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22/01/2019 | FRANCE | N°17/03595

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chbre des aff. familiales, 22 janvier 2019, 17/03595


N° RG 17/03595 - N° Portalis DBVM-V-B7B-JEBG

AD/MCO

N° Minute :





























































































Copie Exécutoire délivrée

le :

à



la SCP X... D... TRIQUET- DUMOULIN LORIN - AVOCATS ASSOCIES



la

SCP B... MOURONVALLE







AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE DES AFFAIRES FAMILIALES



ARRET DU MARDI 22 JANVIER 2019





APPEL

jugement au fond, origine tribunal de grande instance de Grenoble, décision attaquée en date du 29 mai 2017, enregistrée sous le n° 14/03542 suivant déclaration d'appel du 17 juillet 2017.





APPELANT :

Monsieur Christ...

N° RG 17/03595 - N° Portalis DBVM-V-B7B-JEBG

AD/MCO

N° Minute :

Copie Exécutoire délivrée

le :

à

la SCP X... D... TRIQUET- DUMOULIN LORIN - AVOCATS ASSOCIES

la SCP B... MOURONVALLE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE DES AFFAIRES FAMILIALES

ARRET DU MARDI 22 JANVIER 2019

APPEL

jugement au fond, origine tribunal de grande instance de Grenoble, décision attaquée en date du 29 mai 2017, enregistrée sous le n° 14/03542 suivant déclaration d'appel du 17 juillet 2017.

APPELANT :

Monsieur Christophe Y...

né le [...] à VOIRON (38500)

de nationalité Française

[...] (Suisse)

représenté par Me Michel X... de la SCP X... D... TRIQUET- DUMOULIN LORIN - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE postulant,

et plaidant par Me Benjamin Z..., avocat au barreau de NICE

INTIMEES :

Madame Caroline Y... épouse A...

née le [...] à VOIRON (38500)

de nationalité Française

[...]

représentée et plaidant par Me Christophe B... de la SCP B... MOURONVALLE, avocat au barreau de GRENOBLE

Madame Pascale Y...

née le [...] à LE PONT DE BEAUVOISIN (38480)

de nationalité Française

[...]

représentée et plaidant par Me Marie-laure E..., avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré:

Madame Patricia Gonzalez présidente

Madame Françoise Barrier, conseiller,

Madame Agnès Denjoy, conseiller.

Assistées lors des débats de Madame Abla Amari, greffier.

DEBATS :

A l'audience publique du 27 novembre 2018, Madame Agnès Denjoy a été entendue en son rapport. Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries, puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience de ce jour.

Oswald Y... est décédé à Virieu (38), le [...], laissant pour lui succéder ses trois enfants : Pascale, Christophe et Caroline.

Mme Caroline Y... épouse A... a fait assigner en partage judiciaire ses cohéritiers par actes d'huissiers des 17 avril et 23 juin 2014.

Par jugement contradictoire rendu le 29 mai 2017, le tribunal de grande instance de Grenoble a :

- déclaré l'action en partage recevable,

- ordonné le partage judiciaire de la succession d'Oswald Y...,

- commis le président de la chambre des notaires de l'Isère ou son délégataire pour y procéder, sous la surveillance du vice-président du tribunal chargé des successions,

- déclaré sans objet la demande visant à autoriser le notaire liquidateur à consulter le fichiers FICOBA ou à obtenir communication des comptes du défunt,

- rejeté la demande de M. Christophe Y... tendant à ce que sa s'ur, Caroline, communique l'intégralité des documents du défunt présentés sous feuilles volantes,

- dit que Mme Caroline A... devra rapporter à la succession la somme de 87500 euros au titre de la donation consentie par son père en 2004 ainsi que la somme de 10500 euros reçue à titre de dons ou avantages,

- dit que Mme Pascale Y... devra rapporter à la succession la somme de 23087 euros reçus à titre de dons ou avantages,

