RG N° 17/01857
N° Minute :
G.D./FB
Copie exécutoire délivrée
le :
à
la X...
Me Emilie Y...
Z...
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
2EME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MERCREDI 19 DECEMBRE 2018
Appel d'un Jugement (N° R.G. 16/05125)
rendu par le Juge de l'exécution de GRENOBLE
en date du 21 mars 2017
suivant déclaration d'appel du 07 Avril 2017
APPELANTE
Maître Marie-Thèrèse A...
[...]
[...]
Représentée par Me Catherine B... de la X..., avocat au barreau de GRENOBLE, substitué par Me C..., avocat au barreau de GRENOBLE,
INTIMES
Monsieur Christophe D...
né le [...] à La Tronche (38700)
de nationalité Française,
[...]
Monsieur Carole E... épouse D...
né le [...] à GRENOBLE (38000)
de nationalité Française,
[...]
Tous deux représentés par Me Emilie Y..., avocat au barreau de GRENOBLE,
SCI SAHELAC
immatriculée au RCS de CHAMBERY sous le n° 453 808 685, prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés [...]
Représentée par Me David F... de la Z..., avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et ayant pour avocat plaidant Me Nicole G..., avocat au barreau de PARIS,
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ:
Monsieur Gérard DUBOIS, Président,
Monsieur Laurent GRAVA, Conseiller,
Madame Véronique LAMOINE, Conseiller,
DÉBATS :
A l'audience publique du 24 Avril 2018, Monsieur Gérard DUBOIS, Président, chargé du rapport d'audience et Monsieur Laurent GRAVA, Conseiller, assistés de Mme Morgane MATHERON, Greffier en pré-affectation, ont entendu seuls les avocats en leurs conclusions, les parties ne s'y étant pas opposées, conformément aux dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile.
Il en a été rendu compte à la Cour dans son délibéré fixé le 12 juin 2018, délibéré prorogé, pour l'arrêt être rendu ce jour.
FAITS, PRETENTIONS ET PROCEDURE:
Par acte du 12 octobre 2016, la société civile immobilière SAHELAC a attrait devant le Juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE maître Marie-Thérèse A..., Notaire à SAINT LAURENT DU PONT aux fins de voir délivrer à son encontre un titre exécutoire en application de l'article R. 211-9 du code des procédures civiles d'exécution, et sa condamnation à lui payer 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.
Elle exposait que:
- par décision du 11 février 2008, confirmée par arrêt de la cour d'appel de Grenoble du 31 mars 2011, le tribunal de commerce de Grenoble a condamné Monsieur Christophe D... à lui payer 74.800,93euros outre intérêts capitalisés à compter du 5 juillet 2006 et à 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ayant appris que Monsieur et Madame D... avaient vendu des parcelles et que le notaire chargé de la vente était maître A..., elle a pratiqué une saisie-attribution auprès de ce notaire et que cette mesure d'exécution n'a pas été contestée par Monsieur D...,
- lors de la saisie attribution, Maître A... a déclaré détenir 220.000 euros et a mentionné l'existence de créanciers privilégiés au titre du remboursement de crédit hypothécaire : 79.398,77 euros + 800 euros et de l'hypothèque légale du Trésor Public ; 14.674 euros + 42.003 euros et a indiqué avoir pris note de sa saisie,
- Maître A... a par conséquent déclaré détenir exactement la somme de 83.124,33 euros pour le compte exclusif de Monsieur D... au visa de l'article L 211-3 du code des procédures civiles d'exécution et n'est pas recevable à soutenir qu'elle détenait pour le compte de la seule indivision D... la somme litigieuse,
- le refus de maître A... d'exécuter la saisie-attribution justifie la délivrance d'un titre exécutoire à son encontre.
Maître Marie-Thérèse A... a fait valoir n'avoir jamais déclaré lors de la saisie-attribution détenir des sommes disponibles pour le compte de Monsieur Christophe D... à hauteur de 82.124,23 euros, que la société SAHELAC n'ignorait pas que le prix de la vente du bien immobilier des époux D... était en réalité indivis en raison des mentions portées sur le bordereau d'inscription d'hypothèque judiciaire du 18 septembre 2015 et qu'elle n'avait vocation à appréhender la quote part indivise de Monsieur D... sur le prix de vente que lorsque le partage du prix sera effectué.
