N° RG 17/05337 - N° Portalis DBVM-V-B7B-JJLT
PG/MCO
N° Minute :
Copie Exécutoire délivrée
le :
à
la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE
la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE DES AFFAIRES FAMILIALES
ARRET DU MARDI 17 SEPTEMBRE 2019
APPEL
jugement au fond, origine juge aux affaires familiales de Bourgoin Jallieu, décision attaquée en date du 5 janvier 2017, enregistrée sous le n° 16/00235 suivant déclaration d'appel du 21 novembre 2017.
APPELANTE :
Madame [V] [R]
née le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 8]
[Localité 4]
représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE, avocat au barreau de GRENOBLE et par Me Adélaïde FREIRE-MARQUES, avocat au barreau de BOURGOIN-JALLIEU
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 17/4837 du 10/11/2017 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de GRENOBLE)
INTIME :
Monsieur [F] [Z]
né le [Date naissance 3] 1953 à [Localité 10] (ALEGERIE)
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 7]
représenté par Me Josette DAUPHIN de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant,
plaidant par Me Frédérique GRATTARD, avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats et du délibéré :
Madame Patricia Gonzalez présidente
Madame Françoise Barrier, conseiller,
Madame Agnès Denjoy, conseiller.
Assistées lors des débats de Madame Amari, greffier.
DEBATS :
A l'audience publique du 25 juin 2019, Madame Patricia Gonzalez présidente a été entendue en son rapport. Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et Me Grattard en sa plaidoirie, puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience de ce jour.
EXPOSE DU LITIGE
Mme [V] [R] et M. [F] [Z] se sont mariés le [Date mariage 2] 1991 à [Localité 9] (38), sans contrat de mariage préalable.
Une ordonnance de non-conciliation a été rendue le 6 février 2009 et a notamment attribué la jouissance du domicile conjugal à l'épouse et a ordonné la prise en charge du crédit immobilier afférent à la maison commune par moitié entre les parties.
Le divorce des époux a été prononcé par jugement du juge aux affaires familiales de Bourgoin-Jallieu en date du 11 avril 2013 et a notamment ordonné la dissolution du régime matrimonial, la liquidation et le partage de leurs intérêts patrimoniaux et l'attribution préférentielle à Mme [R] de la propriété du bien immobilier sis à [Localité 6] (38).
Par arrêt du 17 juin 2014, la cour d'appel de Grenoble a confirmé le jugement de divorce en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne le montant de la prestation compensatoire.
Par acte d'huissier en date du 15 décembre 2015, M. [Z] a assigné Mme [R] en liquidation et partage du régime matrimonial des ex-époux.
Par jugement contradictoire du 5 janvier 2017, le juge aux affaires familiales de Bourgoin-Jallieu a principalement :
- avant dire droit, ordonné une expertise et commis M. [O] pour y procéder,
- sursis à statuer sur le montant de l'indemnité d'occupation dans l'attente du dépôt du rapport de l'expertise immobilière ordonnée,
- donné acte à Mme [R] de ce qu'elle sollicite l'attribution du bien immobilier sis à [Localité 6], à charge pour elle de régler le solde du crédit immobilier,
- débouté Mme [R] de sa demande d'intégration dans l'actif de la communauté des loyers perçus par M. [Z] au titre de la location de la licence de taxi et encaissés postérieurement au 6 février 2009,
- réservé les dépens de la présente instance et dit qu'ils seront employés en frais privilégiés de partage.
Le tribunal a reçu le rapport d'expertise le 11 octobre 2017.
