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07/03/2019 | FRANCE | N°17/00700

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section b, 07 mars 2019, 17/00700


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N° RG 17/00700





N° Portalis DBVM-V-B7B-I4JN





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Copie exécutoire délivrée le :











la SCP JANOT & ASSOCIES





la SCP CLEMENT-CUZIN LEYRAUD DESCHEEMAKER


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE GRENOBLE





CHAMBRE SOCIALE


SECTION B


ARRÊT DU JEUDI 07 MARS 2019








Appel d'une décision (N° RG 16/01220)


rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE


en date du 17 janvier 2017


suivant déclaration d'appel du 09 Février 2017...

DD

N° RG 17/00700

N° Portalis DBVM-V-B7B-I4JN

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

la SCP JANOT & ASSOCIES

la SCP CLEMENT-CUZIN LEYRAUD DESCHEEMAKER

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

SECTION B

ARRÊT DU JEUDI 07 MARS 2019

Appel d'une décision (N° RG 16/01220)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 17 janvier 2017

suivant déclaration d'appel du 09 Février 2017

APPELANTE :

Madame U... I...

de nationalité Française

[...]

représentée par Me Pierre JANOT de la SCP JANOT & ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE,

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2017/002883 du 14/08/2017 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de GRENOBLE),

INTIMEE :

SARL JARDINS D'ASIE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège [...]

représentée par Me Laurent CLEMENT-CUZIN de la SCP CLEMENT-CUZIN LEYRAUD DESCHEEMAKER, avocat au barreau de GRENOBLE,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Dominique DUBOIS, Président,

Madame Magali DURAND-MULIN, Conseiller,

Monsieur Antoine MOLINAR-MIN, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 29 Novembre 2018,

Madame Dominique DUBOIS, chargée du rapport, a entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistée de assistée de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffier, conformément aux dispositions de l'article 907 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 07 Mars 2019, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 07 Mars 2019.

Selon contrat à durée déterminée du 1er octobre 2013 et pour une durée de deux mois, Mme I... a été engagée en qualité de plongeuse par la SARL Jardins d'Asie (la société jardins d'Asie).

A compter du 1er décembre 2013, le contrat de travail a été renouvelé jusqu'au 31 juillet 2014 par avenant signé le 28 novembre 2013.

A partir du 1er août 2014, le contrat a été transformé en contrat à durée indéterminée.

A compter du 20 avril 2016, la salariée a été placée en arrêt maladie jusqu'au 26 avril 2016 suite à une chute intervenue dans le restaurant le 15 avril 2016.

L'accident du travail a été reconnu par la CPAM le 21 juillet 2016.

Par courrier du 24 mai 2016, Mme I... a pris acte de la rupture de son contrat de travail au motif de la non-conformité de son contrat avec le nombre d'heures réellement effectuées, de violence morale et harcèlement moral.

Le 23 septembre 2016, Mme I... a saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble sollicitant la requalification de la prise d'acte comme ayant les effets d'un licenciement nul, la remise des documents de fin de contrat et le paiement d'indemnités diverses.

Par jugement du 17 janvier 2017, le conseil de prud'hommes de Grenoble a :

' débouté Mme I... de l'intégralité de ses demandes,

' débouté la société Jardins d'Asie de sa demande reconventionnelle,

' condamné la salariée aux dépens.

Mme I... a interjeté appel de la décision le 9 février 2017.

Dans ses conclusions du 27 avril 2017, auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, Madame I... demande à la cour de :

INFIRMER le jugement du Conseil de Prud'hommes de Grenoble du 17 janvier 2017 en toutes ses dispositions.