- dit que M. Christophe Y... devra rapporter à la succession la somme de 512553,02 euros reçue à titre des dons et avantages et dit qu'en application des dispositions sur le recel successoral, il sera privé de sa part sur ce montant,

- débouté M. Christophe Y... de sa demande tendant à juger que sa s'ur Caroline s'est rendue coupable d'un recel successoral concernant la donation du bien immobilier de Bilieu,

- dit que M. Christophe Y... supportera seul la pénalité fiscale de 1 829 euros liée à l'omission de déclarer la reconnaissance de dette de 115000 euros,

- débouté Mme Caroline Y... de sa demande tendant à être autorisée à vendre les biens immobiliers situés à Tullins, Voiron et Coublevie, vu l'accord des coïndivisaires sur ce point, mais dit que si cet accord venait à être remis en cause, elle serait autorisée à les mettre en vente seule, sur la base minimale des évaluations fixées dans la déclaration de succession,

- débouté M. Christophe Y... du surplus de ses demandes,

- condamné M. Christophe Y... à payer à Mme Caroline Y... la somme de

2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à Me E..., avocat de Mme Pascale Y..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991,

- condamné M. Christophe Y... aux dépens,

- dit n'y avoir lieu à assortir la décision de l'exécution provisoire.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 17 juillet 2017, M. Christophe Y... a interjeté appel de cette décision.

Suivant dernières conclusions avant clôture notifiées le 14 mai 2018, M. Christophe Y... demande à la cour de :

- déclarer l'assignation en partage irrecevable, en l'absence de démonstration de diligences pour parvenir à un partage amiable,

- dire que dans le cadre d'un partage amiable, il pourra se voir attribuer, s'agissant des biens immobiliers :

- la villa sise [...],

- la villa sise [...] pour la partie correspondant à la part du défunt,

- le terrain sis [...],

- débouter la requérante de sa demande tendant à établir qu'il aurait reçu la somme de 512 533 euros à titre de dons de la part du défunt, exception faite de la somme de 202 400 euros correspondant aux chèques,

- débouter Mme Caroline Y... de sa demande de rapport concernant les véhicules,

- la débouter de sa demande de rapport concernant la reconnaissance de dette pour 115 000 euros,

- ordonner le dépôt d'une déclaration de succession rectificative intégrant la somme de 202400 euros précitée,

- s'agissant du recel, constater l'absence d'élément intentionnel de sa part,

- dire que le rapport dû à la succession par Mme Caroline Y... sera, au minimum, de la somme de 126000 euros concernant le terrain et de la somme de 8 993 euros concernant les frais d'acte,

- dire que Mme Caroline Y... encourt la sanction du recel en application de l'article 778 du code civil et qu'elle sera privée de sa part dans les sommes et valeurs recelées dont il est ordonné le rapport,

- dire que Mmes Caroline et Pascale Y... devront rapporter les sommes qu'elles ont reçues conformément aux écritures de leur père sur la base des pièces versées aux débats pour les montants y contenus,

- ordonner la communication de l'intégralité des documents du défunt présentés sous feuilles volantes,

- «rejeter la demande de recel successoral, faute de matérialité et d'intention»,

- désigner le président de la chambre des notaires en cas de partage judiciaire,

- condamner «la requérante» à la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, distraits au profit de Me X..., avocat.

Suivant dernières conclusions notifiées le 5 décembre 2017, Mme Caroline Y... épouse A... demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et débouter M. Christophe Y... de l'ensemble de ses demandes,

Y ajoutant,

- dire que M. Christophe Y... engage sa responsabilité quasi-délictuelle pour n'avoir pas accepté de vendre les immeubles en vue de s'acquitter des droits de succession et dire, en conséquence, qu'il sera seul tenu des pénalités fiscales, intérêts de retard et frais consécutifs à l'absence de paiement dans les délais légaux des droits de succession,

- le condamner à lui verser la somme de 10000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

- à défaut, dire que les dépens de l'instance seront pris en frais privilégiés de partage dont distraction au profit des avocats de la cause sur leur affirmation de droit.

