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12/02/2019 | FRANCE | N°15/01571

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section a, 12 février 2019, 15/01571


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N° RG 15/01571





N° Portalis DBVM-V-B67-H5YI





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Copie exécutoire délivrée le :











Me Laurent G...





Me Christine X...


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE GRENOBLE





Ch. Sociale -Section A


ARRÊT DU MARDI 12 FEVRIER 2019











Appel d'une décision (N° RG F13/00100)


rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de GRENOBLE


en date du 09 mars 2015


suivant déclaration d'appel du 10 Avril 2015





APPELANTE :





SARL AU B...

JD

N° RG 15/01571

N° Portalis DBVM-V-B67-H5YI

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

Me Laurent G...

Me Christine X...

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 12 FEVRIER 2019

Appel d'une décision (N° RG F13/00100)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de GRENOBLE

en date du 09 mars 2015

suivant déclaration d'appel du 10 Avril 2015

APPELANTE :

SARL AU BLE D'OR, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié [...]

représentée par Me Laurent G..., avocat au barreau de GRENOBLE

INTIME :

Monsieur H... Y...

de nationalité Française

[...]

comparant en personne, assisté de Me Christine X..., avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ:

Monsieur Philippe SILVAN, Conseiller faisant fonction de Président,

Madame Valéry CHARBONNIER, Conseiller,

Monsieur Jérôme Z..., Magistrat honoraire,

Assistés lors des débats de Mme Carole COLAS, greffier,

DÉBATS :

A l'audience publique du 12 Novembre 2018,

Monsieur Jérôme Z..., Magistrat honoraire a été entendu en son rapport,

Les parties ont été entendues en leurs observations et plaidoiries.

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 12 Février 2019,

L'arrêt a été rendu le 12 Février 2019.

Le 1er décembre 2005, M. H... Y... fut embauché en qualité de pâtissier au service de la société Au Blé d'Or qui exploite cinq établissements de boulangerie-pâtisserie à Grenoble (Isère).

A partir du 9 novembre 2012, il observa un arrêt de travail médicalement prescrit au visa d'un accident de travail et pris en charge par l'organisme de sécurité sociale au titre de la législation professionnelle.

Le 12 novembre 2012 , il déposa plainte contre son collègue A... B..., par ailleurs fils du gérant de l'entreprise, pour des faits de violences avec arme dont il disait avoir été victime au matin du 6 novembre à la fin de son poste de travail de nuit.

Par lettre recommandée du 13 novembre 2012, il fut convoqué pour le 21 novembre 2012 à un entretien préalable en vue d'une éventuelle mesure de licenciement.

Le 14 novembre 2012, la société Au Blé d'Or établit, avec réserves, une déclaration d'accident de travail de M. H... Y... pour une «altercation verbale avec un autre salarié durant son temps de travail»;

Par lettre recommandée du 4 décembre 2012, M. H... Y... reçut notification de son licenciement pour faute grave avec effet immédiat.

Le 17 janvier 2013, il saisit la juridiction prud'homale en contestant la décision de son employeur.

Par jugement du 9 mars 2015 prononcé en formation de départage, le conseil de prud'hommes de Grenoble considéra que la faute grave n'était pas établie et il:

- dit le licenciement nul comme ayant été prononcé en période de suspension du contrat pour accident de travail,

- condamna la société Au Blé d'Or à payer à M. H... Y... :

. 5 804,40 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

. 580 € au titre des congés payés afférents,

. 4 063,08 € d'indemnité conventionnelle de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter du 23janvier 2013,

. 22 400 € de dommages-intérêt pour licenciement nul,

. 36 064, 62 € au titre des heures supplémentaires,

. 3 606,46 € au titre des congés payés afférents,

. 9 150,00 € pour repos compensateur non accordé,

. 1 296,68 € de prime de fin d'année,

. 916,60 € à titre de complément de salaire, avec intérêts au taux légal à compter du 23.01.2013,

. 22 598,00 € pour travail dissimulé,

. 5 000,00 € pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité,

. 1 200 € d'article 700 du code de procédure civile.

Le 10 avril 2015, la société Au Blé d'Or a régulièrement interjeté appel.

A l'audience, la société Au Blé d'Or fait oralement développer ses conclusions d'appel parvenues le 27 octobre 2016 en s'opposant à toutes les prétentions du salarié et en demandant à la Cour d'infirmer le jugement entrepris, de débouter M. H... Y... et de le condamner à verser 3.000 € en contribution aux frais irrépétibles.