Le 21 novembre 2017, Mme [R] a interjeté appel du jugement du 5 janvier 2017 en ce qu'il l'a déboutée de sa demande d'intégration dans l'actif de la communauté des loyers perçus par M. [Z] au titre de l'allocation de la licence de taxi et encaissés postérieurement au 6 février 2009, en ce que de nombreux biens n'ont pas été pris en compte dans l'acte de liquidation et sur le fait que le jugement fixe la date des effets du divorce concernant leurs biens à l'ordonnance de non-conciliation.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 31 janvier 2019, Mme [R] demande à la cour de :
- déclarer recevable et fondé son appel,
- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il l'a déboutée de sa demande d'intégration dans l'actif de communauté des loyers de la licence de taxi,
- dire que la valeur de la licence constitue un bien de la communauté et que cette licence a été donnée en location à Mme [M] à compter du 25 mai 2009,
- à titre principal, dire que les loyers perçus de la location de la licence de taxi doivent être rapportés par M. [Z] à l'indivision post-communautaire pour un montant total de 116 424,64 euros,
- à titre subsidiaire, dire que M. [Z] est redevable d'une indemnité d'occupation privative de la licence de taxi et qu'il doit à ce titre une dette envers l'indivision pour un montant de 284 868,80 euros, somme à actualiser à la date de la jouissance divise,
- débouter M. [Z] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,
- condamner M. [Z] au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- dire que les dépens d'appel pourront être recouvrés directement par son conseil.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 février 2019, M. [Z] demande à la cour de :
- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;
- débouter Mme [R] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- dire que la licence de taxi est un bien mixte, le titre lui étant propre et que seule la valeur patrimoniale de la licence devra être intégrée à l'actif communautaire ;
- dire qu'il exploite personnellement cette licence depuis le 2 mai 2009 et n'est, en tout état de cause, redevable d'aucun loyer ou aucune indemnité à ce titre depuis le 6 février 2009 ;
- à titre subsidiaire, si la cour d'appel devait considérer que la licence a fait l'objet d'une location à compter du 25 mai 2009 :
- réduire la demande de Mme [R] au seul montant net des bénéfices ayant résulté de la licence louée à hauteur justifiée de 18 076,70 euros au total, déduction devant être faite des charges afférentes à la location jusqu'au 31 décembre 2015 ;
- dire que cette somme devra être compensée avec la créance dont il bénéficie à l'encontre de l'indivision post-communautaire pour le remboursement sur ses deniers personnels des échéances du prêt d'un montant de 30 000 euros souscrit le 16 janvier 2007 pour l'achat de la licence depuis le 6 février 2009, soit la somme de 21 951,13 euros en capital, 2 399,77 euros au titre des intérêts et 684 euros au titre des frais d'assurance ;
- en tout état de cause, condamner Mme [R] au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre entiers dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par son conseil, sur son affirmation de droit.
Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS DE LA DECISION
Par rapport à l'acte d'appel, seule la question de la licence de taxi est en débat aux termes des dernières conclusions de l'appelante. Le jugement est en conséquence d'ores et déjà confirmé sur les autres chefs.
Le jugement querellé a retenu que la licence de taxi numéro 1275 constituait un actif de communauté, que la date des effets du divorce était celle de l'ordonnance de non-conciliation, de sorte que la demande de Mme [R] concernait des loyers postérieurs à l'ordonnance de non-conciliation.
Il est constant que la licence de taxi numéro 1275 a été acquise moyennant un prêt de 30.000 euros du 16 janvier 2007, ce qui n'est pas contesté par les parties. M. [Z] possédait par ailleurs en propre une licence de taxi numéro 384 acquise avant le mariage en septembre 1978, ce qui ne fait pas non plus débat. La licence 384 a été revendue à M. [T] le 4 janvier 2016 pour 74.000 euros (une somme quasi similaire étant réglée à un huissier pour paiement de la prestation compensatoire).
Mme [R] soutient que cette licence 1275 a fait l'objet d'une location le 25 mai 2009 à Mme [M], qu'elle avait été louée précédemment jusqu'au 10 avril 2009 à M. [U] [A], que Mme [M] a déclaré son activité en tant qu'indépendante au 1er juin 2009 mais que M. [Z] a fourni un contrat corrigé à la date du 10 juin 2009 portant mention de la licence 384 (avec une signature qui ne correspond pas à celle de Mme [M]), que l'ex-époux de cette dernière précise qu'il s'agit bien de la licence 1275 mentionnée dans la procédure de divorce mais qu'il est revenu sur ses déclarations sous la pression de son ex-femme. Elle ajoute que le véhicule attaché à la licence n'a pas été modifié, que M. [Z] a exploité parallèlement la licence 384, bien propre, pour son activité de taxi avec un autre véhicule vendu à Mme [M] le 1er avril 2012, que M. [Z] s'était prévalu de la location de la licence 1275 dans la procédure de divorce. Elle souligne enfin que M. [Z] ne pouvait plus exercer son activité depuis novembre 2012 (radiation du registre des transporteurs routiers de personne selon décision du préfet du 1er octobre 2015 au motif que depuis le 29 novembre 2012, son entreprise ne disposant plus d'aucun titre en cours de validité). Elle estime les attestations adverses non probantes.
M. [Z] s'oppose à la demande en soulignant que c'est la licence 384 qui a fait l'objet d'un contrat de location, à Mme [M] et non la licence 1275 qu'il exploite lui-même depuis le 2 mai 2009. Il fait valoir que le titre qui lui est propre n'est pas tombé dans l'indivision post-communautaire de sorte que tout revenu postérieur au 6 février 2009 lui est personnel, qu'il conteste toute location de la licence 1275 postérieurement au 10 avril 2009 puisqu'il en a repris l'exploitation personnelle et qu'il a donné en location son autre licence par contrat du 10 juin 2009, la licence 1275 ayant été mentionnée par erreur sur le premier contrat, que la licence 384 a été vendue le 4 janvier 2016 à M. [T] pour payer la prestation compensatoire et qu'il exploite l'autre licence, qu'il exerce toujours son activité en parfaite légalité.