Suivant dernières conclusions notifiées le 8 décembre 2017, Mme Pascale Y... demande à la cour de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, y ajoutant, de :

- dire que M. Christophe Y... engage «sa seule responsabilité quasi-délictuelle» pour n'avoir pas accepté de régulariser les ventes immobilières en vue d'acquitter les droits de succession,

- dire que M. Christophe Y... supportera seul toutes pénalités fiscales, intérêts de retard et frais liés au défaut de paiement des droits de succession dans les délais légaux,

- condamner M. Christophe Y... ou, à tout le moins, la partie succombante à payer à Me E... sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 la somme de 5 000 euros, lequel conseil pourra la recouvrer directement,

- donner acte à Me E... de ce qu'elle s'engage à renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle si dans les 12 mois de la date à laquelle la décision à intervenir est passée en force de chose jugée, elle parvient à recouvrer la somme allouée auprès de la partie condamnée à ce titre, et si cette somme est supérieure à l'indemnité qui aurait été versée au titre de l'aide juridictionnelle,

- condamner M. Christophe Y... ou qui mieux le devra aux dépens, distraits au profit de Me Marie-Laure E... sur son affirmation de droit,

- si Mme Pascale Y... ne bénéficiait pas de l'aide juridictionnelle, condamner M. Christophe Y... à lui payer la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux dépens d'appel,

Vu l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.

Motifs de la décision:

Sur la recevabilité de la défense présentée par Mme Pascale Y... :

Vu les dispositions des articles 963 et suivants et 1635 bis P du code général des impôts, Mme Pascale Y... sera déclarée irrecevable en sa défense pour n'avoir pas acquitté le droit visé à l'article 1635 bis P du code général des impôts sans pour autant justifier de l'octroi de l'aide juridictionnelle devant la cour en dépit du rappel fait par le greffier par RPVA le 29 août 2017.

Sur la recevabilité de l'assignation en partage au regard du défaut invoqué de justification des diligences entreprises avant l'introduction de l'instance pour parvenir à un partage amiable :

Vu l'article 1360 du code de procédure civile, l'assignation en partage judiciaire doit, notamment, comporter, à peine d'irrecevabilité, la justification des diligences entreprises en vue de parvenir à un partage amiable.

Le demandeur doit justifier les avoir effectuées avant l'introduction de l'instance; l'omission desdites diligences n'est pas susceptible, par hypothèse, d'être régularisée ultérieurement.

En l'espèce, il ressort du jugement, qui s'est fondé sur les pièces produites par Mme Caroline Y..., que :

- le 20 janvier 2014, la demanderesse avait fait connaître à son frère, par l'intermédiaire de son conseil et par lettre recommandée, sa position en ce qui concerne les avantages qu'elle estimait que son frère avait reçus de la part de leur père sous forme de versements de sommes d'argent, dont elle estimait que ces avantages devaient être rapportés à la succession par ce dernier, qu'elle mettait en demeure de les déclarer en vue de leur rapport,

- la teneur de cette lettre caractérise une diligence amiable ; or, la lettre recommandée n'a pas été retirée par son destinataire M. Christophe Y... ainsi qu'il résulte de la pièce n° 2 de Mme Caroline Y... ; cet état de fait caractérise l'échec de cette diligence,

- le 22 janvier 2014, un courriel a été adressé par le notaire chargé par les parties du partage amiable de la succession, Me C..., à M. Christophe Y..., pour lui faire part de la position de Mme Caroline Y... en ce qui concerne des travaux de nettoyage que M. Christophe Y... avait réalisés sur un immeuble dépendant de la succession et que ce dernier entendait voir mettre au passif de ladite succession, ce sur quoi ses s'urs n'étaient pas d'accord, estimant, elles, que ces travaux avaient été réalisés par M. Christophe Y... d'initiative, sans concertation avec elles et sans devis préalable,

- en réponse, par courriel adressé le 24 janvier 2014 par M. Christophe Y... à Me C..., celui-ci indiquait : « ...Je reprendrai le fil du dossier uniquement le jour où mes deux factures seront réglées EN TOTALITE, qu'un courrier signé des deux autres héritières atteste que cette somme ne viendra absolument pas en déduction sur ma part (succession). Ce n'est donc plus la peine de m'envoyer quelque correspondance que ce soit avant.»

