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05/03/2019 | FRANCE | N°16/05601

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section a, 05 mars 2019, 16/05601


VC



N° RG 16/05601



N° Portalis DBVM-V-B7A-IY3F



N° Minute :













































































Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :









la SCP FORSTER BISTOLFI



Me Henri ROUCH





AU NOM DU PE

UPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 05 MARS 2019







Appel d'une décision (N° RG F 15/00229)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTELIMAR

en date du 03 octobre 2016

suivant déclaration d'appel du 01 Décembre 2016



APPELANT :



Monsieur [Z] [C]

né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 7]

de nationalité...

VC

N° RG 16/05601

N° Portalis DBVM-V-B7A-IY3F

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

la SCP FORSTER BISTOLFI

Me Henri ROUCH

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 05 MARS 2019

Appel d'une décision (N° RG F 15/00229)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTELIMAR

en date du 03 octobre 2016

suivant déclaration d'appel du 01 Décembre 2016

APPELANT :

Monsieur [Z] [C]

né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 2]

représenté par Me Pierre-yves FORSTER de la SCP FORSTER BISTOLFI, avocat au barreau de VALENCE

INTIMEE :

SAS SCHILLER FRANCE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 5]

ayant pour avocat postulant Me Eric LE GULLUDEC, avocat au barreau de GRENOBLE

représentée par Me Henri ROUCH, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Iréna AZAR, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. Philippe SILVAN, Conseiller,

Mme Valéry CHARBONNIER, Conseiller,

M. Jérôme DIE, Magistrat honoraire,

Assistés lors des débats de Mme Carole COLAS, greffier,

DÉBATS :

A l'audience publique du 26 Novembre 2018

Madame Valéry CHARBONNIER, chargée du rapport, a entendu les parties en leurs observations et plaidoiries.

Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.

Exposé du litige':

M. [C] a été initialement embauché en date du 11 septembre 1995 par la SAS SCHILLER en contrat à durée indéterminée.

Ce contrat a été dans un premier temps transféré le 1er janvier 2000 à la SAS SCHILLER FRANCE puis le 1er janvier 2001 à la SAS SCHILLER MEDICAL et enfin à nouveau le 1er janvier 2008 à la SAS SCHILLER FRANCE. M. [C] exerçait au dernier état de la relation contractuelle, des fonctions d'ingénieur commercial chargé de la région Sud-Est France et des DOM-TOM.

M. [C] a été convoqué par lettre du 10 octobre 2013 à un entretien préalable licenciement pour faute fixée au 21 octobre 2013. Il a été licencié pour motifs disciplinaires le 28 octobre 2013 et dispensé d'effectuer son préavis de 6 mois, en date du 30 octobre 2013.

La SAS SCHILLER FRANCE le convoque de nouveau par courrier en date du 10 décembre 2013 pour un entretien en date du 18 décembre 2013 et lui signifie une mise à pied conservatoire pour des faits antérieurs au licenciement.

Par courrier du 27 décembre 2013, M. [C] se voit notifier la fin anticipée de son préavis en raison d'une faute grave retenue à son encontre.

M. [C] a saisi le conseil des prud'hommes de Montélimar le 17 janvier 2014 aux fins de contester le bien-fondé de son licenciement et obtenir les indemnités afférentes.

Par jugement en date du 3 octobre 2016, le conseil des prud'hommes de Montélimar a :

' dit que le licenciement de M. [C] repose sur une cause réelle et sérieuse

' dit que la faute grave reprochée au cours de la période de préavis dispensé d'exécution est caractérisée

' dit que l'indemnité conventionnelle de licenciement est due en référence aux dispositions de l'article L. 1234-1 du code du travail

' condamné en conséquence la SAS SCHILLER FRANCE à verser à Monsieur [C] la somme de 85.471,62 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

' fixé le salaire mensuel moyen brut de M. [C] (novembre 2012 à octobre 2013) 8.501,65 euros

' ordonné à la SAS SCHILLER FRANCE la remise du certificat de travail rectifié ainsi que l'attestation pôle emploi rectifiée conformément aux dispositif du jugement

' rejeté l'astreinte

' débouté M. [C] de ses autres demandes y compris de l'article 700 du code de procédure civile

' condamné reconventionnellement M. [C] à verser à la SAS SCHILLER FRANCE la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de loyauté

' ordonné la compensation entre ces deux condamnations

' dit qu'il n'y avait pas lieu exécution provisoire

' débouté la SAS SCHILLER FRANCE sa demande reconventionnelle sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

La décision a été notifiée aux parties par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception le 3 novembre 2016.