M. H... Y... fait oralement reprendre ses conclusions parvenues le 29 octobre 2018 en réplique et au soutien d'un appel incident. Il demande à la Cour de réformer le jugement entrepris pour:

«DEBOUTER la SARL AU BLE D'OR de l'intégralité de ses prétentions,

DIRE ET JUGER le licenciement de M. H... Y... nul et de nul effet.

CONDAMNER la Société AU BLE D'OR à lui payer à titre d'indemnité :

- de préavis (2.902,20 x 2) : 5 804,40 €,

- de congés payés sur préavis : 580,44 €,

- conventionnelle de licenciement : 4 063,08 €,

- de dommages et intérêts pour rupture sans motif réel et sérieux : 69 652,80 €,

CONSTATER le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et de résultat caractérisée par le non-respect de la réglementation relative aux durées maximales de travail.

CONDAMNER la Société AU BLE D'OR à verser à M. H... Y... 15 000,00 € à titre de dommages et intérêts,

CONSTATER les nombreux manquements de l'employeur de M. Y... dans le versement de ses salaires,

A titre principal, CONDAMNER la Société AU BLE D'OR à payer à M. H... Y..., au titre des compléments de salaire de :

- 92 727,33 € au regard de la réalité des horaires effectués,

- 11 879,46 € au titre du repos compensateur,

- 24 382,08 € au titre du travail dissimulé,

- Subsidiairement, 64 033,45 € compte tenu de la majoration du travail de nuit.

CONDAMNER encore la Société AU BLE D'OR à payer à M. H... Y..., au titre du complément

- de prime de fin d'année sur les périodes 2008 à 2011 : 12 027,98 €,

- de salaire sur la période du 06.11.2012 au 06.12.2012 : 916,60 €,

CONDAMNER enfin la Société AU BLE D'OR à payer à M. H... Y...

2 500,00 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile, en cause d'appel»

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

SUR QUOI, la Cour:

1. sur la contestation du licenciement et les demandes subséquentes:

Il résulte des articles L1226-9 et L1226-10 du code du travail qu'est nulle toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance de l'interdiction de licencier en période de suspension consécutive à un accident de travail, sauf pour l'employeur à justifier d'une faute grave du salarié ou d'une impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l'accident.

En l'espèce, le salarié intimé a été licencié le 4 décembre 2012 alors que son contrat se trouvait suspendu par l'effet des avis de travail que son médecin lui avait délivrés consécutivement à l'agression subie le 6 novembre 2012 dans l'entreprise. La société Au Blé d'Or connaissait l'origine professionnelle attribuée à cette suspension en ce que les copies d'avis d'arrêt de travail qu'elle produit aux débats précisent qu'ils étaient liés à un accident de travail, et en ce qu'elle a elle-même établi, avec réserve, une déclaration d'accident de travail qu'elle a adressée à l'organisme de sécurité sociale le 14 novembre 2012.

Il incombe dès lors à la société appelante de démontrer la faute grave dont elle a excipé dans la lettre de licenciement et qu'elle a imputée au salarié intimé. Les motifs énoncés fixent les limites du litige.

Dans le premier motif de la lettre de licenciement, la société intimée a articulé le grief suivant:

«Pendant toute la nuit du lundi 5 au mardi 6 novembre 2012, vous avez eu une attitude inadmissible à l'égard d'un salarié, Monsieur B... A..., dans le but de provoquer une réaction de sa part. Au final, vous l'avez insulté à plusieurs reprises pour finir à 4h45 en le traitant de « fils de p'». Devant de tels propos, Monsieur B... vous a demandé de quitter les lieux, ce que vous n'avez pas fait (alors que vous étiez déjà habillé pour partir et quitter votre poste) ; au final, il vous a poussé.

A ce jour, vous ne nous avez fourni aucune explication sur ces faits et notamment sur les raisons éventuelle vous ayant amené à proférer de telles insultes.

Votre comportement est inadmissible et de telles insultes sont inacceptables, surtout lorsqu'elles sont proférées gratuitement, dans le seul but de provoquer et de pousser à bout un salarié.

Votre attitude insultante et provocatrice n'est pas tolérable et constitue une faute grave.»

Devant la Cour, la société intimée produit les attestations par lesquelles trois de ses salariés imputent aux provocations de M. H... Y... l'origine de l'altercation entre lui et le fils du gérant. Mais ces attestations n'ont que peu de force probante dès lors dans le procès-verbal d'enquête du commissariat de Grenoble, il a été mentionné que les salariés témoins avaient refusé de déposer devant un officier de police judiciaire.

