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17/09/2019 | FRANCE | N°17/04662

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section a, 17 septembre 2019, 17/04662


PS



N° RG 17/04662



N° Portalis DBVM-V-B7B-JHPO



N° Minute :















































































Notifié le :





Copie exécutoire délivrée le :







Me Emmanuelle PHILIPPOT



la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVICr>
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 17 SEPTEMBRE 2019







Appel d'une décision (N° RG F 16/00053)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GAP

en date du 29 septembre 2017

suivant déclaration d'appel du 05 Octobre 2017



APPELANTE :



Madame [P] [T]

née le [Date naissance 2] 1958 à [Localité 1...

PS

N° RG 17/04662

N° Portalis DBVM-V-B7B-JHPO

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

Me Emmanuelle PHILIPPOT

la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 17 SEPTEMBRE 2019

Appel d'une décision (N° RG F 16/00053)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GAP

en date du 29 septembre 2017

suivant déclaration d'appel du 05 Octobre 2017

APPELANTE :

Madame [P] [T]

née le [Date naissance 2] 1958 à [Localité 1]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Emmanuelle PHILIPPOT, avocat postulant au barreau de GRENOBLE,

ayant pour avocat plaidant Me Franck MILLIAS de la SELARL BGLM, avocat au barreau de HAUTES-ALPES

INTIMEE :

MUTUELLE D'ACTION SOCIALE 04-05 prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 1]

représentée par Me Dejan MIHAJLOVIC de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat postulant au barreau de GRENOBLE,

ayant pour avocat plaidant Me Stéphane BOURQUELOT de la SELARL CPASTAN RHONE ALPES, avocat au barreau de LYON substituée par Me Jean-Charles METZ, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Philippe SILVAN, Conseiller faisant fonction de Président,

Madame Valéry CHARBONNIER, Conseiller,

Monsieur Frédéric BLANC, Conseiller,

Assistés lors des débats de M. Fabien OEUVRAY, Greffier,

DÉBATS :

A l'audience publique du 17 Juin 2019, Monsieur SILVAN, Conseiller faisant fonction de Président est entendu en son rapport.

Les parties ont été entendues en leurs observations et plaidoiries.

Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.

Exposé du litige :

Mme [T] a été embauchée le 5 novembre 2003 en qualité d'opticienne diplômée sous contrat à durée déterminée par la Mutuelle d'action sociale 04-05. La relation de travail s'est poursuivie sous la forme d'un contrat à durée indéterminée. Mme [T] a été placée en arrêt de travail à compter du 4 novembre 2014.

Le 23 mars 2015, Mme [T] a adressé une lettre au CHSCT, par laquelle elle l'informait de faits imputables au directeur de son agence. Une commission d'enquête paritaire a été mise en place lors de la réunion du CHSCT du 21 avril 2015.

Le 4 janvier 2016, lors de la visite de reprise, le médecin du travail a déclaré Mme [T] inapte à son poste et à tout poste dans l'entreprise.

Mme [T] a été licenciée pour inaptitude le 9 février 2016.

Le 11 avril 2016, Mme [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Gap d'une contestation de son licenciement.

Par jugement en date du 29 septembre 2017, le conseil des prud'hommes de Gap a :

Dit que le licenciement de Mme [T] est pour inaptitude.

Débouté Mme [T] de l'ensemble de ses demandes.

Débouté la Mutuelle d'action sociale 04-05 de sa demande reconventionnelle.

Dit que chacune des parties assumera la charge de ses propres dépens.

Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Mme [T] a interjeté appel de ce jugement le 5 octobre 2017.

A l'issue des débats et de ses conclusions du 17 novembre 2017 soutenues oralement à l'audience, et auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, Mme [T] demande à la cour de :

La dire bien fondée en son appel,

Réformer le jugement en ce qu'il a :

- Dit que son licenciement est pour inaptitude,

- L'a déboutée de l'ensemble de ses demandes,

- Dit que chacune des parties assumera la charge de ses propres dépens,

- Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Statuant de nouveau,

Dire que la Mutuelle d'action sociale 04-05 a fautivement exécuté le contrat de travail en commettant des agissements constitutifs de harcèlement moral,

Dire que l'inaptitude de la salariée est imputable à ces agissements,

Dire en conséquence nul le licenciement prononcé à raison de cette inaptitude physique, en

application des dispositions de l'article L1152-3 du code du travail,

Subsidiairement du dernier chef seulement,

Dire le licenciement litigieux dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Sur les demandes de la Mutuelle d'action sociale 04-05 :

Condamner la Mutuelle d'action sociale 04-05 au paiement des sommes suivantes :

- 3 764,58 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis conventionnel,