En conséquence,

DIRE et JUGER que Madame I... a effectué de nombreuses heures supplémentaires qui ne lui ont pas été rémunérées

DIRE et JUGER que le travail dissimulé est caractérisé';

DIRE et JUGER que la société JARDINS D'ASIE a exécuté déloyalement le contrat de travail de Madame I...';

En conséquence,

REQUALIFIER la prise d'acte du contrat de travail de Madame I... en licenciement nul et subsidiairement sans cause réelle et sérieuse':

En conséquence,

CONDAMNER la SARL JARDINS D'ASIE à verser à Madame I... les sommes suivantes': A titre principal': ' 25.000 € au titre du licenciement nul

A titre subsidiaire': 25.000 € au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse

En tout état de cause':

' 21.137 € au titre de rappel de salaire '

' 2.113, 70 € au titre des congés payés afférents

' 5546,06 € au titre de l'indemnité de préavis

' 554,60 € au titre des congés payés afférents

' 10.000 € de dommages et intérêts au titre de la violation de l'obligation de sécurité résultat

' 2.000 € au titre de l'article 700 du CPC

Elle soutient que l'employeur ne produit pas le registre obligatoire contenant l'horaire nominatif et individuel de chaque salarié, qu'elle démontre avoir effectué un grand nombre d'heures supplémentaires par la production de relevés d'heures, les courriers de l'inspection du travail.

L'employeur se contente de relever des erreurs dans le décompte et de produite des attestations de salariés qui ne viennent pas contredire ses explications.

Madame I... a été payée en grande partie en liquide.

Le travail dissimulé est caractérisé par le manquement à l'obligation de tenue de registre des heures effectuées par les salariés et la mention dans les bulletins de paie d'un nombre d'heures très inférieur à celles réellement effectuées ainsi que par la durée de la période pendant laquelle cette pratique a eu cours.

L'employeur a violé son obligation de sécurité en ne respectant pas les temps de pause, de coupures, de temps maximum de travail et en ne prenant pas de mesures suite à l'accident du travail du 15 avril 2016.

La prise d'acte est justifiée par le fait de ne pas avoir rémunéré l'intégralité des heures de travail et la violation de l'obligation de sécurité de résultat.

Elle produit les effets d'un licenciement nul car le contrat était suspendu à la suite de l'accident du travail.

Subsidiairement, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Madame I... a subi un préjudice car elle n'a pas retrouvé d'emploi et sa prise en charge par Pôle Emploi a été minime en raison du faible nombre d'heures déclarées.

A l'issue des débats et de ses conclusions du 5 octobre 2018 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la société Jardins d'Asie demande à la cour de :

' confirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' statuant à nouveau, juger que Mme I... a toujours été remplie de ses droits salariaux, qu'elle n'a commis aucune faute à l'encontre de la salariée justifiant la requalification de la prise d'acte du contrat de cette dernière en licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, que la prise d'acte du contrat de travail doit produire les effets d'une démission,

' en conséquence, débouter Mme I... de l'ensemble de ses réclamations et la condamner à lui verser la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La société Jardins d'Asie soutient que :

- concernant les prétendues heures supplémentaires, la salariée se contente de verser aux débats un tableau récapitulatif constitué uniquement pour les besoins de la cause. La salariée prétend avoir travaillé à certaines périodes où le restaurant était pourtant fermé comme peuvent en témoigner quelques clients réguliers ,

- en outre, la salariée réclame le paiement d'heures supplémentaires à des périodes où elle était en congés sans solde pour se rendre en région parisienne ,

- plusieurs de ses salariés attestent avoir toujours été payés pour l'ensemble des heures effectuées,

- concernant la prise d'acte, en cause d'appel, Mme I... ne fait plus état de ses accusations gravissimes de harcèlement moral en raison de son statut de réfugiée,

- n'avoir jamais établi de courrier de démission pré-écrit. Il suffit de prendre connaissance dudit document pour se rendre compte qu'il a également été établi pour les besoins de la cause ,

- concernant la chute qui aurait eu lieu dans les locaux du restaurant le 15 avril 2016, le certificat médical transmis par la salariée constate une grossesse intra-utérine et ne fait aucunement mention des stigmates d'une chute dans un escalier,

- Mme I... est revenue travailler le lendemain sans avertir son employeur de cet accident du travail,

- la salariée n'a jamais été hospitalisée comme elle prétend l'avoir été du 17 au 24 avril 2016 des suites de cet accident. En effet, elle dit avoir consulté SOS Médecin le 20 avril 2016 et s'est mariée le 18 avril 2016 à la mairie de Grenoble ,

- personne n'a vu la chute de Mme I... ,

- concernant les accusations de violence morale, harcèlement moral et physique, il suffit de prendre connaissance des photos prises à l'occasion de fêtes familiales où la salariée était invitée pour constater l'incohérence de ces accusations,

- enfin, contrairement à ce que prétend l'appelante, elle n'a que deux ans et sept mois d'ancienneté dans la société.

