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25/09/2018 | FRANCE | N°16/01903

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section a, 25 septembre 2018, 16/01903


PS



RG N° 16/01903



N° Minute :



























































































Notifié le :



Copie exécutoire délivrée le :







Me Serge X...



la SELARL AEGIS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAI

S



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 25 SEPTEMBRE 2018







Appel d'une décision (N° RG F 14/00116)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTELIMAR

en date du 07 mars 2016

suivant déclaration d'appel du 06 Avril 2016



APPELANT :



Monsieur Guillaume Y...

de nationalité Française

[...]



comparant en personne, assisté de Me Serge X..., ...

PS

RG N° 16/01903

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

Me Serge X...

la SELARL AEGIS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 25 SEPTEMBRE 2018

Appel d'une décision (N° RG F 14/00116)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTELIMAR

en date du 07 mars 2016

suivant déclaration d'appel du 06 Avril 2016

APPELANT :

Monsieur Guillaume Y...

de nationalité Française

[...]

comparant en personne, assisté de Me Serge X..., avocat au barreau d'AVIGNON

INTIMES :

Maître Geoffroy Z... es qualités de mandataire liquidateur judiciaire de la SA TAILOR ACTM INTERNATIONAL,

de nationalité Française

[...]

représenté par Me Eric A... de la SELARL AEGIS, avocat au barreau de VALENCE substituée par Me Cindy B..., avocat au barreau de VIENNE

DELEGATION REGIONALE UNEDIC / AGS SUD EST CGEA D'ANNECY prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié [...]

[...]

représentée par Me C... D... de la SELAS AGIS, avocat au barreau de VIENNE substituée par Me Cindy B..., avocat au barreau de VIENNE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ:

Monsieur Philippe SILVAN, Conseiller faisant fonction de Président,

Madame Valéry CHARBONNIER, Conseiller,

Madame Magali DURAND-MULIN, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 11 Juin 2018,

M. Philippe SILVAN, chargé du rapport, et Mme Valéry CHARBONNIER, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistés de Melle Sophie ROCHARD, Greffier, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 25 Septembre 2018, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 25 Septembre 2018.

Exposé du litige:

Selon contrat à durée indéterminée du 26 juin 2006, Y... a été embauché par la SAS ACTM en qualité de technico-commercial. Son contrat de travail a été ultérieurement transféré à la SA Tailor ACTM International. Au dernier état de la relation de travail, il exerçait les fonctions de directeur commercial export.

Par jugement du 19 décembre 2011, le tribunal de commerce de Romans/Isère a ouvert une procédure de sauvegarde au profit de la SA Tailor ACTM International. Le plan de sauvegarde a été arrêté le 12 septembre 2012.

Le 30 mars 2012, Y... a fait l'objet d'un licenciement pour motif économique, 8 autres salariés ont également fait l'objet d'un licenciement pour motif économique. Le 3 avril 2012, Y... a adhéré à un contrat de sécurisation professionnelle.

Le 25 avril 2014, Y... a saisi le conseil de prud'hommes de Montélimar d'une contestation de son licenciement.

Par jugement du 6 août 2014, la SA Tailor ACTM International a été placée en redressement judiciaire. Le 23 octobre 2014, la liquidation judiciaire de la SA Tailor ACTM International a été prononcée.

Par jugement du 7 mars 2016, le conseil de prud'hommes de Montélimar a :

'constaté que la SA Tailor ACTM International avait été déclarée en redressement judiciaire sur résolution du plan le 6 août 2014 puis en liquidation judiciaire le 23 octobre 2014,

'donné acte à l'AGS et au CGEA de leur intervention en application de l'article L.625-1 du code de commerce,

'dit que le licenciement de Y... reposait sur un motif économique,

'dit que le licenciement n'avait pas été abusif ni vexatoire,

'dit que Y... n'avait pas fait connaître à la SA Tailor ACTM International son intention de faire valoir son droit à une priorité de réembauchage,

'dit que l'ordre des licenciements avait été respecté en application de l'article L.1233-5 du code du travail,

en conséquence,

'débouté Y... de ses demandes,

'débouté la SELARL Z..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la SA Tailor ACTM International de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

'déclaré le jugement opposable à l'AGS et au CGEA.