- 376,45 € bruts à titre d'incidence congés payés sur indemnité précitée,

Dire qu'à titre d'indemnisation complémentaire, les sommes susvisées produiront intérêts de droit à compter de la demande en justice, avec capitalisation, en application des articles 1153-1 et 1154 du code du travail,

Condamner en outre la Mutuelle d'action sociale 04-05 au paiement des sommes suivantes :

-13 478,27 € à titre de dommages et intérêts pour exécution lourdement fautive du contrat de travail et agissements de harcèlement moral,

- 27 356 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, en application des dispositions de l'article L1152-3 du code du travail,

Subsidiairement, du chef du licenciement seulement,

- 27 356 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, en application des dispositions de l'article L1235-3 du code du travail,

Ordonner la requalification au niveau C1,

Condamner en conséquence la Mutuelle d'action sociale 04-05 au paiement des sommes suivantes :

- 7 157,73 € bruts à titre de rappel de salaire,

- 715, 77 € bruts à titre d'indemnité de congés payés sur rappel de salaire,

En tout état de cause,

- 5 000 € à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamner la partie intimée aux dépens, incluant l'intégralité du coût d'une exécution forcée éventuelle.

A l'issue des débats et de ses conclusions du 16 février 2018 soutenues oralement à l'audience, et auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la Mutuelle d'action sociale 04-05 demande à la cour de :

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [T] de l'ensemble de ces demandes.

En conséquence,

Débouter Mme [T] de sa demande de rappel de salaire, Mme [T] ayant été correctement classé en Technicienne T2 dans la classification conventionnelle ;

Dire et juger que Mme [T] ne peut cumulativement demander la condamnation de la Mutuelle d'Action Sociale 04-05 à des dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse et pour exécution fautive du contrat de travail, ces demandes étant fondées sur les mêmes faits et visant à réparer les mêmes préjudices ;

Constater l'absence de harcèlement moral commis par M. [M] [S] à l'encontre de Mme [T] ;

Constater l'adéquation des mesures mises en places sans délai par la Mutuelle d'Action Sociale 04-05 suite à la réception de la plainte de Mme [T] ;

Débouter Mme [T] de ses demandes aux fins de faire constater la nullité ou l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement ;

Débouter Mme [T] de ses demandes indemnitaires au titre de l'exécution de son contrat de travail ;

Condamner Mme [T] à verser à la Mutuelle d'action sociale 04-05 la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner Mme [T] aux entiers dépens de l'instance.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 21 mai 2019. Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.

SUR CE  :

sur la classification indiciaire de Mme [T] :

Mme [T] a été recrutée par la Mutuelle d'action sociale 04-05 en qualité d'opticienne diplômée-technicienne. Jusqu'à son licenciement, elle a été rémunérée au niveau T2 de la convention collective applicable. Mme [T], débitrice de la charge de l'allégation et de la preuve, ne fournit pas à la cour les informations et éléments de preuve suffisants permettant de se convaincre qu'elle a fait l'objet d'une classification erronée. En effet, elle ne produit pas sa fiche de poste puisque la pièce n°7 qu'elle vise à ce titre est constituée en réalité par les témoignages des auditions du CHSCT. Par ailleurs, à l'exception de son expérience professionnelle antérieure et de ses diplômes, elle ne fournit aucune indication précise sur la nature des missions qu'elle effectuait et qui lui permettrait de revendiquer la classification C2. Le jugement déféré, qui l'a déboutée de ses demandes de ce chef, sera en conséquence confirmé.

sur le harcèlement moral :

L'article L. 1152-1 du code du travail prévoit qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Par ailleurs, l'article L 1154-1 du même code édicte que lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L 1152-1 à L 1152-3 et L 1153-1 à L 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Le 23 mars 2015, Mme [T] a adressé à M.[R], membre du CHSCT, un long courrier par lequel elle s'est plainte du comportement de son supérieur hiérarchique, M.[S], à son encontre depuis l'année 2008 et caractérisé par du dénigrement, des agressions verbales et le refus d'utiliser dans des conditions normales la climatisation du magasin. Par ce même courrier, elle a notamment relaté avec précision une altercation du 3 octobre 2014 au de laquelle M.[S] l'a agressée verbalement voire menacé de la frapper.

Le 16 avril 2015, la Mutuelle d'action sociale 04-05 a informé Mme [T] de sa décision de saisir le CHSCT de sa situation. Le 13 mai 2015, elle a porté à sa connaissance la constitution d'une commission d'enquête paritaire.

Entendue par cette commission d'enquête le 21 mai 2015 Mme [T] a confirmé les termes de son courrier du 25 mars 2015.

