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13/09/2018 | FRANCE | N°16/04798

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section b, 13 septembre 2018, 16/04798


DD



RG N° 16/04798



N° Minute :













































































Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :









la SCP E... X... D...



Me Yves Y...









AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



CO

UR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 13 SEPTEMBRE 2018







Appel d'une décision (N° RG 15/02005)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 29 septembre 2016

suivant déclaration d'appel du 06 Octobre 2016



APPELANTE :



SAS SCHNEIDER ELECTRIC FRANCE

[...]



représentée par Me Laurent E... de la SCP E... X... D..., avocat a...

DD

RG N° 16/04798

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

la SCP E... X... D...

Me Yves Y...

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 13 SEPTEMBRE 2018

Appel d'une décision (N° RG 15/02005)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 29 septembre 2016

suivant déclaration d'appel du 06 Octobre 2016

APPELANTE :

SAS SCHNEIDER ELECTRIC FRANCE

[...]

représentée par Me Laurent E... de la SCP E... X... D..., avocat au barreau de GRENOBLE substituée par Me Sabine X..., avocat au barreau de GRENOBLE,

INTIME :

Monsieur Joëlle Z...

né le [...] à LA TRONCHE

de nationalité Française

[...]

comparant en personne, assisté de Me Yves Y..., avocat au barreau de GRENOBLE,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ:

Mme Dominique DUBOIS, Présidente,

Mme Magali DURAND-MULIN, Conseiller,

M. Jérôme A..., Magistrat honoraire,

Assistés lors des débats de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffier.

DÉBATS :

A l'audience publique du 30 Mai 2018,

Madame Dominique DUBOIS est entendue en son rapport.

Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoiries.

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 13 Septembre 2018.

L'arrêt a été rendu le 13 Septembre 2018.

Madame Joëlle Z... est entrée au service de la société MERLIN GERIN devenue SCHNEIDER ELECTRIC le 1er mars 1982 en qualité d'employée administrative paye.

Au dernier état des relations contractuelles, elle était employée comme assistante administration des ventes.

Du 1er mars au 31 août 2010 , elle a été placée en mi-temps thérapeutique en raison de problèmes de dos.

Elle a été également en arrêt de travail à compter du 17 février 2014 puis a été prolongée et n'a repris le travail que le 11 septembre 2014, a connu des arrêts maladie en octobre, novembre 2014 puis à partir d'octobre 2015.

Le 14 novembre 2015, par courrier recommandé avec accusé de réception, Madame Joëlle Z... a notifié à la Société SCHNEIDER ELECTRIC FRANCE la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail, à ses torts, en raison des griefs suivants:

- la non prise en compte de ses problèmes de santé qui, par leur gravité, nécessitaient un rapprochement de son domicile par le biais d'une mutation,

- la réorganisation de son service et une charge de travail trop lourde

- les entretiens annuels des 27 janvier2014 et 14 février 2014. qui ont généré une dégradation de son état de santé qu'elle impute à l'attitude de son responsable, Monsieur Emmanuel B....

Le 16 décembre 2015, Madame Joëlle Z... a saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble.

Par jugement du 29 septembre 2016 a statué ainsi qu'il suit:

- Dit que le harcèlement moral n'est pas avéré,

- Dit que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail, par Madame Joëlle Z..., est imputable à la Société SCHNEIDER ELECTRIC FRANCE, s' analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et en produit les effets,

CONDAMNE la Société SCHNEIDER ELECTRIC FRANCE à payer à Madame Joëlle Z... les sommes suivantes:

6.529.60 € au titre de l'indemnité de préavis,

652,96 € au titre des congés payés afférents, .

32.648.00 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

lesdites sommes avec intérêts de droit à la date du 23 décembre 2015,

120. 000. € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

1.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

lesdites sommes avec intérêts de droit à la date du présent Jugement.

La société SCHNEIDER ELECTRIC a interjeté appel de cette décision le 6 octobre 2016.