Par requête du 28 novembre 2018, Mme I... demande à la cour le rabat de l'ordonnance de clôture et le renvoi de l'affaire car un procès-verbal pour travail dissimulé par dissimulation d'emploi a été conjointement établi par l'URSSAF et la DIRECCTE dont elle n'a pu obtenir communication, une enquête pénale étant en cours.

La société JARDINS D'ASIE s'oppose à la demande qu'elle estime tardive .

L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 septembre 2018 et l'audience de plaidoirie fixée au 29 novembre 2018.

SUR CE

- Sur le rabat de l'ordonnance de clôture et le renvoi de l'affaire :

En application de l'article 784 du code de procédure civile, l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue ; la constitution d'avocat postérieurement à la clôture ne constitue pas en soi une cause de révocation.

L'ordonnance de clôture peut être révoquée, d'office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit, après l'ouverture des débats, par décision motivée du tribunal.

En l'espèce, Madame I... ne fait état d'aucune cause grave survenue postérieurement à la clôture.

En effet, elle a eu connaissance le 8 août 2018 de ce qu'un procès-verbal pour travail dissimulé par dissimulation d'emploi avait été conjointement établi par l'URSSAF et la DIRECCTE et transmis au Parquet.

Elle a sollicité la communication de ce procès-verbal le 10 août 2018 mais n'a sollicité aucun report de la clôture alors qu'elle en connaissait la date, établie par calendrier de procédure, et savait avant son prononcé qu'elle n'avait pas obtenu communication du dit procès-verbal.

Il y a donc lieu de rejeter la demande tardive de Madame I....

- Sur le fond':

1) Les heures supplémentaires':

En application de l'article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

De droit constant, il appartient au salarié de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande, éléments suffisamment précis et détaillés pour permettre à l'employeur d'y répondre.

En l'espèce, la salariée étaye sa demande par la production d'un décompte détaillé pour les années 2014, 2015 et 2016 reprenant jour par jour les heures de travail effectuées avec les heures de début et de fin matin et après-midi.

Elle produit également des courriers de l'inspection du travail, en date des 20 juin, 28 septembre et 9 août 2016 selon lesquels :

«pour résumer, lors du contrôle a été constaté un élément caractérisant le travail dissimulé par dissimulation d'activité : l'absence de décompte de la durée du travail. Cet élément se conjugue avec des contrats de travail et des bulletins de paie comportant un nombre d'heures de travail à minima, ce qui accrédite l'hypothèse qu'une partie des heures soient payées de la main à la main en plus de celles apparaissant sur les bulletins de paie.»

«J'ai constaté par ailleurs qu'après les mois de février et mars 2015 ou les chèques précités ont été versés sur votre compte pour un total proche de 1.300 euros par mois, des versements de 1.300 euros d'espèce ont été effectuês chaque mois sur votre compte» 'pour résumer, aux deux éléments déjà constatés caractérisant le travail dissimulé par dissimulation d'activité (absence de décompte de la durée du travail et salariés non déclarés), s'ajoute une opacité totale dans l'émission des chèques émis par le jardin d'Asie pour le paiement des salaires sur laquelle Mme Q... n'a apporté aucun éclaircissement» «Sans présumer du contenu de l'appréciation future du juge, mes constats, lors du contrôle réalisé dans l'entreprise, comportent un élément caractérisant le travail dissimulé par dissimulation d'activité : l'absence de décompte de la durée du travail. Si la prise d'acte de rupture du contrat de Madame I... est requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse, ouvrant doit au versement de l'allocation chômage, le montant de cette allocation sera basé sur celui des salaires déclarés par l'employeur. Il y a présomption d'un fort décalage entre le montant déclaré des salaires de Madame I... et la réalité du nombre d'heures de travail effectuées par cette salariée.»