M. [C] représenté par son conseil, a interjeté appel de la décision en sa globalité par déclaration en date du

Par conclusions récapitulatives en date du'24 septembre 2018, M. [C], par l'intermédiaire de son conseil,demande à la Cour d'appel de :

' CONFIRMER le jugement rendu le 3 octobre 2016 par le Conseil de Prud'hommes de MONTELIMAR en ce qu'il a :

' CONDAMNER la SAS SCHILLER à verser à M.[Z] [C] la somme de 85.555,46 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement (le principe du paiement de l'indemnité conventionnelle de licenciement étant définitivement acquis à M. [Z] [C], les droits du salarié sont fixés au moment de la notification du licenciement par les termes de la lettre de licenciement)

' CONDAMNE la SAS SCHILLER à remettre à M.[Z] [C] : Une attestation Pôle Emploi et un certificat de travail Rectifiés

' INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a :

' Débouté Monsieur [Z] [C] de sa demande visant à voir juger son licenciement comme dépourvu de cause réelle et sérieuse et de ses demandes visant à voir condamner la SAS SCHILLER France à :

' un rappel de préavis, un rappel de congés payés sur préavis, un rappel de salaire minimum conventionnel depuis 2009, un rappel de congés payés sur rappel de salaire minimum conventionnel, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse et un article 700 du Code de Procédure Civile

' sa demande visant à se voir remettre des bulletins de salaire pour la période de préavis

' sa demande visant à voir prononcer une astreinte concernant la remise de l'intégralité des documents sollicités, et sa liquidation

' sa demande visant à voir la SAS SCHILLER France déboutée de l'intégralité de ses demandes

Statuant de nouveau sur ces points :

' DIRE ET JUGER que le licenciement de Monsieur [Z] [C]

est dépourvu de cause réelle et sérieuse

' DEBOUTER la SAS SCHILLER de l'intégralité de ses demandes

En conséquence :

' CONDAMNER la SAS SCHILLER FRANCE à verser à Monsieur [Z] [C] les sommes suivantes :

' 37.846,05 euros bruts à titre de rappel de préavis

' 3.784,60 euros bruts au titre des congés payés sur préavis

' 13.172,60 euros bruts à titre de rappel de salaire minimum conventionnel depuis 2009

' 1.317,26 euros bruts à titre de congés payés sur rappel de salaire

' 306.059,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

' 5.000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile

' ORDONNER la remise de bulletins de salaire pour la période de préavis, sous astreinte de 100,00 euros de retard, par document, passé un délai de 8 jours à compter du prononcé de la décision

' ORDONNER que la juridiction prud'homale se réserve le droit de liquider l'astreinte

Y AJOUTANT, il est également demandé en cause d'appel à la Cour de :

' CONDAMNER la SAS SCHILLER France à verser à M. [C] les sommes de :

' 2.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive dans l'exécution du jugement entrepris, concernant la remise des documents de fin de contrat ordonnée

' 2.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive dans l'exécution du jugement entrepris, concernant l'exécution provisoire de droit attachée à cette décision

' 10.335,87 euros nets à titre de remboursement des notes de frais de M. [C] pour 2013

Par conclusions en réponse N°2 en date du 20 septembre 2018, la société SCHILLER FRANCE par l'intermédiaire de son conseil demande à la Cour d'appel de':

A titre principal :

' Dire et juger mal fondé l'appel de Monsieur [C] ;

' Confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de MONTELIMAR du 3 octobre 2016 en toutes ses dispositions, à l'exception de celle ayant condamné la société SCHILLIER FRANCE à payer à Monsieur [C] une indemnité de licenciement

Par conséquent :