Dans ses écritures en date du 2 janvier 2017, la société SCHNEIDER ELECTRIC demande à la Cour de:

CONFIRMER le jugement entrepris par le Conseil de Prud'hommes de GRENOBLE en ce qu'il a débouté Madame Joëlle Z... de ses demandes relatives à un prétendu harcèlement moral

INFIRMER le Jugement entrepris par le Conseil de Prud'hommes de GRENOBLE en ce qu'il a dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de Madame Joëlle Z... était imputable à la société SCHNEIDER ELECTRIC et emportait les conséquences d'un licenciement abusif;

Et, statuant à nouveau,

DIRE ET JUGER que la société SCHNEIDER ELECTRIC FRANCE a toujours exécuté de bonne foi le contrat de travail de Madame Joëlle Z...;

DIRE ET JUGER que la Prise d'acte de Madame Joëlle Z... du 14 novembre 2015 produira en conséquence les effets d'une démission; DÉBOUTER Madame Joëlle Z... de l'intégralité de ses demandes indemnitaires et salariales;

DÉBOUTER égaiement Madame Joëlle Z... de la demande de communication de documents sociaux de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir, ainsi que du surplus de ses demandes;

CONDAMNER Madame Joëlle Z... à verser à la société SCHNEIDER ELECTRIC FRANCE la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

L'employeur, sur la prise d'acte, expose qu'il a accompli d'importantes démarches pour accompagner la salariée dans le cadre de l'adaptation de son poste de travail à ses problématiques de santé et dans sa démarche de mobilité professionnelle et géographique de 2010 à 2014.

Le comportement prétendument fautif de la société n'a pas été dénoncé pendant ces années par la salariée.

Par ailleurs, aucune réserve n'avait été émise par la médecine du travail quant à l'aptitude de Madame Z... à poursuivre ses fonctions sur son site d'affectation.

Sur les changements d'organisation au sein du service , ils se sont déroulés en 2013, elle est devenue avec son accord conseillère logistique support , et n'ont pas empêché la poursuite du contrat de travail.

S'agissant des entretiens, annuel du 27 janvier 2014 et du 14 février 2014, un désaccord sur le fait que la salariée n'aurait pas atteint en 2013 un certain nombre de ses objectifs ne saurait justifier, plus d'un an et demi plus tard, la rupture du contrat aux torts de l'employeur.

Enfin, si le tribunal des affaires de sécurité sociale a ordonné la prise en charge de cet accident au regard du fait que la décompensation psychique évoquée par Madame Z... serait intervenue au temps et au lieu de travail, M. B... a quitté le service le 11 août 2014 et la salariée était apte à reprendre son travail à compter de cette date.

Sur la dégradation de l'état de santé, les certificats médicaux ne font que refléter les dires de Madame Z... et ne permettent pas de démontrer, de manière certaine, un lien entre la dégradation de son état de santé et l'exécution de son contrat de travail.

La prise d'acte de la salariée doit donc produire les effets d'une démission.

Quant au harcèlement moral, il n'est absolument pas démontré l'existence d'agissements répétés ayant dégradé ses conditions de travail et son état de santé.

Sur les demandes de la salariée, en application de la convention collective de la métallurgie en région parisienne, Madame Z... aurait droit àune indemnité conventionnelle de licenciement de : « 1/5 de mois par année entière à compter de la 1ére + 1/10 de mois par année entière au-delà de 15 ans»

SOIT UN TOTAL DE: 28158.90 € nets.

Et non 32 648 € nets comme elle le réclame.

Elle ne peut réclamer une indemnité spécifique au titre de la nullité du licenciement qui fait double emploi avec les dommages et intérêts pour rupture abusive.

Elle demande à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive, pas moins de 38 mois de salaire alors qu'elle ne justifie d'aucun préjudice causé par la rupture de son contrat de travail intervenue à sa demande.

Dans ses conclusions en date du 17 février 2017, Madame Z... demande à la Cour de:

VOIR dire et juger recevable mais mal fondé l'appel formé par la SOCIÉTÉ SCHNEIDER ELECTRIC.

AU PRINCIPAL:

VOIR dire et juger que la Prise d'acte de MME Z... en date du 14.11.2015 est la conséquence directe d'un harcèlement moral de l'employeur qui n'a pas exécuté le contrat de travail de bonne foi en:

ne respectant pas l'accord de groupe sur l'emploi des travailleurs handicapés

en ne donnant pas suite aux demandes de changement de poste de Madame Z... et notamment de réduction du temps de trajet et ce, pour raisons de santé

en ne respectant pas l'obligation de sécurité résultat

nommant MME Z... à trois postes différents sur une année aggravant ainsi ses conditions de travail

dégradant l'état de santé physique et mental de la salariée

imputant injustement à MME Z... les mauvais résultats du service alors même qu'elle était absente et ce, en l'empêchant de s'exprimer et ce à deux reprises

provoquant un effondrement psychologique le 14.02.2014 tel que MME Z... a été en arrêt de travail immédiat et ce pendant plusieurs mois à tel point, que MME Z... n'a jamais pu reprendre son poste