En fonction de ces pièces et de la chronologie, qui démontrent que la position de M. Christophe Y... ne permettait pas de poursuivre un partage amiable, c'est ainsi à juste titre que les premiers juges ont déclaré Mme Caroline Y... recevable à agir en partage judiciaire. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur le fond :

Sur la demande de M. Christophe Y... tendant à voir ordonner «la communication de l'intégralité des documents du défunt présentés sous forme de feuilles volantes» :

Cette demande se rapporte au décompte fait par le défunt des dons et avantages consentis au fil du temps à ses enfants ; elle présuppose l'existence d'autres documents du défunt que ceux qui sont produits ; or, Mme Caroline Y... le conteste. Une demande de production de pièces dont l'existence même est contestée est sans objet.

Sur les propositions d'attribution présentées par M. Christophe Y...:

Vu les articles 831 à 834 du code civil, ces propositions d'attribution de biens immobilier intéressent par hypothèse le partage amiable et sont sans objet devant la cour.

Sur la contestation par M. Christophe Y... du montant du rapport dont il a été déclaré redevable à hauteur de 115 000 euros + 45 222,90 euros + 113 620 euros + 238 710,12 euros = 512 553,02 euros:

Vu l'article 843 du code civil;

- s'agissant de la reconnaissance de dette établie par M. Christophe Y... datée du 31 janvier 2006 :

Il est constant aux débats que M. Christophe Y... a établi une reconnaissance de dette sous-seings-privés qu'il a signée le 31 janvier 2006 et qui a été enregistrée auprès du service des impôts le 16 mars 2006, par laquelle il reconnaissait devoir à son père une somme totale de 115000 euros que ce dernier lui avait prêtée en plusieurs fois, entre le 30 septembre 2004 et le 30 avril 2005.

M. Christophe Y... s'engageait aux termes de cette reconnaissance de dette à rembourser sa dette à son père en 7 annuités avec intérêts au taux de 2,5 % par an.

La mention figurant à l'acte selon laquelle le remboursement du capital et des intérêts sera effectuée « en bonnes espèces ayant cours» ne signifie pas que M. Christophe Y... est déchargé de son obligation de rapporter la preuve de ce paiement.

M. Y... ne démontre par aucune pièce avoir remboursé tout ou partie de ce prêt.

Comme l'ont estimé les premiers juges, le fait que ce prêt n'ait jamais été remboursé, fut-ce en partie, alors que la reconnaissance de dette remonte à l'année 2006, doit entraîner la conclusion que le défunt avait volontairement renoncé à recouvrer sa créance envers son fils, ce qui caractérise, compte tenu du lien de filiation, de l'âge du donateur et des difficultés financières éprouvées par son fils, l'intention libérale et justifie la requalification de ce prêt en donation, laquelle est rapportable.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

- s'agissant de la donation indirecte résultant de l'acquittement par Oswald Y... du solde restant dû par M. Christophe Y... au titre d'un contrat de crédit-bail contracté par ce dernier auprès de la Banque Populaire Côte d'Azur pour l'achat d'un camion-benne de marque MAN :

M. Christophe Y..., qui ne conteste pas que son père se soit acquitté du solde restant du au titre de ce contrat, soit une somme de 45 222,90 euros, soutient que ce paiement ne vaut pas donation indirecte du montant correspondant, au motif que son père a, en réalité, acquis le véhicule auprès de la banque, ainsi qu'il ressort du certificat de vente, et que, par la suite, son père qui en avait disposé librement, lui a revendu ce camion en 2010 pour le prix de 10000 euros.