Au demeurant, il a également été mentionné que l'employeur avait affirmé n'avoir pas conservé l'enregistrement vidéo de la nuit des faits.

En revanche, il doit être relevé que lors de ses auditions en garde à vue, M. A... B... n'a pas dit avoir été insulté, mais avoir seulement fait l'objet de la part de M. H... Y... de«réflexions au niveau de travail», et qu'il a avoué avoir pris l'initiative des violences en ces termes:

«vers 5 heures du matin, au départ de M. Y..., je lui ai demandé d'avoir une explication avec lui, à ce moment là il a refusé de me parler' Là je me suis dirigé vers lui avec l'intention d'en découdre avec lui avec les mains' Là je l'ai saisi par le col de la veste en le plaquant dans la banque au chocolat'».

«dans un premier temps je me trouvais dans le labo pâtisserie, quand j'ai décidé d'en découdre avec M. Y..., je me suis rendu dans la boulangerie côté vente, nous avons fait les 14 mètres nous séparant de la sortie, je lui courais après car il reculait, j'ai réussi à le saisir au niveau de la banque à chocolat' Nous avons été séparés, le pâtissier m'a ceinturé et m'a tiré en arrière'»

En tout cas, n'est pas établie l'attitude insultante et provocatrice reprochée au salarié intimé.

Dans le deuxième motif de la lettre de licenciement, la société appelante a énoncé le grief suivant:

«Vous avez ensuite porté plainte contre Monsieur B.... Monsieur B... et les autres salariés ont été convoqués par la Police pour fournir toute explication sur les faits de la nuit du 5 au 6 novembre 2012. Ils ont alors appris avec stupéfaction que vous aviez porté plainte pour «tentative de meurtre» ; vous avez indiqué à la police que Monsieur B... aurait tenté de vous poignarder à deux reprises avec une paire de ciseaux. Après enquête, les policiers ont très vite constaté que vos déclarations étaient tout simplement fausses. Votre plainte a immédiatement fait l'objet d'un classement sans suite.

A ce jour, vous ne nous avez fourni aucune explication sur les accusations diffamatoires et mensongères.

Vous avez déstabilisé toute l'équipe ; vos collègues de travail ont été très éprouvés par l'épreuve qu'ils ont dû traverser en étant ainsi convoqués à la Police.

De telles accusations calomnieuses, non fondées et mensongères sont inadmissibles et caractérisent une faute grave.»

Mais devant la Cour, la société appelante se limite à invoquer un classement sans suite sans en justifier. En tout cas, elle ne peut en tirer la preuve de la fausseté des accusations portées par la salarié intimé.

Au demeurant, les accusations de violence portées par le salarié intimé ne peuvent revêtir un caractère calomnieux dès lors que M. A... B..., s'il a nié avoir usé d'une arme blanche, a reconnu devant les enquêteurs qu'il avait cherché à en «découdre» avec M. H... Y..., qu'il l'avait poursuivi, qu'il l'avait saisi par le col de sa veste, et qu'il l'avait plaqué contre un meuble de l'atelier jusqu'à l'intervention d'un autre salarié qui les avaient séparés.

Dans le troisième motif de la lettre de licenciement, la société appelante a formulé à l'encontre du salarié le reproche suivant:

«Le lundi 12 novembre 2012, vous êtes venu déposer, avec votre épouse, un arrêt de travail pour « accident du travail » ; vous avez alors volontairement détérioré le véhicule de Monsieur B... A.... Des personnes extérieures à l'entreprise ont été témoins de vos agissements.

A ce jour, nous n'avons pas reçu d'explication de votre part sur ces faits.

Là encore, vous cherchiez à provoquer une réaction de Monsieur A... B.... La détérioration volontaire de matériel est inadmissible et caractérise une faute grave.»

Devant la Cour, la société appelante se réfère au témoignage de M. O... C..., voisin de l'entreprise. Mais, lors de sa déposition devant les services de police, si ce témoin a déclaré avoir vu un employé de l'entreprise briser une vitre du véhicule de M. A... B..., il n'a pu désigner nommément M. H... Y... comme étant l'auteur des faits.

Il s'ensuit que ne peut être avec certitude imputée à M. H... Y... la dégradation volontaire que ce salarié intimé conteste avoir commise.

Dans le quatrième motif de la lettre de licenciement, un dernier grief a été rédigé dans les termes suivants:

«Cette liste n'est malheureusement pas exhaustive. En effet, vous avez adopté un comportement ingérable depuis plusieurs mois, de nombreux salariés se plaignant de votre attitude provocatrice. Nous avons du prendre des mesures pour que certains salariés ne travaillent plus aux mêmes horaires que vous.»