Dans le cadre de cette enquête, ont également été interrogés divers collègues de travail de Mme [T] et dont les déclarations peuvent se résumer comme suit :

- Mme [L] [W] a déclaré qu'elle se taisait, qu'elle avait peur de son supérieur hiérarchique, que les faits relatés par Mme [T] dans son courrier étaient véridiques et qu'en ce qui la concernait, elle était toujours suivie par un psychologue,

- M.[K] [D] a indiqué qu'il était « le tampon et le fusible » avec ses collègues de travail, que lors d'une altercation, M.[S] avait eu des propos virulents avec Mme [T], que « [W] » avait été agressée verbalement à plusieurs reprises et que « [U] » avait fait l'objet d'agression verbale à propos de son enfant,

- M.[J] [Y] a attesté que l'ambiance entre collègues de travail s'était amélioré, suite au clash d'août 2014 entre M.[S] et Mme [T] car l'équipe, suite à une rencontre avec le psychologue du travail, était plus soudée, que concernant ses relations avec M.[S], elles étaient bonnes quand il allait bien et que, sinon, il « faisait avec », que « [W] » avait peur des réactions de M.[S], que l'équipe avait mis en place une protection en se regroupant autour de la personne agressée, qu'une telle stratégie n'avait été mise en 'uvre qu'une fois en octobre 2014, qu'il confirmait les écrits de Mme [T] et qu'il avait peur de ne pas se contenir en cas d'agression de Mme [T] ou de [W].

Les membres de la commission d'enquête ont notamment relevé que, le matin, le personnel du magasin communiquait par signes sur l'humeur de M.[S].

Enfin, M. [S] a déclaré que Mme [T] rencontrait des difficultés depuis deux ans et a reconnu avoir eu une altercation avec Mme [T] à l'occasion de laquelle l'équipe s'était regroupée lorsqu'elle avait entendu le ton monter. En revanche il a contesté le surplus des griefs exprimés par Mme [T].

Le 4 juin 2015, à l'issue de ses investigations, la commission d'enquête a estimé que les faits de harcèlement ne paraissaient pas avérés et proposé une sanction minime à l'égard de M.[S] ne portant pas atteinte à la poursuite, ni à la suspension temporaire de son contrat de travail, le soutien du psychologue du travail pour améliorer la gestion de son équipe ainsi qu'une formation sur le bien-vivre ensemble au travail et une formation de management. Ces conclusions ont été reprises par le CHSCT à l'issue de sa réunion du 18 juin 2015.

Le 18 août 2015, M.[S] a été sanctionné d'un avertissement.

Mme [T] produit en outre :

- le témoignage de Madame [L] qui relate qu'à plusieurs reprises M. [S] avait tenu des propos visant à décrédibiliser et exclure Mme [T] de l'équipe en indiquant qu'elle n'était pas capable de faire des montages, qu'elle ne pouvait être performante et qui n'était pas a joué sa température de magasin pour la mettre en difficulté car elle se sentait mal au-delà de 26°,

- un long courrier de cette dernière du 15 novembre 2016 à l'issue duquel elle relate de manière précise les paroles blessantes ou les menaces qu'elle a subies de la part de M. [S] mais aussi le dénigrement par ce dernier de Mme [T], les plaisanteries sur la petite taille de celle-ci ou enfin l'extinction de la climatisation alors que Mme [T] faisait des malaises au-delà d'une certaine température,

Le 4 novembre 2014, Mme [T] a été placée en arrêt maladie jusqu'au 1er juillet 2015.

Le 8 juin 2015, Mme [T] a été placée en arrêt maladie jusqu'au 24 novembre 2015 en raison d'un état dépressif.

Le 26 octobre 2015, a été placée en arrêt maladie jusqu'au 30 novembre 2015 en raison de la réactivation d'un état dépressif réactionnel.

Le 4 février 2016, Mme [T] a été placée en arrêt maladie pour dépression réactionnelle.

Malgré les dénégations de M. [S] dans le cadre de l'enquête diligentée par le CHSCT, il ressort clairement des témoignages recueillis dans le cadre de l'enquête conduite à l'initiative de l'employeur ainsi que des témoignages et courriers produits aux débats par Mme [T] que celle-ci, ainsi que d'autres membres du magasin dans lequel elle était employée, ont fait l'objet d'un comportement inacceptable de la part du responsable du magasin caractérisé par des agressions verbales, la remise en cause de sa compétence, des plaisanteries sur sa petite taille ou encore l'extinction de la climatisation alors que la forte chaleur entraînait chez celle-ci des malaises. Il en résulte en outre, alors que le dossier de la médecine du travail de Mme [T] ne révèle pas d'antécédents particuliers depuis son embauche dans l'entreprise, que cette salariée, à compter de la fin de l'année 2014, a été régulièrement placée en arrêt maladie en raison d'un état dépressif. Il est topique de noter que le comportement de M.[S] à l'égard était tel que ces derniers se prévenaient par signes le matin de l'état de son humeur.