A l'issue des débats et au terme de ses conclusions du 23 septembre 2016 soutenues oralement à l'audience, et auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, Y... demande de :

à titre principal,

'dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

en conséquence,

'fixer sa créance au passif de la SA Tailor ACTM International ainsi qu'il suit:

'90291,16€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

'35000€ à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil pour licenciement abusif et vexatoire,

à titre subsidiaire,

'fixer sa créance au passif de la SA Tailor ACTM International à la somme de 90291,16€ à titre de dommages et intérêts pour violation des critères d'ordre,

en tout état de cause,

'ordonner la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil,

'déclarer commun et opposable le jugement à intervenir à la SELARL Z..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la SA Tailor ACTM International et aux AGS CGEA d'Annecy,

'lui allouer la somme de 5500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

'dire que le centre de gestion et d'étude AGS devra faire l'avance des sommes qui lui sont dues,

'dire que dans l'hypothèse ou à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans le jugement à intervenir, l'exécution forcée devrait être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier de justice, le montant des sommes retenues par l'huissier en application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 n°96/1080 (tarif des huissiers) devra être supporté par le débiteur en sus de l'application de l'article au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Il conteste l'existence d'un motif économique justifiant son licenciement aux motifs:

'que son poste n'a pas été supprimé puisque la SA Tailor ACTM International a procédé au recrutement de E... pour la prise en charge du développement des marchés exports et des grands comptes alors que la responsabilité de ces missions entraient dans le cadre de ses attributions,

'que le registre d'entrées et de sorties du personnel de la SA Tailor ACTM International démontre qu'entre juillet 2012 et septembre 2013, la société a procédé à de nombreuses embauches à des postes extrêmement importants,

'qu'il n'est pas démontré par la SELARL Z..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la SA Tailor ACTM International que ces mentions sont consécutives au transfert de contrats de travail suite à un rapprochement entre plusieurs sociétés,

'que la SELARL Z..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la SA Tailor ACTM International ne verse aux débats aucun document financier de la SA Tailor ACTM International permettant d'apprécier les difficultés économiques rencontrées,

'que la SA Tailor ACTM International a invoqué les conséquences de la crise financière de 2008 alors qu'elle a procédé à son embauche en 2011, soit en pleine connaissance de cause.

Il reproche à la SA Tailor ACTM International d'avoir manqué à son obligation de reclassement à son profit aux motifs:

'qu'elle ne lui a pas proposé le poste de commercial grands comptes France,

'qu'elle soutient, sans le démontrer, que sur 29 emplois, 9 ont été supprimés et qu'elle ne disposait pas de postes disponibles.

Il estime que son licenciement est survenu dans des conditions vexatoires et abusives en raison des conditions dans lesquelles il est survenu et des man'uvres employées par la SA Tailor ACTM International pour se séparer de lui à moindre frais et le remplacer par un nouvel employé.

Il reproche enfin à la SA Tailor ACTM International la violation des critères d'ordre de licenciements au motif qu'il n'est apporté aucun élément permettant d'apprécier objectivement le choix opéré entre les salariés.

Au terme des débats et au terme de ses conclusions du 30 mars 2018 soutenues oralement à l'audience, et auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la SELARL Z..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la SA Tailor ACTM International demande de :

'débouter Y... de l'intégralité de ses demandes,

reconventionnellement,

'condamner Y... à lui payer la somme de 4000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

infiniment subsidiairement,

'limiter à six mois de salaire, en application de l'article L.1235-3 du code du travail alors applicable, les dommages et intérêts susceptibles d'être alloués à Y... et fixer le salaire de référence à 7370,31€ bruts.