' Dire et juger que le licenciement de Monsieur [C] est parfaitement fondé,

' Dire et juger que la faute grave commise antérieurement au licenciement et découverte pendant le préavis est privative de l'indemnité de licenciement et de l'indemnité compensatrice de préavis,

' Dire et juger que le minimum conventionnel annuel a été respecté, la part variable du salaire devant être pris en compte,

' Débouter Monsieur [C] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour devait faire droit aux demandes de paiement d'indemnité de licenciement et de préavis formulées par Monsieur [C],

' Fixer le montant de l'indemnité de licenciement à la somme maximale de 83.106,31 Euros

' Débouter en tout état de cause Monsieur [C] de sa demande de remise de documents sous astreinte

' A titre infiniment subsidiaire, dire que l'astreinte ne pourra courir qu'une fois un délai

de 10 jours écoulé à compter de la notification de la décision à intervenir

A titre infiniment subsidiaire, pour le cas où si par extraordinaire la Cour considérerait le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' Dire et juger que Monsieur [C] ne justifie d'aucun préjudice particulier qui justifierait l'allocation d'une indemnité supérieure au salaire des 6 derniers mois et limiter par conséquent son indemnisation à la somme de 51.009,90 euros,

Sur la nouvelle demande de Monsieur [C] formulée en cause d'appel par conclusions d'appel n°2 portant sur le prétendu remboursement de notes de frais pour les mois d'octobre-novembre-décembre 2013 :

' Constater qu'il s'agit d'une nouvelle demande formulée en cause d'appel

' Par conséquent, déclarer irrecevable cette nouvelle demande en application de l'article 564 du code de procédure civile

A titre subsidiaire, dire et juger cette demande prescrite

' En tout état de cause, dire et juger cette demande injustifiée et infondée et l'en débouter entièrement.

En tout état de cause :

' Condamner Monsieur [C] à payer à la Société SCHILLER FRANCE la somme de 100.000 € à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de loyauté,

' Ordonner la compensation entre toutes sommes dues par Monsieur [C] à la société SCHILLER FRANCE et toutes sommes éventuellement dues par la société SCHILLER à Monsieur [C],

' Condamner Monsieur [C] à payer à la Société SCHILLER FRANCE une somme de 8.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers

dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 septembre 2018 et l'affaire fixée à plaider le 26 novembre 2018 .

Pour plus ample exposé des motifs, de la procédure et des prétentions des parties la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

Le délibéré est fixé au 5 mars 2019 par mise à disposition au greffe.

SUR QUOI':

Sur le bien fondé du licenciement :

Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié. Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

Neuf griefs sont invoqués à l'appui de la lettre du licenciement de M. [C] en date du 23 octobre 2013. La SAS SCHILLER FRANCE reproche à M. [C]':

' Des retards systématiques dans la remise des échéanciers à chaque fin de mois sur lesquels figurent les projets en cours ainsi que l'absence de réponse à des demandes d'informations. La SAS SCHILLER FRANCE justifie avoir rappelé à son salarié, notamment par un mail du 5 septembre 2011, la nécessité de respecter cette consigne et de nombreuses relances par mails à compter de septembre 2012 et tout au long de l'année 2013. L'employeur a adressé un mail à M. [C] le 3 octobre 2013 en réponse à la transmission de son échéancier le 1er octobre constatant que pour la première fois elle l'obtenait dans les délais mais constatant des dates erronées, le manque d'information et lui demandant des explications sur le faible niveau d'affaires en cours. M. [C] ne démontrant pas avoir répondu à ce mail. M. [C] a par conséquent commis une faute dans l'exercice de ses obligations professionnelles et n'a pas respecté les directives claires sur la remise des échéanciers de son employeur.

' Des retards systématiques dans la transmission des notes de frais : par courrier en date du 28 septembre 2012, la SAS SCHILLER FRANCE a adressé à un avertissement à M. [C] et lui reproche de ne pas transmettre ses notes de frais depuis 9 mois malgré de nombreuses relances orales et écrites de la part du directeur général et du service comptabilité (ainsi que ses appels d'offres) ; la SAS SCHILLER FRANCE renouvelle ce reproche dans la lettre de licenciement. Si M. [C] ne conteste pas les faits, l'employeur ne démontre pas en quoi ces retards constitueraient une faute du salarié, ce comportement ayant principalement des conséquences préjudiciables pour le remboursement du salarié des frais engagés et non pour l'entreprise.