VOIR par conséquent, prononcer la nullité de la rupture du contrat de travail de MME Z... avec toutes conséquences de droit

SUBSIDIAIREMENT:

VOIR dire et juger que la prise d'acte de MME Z... s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse avec toutes conséquences de droit. DU PRÉJUDICE:

VOIR condamner la SA SCHNEIDER ELECTRIC au règlement des sommes suivantes:

39 177,60 € au titre de l'indemnité spéciale pour nullité du licenciement

6 529,60 euros au titre du préavis

652. 96 euros au titre des congés payés afférents

32 648.00 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement

124 062.40 € à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive

10 000 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice distinct

3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

VOIR enjoindre la STE SCHNEIDER ELECTRIC à remettre à MME Z... les documents sociaux de fin de contrat dûment rectifiés et ce sous peine d'une astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir

VOIR condamner la STE SCHNEIDER ELECTRIC en tous les dépens de première instance et d'appel.

La salariée expose qu'elle a été reconnue travailleur handicapé depuis le 1er mars 2010. cette reconnaissance a été reconduite en mars 2015 jusqu'au 28 février 2025.

En effet , elle souffre de douleurs au dos depuis plusieurs années.

De 2010 à 2014, elle a sollicité de son employeur un poste plus proche de son domicile afin de réduire les temps de trajets domicile/travail la contraignant à une position assise trop prolongée au regard de son poste d'Assistante commerciale qui nécessite déjà cette position assise douloureuse.

En vain puis qu'aucune proposition ne lui a été faite pendant plus de quatre ans.

La société a ainsi méconnu l'accord de groupe concernant les travailleurs et n'a pas respecté les dispositions de l'article L 4121-1 du code du travail relatives à l'obligation de sécurité résultat.

En 2013, au sein du service de M. B..., la salariée a occupé trois postes en un an et sa charge de travail s'est alourdie sans que son salaire, son coefficient, sa classification, ses primes, etc 'n'aient évolué pendant 10 ans.

Le 27 janvier 2014, M. B... lui a fait de nombreux reproches lors de son entretien annuel alors que l'absence de réalisation des objectifs ne pouvait lui être imputée puisqu'au cours de la période de référence MME Z... était absente.

M. B... a maintenu son appréciation malgré un second entretien le 14 février 2014 en présence de la déléguée du personnel, Madame C....

A la suite, elle s'est effondrée psychologiquement, a été placée en arrêt pour accident du travail pour état réactionnel ,syndrome dépressif , anxiété généralisée jusqu'au 10.08.2014.

La salariée souligne qu'elle a été victime d'une stratégie managériale fréquente au sein de la société.

L'employeur a failli à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail.

Elle n'était plus en état de conserver son emploi dans de telles circonstances.

La salariée avait 33 ans d'ancienneté et la moyenne des trois derniers mois de salaires est de 3264,80€.

Elle n'a pas repris d'activité professionnelle , en dehors de quelques travaux précaires , en raison de son burn out.

Elle subit un préjudice distinct de la rupture du fait des circonstances de cette rupture et du fait qu'elle est au chômage longue durée.

SUR CE

- Sur le harcèlement moral:

Il appartient à la salariée d'établir des éléments de fait laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral.

En l'espèce, la salariée se prévaut des faits suivants:

- Le non-respect de l'accord de groupe sur l'emploi des travailleurs handicapés

en ne donnant pas suite aux demandes de changement de poste de Madame Z... et notamment de réduction du temps de trajet et ce, pour raisons de santé

- La nomination de MME Z... à trois postes différents sur une année aggravant ainsi ses conditions de travail

- L'imputation à MME Z... des mauvais résultats du service alors même qu'elle était absente provoquant un effondrement psychologique le 14.02.2014 de la salariée.

- La dégradation de son état de santé

Madame Z... sur le premier point démontre l'existence d'un accord de groupe sur l'emploi des travailleurs handicapés au sein de la société SCHNEIDER FRANCE;

Elle démontre également, comme l'a relevé le conseil de prud'hommes qu'elle souffre de douleurs au dos depuis plusieurs années, a subi une intervention chirurgicale en septembre 2008 et à 1'issue de son arrêt de travail, la médecine du travail 1'a autorisée à poursuivre son activité à mi-temps thérapeutique, un avenant a été régularisé le 12 Mars 2010 pour une diminution du temps de travail, ce jusqu au 31 août 2010.