Les deux parties sont désormais d'accord pour admettre que, selon une jurisprudence constante, la licence de taxi appartient au domaine des biens mixtes (selon la distinction classique du titre et de la finance), le titre étant propre à l'époux et la valeur patrimoniale de la licence intégrée à l'actif communautaire, de sorte que l'ordonnance de non conciliation ne rend pas les demandes de Mme [R] irrecevables en raison de ce caractère mixte.
Il convient donc de déterminer de quelle manière la licence de taxi 1275 a été exploitée à compter de l' ordonnance de non conciliation.
Mme [R] produit au soutien de son argumentation le contrat de location du véhicule 1275 à Mme [M] établi le 25 mai 2009.
M. [Z] produit pour sa part le contrat de location de la licence 384 entre lui et Mme [M] et daté du 10 juin 2009 qui n'a manifestement pas été remis en cause bien que Mme [R] argue sans le prouver d'une signature erronée.
Il produit également une attestation de la Direction de la réglementation urbaine - Service des taxis du 27 décembre 2012 précisant qu'il était titulaire des autorisations 384 et 1275, le taxi 384 étant exploité depuis le 15 juin 2009 par Mme [M]. Il verse par ailleurs les factures de location de taxi se rapportant à la location de la licence 384 à Mme [M] du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2015 et des attestations.
Celle de M. [Y] [S], ancien président de la Maison des taxis du Rhône, organisation professionnelle auprès de laquelle M. [Z] était adhérent, précise que ce dernier était enregistré sous le numéro de licence 1275 de la ville de [Localité 7] de 2009, ce que confirme l'attestation de M. [I] ; Mme [H], directrice du Centre de gestion Maison des taxis du Rhône atteste que Mme [M] a exercé la profession de taxi sous la licence 384 à compter de juin 2009. M. [N], directeur général de la Sa Allo taxi donne les mêmes informations tout comme M. [J], chef du service taxi métropole du Grand [Localité 7].
M. [Z] produit quatre factures de transports pour motif médical datées de 2009, 2010, 2011 et 2012 portant sur des transports réalisés avec la licence 384 avec le véhicule de Mme [M].
Le reçu du badge aéroport afférent à la licence 1275 est au nom de M. [Z] (7 octobre 2009).
Toutes les autres pièces produites par M. [Z] sont en ce sens.
Mme [R] produit une attestation datée de novembre 2016 de [K] [Z], fille des intéressés, indiquant qu'en 2010 Mme [M] conduisait le taxi 1275 et M. [Z] le taxi 384 mais elle n'est pas probante, s'agissant d'une attestation tardive d'une enfant âgée de 14 ans lors des faits en cause et sans aucun doute prise dans le conflit familial. L'attestation de l'ex-époux de Mme [M] empreinte de ressentiment à l'égard de l'épouse et de M. [Z] et qui ne mentionne aucun numéro de licence n'est pas plus probante.
Quant aux autres documents se rapportant aux véhicules taxis qui démontreraient selon elle que Mme [M] dispose toujours de la licence litigieuse, ils sont inopérants, Mme [M] n'avait pas à changer de véhicule au moment du second contrat et c'est uniquement le numéro de licence de taxi qui est attribué.
Enfin, il ne peut rien être déduit sur l'exploitation des licences de la radiation du registre des transporteurs routiers de M. [Z] dont se prévaut l'appelante.
Il résulte de ce qui précède et notamment des documents officiels que si immédiatement après la résiliation du contrat par M. [A], M. [Z] a initialement donné en location la licence 1275 à Mme [M], il a immédiatement modifié ce contrat en donnant la licence 384 lui appartenant en location et exploité lui-même la licence 1275, peu important les motifs pour lesquels il a procédé à cette substitution, erreur matérielle du premier contrat ou revirement.
En conséquence, le jugement sera confirmé, par substitution de motifs, l'absence de location de la licence 1275 rendant non fondées les demandes de Mme [R].
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Mme [R] qui succombe sur ses prétentions supportera les dépens d'appel et versera 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Confirme le jugement querellé.
Condamne Mme [R] aux dépens d'appel et à payer à M. [Z] en cause d'appel la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PRONONCÉ par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
SIGNÉ par Madame P. GONZALEZ, présidente et par Madame A. AMARI, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,