Les premiers juges ont estimé que le paiement de la dette du fils effectué par le père pour le compte de ce dernier constituait une donation rapportable.

La preuve d'une donation indirecte peut être rapportée par tout moyen.

En l'espèce:

- la comptabilisation dans les papiers personnels du défunt de ce financement parmi les dons faits à son fils tend à l'établir,

- de même, le fait que la carte grise du véhicule qui est un camion benne de 35 t de PTAC soit toujours restée au nom de M. Christophe Y....

- Mme Caroline Y... établit ensuite que ce camion, immatriculé dans le Var lorsqu'il a été acheté par M. Christophe Y..., dont l'entreprise de terrassement avait son siège à Saint-Raphaël (83), a été réparé par le garage VVO, distributeur agréé de la marque MAN sis à Cavaillon (84) après un dépannage du camion en mars 2009 à Saint-Raphaël suivant facture d'un montant de 4 178,85 euros du 30 mars 2009 ainsi que le démontre sa pièce n° 44, ce qui tend à confirmer que le camion n'a jamais quitté le midi de la France où M. Christophe Y... exerçait son activité professionnelle, et qu'il est toujours resté à sa disposition.

Le paiement par Oswald Y... de cette facture de 4 178,85 euros recensée au titre des dons faits à son fils (pièce n° 9 page 2 de Mme Caroline Y...) le confirme.

- enfin, M. Christophe Y... ne rapporte pas la preuve du paiement à son père de la somme de 10 000 euros dont il se prévaut pour être le prix auquel il aurait racheté ledit camion à son père en octobre 2009, suivant facture non signée datée du 1er octobre 2009.

Dès lors, au regard des pièces n° 7, 9, 11,14 à 18 produites par Mme Caroline Y..., il est démontré que le défunt a indirectement donné à son fils la somme de 45222,90 euros représentant le montant du remboursement des sommes restant dues au titre du crédit-bail relatif à ce camion MAN, dont M. Christophe Y... était redevable envers la Banque Populaire Côte d'Azur.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

- s'agissant du rachat par le défunt d'une pelle mécanique de marque Caterpillar:

Il ressort des pièces n° 7, 8, 46, 47 produites par Mme Caroline Y... que cet engin a été acheté neuf par la société Caterpillar Finance en juin 2002 pour le donner en location, suivant contrat de crédit-bail, à l'entreprise «Y... TP» de M. Christophe Y... en juin 2002.

M. Christophe Y... reconnaît que son père a remboursé le montant restant dû au titre de ce contrat de crédit-bail à la société Bergerat Monnoyeur qui était devenue locataire de l'engin, suivant facture «de vente» du 18 juillet 2007 établie au nom de «entreprise Y... Oswald» pour le prix de

113 620 euros, somme dont le défunt s'est appauvri en l'état de 4 chèques établis à l'ordre de la société Bergerat Monnoyeur.

Par la suite, une facture non signée a été établie en date du 1er octobre 2009, selon laquelle M. Oswald Y... revendait cet engin à son fils pour le prix de 20000 euros.

Toutefois, comme pour le camion MAN, M. Christophe Y... ne démontre pas s'être acquitté de ce montant entre les mains de son père.

Les pièces ci-dessus, la chronologie, la position, contraire à toute vraisemblance, adoptée par l'appelant et le parallèle fait avec les opérations effectuées concernant le camion MAN démontrent ensemble que le défunt a indirectement donné à son fils la somme de 113620 euros représentant le coût du rachat de l'engin de chantier.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

- sur les donations de sommes d'argent,postérieures aux causes de la reconnaissance de dette du 31 janvier 2006 :

Les papiers domestiques retrouvés au domicile du défunt sont une source de preuve des faits invoqués par Mme Caroline Y... relativement aux remises de fonds alléguées par elle comme ayant profité à l'appelant et devant être qualifiées de donations rapportables en tant que telles, puisque recensées à ce titre par Oswald Y....