En outre son état de santé la contraignait chaque année à effectuer une cure thermale en raison de ses douleurs dorsales.

La salariée a été reconnue travailleur handicapée depuis le 1er mars 2010.

Elle a, à plusieurs reprises courant 2010, sollicité de son employeur, un poste de travail plus proche de son domicile afin de réduire les temps de trajet domicile/ travail la contraignant à une position assise trop prolongée et a, durant les années 2011, 2012 et 2013, sollicité la responsable des ressources humaines et la médecine du travail afin d'obtenir un poste adapté à son problème.

Elle s'est également enquise des créations de postes pour postuler.

Mais aucune proposition ne lui a été faite.

Ce fait est donc établi.

Sur le second point, il est établi que la salariée a été nommée à trois postes différents au cours de l'année 2013, soit conseillère logistique d'un portefeuilles clients puis conseillère logistique support le 1er juin 2013 puis à nouveau conseillère logistique affectée à la gestion d'un portefeuille le 23 août 2014;

Ce fait est établi.

Sur le troisième point, il résulte de l'entretien annuel du 27 janvier 2014 suivi d'un autre entretien le 14 février 2014 des résultats opérationnels décevants pour l'année 2013.

Ces entretiens dont le second en présence de la déléguée du personnel Madame C... se sont mal passés , la salariée étant dévalorisée par son manager qui évoque un harcèlement psychologique de ce dernier.

Ce fait est établi.

Il est également établi qu'à la suite de ce second entretien, la salarié a fait un malaise et a été conduite à l'infirmerie puis placée en arrêt de travail.

Le tribunal des affaires de la sécurité sociale a, dans son jugement du 6 octobre 2016 , dit que l'accident survenu à la salariée le 14 février 2014 doit être pris en charge au titre de la législation professionnelle.

Si cette décision est actuellement frappée d'appel, il demeure qu'il est incontestable qu'à la suite de ce second entretien, Madame Z... s'est effondrée psychologiquement.

Sur la dégradation de son état de santé, la salariée produit sa déclaration d'accident du travail pour anxiété généralisée , angoisses, troubles du sommeil à compter du 14 février 2014, des lettres de plusieurs médecins contemporaines des faits sur la détresse psychologique de la salariée, divers éléments faisant état de ce qu'une reprise du travail n'était envisageable qu'après le départ de son supérieur hiérarchique en août 2014, la preuve qu'elle a été en arrêt de travail fin 2014 à nouveau fin 2015.

Ce fait est donc établi.

L'ensemble de ces éléments laisse présumer l'existence d'un harcèlement moral.

Il appartient donc à l'employeur de justifier qu'ils sont fondés sur des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral.

Sur le premier point, l'employeur qui fait partie d'un groupe international ne justifie que de l'envoi de quelques mails sommaires de 2010 à 2013 et non d'une recherche sérieuse de postes adaptés au problème de sa salariée, et ce encore souvent sur rappel de Madame Z....

Sur le second point, l'employeur soutient que les changements de service ont été mis en place avec l'accord de la salariée ce dont il ne justifie pas par le seul envoi de la lettre qu'il adresse à Madame Z... a posteriori le 15 décembre 2015.

Sur le troisième point, l'employeur qui reconnaît dans ses écritures que si certains des objectifs de la salarié n'avaient pu être atteints en raison de son absence, ce que son supérieur hiérarchique avait omis de prendre en compte, n'apporte aucun élément venant contredire les attestations de la déléguée du personnel sur le comportement managérial brutal de ce dernier lors de l'entretien.

Elle ne démontre pas plus qu'elle aurait réagi face au comportement de ce dernier et soutenu ou protégé sa salariée.

Il se contente d'arguer du fait que ce supérieur , M. B..., a été muté aux Pays Bas en août 2014, ce qui n'enlève rien aux faits dénoncés par la salariée.

Sur le surplus, l'employeur ne conteste pas dans ses écritures ni le malaise de Madame Z... le 14 février 2014 ayant entraîné un arrêt de travail de plus de six mois ni la dégradation de l'état de santé de la salariée à compter de l'année 2014.

En conséquence, l'ensemble de ces éléments permet de conclure à l'existence d'un harcèlement moral à l'encontre de Madame Z....

- Sur la prise d'acte:

La salariée a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 14 novembre 2015 en invoquant les faits qu'elle alléguait à l'appui du harcèlement moral.

Ces faits sont établis et graves.