' Des retards systématiques dans la remise des appels d'offres : la SAS SCHILLER FRANCE a adressé le 28 septembre 2012 un avertissement à M. [C] concernant le retard systématique de remise de ses appels d'offres que M. [C] n'a pas contesté ; par mail du 1er mars 2013 l'employeur le rappelle à l'ordre sur la procédure d'envoi d'appel d'offre et par mail du 23 août 2013 fait référence à un nouveau retard dans la remise d'un appel d'offre au surplus «'baclé'». Mme [N] épouse [I], secrétaire administrative des ventes atteste et confirme que les appels d'offres étaient rendus systématiquement en retard et incomplets par M. [C] durant leur collaboration. M. [C] ne démontre pas pour sa part, avoir uniquement reçus des mails automatiques de relances comme il le prétend, ni n'avoir pu remettre ses appels d'offres en raison du manque de temps dont il disposait, n'ayant jamais soulevé cet argument auprès de son employeur lors des relances reçues. Ainsi il est démontré que M. [C] a effectivement commis une faute à ce titre dans l'exécution de ses obligations professionnelles.

' Sur les difficultés relationnelles de M. [C]': la SAS SCHILLER FRANCE invoque des «'relations tendues et complexes de M. [C] avec l'ensemble des collaborateurs d ela société'», «'les collaboratrices du service ADV et Ordonnancement demandant à ne plus travailler avec lui'». Toutefois, la SAS SCHILLER FRANCE ne donne aucune précision sur des faits précis démontrant l'absence de sociabilité de M. [C] au sein de l'entreprise et les termes employés sont vagues et imprécis'; la SAS SCHILLER FRANCE ne démontre pas les faits ainsi allégués, «'la seule collaboration difficile'» avec un collaborateur ne démontrant pas l'existence de difficultés relationnelles systématiques. Ce grief n'est donc pas caractérisé.

' Les critiques ouvertes par M. [C] de la nouvelle organisation décidée par la direction : la SAS SCHILLER FRANCE ne donne aucune précision sur les propos tenus, le support ni leur date dans la lettre de licenciement et M. [C] invoque sa liberté d'expression. Il n'est pas démontré par la SAS SCHILLER FRANCE d'autres faits que celui-ci pour lequel M. [C] a reçu un avertissement le 21 mars 2011. Ce grief n'est donc pas caractérisé.

' le mécontentement de la clientèle': l'employeur justifie ce grief en produisant de nombreux mails de clients qui se plaignent du manque de réactivité ou de l'absence totale de réponse de M. [C] dans le cadre de leurs relations commerciales et des conséquences sur la confiance allouée à la SAS SCHILLER FRANCE. Il est par conséquent justifié d'un manquement grave de M. [C] dans l'exécution de ses obligations professionnelles, le fait que certains clients soient tout de même satisfaits de ses services comme allégué par le salarié ne le dédouanant pas de son comportement préjudiciable par ailleurs avec les autres clients.

' L'absence de réponse aux conditions de rémunération 2013 malgré relances': M. [C] qui ne conteste pas ce grief mais qui allègue avoir été en désaccord avec la nouvelle politique de rémunération, ne justifie pas avoir exprimé ce refus auprès de son employeur. Ce grief est donc caractérisé et constitue une négligence de la part de M. [C].

' L'absence de réponse de M. [C] sur le choix relatif à la scission de la force de vente': la SAS SCHILLER FRANCE démontre avoir rappelé à M. [C] son obligation de se positionner dans le cadre de la scission de force de vente envisagée le 1er septembre 2013 et M. [C] ne justifie avoir pris position, le mail général de M. [E] en date du 13 octobre 2013 ne constituant pas une preuve suffisante de cette option. Ce grief est caractérisé et constitue une négligence de la part de M. [C].