Il fait valoir que la SA Tailor ACTM International justifiait d'un motif économique pour procéder au licenciement de Y... aux motifs:

'que la crise économique de 2008, dont les effets se sont faire sentir jusqu'en 2011, ont entraîné une baisse des immatriculations sur le marché français,

'que la SA Tailor ACTM International a du faire face à une concurrence étrangère accrue,

'que le résultat d'exploitation et le résultat net du groupe se sont dégradés,

'qu'au [...], la SA Tailor ACTM International a du être recapitalisée et recourir à l'emprunt,

'qu'en 2011, la SA Tailor ACTM International a recouru à une procédure de conciliation,

'que la baisse des commandes en 2011 l'a contrainte à solliciter l'ouverture d'une procédure de sauvegarde,

'que dans ce cadre, elle a été contrainte de réorganiser ses activités et de procéder à la suppression de postes, dont celui de Y....

Il soutient que la SA Tailor ACTM International a procédé à la suppression effective du poste de Y... aux motifs :

'que Y... n'a jamais été remplacé et que ses missions export ont été reprises par le directeur commercial restant en poste,

'que le responsable grands comptes a été recruté pour remplacer un autre salarié qui avait démissionné,

'que les embauches dont Y... se prévaut sont consécutives au transfert de contrats de travail suite à un rapprochement entre plusieurs sociétés ou au remplacement de salariés ayant quitté l'entreprise (démission, rupture conventionnelle, fin de contrats à durée déterminée ).

Il affirme que la SA Tailor ACTM International s'est acquittée de son obligation de reclassement aux motifs :

'qu'aucun poste correspondant aux aptitudes et capacité de Y... n'était disponible au sein de l'entreprise lors du licenciement de ce dernier,

'que le poste responsable grands comptes n'est devenu disponible qu'après le licenciement de Y...,

'que ce dernier tente de semer la confusion sur le périmètre de cette obligation en versant aux débats divers documents afférents à un groupe avec lequel elle n'a fusionné que postérieurement au licenciement de Y...,

'qu'elle a rempli ses obligations conventionnelles de recherche de reclassement par le biais de la commission paritaire régionale emploi formation professionnelle de Lorraine, la commission paritaire territoriale de l'emploi et de la métallurgie de la Drôme-Ardèche et l'union des industries et métiers de la métallurgie de la Drôme-Ardèche et de la Lorraine.

Il soutient que la SA Tailor ACTM International a respecté les critères d'ordre des licenciements aux motifs :

'que Y... n'a pas sollicité la communication par son employeur des critères d'ordre de licenciements,

'que Y... et l'autre directeur auquel il se compare étaient à égalité quant aux qualités professionnelles et l'ancienneté dans l'entreprise et qu'ils ont été départagés en considération des charges de famille et de l'âge.

Il conteste la violation par la SA Tailor ACTM International des règles relatives à la priorité de réembauchage au motif que Y... n'a pas manifesté sa volonté de bénéficier de la priorité de réembauchage.

Il soutient enfin que Y... ne produit aux débats aucun élément de preuve permettant d'établir que son licenciement est intervenu dans des conditions vexatoires ou abusives.

A l'issue des débats et de ses conclusions du 3 avril 2018 soutenues oralement à l'audience, et auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, l'AGS-CGEA d'Annecy demande de :

'confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Valence du 7 mars 2016

subsidiairement,

'limiter à six mois de salaires les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur la base d'un salaire moyen de 7370,31€,

'débouter Y... de ses autres demandes,

'dire et juger qu'il ne pourra être prononcé de condamnation à son encontre mais que la décision à intervenir lui sera seulement déclarée opposable sur la base des indemnités salariales brutes garanties par l'AGS dans la limite des dispositions des articles L.3253-8 et suivants du code du travail,

'dire que les intérêts légaux seront arrêtés au jour du jugement d'ouverture,

'dire et juger que sa garantie est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l'article D3253-5 du code du travail, soit en l'espèce le plafond 6 d'un montant de 72744€,

'dire qu'elle ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L.3253-8 du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L.3253-15, L.3253-19, L.3253-20, L.3253-21 et L.3253-17 du code du travail,

'dire que son obligation de faire l'avance la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement,

'dire qu'elle sera mise hors de cause, s'agissant de l'article 700 du code de procédure civile, la capitalisation et des dépens, ces créances n'étant pas salariales.