La salariée verse également aux débats ses comptes bancaires sur lesquels apparaissent le versement de chèques d'un montant moyen de 1300 €entre le mois de février et mai 2015 puis le versement de sommes en liquide de 1300 € en moyenne tous les mois.

Enfin, alors qu'en application de la convention collective des hôtels, cafés, restaurants en matière d'heures supplémentaires dans la branche d'activité, le chef d'entreprise enregistre obligatoirement sur un registre ou tout autre document l'horaire nominatif et individuel de chaque salarié ainsi que les périodes de travail qu'il a réellement effectuées pour chacun des jours où il n'est pas fait une stricte application de celui-ci, que ce document doit être émargé par le salarié au moins une fois par semaine, Madame I... rapporte la preuve que l'employeur ne tenait aucun registre obligatoire contenant l'horaire nominatif et individuel de chaque salarié, ce qui a été constaté par l'inspection du travail dans son courrier du 20 juin 2016 «'je vous confirme que j'ai effectué un contrôle au restaurant LE JARDIN D'ASIE le 3 juin 2016. L'employeur, Mme Q... n'a été en mesure de présenter aucun document de décompte de la durée du travail, ce qui rend difficile l'estimation du volume de travail et donc des heures à payer aux salariés.»

Il en résulte que la salariée étaye sa demande par des éléments suffisamment précis et détaillés pour permettre à l'employeur d'y répondre.

Il appartient donc à ce dernier de justifier des horaires effectivement réalisés par la salariée.

Or il ne le fait pas, se contentant d'arguer de l'incohérence du décompte, notamment pour la période des fêtes.

Mais Madame I... a retiré sa demande concernant cette période et le juge dispose en tout état de cause d'un pouvoir d'appréciation quant aux heures revendiquées.

Il produit des attestations de salariés affirmant que toutes leurs heures leur ont été payées, ce qui ne prouve pas que Madame I... ait été réglée des siennes.

Il ne s'explique pas sur les sommes versées par chèque à Madame I... qui excèdent de beaucoup son salaire.

Il expose que la salariée ne pouvait prendre son service à 9h30 ou 10h car le restaurant était fermé à cette heure -ci mais ne verse aux débats aucun élément permettant de le vérifier.

Il se prévaut du fait que Madame I... était en congés sans solde en janvier, février et une partie du mois de mars 2014 au vu de ses bulletins de paie pour soutenir que la salariée n'a pas effectué d'heures à cette période.

Mais au vu des pièces versées aux débats par la salariée, il ne peut être accordé crédit aux bulletins de paie délivrés par l'employeur.

En conséquence, l'employeur ne justifiant pas des heures effectuées par la salariée, il y a lieu de faire droit partiellement à la demande de cette dernière, la cour faisant une appréciation souveraine des éléments qui lui sont soumis pour estimer que la salariée a effectué un nombre d'heures supplémentaires pour un montant de 15.000 € et d'allouer cette somme à Madame I... outre celle de 1 500 € au titre des congés payés afférents.

2) Sur le travail dissimulé':

Madame I... soutient que l'employeur s'est rendu coupable de travail dissimulé.

Cependant, en application de l'article 954 du code de procédure civile, les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ses prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.

Les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif. La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.

Or, dans le dispositif des conclusions de l'appelante, ne figure aucune prétention au titre du travail dissimulé.

Il ne sera donc pas statué sur ce point.

- Sur la violation de l'obligation de sécurité':

Madame I... soutient qu'à la lecture du nombre d'heures travaillées, elle n'a pu bénéficier des temps de repos imposés par le code du travail en application des articles L 3121-34 et suivants du code du travail (temps de pause, temps de coupures, temps maximum du travail).

Elle ne fournit cependant aucun élément à l'appui de cette affirmation.

Elle expose ensuite que, suite à son accident du travail du 15 avril 2016, l'employeur n'a pris aucune mesure pour veiller à la préservation de sa sécurité.

Il n'aurait pas prévenu les secours et lui aurait demandé de signer une lettre de démission.