' Le refus de portabilité de ligne téléphonique et l'utilisation du véhicule personnel : la SAS SCHILLER FRANCE démontre que M. [C] s'est opposé à l'utilisation d'un téléphone professionnel et d'un véhicule fourni par son employeur sans justificatif ; or il relève du pouvoir de direction de l'employeur d'en imposer l'usage même si non prévu dans le contrat de travail initial. Ces griefs sont caractérisés et constituent une faute de la part de M. [C].

Selon les dispositions de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au delà de deux mois courant à compter du jour où l'employeur a eu connaissance exacte de la réalité de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

Toutefois l'employeur peut invoquer une faute prescrite lorsqu'un nouveau fait fautif est constaté à condition que les deux fautes procèdent d'un comportement identique ou dans la mesure où le comportement du salarié a persisté dans ce délai.

Au surplus, un même fait ne saurait justifier successivement deux mesures disciplinaires. Lorsque l'employeur notifie une sanction disciplinaire, il épuise son pouvoir de sanction et il ne peut donc faire état, pour justifier la mesure de licenciement, de faits antérieurs à l'avertissement prononcé.

En l'espèce, M. [C] a reçu un avertissement le 28 septembre 2012 pour des retards de remises de notes de frais et la remise tardive des appels d'offres. Les retards de remises de notes de frais, repris dans la lettre de licenciement ont été renouvelés postérieurement à cette date par le salarié et ont au surplus été jugés non constitutifs d'une faute par la présente cour. De la même façon, la remise tardive des appels d'offres évoquée dans l'avertissement susvisé, s'est renouvelée à plusieurs reprises par la suite. Enfin l'argumentation de M. [C] concernant la prescription des faits antérieurs au 10 octobre 2013 ne peut être retenue, les faits fautifs susvisés fondant son licenciement ayant été renouvelés postérieurement à plusieurs reprises à la période prescrite.

Il convient par conséquent de dire qu'au vu des différents griefs exposés, il est démontré que M. [C] a commis de nombreuses fautes et négligences et s'est opposé à l'autorité et aux directives de son employeur sans motifs fondant son licenciement du 28 octobre 2013 sur une cause réelle et sérieuse.

Sur la faute grave':

Il résulte des articles'L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis. L'employeur qui invoque la faute grave doit en rapporter la preuve.

En l'espèce, postérieurement au licenciement pour faute de M. [C] en date du 28 octobre 2013, la SAS SCHILLER FRANCE le convoque de nouveau par courrier en date du 10 décembre 2013 pour un entretien en date du 18 décembre 2013 et lui signifie une mise à pied conservatoire pour des faits antérieurs au licenciement'; par courrier du 27 décembre 2013, M. [C] se voit notifier la fin anticipée de son préavis en raison d'une faute grave retenue à son encontre.

La SAS SCHILLER FRANCE reproche à M. [C] d'avoir découvert au cours de l'exécution du préavis de M. [C] de faits antérieurs à son licenciement de vols de matériel et d'accessoires au préjudice de la société et de revente à des clients à son bénéfice personnel en usurpant l'identité de la SAS SCHILLER FRANCE.

La SAS SCHILLER FRANCE démontre qu'elle a effectivement découvert les faits susvisés de manière fortuite le 5 décembre 2013 suite à la demande de Mme [O] infirmière du centre médical de [Localité 6] qui a sollicité l'employeur s'agissant de matériels consommables fournis pour un électrocardiogramme par M. [C]. Après vérifications il s'est avéré que M. [C] avait constitué une société depuis juillet 2007 (ACLV) qu'il utilisait pour facturer de la vente de matériel appartenant à la SAS SCHILLER FRANCE à son profit. Une plainte a été déposée par la SAS SCHILLER FRANCE et M. [C] ne conteste pas les faits qui lui sont reprochés, ne s'étant d'ailleurs pas déplacé à l'entretien prévu le 10 décembre 2013 ni n'ayant pris contact avec son employeur.

Compte tenu de l'ensemble des éléments qui précèdent, il convient de retenir ainsi que l'ont fait les premiers juges, que la faute grave de M. [C] est caractérisée.

Sur les indemnités':

Il résulte de l'article L.1234-1 du code du travail et d'une jurisprudence constante que les droits du salarié s'apprécient à la date d'envoi de la lettre de licenciement et la faute grave commise antérieurement à la notification du licenciement mais révélée postérieurement à l'employeur ne le prive pas de ses droits du salarié aux indemnités de préavis et de licenciement.