Monsieur Christophe D... et Madame Carole E... épouse COLLIATsoient intervenus volontairement à l'instance pour s'opposer aux demandes de la société SAHELAC.
Par jugement du 21 mars 2017, le Juge de l exécution du Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE a:
-déclaré irrecevable l'intervention volontaire de Monsieur Christophe D... et de Madame Carole E... épouse D...,
-condamné Maître Marie-Thérèse A..., tiers saisi, à payer à la société civile immobilière SAHELAC la somme de 83.124,33 €, outre intérêts au taux légal à compter de la signification du certificat de non contestation,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
-condamné maître Marie-Thérèse A... aux dépens.
Maître Marie-Thérèse A... a interjeté appel du jugement par déclaration du 7 avril 2017.
Aux termes de ses conclusions notifiées le 23 octobre 2017, elle demande à la cour de:
INFIRMER en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Juge de l'Exécution de GRENOBLE le 21 mars 2017.
Statuant de nouveau,
DIRE et JUGER recevable et bien fondé l'appel interjeté par Maître A... à l'encontre de ce jugement.
CONSTATER que le Juge de l'Exécution a compétence pour se prononcer sur toutes les difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations s'élevant à l'occasion de l'exécution forcée.
CONSTATER que le Juge de l'Exécution est tenu, s'agissant d'une contestation relative à la saisie-attribution pratiquée par la S.C.I. SAHELAC, de déterminer si les sommes détenues en l'étude de Maître A... pouvaient être appréhendées par le créancier, alors même qu'elles correspondaient au prix de vente d'un bien indivis.
CONSTATER que Madame I... n'a jamais déclaré à l'huissier qu'elle détenait des sommes disponibles pour le compte de Monsieur D... à hauteur de 83.124,23 Euros.
CONSTATER que la S.C.I. SAHELAC ne pouvait ignorer que le produit de la vente provenait de la vente du bien immobilier indivis des époux D... compte tenu des mentions portées dans le bordereau d'inscription d'hypothèque judiciaire du 18 septembre 2015.
CONSTATER que le créancier personnel d'un indivisaire ne peut saisir une somme indivise.
CONSTATER que la S.C.I. SAHELAC n'a vocation qu'à pouvoir appréhender la quote-part indivise de Monsieur D... sur le prix de vente lorsque le partage du prix aura été effectué, ce qui n'est pas le cas à ce jour.
CONSTATER que la S.C.I. SAHELAC ne justifie d'aucun préjudice indemnisable à l'encontre de Maître A... en lien avec les conditions de signification de la saisie- attribution du 9 octobre 2015.
En conséquence,
DEBOUTER la S.C.I. SAHELAC de l'intégralité de ses prétentions formées à l'encontre de Maître A....
CONDAMNER la S.C.I. SAHELAC à verser à Maître A... une somme de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du CPC.
CONDAMNER la S.C.I. SAHELAC aux entiers dépens de l'instance distraction faite au profit de la X..., avocat sur son affirmation de droit.
Aux termes de leurs conclusions notifiées le 5 septembre 2017, Monsieur Christophe D... et Madame Carole E... épouse D... demandent à la cour de:
INFIRMER le jugement rendu par le Juge de l'exécution de Grenoble le 21 mars 2017,
Et statuant à nouveau,
DIRE ET JUGER que l'intervention volontaire de Madame D... est recevable,
CONDAMNER la SCI SAHELAC à verser à Madame D... la somme de 5 797,59 € en réparation du préjudice subi du fait du retard pris dans la distribution du prix de la vente du 6 octobre 2015 en raison de la procédure intentée par la SCI SAHELAC.
CONDAMNER la SCI SAHELAC à verser à Madame D... la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
CONDAMNER la SCI SAHELAC aux entiers dépens.
Aux termes de ses conclusions notifiées le 18 septembre 2017, la SCI SAHELAC demande à la cour de:
CONFIRMER le jugement attaqué en toutes ses dispositions,
DEBOUTER Me A... de son appel et Madame D... de son intervention,
CONDAMNER les deux solidairement à verser à la société SAHELAC la somme de 5 000 € au titre de l' article 700 du code de procédure civile ainsi qu aux dépens dont distraction au profit de la Z... sur son affirmation de droit.
Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article 455 du code de procédure civile de se reporter à leurs écritures sus-visées.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 décembre 2017.
EXPOSE DES MOTIFS:
Sur la recevabilité de l'intervention volontaire des époux D...:
Nonobstant le fait que Monsieur Christophe D... n'a pas élevé de contestation dans le délai d un mois en vertu de l'article R. 211-10 du code des procédures civiles d'exécution contre la saisie-attribution qu'a fait pratiquer à son encontre la SCI SAHELAC le 9 octobre 2015 entre les mains de Me A..., Notaire, il était néanmoins recevable en son intervention volontaire à une action engagée contre le tiers saisi qui refuse de payer le créancier saisissant, nonobstant la signification du certificat de non-contestation, ne serait-ce qu'aux fins d' information dès lors que le tiers-saisi développe des moyens de défense visant à contester être redevable au jour de la saisie d'une quelconque somme disponible à l'égard du seul saisi.
L' intervention volontaire de Madame Carole E..., épouse D..., à l' instance introduite contre le tiers saisi apparaît avoir un lien suffisant avec ce litige dès lors qu'elle revendique au jour de la saisie la propriété indivise de la somme faisant l'objet de la saisie-attribution litigieuse.
En conséquence, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable l'intervention volontaire de Monsieur Christophe D... et de Madame Carole E... épouse D....
Sur la demande de condamnation de Me Marie-Thérèse A... aux causes de la saisie dans la limite de la somme dont elle s'est reconnue débitrice à l'égard de Monsieur Christophe D...:
Le tiers saisi poursuivi au visa des articles R 211-6 et R 211-9 du code des procédures civiles d'exécution à titre personnel par le créancier ayant fait pratiquer une saisie-attribution en paiement des causes de la saisie à hauteur de la somme dont il s'est déclaré débiteur à l'égard du saisi est parfaitement recevable à opposer comme moyen de défense le fait que nonobstant ses déclarations, il n'était en réalité pas débiteur du saisi au jour de la mesure d'exécution forcée litigieuse, sans qu'il ne puisse lui être opposé le délai d'un mois de l'article R. 211-10 du code des procédures civiles d'exécution dès lors qu'il ne s agit pas d une contestation de la saisie-attribution en elle-même mais d'un moyen de défense à l'action en paiement engagée par le créancier à l'encontre du tiers saisi.
Or, Me A... a manifestement répondu de manière erronée en ces termes à l'huissier instrumentaire qui a fait pratiquer pour le compte de la SCI SAHELAC à l'encontre de Monsieur Christophe D..., seul, une saisie-attribution pour un montant en principal, intérêts et frais de 102 673,93 euros: «nous détenons la somme de 220 000 euros. Les créanciers privilégiés sont: 79 398,77 euros + 800 euros remboursemnt au crédit hypothécaire. 14 647 + 42 003 euros: hypothèque légal du Trésor Public. Nous prenons acte de votre saisie».
En effet, il ressort des pièces du dossier:
- que les époux D... se sont mariés sous le régime de la séparation de biens, selon un contrat de mariage dressé le 27 novembre 2000,
- qu'ils ont acquis par acte du 30 septembre 2002 de la société BORDIER IMMOBILIER un bien immobilier sis sur la Commune de SAINT CHRISTOPHE SUR GUIERS (ISERE) cadastré section [...] et [...], ladite acquisition ayant été faite pour moitié indivise chacun,
- qu'ils ont ensuite revendu par acte du 6 octobre 2015 ledit bien immobilier pour un prix de 220 000 euros correspondant au montant déclaré par le Notaire dans l'acte du 9 octobre 2015 et confirmé par les relevés de compte de la comptabilité du Notaire produits aux débats par les époux D....
Il ne ressort aucunement de l'acte du 6 octobre 2015 qu il est opéré, en sus de la vente, partage des droits indivis des époux D....
L'indivision ayant existé entre les époux D... sur le bien s'est donc reportée sur le prix de vente.