Mais comme le fait valoir le salarié intimé, aucun fait précis et matériellement vérifiable n'a ainsi été énoncé à son encontre.

Au demeurant, si la société appelante rapporte certaines doléances de ses salariés, elle ne justifie pas même des mesures qu'elle prétend avoir prises pour les tenir à l'écart de M. H... Y....

Il en ressort en définitive que la société appelante ne parvient à apporter la preuve d'aucun des agissements fautifs qu'elle a reprochés au salarié intimé. Non seulement la faute grave invoquée n'est pas caractérisée, mais le licenciement doit être déclaré nul comme étant intervenu en période de suspension du contrat de travail consécutivement à un accident de travail.

En l'absence de demande de réintégration et alors que la nullité du licenciement emporte les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié appelant est fondé à obtenir l'indemnisation du préjudice résultant de la perte de son emploi comme en matière de défaut de cause réelle et sérieuse par application de l'article L1235-3 du code du travail, pour un montant qui ne peut inférieur aux six derniers mois de salaire.

Au vu des éléments que M. H... Y... produit sur l'étendue de son préjudice, une exacte évaluation conduit la Cour à fixer à 25.000 € le montant des dommages et intérêts qui l'indemniseront intégralement.

Le salarié intimé est également fondé à obtenir une indemnité conventionnelle de licenciement et des indemnités de préavis pour les montants que les premiers juges ont exactement arrêtés.

2. sur les contestations de la durée effective du travail, et sur les demandes subséquentes :

En application de l'article L.3171-4 du code du travail, dès lors que le litige vient à porter sur l'existence ou le nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

En l'espèce, à l'appui de ses demandes de rémunération d'heures supplémentaires, d'indemnisation de repos compensateurs, de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité par dépassement des durées maximales de travail, de complément des primes de fin d'année et d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, le salarié intimé présente les décomptes qu'il a opérés à partir de calendriers qu'il produit et sur lesquels il a mentionné, jour par jour, ses heures de début et de fin de travail.

Ces éléments précis mettent l'employeur en mesure d'y répondre et ils étayent donc les prétentions du salarié intimé. Il incombe dès lors à la société appelante de fournir ses propres éléments sur les horaires effectivement réalisés.

Or la société appelante se limite à invoquer l'existence d'un horaire collectif qu'elle affirme avoir affiché dans son entreprise et qu'elle présente comme suit:

lundi: repos; mardi: 1H/8H; mercredi: 1H/8H; jeudi: 3H/9H; samedi: 3H/9H; dimanche: 3H/9H.

La société appelante se réfère à des attestations que certains de ses salariés ont délivrées en rapportant qu'un horaire collectif était affiché. Mais aucun n'a précisément indiqué si cet horaire était affiché au temps de l'emploi de M. H... Y....

Au surplus, selon les attestations délivrées par le chef-pâtissier D... I..., la pâtissière K... E... et le pâtissier L... F..., l'horaire collectif du dimanche n'était pas de 3 heures à 9 heures comme prétendu par leur employeur mais de 3 heures à 10 heures. Selon Mme K... E..., le repos n'était pas le lundi, mais le mercredi. Selon M. L... F..., le repos était pris les lundis et mercredis.

Au demeurant, il doit être relevé, alors que la société appelante prétend que l'horaire collectif du mardi était de 1 heure à 8 heures, que dans lors de son audition en garde à vue, le salarié A... B..., fils du gérant, a déclaré que le mardi 6 novembre 2012, il avait pris son poste à 2 heures et que M. H... Y... devait quitter le sien à 5 heures.

Quant à la société Au Blé d'Or elle-même, elle a fait déclarer à l'audience des premiers juges, où elle était représentée par sa directrice administrative Valérie B..., que les heures de prise de fonctions et de fin de fonctions variaient en fonction des périodes de l'année.

Il en résulte que la société appelante n'établit clairement ni les termes ni même l'existence de l'horaire collectif qu'elle allègue. Faute pour elle d'apporter des éléments précis sur les horaires auxquels elle a effectivement soumis le salarié intimé, seuls peuvent être retenus ceux dont ce dernier se prévaut.

Il s'impose dès lors de faire droit aux demandes de rémunération des heures supplémentaires et d'indemnisation des repos compensateurs pour les montants que le salarié intimé a exactement chiffrés en déduisant les sommes qui ont été mentionnées aux bulletins de paie et qui lui ont versées.