La SAS SCHILLER FRANCE a dispensé M. [C] de l'exécution de son préavis en raison de la commission d'une faute grave toutefois cette dispense n'a pas pour conséquence de le dispenser de régler l'indemnité compensatrice de préavis définitivement acquise par le salarié lors de la rupture.

Il convient par conséquent par voie de confirmation d'ordonner le paiement de l'indemnité conventionnelle de licenciement à hauteur de 85.471,62 € et par voie de réformation de l'indemnité compensatrice de préavis à hauteur de 37.846,05 € et des congés payés afférents à hauteur de 3.784,60 €.

Sur la remise des documents et la résistance abusive:

Il convient d ordonner à la SAS SCHILLER FRANCE de délivrer à M. [C] les documents relatifs à sa période de préavis sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la signification du présent arrêt.

M. [C] ne démontre pas l'existence d'une résistance abusive dans l'exécution du jugement de première instance concernant la remise des documents et le paiement des sommes dues et sera débouté de sa demande à ce titre.

Sur la demande de rappel de salaire minimum conventionnel :

Il y a lieu de confirmer l'analyse du le conseil des prud'hommes sur ce point et de débouter M. [C] qui a été rempli de ses droits à ce titre.

Sur la demande reconventionnelle de la SAS SCHILLER FRANCE au titre de l'obligation de loyauté':

Le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi et le salarié doit s'abstenir de tout acte contraire à l'intérêt de l'entreprise et de commettre un acte moralement ou pénalement répréhensible à l'égard de l'entreprise. Il lui est notamment interdit d'abuser de ses fonctions pour s'octroyer un avantage particulier.

Pour engager la responsabilité civile du salarié, l'employeur doit démontrer l'existence d'une faute lourde sauf à ce que le comportement du salarié soit étranger à l'exécution du contrat de travail de travail.

En l'espèce M. [C] ne conteste pas les faits qui lui sont reprochés par son employeur au titre de la faute grave et les faits de vols de matériel et accessoires, leur revente à des tiers en prétendant agir au nom de SAS SCHILLER FRANCE constitue un comportement totalement étranger à l'exécution de son contrat de travail et un acte grave contraire à l'intérêt de l'entreprise moralement répréhensible afin de s'octroyer un avantage particulier, la SAS SCHILLER FRANCE devant répondre aux demandes éventuelles de garantie pour du matériel dont elle n'a pas réellement assurer la vente et ces faits portant atteinte à la relation de confiance et à l'image de l'entreprise vis à vis des fournisseurs et clients.

Il convient de confirmer la décision déférée à ce titre mais de la réformer sur le montant des dommages et intérêts qui seront fixés à hauteur de 70.000 € à la charge de M. [C].

Sur les demandes accessoires':

Il convient de condamner M. [C] aux entiers dépens et à la somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS':

La Cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement déféré excepté en ce qui concerne l'indemnité compensatrice de préavis et le montant des dommages et intérêts dus par M. [C] ,

Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et y Ajoutant:

CONDAMNE la SAS SCHILLER FRANCE à payer à M. [C] une indemnité compensatrice de préavis à hauteur de 37.846,05 € et des congés payés afférents à hauteur de 3.784,60 €.

CONDAMNE M. [C] à régler à la SAS SCHILLER FRANCE la somme de 70.000 € à titre de dommages et intérêts pour violation de son obligation de loyauté,

CONDAMNE la SAS SCHILLER FRANCE à délivrer à M. [C] les documents relatifs à sa période de préavis sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la signification du présent arrêt,

CONDAMNE M. [C] à payer à la SAS SCHILLER FRANCE la somme de 4.000 € à sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

CONDAMNE M. [C] aux dépens

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de Procédure Civile.

Signé par monsieur Philippe SILVAN, président, et par madame Mériem CASTE-BELKADI, greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section a
Numéro d'arrêt : 16/05601
Date de la décision : 05/03/2019

Références :

Cour d'appel de Grenoble 04, arrêt n°16/05601 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-03-05;16.05601 ?
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