Ces éléments, malgré les conclusions surprenantes de la commission d'enquête et du CHSCT, permettent de présumer que Mme [T] a fait l'objet de faits de harcèlement moral. la Mutuelle d'action sociale 04-05 ne verse aux débats aucun élément de preuve de nature à se convaincre que le comportement de M.[S] a l'égard de Mme [T] était justifié par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et que le juge forme sa conviction. Il est en conséquence établi qu'elle a fait l'objet de faits de harcèlement moral de la part de ce dernier.

sur le licenciement pour inaptitude :

Il est de principe que le licenciement d'un salarié pour inaptitude est nul lorsque celle-ci est la conséquence d'un harcèlement moral.

Mme [T] a fait l'objet d'une visite médicale de pré-reprise le 30 décembre 2015. A l'issue d'une seule visite médicale de reprise du 14 janvier 2016, le médecin du travail l'a déclarée inapte à son poste et à tous postes dans l'entreprise et estimé qu'un reclassement dans un autre contexte de travail était possible. Elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 9 février 2016.

La concomitance de cet avis d'inaptitude avec les arrêts maladie précités démontre sans équivoque que l'inaptitude de Mme [T] trouve sa cause dans les faits de harcèlement moral qu'elle a subi. Son licenciement s'avère en conséquence frappé de nullité. L'ancienneté de Mme [T] dans l'entreprise, sa rémunération moyenne, soit 1 306,79 € bruts au cours des douze derniers mois et les conditions de la rupture justifie de lui allouer la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul.

Sur les dommages et intérêts pour exécution lourdement fautive du contrat de travail et agissements de harcèlement moral :

Il est de principe que l'octroi de dommages-intérêts pour licenciement nul en lien avec des faits de harcèlement moral ne saurait faire obstacle à une demande distincte de dommages-intérêts pour préjudice moral. la Mutuelle d'action sociale 04-05 ne peut en conséquence sérieusement soutenir que la demande en dommages et intérêts formée par Mme [T] au titre de la rupture de son contrat de travail, qui l'indemnise de la perte de son emploi, et celle formée au titre de l'exécution fautive du contrat de travail et harcèlement moral, qui tend à réparer le préjudice subi pendant l'exécution du contrat de travail, ont vocation à indemniser le même dommage.

Par ailleurs, la Mutuelle d'action sociale 04-05 ne justifie pas avoir mis en 'uvre les moyens suffisants pour protéger Mme [T] des agissements de M.[S]. En effet, elle s'est simplement borné à proposer à sa salariée, résidant à [Localité 1], une mutation à [Localité 5], proposition qui maintenait sur le lieu de travail l'auteur de faits de harcèlement moral et contraignant sa victime à des déplacements quotidiens entre son domicile et sa nouvelle affectation. En conséquence, les faits de l'espèce, caractérisés par l'atteinte grave à l'état de santé de Mme [T] et l'absence de mesure suffisante permettant d'écarter M.[S] de cette dernière, qui a contribué à la persistance du dommage, justifie d'allouer à Mme [T] la somme de 12 000 € à titre de dommages et intérêts.

sur le surplus des demandes :

Enfin la Mutuelle d'action sociale 04-05, partie perdante qui sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande au titre de ses frais irrépétibles, devra payer à Mme [T] la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

DECLARE Mme [T] recevable en son appel,

INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Gap du 29 septembre 2017 en ce qu'il a dit que le licenciement de Mme [T] était pour inaptitude, débouté celle-ci de ses demandes indemnitaires et dit que chacune des parties assumerait la charge de ses propres dépens,

LE CONFIRME pour le surplus,

STATUANT à nouveau,

DIT que le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement de Mme [T] est nul,

CONDAMNE la Mutuelle d'action sociale 04-05 à payer à Mme [T] les sommes suivantes:

- 3 764,58 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis conventionnel,

- 376,45 € bruts au titre des congés payés afférents,

- dit que ces sommes produiront intérêts de droit à compter de la demande en justice,

- ordonne la capitalisation annuelle des intérêts échus,

- 12 000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail et agissements de harcèlement moral,

- 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

- 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,

CONDAMNE la Mutuelle d'action sociale 04-05 aux dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur SILVAN, Conseiller faisant fonction de Président, et par Madame ROCHARD, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section a
Numéro d'arrêt : 17/04662
Date de la décision : 17/09/2019

Références :

Cour d'appel de Grenoble 04, arrêt n°17/04662 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-09-17;17.04662 ?
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