M. Christophe Y... ne reconnaît que la matérialité des remises de fonds effectuées par chèques et conteste celles figurant comme faites en espèces ou par mandat-cash alors que le défunt a mentionné sous une rubrique «Christophe» des remises de sommes en espècesou par mandat-cash.

Le contexte du litige et la chronologie établissent que le défunt a donné à son fils des espèces et des sommes par mandat-cash dûment décomptées par lui dans ses papiers domestiques, comptabilité qui ne s'explique que par le souci du défunt de faire les comptes de ce qu'il avait donné à chacun de ses enfants.

Le jugement sera également confirmé sur ce point en ce qu'il a retenu que M. Christophe Y... devait rapport à la succession d'une somme totale de

238 710,12 euros

Sur le recelsuccessoral :

Vu l'article 778 du code civil;

Le tribunal a considéré à juste titre que M. Christophe Y... n'avait à aucun moment fait part à ses cohéritiers de l'existence de ces donations et, au contraire, par la suite, les avait contestées y compris en justice.

La position adoptée par l'appelant depuis l'ouverture de la succession et jusqu'à ce jour a consisté à dissimuler puis à contester pied à pied l'existence des donations, directes ou indirectes, qu'il avait reçues du défunt, en vue de rompre l'égalité du partage à son profit et au détriment des autres héritiers.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande de M. Christophe Y... tendant à voir ordonner le dépôt d'une déclaration de succession complémentaire:

Vu l'article 800 du code général des impôts, il appartient à tout héritier de procéder à cette formalité. La demande sera rejetée.

Sur le montant du rapport dû à la succession par Mme Caroline Y... au titre de la donation par le défunt d'un terrain sis à Bilieu:

La valeur du bien donné telle qu'elle a été fixée dans l'acte de donation n'a aucun intérêt pour le litige.

Selon les dispositions de l'article 860 du code civil, le rapport est dû de la valeur du bien donné au jour du partage, suivant son état à l'époque de la donation.

Mme Caroline Y... estime, sur la base d'évaluations émanant de deux agences immobilière, que le terrain, dont il est constant que l'état n'a pas changé depuis la date de la donation, doit être évalué pour le partage à une valeur moyenne de 87 500 euros.

M. Christophe Y... estime quant à lui la valeur du bien à 126 000 euros en l'état de la mise en vente sur un site internet : «seloger.com», d'un terrain sis dans la même commune à un prix au m² correspondant à cette évaluation.

Toutefois, le document produit par l'appelant n'a aucune valeur probante de la valeur du terrain dont il est question : il s'agit du prix dit « de présentation» d'un terrain constructible qui ne situe pas a priori au sein d'un lotissement, et les éléments de comparaison sont manquants.

Le terrain donné à Mme Caroline Y... se situe en effet dans un lotissement, ce qui réduit sa valeur vénale par rapport à un terrain hors lotissement ; M. Christophe Y... ne produit pas d'évaluation du terrain donné à sa soeur qui contredirait les deux avis de valeur produits par cette dernière.

En conséquence, la valeur rapportable de cette donation sera fixée à 87 500 euros outre les frais et droits, qui ont été pris en charge par le donateur, ce qui résulte des papiers domestiques du défunt et n'est pas contesté par Mme Caroline Y..., soit 8 993 euros soit le montant du rapport devant être relevé à 96 493 euros, le jugement étant infirmé sur ce point.

Sur la demande d'application de la sanction du recel à Mme Caroline Y...:

Vu les dispositions de l'article 778 du code civil, M. Christophe Y... ne démontre pas que sa soeur, Mme Caroline Y..., ait recelé des biens ou des droits dépendant de la succession de leur père.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande de Mme Caroline Y... tendant à voir engager la responsabilité quasi-délictuelle de M. Christophe Y... pour refus de vendre amiablement les immeubles dépendant de la succession afin de payer les droits de succession :

Par courriel du 2 octobre 2017, Mme Caroline Y... faisait écrire par son conseil au conseil de Monsieur Christophe Y... : « Je vous remercie de m'indiquer officiellement si votre client accepterait de régulariser les ventes des biens suivants [...]» (s'agissant de biens immobiliers dépendant de la succession).