SUR CE:

Sur les difficultés économiques de la SA Tailor ACTM International :

L'article L.1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable à l'époque, dispose que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

Il est de jurisprudence constante que lorsque l'entreprise appartient à un groupe, les difficultés économiques s'apprécient au niveau du secteur d'activité du groupe auquel appartient l'entreprise.

En l'espèce, la SA Tailor ACTM International, société holding, détenait les sociétés Trailor, située à Lunéville, et ACTM, située à Montélimar.

Le 15 juillet 2011, le tribunal de commerce de Romans/Isère a homologué l'accord de conciliation conclu entre la SA Tailor ACTM International et ses principaux créanciers. Selon jugement du 19 décembre 2011, le tribunal de commerce de Romans/Isère a ouvert une procédure de sauvegarde au profit de la SA Tailor ACTM International. Le plan de sauvegarde a été arrêté le 12 septembre 2012.

Par ailleurs, selon jugement du 21 décembre 2011, le tribunal de commerce de Nancy a ouvert une procédure de sauvegarde au profit de la société Trailor. Le plan de sauvegarde a été arrêté le 17 octobre 2012.

Enfin, concernant la SAS ACTM, au terme d'une délibération du 23 novembre 2011, ses associés ont décidé de ne pas dissoudre la société bien que ses capitaux propres soient devenus inférieurs à moitié du capital social en raison des pertes. Cette dernière société a été placée sous sauvegarde le 19 décembre 2011. Son plan de redressement a été arrêté le 12 septembre 2012.

Le rapport du cabinet Secafi du 1er mars 2012, produit aux débats par la SELARL Z... ès qualités, n'est relatif qu'au plan de licenciement collectif pour motif économique au sein de la société Trailor de Lunéville et ne comprend aucune indication suffisamment précise sur la situation économique de la SA Tailor ACTM International. En revanche, il ressort clairement du document d'information remis au représentant des salariés le 8 mars 2012 dans le cadre du projet de réorganisation de la SA Tailor ACTM International que le chiffre d'affaires consolidé de la SA Tailor ACTM International a nettement baissé entre 2008 et 2010, que le résultat net a toujours été déficitaire pour les exercices 2008, 2009 et 2010, que les prises de commandes sur la période septembre-décembre 2011 se sont effondrées par rapport à la période septembre-décembre 2010. Il en ressort clairement que le chiffre d'affaires de la SA Tailor ACTM International a régulièrement baissé sur la période 2008-2011 et que, malgré l'accord de conciliation conclu avec ses principaux créanciers et les abandons de créances intervenus dans le cadre de la période d'observation de sa procédure de sauvegarde, devait faire face à des difficultés économiques sérieuses. Le motif économique retenu par la SA Tailor ACTM International pour procéder au licenciement de Y... s'avère donc réel.

Sur la suppression du poste de Y... :

Il est de jurisprudence constante que le licenciement pour motif économique est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsque l'emploi du salarié licencié n'a pas été supprimé.

En l'espèce, Y... a été recruté par la SAS ACTM le 26 juin 2006 en qualité de technico-commercial. Le 1er septembre 2007, son contrat de travail a été transféré à la SA Tailor ACTM International, société holding. Au terme d'un avenant du 10 octobre 2008, il est devenu directeur commercial France. A compter du 1er septembre 2011, il a été nommé directeur commercial Export. Il a été licencié le 30 mars 2012.

Le 12 avril 2012, la SA Tailor ACTM International a fait paraître une offre d'emploi en vue de procédé au recrutement d'un commercial grands comptes. Le 14 juin 2012, la SA Tailor ACTM International a embauché E... à compter du 2 juillet 2012 en qualité de responsable grands comptes groupes. Selon son contrat de travail, son secteur d'activité comprenait le territoire métropolitain pour les clients grands comptes groupe.