Les décomptes de l'étude notariale produits aux débats par les époux D... ne valent aucunement partage puisqu'il s'agit de documents comptables de travail, l'acte de partage n'ayant été dressé que le 16 janvier 2017.
L'article 815-17 du code civil s'oppose à ce qu un créancier personnel d'un indivisaire procède à la saisie d'un bien indivis, la seule action lui étant ouverte étant de provoquer le partage de l'indivision ou d'intervenir à celui-ci.
Il s'en déduit qu'au jour de la saisie-attribution litigieuse, Me A... n'était débitrice d'aucune somme disponible à l'égard de Monsieur Christophe D..., seul débiteur visé par la mesure d'exécution forcée.
Les moyens développés par le créancier saisissant sur le fait que le Notaire ne peut remettre en cause ses déclarations à l'huissier instrumentaire sont parfaitement inopérants dans la mesure où la SCI SAHELAC fonde son action en paiement contre le tiers saisi uniquement sur les articles R 211-6 et R 211-9 du code des procédures civiles d'exécution visant à obtenir le paiement par le tiers saisi des causes de la saisie dans la limite de la somme qu'il a déclarée, à la condition que le tiers saisi soit effectivement débiteur au jour de la saisie d'une somme disponible à l'égard de la personne visée par la saisie, ce qui n'est pas le cas en espèce.
En effet, la fausseté ou l'inexactitude des déclarations du tiers saisi relève de l'action autonome en dommages et intérêts de l'article R. 211-5 alinéa 2 du code des procédures civiles d'exécution dont ne se prévaut pas dans le cadre de la présente procédure la SCI SAHELAC.
En conséquence, le jugement entrepris doit être réformé de ce chef et la SCI SAHELAC déboutée de sa demande de condamnation de Me A..., Notaire, à lui payer la somme de 83 124,33 euros, outre intérêts moratoires.
Sur la demande indemnitaire formée par Madame D... à l'encontre de la SCI SAHELAC:
Au visa de l'article L 121-2 du code des procédures civiles d'exécution, Madame D... ne rapporte pas la preuve suffisante que la SCI SAHELAC a commis une faute dommageable en poursuivant la saisie-attribution litigieuse dès lors que le créancier saisissant a pu être trompé de bonne foi par les déclarations qui se sont révélées inexactes du tiers saisi et par le fait que le saisi lui-même, Monsieur D..., n'a élevé dans le délai d'un mois aucune contestation devant le Juge de l'exécution pour contester la propriété des fonds.
Au demeurant, rien n'empêchait à Madame D... de prendre l'initiative du partage de l'indivision, ce qui a manifestement été fait par acte du 16 janvier 2017, la SCI SAHELAC étant étrangère aux relations entre Madame D... et Me A... et n'ayant de ce fait pas à répondre des conditions dans lesquelles le Notaire gère les fonds détenus notamment pour son compte en procédant ou non à leur déblocage.
La demande indemnitaire de Madame D... à l'encontre de la SCI SAHELAC doit en conséquence être rejetée.
Sur les demandes accessoires:
Au visa de l'article 696 du code de procédure civile, dès lors qu'elle est partie perdante à l'instance, la SCI SAHELAC doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
Au visa de l'article 700 du code de procédure civile, l'équité commande de rejeter les demandes d'indemnité de procédure.
PAR CES MOTIFS;
La Cour,
statuant publiquement par mise à disposition au greffe par arrêt contradictoire rendu après en avoir délibéré
REFORME le jugement déféré en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau et y ajoutant:
DECLARE recevables en leur intervention volontaire Monsieur Christophe D... et Madame Carole E..., épouse D....
DEBOUTE la SCI SAHELAC de sa demande à l'encontre de Maître Marie-Thérèse A... en paiement de la somme de 83 124,33 €.
DEBOUTE Madame Carole E..., épouse D..., de sa demande indemnitaire à l'encontre de la SCI SAHELAC.
REJETTE les demandes des parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE la SCI SAHELAC aux dépens de première instance et d'appel, avec application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la X... avocat,
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame Véronique LAMOINE, conseiller pour le Président empêché et par le Greffier, Carole H..., présente lors de la mise à disposition, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER,LE CONSEILLER,