L'employeur soutient qu'ils sont trop éloignés de la prise d'acte puisque M. B... a quitté le service en août 2014;

Cependant, Madame Z..., comme elle le démontre a connu une importante dégradation de son état de santé à compter de février 2014 qui l'a conduit à un arrêt de travail de plus de six mois, puis à prendre ses congés, à effectuer sa cure annuelle, à être de nouveau en arrêt de travail fin 2014 et encore en 2015.

Elle prouve ainsi que ce harcèlement moral a eu des conséquences durables et constitue un manquement grave ayant empêché la poursuite du contrat de travail.

Il s'en suit que la prise d'acte doit être requalifié en licenciement nul, la dégradation de l'état de santé de la salariée étant due au dit harcèlement moral.

Le jugement déféré sera donc infirmé sur ce point.

- Sur les conséquences:

Madame Z... a droit à une indemnité conventionnelle de licenciement, soit en application de la convention collective de la métallurgie , 1/5 de mois par année entière à compter de la 1re + 1/10 de mois par année entière au-delà de 15 ans.

La salariée justifiant de 33,75 ans d'ancienneté et dont le salaire mensuel moyen est de 3264,80 € bruts a donc droit à:

3264,80/5 = 652,96 € x 33,75 ans= 22037 ,40 € nets + 3264,80/10 = 326,48 x 18,75 ans= 6121,50 € nets soit un total de 28158,90 € nets.

Elle a également droit à une indemnité de préavis de 6529,60 € et aux congés payés afférents de 652,96€ outre intérêts de droit à compter du 23 décembre 2015;

Elle a encore droit à des dommages et intérêts pour licenciement nul.L'entreprise compte plus de 11 salariés et Madame Z... avait plus de 33 ans d'ancienneté.

Elle a connu une longue période de chômage ainsi qu'elle en justifie puis effectué quelques missions d'intérim au cours de l'année 2017.

Elle expose ne pas avoir repris d'activité professionnelle mais ne produit pas de pièce sur sa situation actuelle.

Elle est âgée de 58 ans.

Il lui sera donc alloué en réparation de son préjudice la somme de 72.000 €.

Madame Z... n'a pas droit en sus des dommages et intérêts alloués à une indemnité spécifique au titre de la nullité du licenciement qui fait double emploi avec les dommages et intérêts alloués au titre de la rupture.

Par ailleurs, Madame Z... ne prouve pas avoir subi un préjudice distinct autre que celui réparé au titre de la rupture abusive.

Elle ne fait qu'alléguer un préjudice moral compte tenu des circonstances de fait et de droit, motivation des plus vagues, et son préjudice lié à sa situation de chômage de longue durée, élément déjà pris en compte.

Elle sera donc déboutée de sa demande à ce titre.

- Sur les autres demandes:

Il sera fait droit à la demande de la salariée tendant à voir enjoindre à l'employeur de communiquer les documents sociaux de fin de contrat sans qu'il soit besoin en l'état de prononcer une astreinte.

L'employeur qui succombe supportera les entiers dépens et sera en outre condamné à payer à Madame Z... la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement et contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT que Madame Z... a été victime de harcèlement moral.

DIT que la prise d'acte de Madame Z... s'analyse en un licenciement nul.

CONDAMNE en conséquence la société SCHNEIDER ELECTRIC FRANCE à payer à Madame Z... les sommes suivantes:

- 6529,60 € au titre de l'indemnité de préavis et 652,96 € au titre des congés payés afférents

- 28.158,90 € nets au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

ces sommes à compter du 23 décembre 2015;

- 72.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

- 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

ces sommes avec intérêts de droit à compter du présent arrêt.

DÉBOUTE Madame Z... de sa demande de préjudice distinct.

DÉBOUTE Madame Z... de sa demande d'indemnité spécifique au titre de la nullité du licenciement.

DIT que le salaire mensuel moyen est de 3264,80 €.

ORDONNE à la société SCHNEIDER ELECTRIC FRANCE de remettre à la salariée les documents sociaux de fin de contrat dûment rectifiés dans un délai de deux mois de la notification de la présente décision sans qu'il soit besoin de prononcer une astreinte.

CONDAMNE la société SCHNEIDER ELECTRIC FRANCE aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au Greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

Signé par Madame Dominique DUBOIS, Présidente, et par Madame Mériem CASTE-BELKADI, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section b
Numéro d'arrêt : 16/04798
Date de la décision : 13/09/2018

Références :

Cour d'appel de Grenoble 13, arrêt n°16/04798 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-09-13;16.04798 ?
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