s'est abstenue à compter de cette date de fournir du travail à son salarié, manquant ainsi gravement, vis-à-vis de celui-ci, à une obligation essentielle née du contrat de travail et laissant présumer l'existence de la discrimination alléguée. Dès lors, notamment, que le retrait des autorisations administratives l'autorisant à exercer son activité de transport résultait de sa propre demande à l'autorité administrative ensuite de sa décision unilatérale de cesser définitivement, à cette date, son activité alors qu'elle se trouvait encore liée par plusieurs contrats de travail, il ne peut être considéré que cette attitude était justifiée par des événements étrangers à l'activité syndicale de [F] [I].

Plus encore, le licenciement de [F] [I], prononcé à l'expiration de la période légale de protection dont il bénéficiait, repose strictement sur les faits et le motif économique précédemment invoqués devant l'autorité administrative, et qui ont donné lieu à une décision de refus d'autorisation du licenciement. Alors que cette décision faisait ' et fait encore ' l'objet d'un contentieux pendant devant les juridictions administratives, la S.A.S VOYAGES MONNET a procédé au licenciement de [F] [I] le 14 décembre 2015 sans y avoir été autorisée par l'autorité administrative, en violation directe et flagrante des dispositions des articles L. 2141-1 et suivants du code du travail. Il doit, là-encore, être constaté que cette attitude de nature à laisser supposer l'existence d'une discrimination illicite, ne peut être justifiée par la S.A.S VOYAGES MONNET par des événements étrangers à l'activité syndicale de l'intéressé.

Les énonciations qui précèdent doivent ainsi conduire à constater que [F] [I] a été victime de discrimination syndicale au cours de sa période d'emploi au sein de la S.A.S VOYAGES MONNET, d'une part, et que son licenciement procède directement de cette discrimination, d'autre part.

Il convient dès lors, par voie d'infirmation, de condamner la S.A.S VOYAGES MONNET à indemniser son salarié du préjudice né de la discrimination illicite dont il a ainsi fait l'objet, et de constater la nullité du licenciement prononcé à son encontre le 14 décembre 2015 par application des dispositions des articles L. 1132-1 et L. 1132-4 du code du travail.

Au regard de la gravité des manquements discriminatoires dont a été victime l'intéressé, telle qu'elle ressort des circonstances de fait ci-dessus rappelées, et de leurs conséquences pour celui-ci compte-tenu notamment de la persistance dans le temps des manquements fautifs considérés, le préjudice subi par [F] [W] à raison de la discrimination syndicale dont il a été victime peut être évalué à la somme de 10.000€, dont la S.A.S VOYAGES MONNET lui devra réparation.

La réintégration de [F] [W] au sein de la S.A.S VOYAGES MONNET s'avérant impossible au regard de la cessation de toute activité économique depuis le 4 juillet 2014, et du retrait des autorisations administratives afférentes, celui-ci peut prétendre à une indemnité qui, eu égard à son ancienneté dans l'entreprise, au montant de sa rémunération et à sa capacité à retrouver un emploi, peut être évaluée à la somme de 25.000€.

[F] [I], dont la protection dont il bénéficiait au titre des dispositions des articles L. 2411-1 et suivants du code du travail était échue à la date de la rupture du contrat de travail, ne démontre pas qu'il aurait subi une perte de salaire à raison de la nullité du licenciement dont il a fait l'objet le 14 décembre 2015. Il doit par conséquent être débouté de la demande qu'il forme de ce chef.

En outre, il n'allègue ' et a fortiori ne justifie ' d'aucun préjudice personnel effectif à raison de la violation de son statut protecteur, en ce qu'il serait distinct du préjudice subi à raison de la discrimination syndicale dont il a fait l'objet, d'une part, et de la rupture abusive de son contrat de travail, d'autre part, de sorte qu'il doit également être débouté de la demande indemnitaire qu'il forme de ce chef.

- Sur les demandes accessoires :

La S.A.S VOYAGES MONNET, qui succombe à l'instance, sera tenue d'en supporter les entiers dépens.

Il serait particulièrement inéquitable, au regard des circonstances de l'espèce comme de la situation économique des parties, de laisser à la charge de [F] [W] les sommes qu'il a été contraint d'exposer en justice pour la défense de ses intérêts. Il convient par conséquent de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la S.A.S VOYAGES MONNET à lui verser la somme de 1.200€ en application de l'article 700 du code de procédure civile et, de la condamner à verser à [F] [W] la somme de 2.000€ au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a condamné la S.A.S VOYAGES MONNET à verser à [F] [W] la somme de 1.200€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il l'a débouté de sa demande de rappel de salaire au titre des minima conventionnels ;

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a condamné la S.A.S VOYAGES MONNET à verser à [F] [W] les sommes de 300€ à titre de prime de vacances pour les années 2014 et 2015, et de 2.160€ à titre de prime d'assiduité et de tenue pour la période de juillet 2014 à décembre 2015, outre intérêts au taux légal à compter du 14 janvier 2016, sauf à dire que les sommes allouées, constitutives d'éléments de salaire, seront soumises à charges sociales ;

INFIRME le jugement dont appel pour le surplus et, statuant à nouveau,

DECLARE NUL, comme procédant d'une discrimination syndicale, le licenciement de [F] [I] le 14 décembre 2015 ;

CONDAMNE la S.A.S VOYAGES MONNET à verser à [F] [I] les sommes de :

- dix mille euros (10.000€) nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice né de la discrimination syndicale dont il a fait l'objet ;

- vingt-cinq mille euros (25.000€) nets à titre de dommages et intérêts en réparation de la rupture abusive de son contrat de travail ;

DÉBOUTE [F] [W] de ses demandes au titre de la perte de salaire et de la violation du statut protecteur ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la S.A.S VOYAGES MONNET à verser à [F] [W] la somme de deux mille euros (2.000€) au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;

CONDAMNE la S.A.S VOYAGES MONNET au paiement des entiers dépens de l'instance.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au Greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

Signé par Madame Blandine FRESSARD, présidente, et par Madame Valérie DREVON, greffière, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section b
Numéro d'arrêt : 17/04497
Date de la décision : 30/01/2020

Références :

Cour d'appel de Grenoble 13, arrêt n°17/04497 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-01-30;17.04497 ?
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