Cependant, il résulte des éléments du dossier que la salariée n'a consulté le service des urgences gynécologiques que le 17 avril 2016, qu'un médecin n'a délivré un arrêt de travail pour un accident du travail du 15 avril 2016 que le 20 avril 2016', que l'accident n'a eu aucun témoin, que Madame I... est venue travailler le 16 avril et s'est mariée le 18 avril.

La salariée, même si l'accident du travail a été reconnu par la CPAM, ne démontre pas que l'employeur ait été informé de sa chute et n'ait pas voulu appeler les secours, que des salariés témoignent n'avoir assisté à aucune chute de celle-ci.

Elle ne prouve pas plus que l'employeur ait voulu la faire démissionner faute de démontrer que la lettre qu'elle verse aux débats émane de l'employeur.

Par conséquent, la violation de l'obligation de sécurité de résultat par l'employeur consécutive à cet accident du travail n'est pas démontrée.

Madame I... sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

- Sur la prise d'acte':

En l'absence de preuve de la violation de l'obligation de sécurité de l'employeur, la prise d'acte ne peut produire les effets d'un licenciement nul.

Par contre, la salariée qui a pris acte le 24 mai 2016 démontre des manquements suffisamment graves de l'employeur, à savoir le fait de ne pas avoir été rémunérée pendant plusieurs années de ses heures supplémentaires et ce jusqu'au mois d'avril 2016, de ne pas avoir été déclarée pour lesdites heures supplémentaires et ainsi privée d'une partie importante de ses droits à Pôle Emploi.

La prise d'acte sera donc requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La salariée travaillait depuis le 1er octobre 2013 dans une entreprise de moins de 11 salariés.

Elle a donc droit à l'octroi de dommages et intérêts venant réparer son préjudice en application de l'article L 1235-5 du code du travail.

La situation actuelle de la salariée n'est pas connue.

Il lui sera donc alloué la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour la privation de son emploi.

Madame I... a droit à une indemnité de préavis qui en application de l'article L 1234-1 du code du travail est de deux mois, soit 5 546,06 € outre 554,60 € au titre des congés payés afférents.

Elle a droit également à une indemnité de licenciement, compte-tenu de son ancienneté de 2ans et 7 mois de 2 773,03 € X 1/5X2 + 2 773,03 €X1/5X7/12 =1 109,21 +323,52 =1 432,73 € .

- Sur les autres demandes':

La société JARDINS D'ASIE qui succombe supportera les entiers dépens et sera en outre condamnée à payer à Madame I... la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME dans toutes ses dispositions le jugement déféré ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT que Madame I... a effectué de nombreuses heures supplémentaires qui ne lui ont pas été rémunérées

DIT que la société JARDINS D'ASIE a commis des manquements graves lors de l'exécution du contrat de travail'.

En conséquence,

REQUALIFIE la prise d'acte du contrat de travail de Madame I... en licenciement sans cause réelle et sérieuse':

En conséquence,

CONDAMNE la SARL JARDINS D'ASIE à verser à Madame I... les sommes suivantes':

' 5.000 € au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse

' 15.000 € au titre des heures supplémentaires non réglées

' 1 500 € au titre des congés payés afférents

' 5 546,06 € au titre de l'indemnité de préavis

' 554,60 € au titre des congés payés afférents

' 1 432,73 € € au titre de l'indemnité légale de licenciement

CONSTATE que Madame I..., dans le dispositif de ses conclusions, ne forme aucune prétention au titre du travail dissimulé et que la cour n'a pas à statuer sur ce point.

DÉBOUTE Madame I... de sa demande de dommages et intérêts au titre de la violation de l'obligation de sécurité résultat et de sa demande tendant à voir prononcer un licenciement nul.

CONDAMNE la société JARDINS D'ASIE à payer à Madame I... la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE la société JARDINS D'ASIE aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de Procédure Civile.

Signé par madame Dominique DUBOIS, présidente, et par madame Mériem CASTE-BELKADI, greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section b
Numéro d'arrêt : 17/00700
Date de la décision : 07/03/2019

Références :

Cour d'appel de Grenoble 13, arrêt n°17/00700 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-03-07;17.00700 ?
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