Les éléments produits par le salarié intimé font apparaître des dépassements des durées maximales de travail. Pour autant, il ne peut en être tiré la preuve d'un manquement à l'obligation de sécurité au travail pour lequel le salarié intimé recherche la responsabilité de son employeur. Au surplus, le salarié intimé ne démontre pas le préjudice qu'il prétend en être résulté. Sa demande en dommages et intérêts de ce chef sera donc rejetée.

En revanche, le salarié intimé est fondé à se prévaloir de l'article 42 de la convention collective nationale de la boulangerie-pâtisserie artisanale prévoyant une prime de fin d'année correspondant à 3,84% des salaires payés du 1er janvier au 31 décembre de chaque année. Sur la base des salaires qui lui restent dus pour les seules années 2008, 2009, 2010 et 2011, il calcule que doit encore lui être versé un complément de 12.027,28 € au titre des primes conventionnelles de fin d'année.

Le salarié intimé fait également valoir avec pertinence les dispositions de l'article L.8223-1 du code du travail alors que son contrat a pris fin et que son employeur a partiellement dissimulé son emploi. Il établit le caractère intentionnel de la dissimulation en ce que la société appelante avait été rappelée à l'ordre dès 2009 par l'inspection du travail sur l'obligation de tenue d'un document permettant de relever la durée du travail en application de l'article D3171-8 du code du travail, et qu'elle a persisté à minorer le nombre d'heures travaillées sur les feuilles de paie. Il sera donc fait droit à sa demande d'indemnité forfaitaire comme l'ont dit les premiers juges.

3. sur la demande de complément de salaire pour la période du 6 novembre au 6 décembre 2012:

Au soutien de sa demande de complément de salaire, le salarié intimé invoque les dispositions de la convention collective nationale de la boulangerie-pâtisserie artisanale prévoyant à partir du 1er jour d'un arrêt de travail et pendant 180 jours, le maintien de 90 % du salaire brut moyen des 3 derniers mois précédant l'arrêt de travail, sous déduction des indemnités journalières brutes versées par la sécurité sociale.

Mais si le salarié intimé produit une attestation de l'ensemble des indemnités journalières qui lui ont été servies pour l'arrêt de travail qu'il a observé consécutivement à l'accident du 6 novembre 2012, il ne justifie pas précisément des bases de son calcul.

Faute pour lui d'établir la créance salariale qu'il allègue, il sera débouté de sa prétention.

4. sur les dispositions accessoires:

En application de l'article 700 du code de procédure civile, il est équitable que l'employeur contribue aux frais irrépétibles qu'il a contraint le salarié à exposer tant devant les premiers juges qu'à hauteur d'appel.

En application de l'article 696 du même code, il échet de mettre les entiers dépens à la charge de l'employeur qui succombe.

PAR CES MOTIFS, la Cour,

Statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort après en avoir délibéré conformément à la loi,

DÉCLARE recevables l'appel principal et l'appel incident;

INFIRME le jugement entrepris;

DÉCLARE nul le licenciement prononcé;

CONDAMNE la société Au Blé d'Or à verser à M. H... Y...:

- la somme de 25.000 € (vingt-cinq mille euros) à titre de dommages et intérêts pour la perte de son emploi;

- les sommes de 5.804,40 € (cinq mille huit cent quatre euros et quarante centimes) bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, et de 580,44 € (cinq cent quatre-vingt euros et quarante-quatre centimes) bruts à titre d'indemnité compensatrice des congés payés sur préavis;

- la somme de 4.063,08 € (quatre mille soixante-trois euros et huit centimes) à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement;

- la somme de 92.727,33 € (quatre-vingt-douze mille sept cent vingt-sept euros et trente-trois centimes) bruts à titre de rappel de salaire;

- la somme de 11.879,46 € (onze mille huit cent soixante-dix-neuf euros et quarante-six centimes) à titre d'indemnisation des repos compensateurs,

- la somme de 24.382,08 € (vingt-quatre mille trois cent quatre-vingt-deux euros et huit centimes) à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

- la somme de 12.027,98 € (douze mille vingt-sept euros et quatre-vingt-dix-huit centimes) bruts à titre de rappels sur les primes de fin d'année sur les périodes 2008 à 2011;

- la somme de 2.500,00 € (deux mille cinq cent euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile;

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs prétentions;

CONDAMNE la société Au Blé d'Or à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel;

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Philippe SILVAN, faisant fonction de Président, et par Madame Mériem CASTE-BELKADI, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section a
Numéro d'arrêt : 15/01571
Date de la décision : 12/02/2019

Références :

Cour d'appel de Grenoble 04, arrêt n°15/01571 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-02-12;15.01571 ?
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