En réponse, Monsieur Christophe Y... répondait par l'intermédiaire son conseil le 19 octobre 2017 qu'il n'était pas opposé à la vente des biens en question mais que cela ne pouvait s'entendre que dans le cadre d'un règlement amiable du partage dans sa globalité, qu'un rendez-vous entre les parties était nécessaire, que, s'agissant des ventes d'immeubles, il apparaissait opportun que plusieurs agences immobilières soient mandatées.

Ces échanges n'ont pas eu de suite, tandis que la disposition du jugement qui autorisait Mme Caroline Y... à mettre en vente seule les biens immobiliers sis à Tullins, Voiron et Coublevie si l'accord des parties pour les vendre était remis en cause, ne bénéficiait pas de l'exécution provisoire et que Monsieur Christophe Y... en avait relevé appel le 17 juillet 2017.

Or, dans ses premières conclusions d'appel, M. Christophe Y... ne s'exprimait pas sur la nécessité de vendre certains immeubles pour payer les droits de succession, tandis qu'à l'inverse, dès ses premières conclusions d'appel, notifiées le 5 décembre 2017, Mme Caroline Y... concluait à la responsabilité de son frère résultant de son obstruction à la vente des biens immobiliers.

M. Christophe Y... n'a toujours pas pris position dans ses dernières conclusions devant la cour sur ce point et poursuit de toute évidence le «pourrissement» de la situation et l'acculement financier de ses soeurs afin que ces dernières en passent par ses exigences.

Il a conclu encore en dernier lieu sur l'attribution amiable de tel ou tel bien immobilier, qui n'est plus d'actualité.

M. Y... est en faute en raison de son inertie, sinon de son obstruction délibérée à la mise en vente amiable d'immeubles de la succession.

En conséquence, conformément à la demande de Mme Caroline Y..., Monsieur Christophe Y... sera, dans ses rapports avec elle, seul tenu à compter du 5 décembre 2017, date des premières conclusions d'intimée de Mme Caroline Y... valant mise en demeure, des pénalités fiscales, intérêts et frais consécutifs au défaut d'acquittement des droits de succession dans les délais légaux.

Les autres dispositions du jugement, non contestées, seront confirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

Déclare Mme Pascale Y... irrecevable en sa défense,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a dit que Mme Caroline A... devra rapporter à la succession la somme de 87500 euros au titre de la donation consentie par son père en 2004,

Statuant à nouveau sur ce point,

Dit que Mme Caroline Y... épouse A... devra rapporter à la succession la somme totale de 96493 euros reçue directement ou indirectement de son père à l'occasion de la donation consentie par acte notarié du 27 juillet 2004,

Confirme le jugement déféré en ses autres dispositions,

Y ajoutant,

Désigne Me C... notaire à Voiron pour poursuivre les opérations de partage dans les termes du présent arrêt,

Déclare Monsieur Christophe Y... responsable vis-à-vis de Mme Caroline Y... du défaut d'acquittement des pénalités fiscales intérêts de retard et frais consécutifs au défaut d'acquittement des droits de succession dans les délais légaux,

Le condamne à rembourser à Mme Caroline Y... les sommes dont elle justifiera s'être acquittée à ce titre pour le compte de la succession échues à compter du 5 décembre 2017,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Christophe Y... à payer à Mme Caroline Y... la somme de 2 500 euros, et le déboute de sa demande sur ce fondement,

Le condamne aux dépens de l'instance d'appel.

PRONONCÉ par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

SIGNÉ par Madame P. GONZALEZ, présidente et par Madame A. AMARI, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chbre des aff. familiales
Numéro d'arrêt : 17/03595
Date de la décision : 22/01/2019

Références :

Cour d'appel de Grenoble 03, arrêt n°17/03595 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-01-22;17.03595 ?
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