Il ressort des pièces produites aux débats que la prime sur objectifs de Y... pour l'année 2009 prévoyait notamment une prime variable calculée sur le développement des réseaux grands comptes alors que la prime sur objectifs pour l'année 2011 est calculée sur le chiffre d'affaires réalisé en France et à l'export mais ne fait aucune référence à l'activité des réseaux grands comptes. Par ailleurs, le témoignage de F..., relatant que la mission grands comptes était réalisée par Y... ne concerne que l'année 2010 et ne permet pas d'établir que jusqu'à son licenciement, Y... était toujours en charge de ce service. Enfin, les mentions de E... sur son profil Linkedin, indiquant l'exercice d'une activité de key account manager au profit de la société Behm International Group sur les secteurs de l'Europe, l'Asie et l'Afrique ne permet pas de caractériser l'exercice par ce dernier d'une mission de directeur export.

Y... ne peut en conséquence valablement prétendre que son poste n'a pas été supprimé par la SA Tailor ACTM International.

Sur l'obligation de reclassement :

L'article L.1233-4 du code du travail édicte que le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient, que le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente, qu'à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure et que les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.

Il est de jurisprudence constante que, sauf fraude, les possibilités de reclassement s'apprécient au plus tard à la date du licenciement. En l'espèce, les embauches au sein de SA Tailor ACTM International relevées dans le registre d'entrée et de sortie du personnel de la SA Tailor ACTM International, dont le recrutement de E..., sont toutes postérieures au licenciement de Y... sans qu'il soit allégué par celui-ci l'existence d'une fraude. Ce dernier ne peut en conséquence faire grief à la SA Tailor ACTM International d'avoir manqué à son obligation de reclassement à son égard.

Sur la priorité de réembauchage :

L'article L.1233-45 du code du travail prévoit que le salarié licencié pour motif économique bénéficie d'une priorité de réembauche durant un délai d'un an à compter de la date de rupture de son contrat s'il en fait la demande au cours de ce même délai.

En l'espèce, Y... ne justifie pas avoir informé la SA Tailor ACTM International de sa volonté de bénéficier de sa priorité de réembauchage. Il ne peut en conséquence faire grief à la SA Tailor ACTM International de ne pas lui avoir proposé les emplois qu'elle a pourvus postérieurement à son licenciement.

Sur le respect des critères d'ordre :

L'article L.1233-5 du code du travail énonce que lorsque l'employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l'absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements, après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel et que ces critères prennent notamment en compte:

1°/ les charges de famille, en particulier celles des parents isolés ;

2°/ l'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise ;

3°/ la situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ;

4°/ les qualités professionnelles appréciées par catégorie.

Il ressort clairement des critères d'ordre de licenciement présentés au représentant des salariés lors de la réunion du 8 mars 2012 portant sur projet de réorganisation de la SA Tailor ACTM International et du tableau établi par l'employeur, à l'encontre duquel Y... ne rapporte aucun élément de preuve probant de nature à en remettre en cause la sincérité, qu'un seul salarié de la SA Tailor ACTM International relevait de la même catégorie professionnelle que Y..., à savoir G..., que tous deux avaient une ancienneté dans l'entreprise et des qualités professionnelles équivalentes mais, qu'en revanche, G... était plus âgé que Y... et avait plus d'enfants à charge. Y... ne peut en conséquence contester l'application des critères d'ordre par Y....

Sur le surplus des demandes:

Y... ne justifie pas que son licenciement est intervenu dans des conditions vexatoires ou abusives. La demande de dommages et intérêts qu'il forme de ce chef s'avère en conséquence infondée.

Enfin Y..., partie perdante qui sera condamnée aux dépens, sera débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

DÉCLARE Y... recevable en son appel,

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Montélimar du 7 mars 2016,

DÉBOUTE Y... de ses demandes,

CONDAMNE Y... aux dépens.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur SILVAN, Président, et par Madame ROCHARD, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section a
Numéro d'arrêt : 16/01903
Date de la décision : 25/09/2018

Références :

Cour d'appel de Grenoble 04, arrêt n°16/01903 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-09-25;16.01903 ?
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