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05/07/2018 | FRANCE | N°16/03646

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section b, 05 juillet 2018, 16/03646


DD



RG N° 16/03646



N° Minute :



















































































Notifié le :



Copie exécutoire délivrée le :







Me Sophie X...



Me Pierre Y...

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE

GRENOBLE



Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 05 JUILLET 2018







Appel d'une décision (N° RG F15/00151)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 12 juillet 2016

suivant déclaration d'appel du 21 Juillet 2016



APPELANT :



Monsieur Pascal Z...

[...]



comparant en personne, assisté de Me Sophie X..., avocat au barreau de GRENOBLE,




...

DD

RG N° 16/03646

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

Me Sophie X...

Me Pierre Y...

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 05 JUILLET 2018

Appel d'une décision (N° RG F15/00151)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 12 juillet 2016

suivant déclaration d'appel du 21 Juillet 2016

APPELANT :

Monsieur Pascal Z...

[...]

comparant en personne, assisté de Me Sophie X..., avocat au barreau de GRENOBLE,

INTIMEE :

BECTON DICKINSON, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié [...] ZI des Iles

38801 LE PONT-DE-CLAIX-CEDEX

représentée par Me Pierre Y..., avocat au barreau de LYON,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ:

Madame Dominique DUBOIS, Président,

Madame Magali DURAND-MULIN, Conseiller,

Monsieur Philippe SILVAN, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 03 Mai 2018,

Mme Dominique DUBOIS est entendue en son rapport, assistée de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffier, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoiries.

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 05 Juillet 2018, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 05 Juillet 2018.

Selon contrat à durée indéterminée du 1er décembre 1989, M. Z... a été engagé en qualité d'analyste d'études de marché, par la société Becton Dickinson. Au dernier état de la relation contractuelle, il occupait la fonction de Directeur Business France.

Le 22 juillet 2014, il a fait l'objet d'un avertissement.

Le 10 octobre 2014, il s'est vu licencier pour insuffisance professionnelle.

Le 3 février 2015, M. Z... a saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble sollicitant l'annulation de l'avertissement, que l'insuffisance professionnelle ne soit pas retenue ainsi que le paiement de dommages et intérêts et de la part variable de sa rémunération.

Par jugement du 12 juillet 2016, le Conseil de prud'hommes de Grenoble a :

- annulé l'avertissement notifié le 22 juillet 2014 à M. Z...,

- dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Becton à payer à M. Z... les sommes suivantes:

' 37 464,25 € nets au titre du solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement, avec intérêts,

' 150 000 € nets à titre de dommages et intérêts,

' 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, avec intérêts

- rappelé que les sommes à caractère salarial bénéficient de l'exécution provisoire de droit nonobstant appel et sans caution, en application de R. 1454-28 du Code du travail, dans la limite de 9 mois, la moyenne des trois derniers mois étant de 12 094,88 € ;

- débouté M. Z... du surplus de ses demandes,

- ordonné à la société Becton de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées dans la limite de six mois,

- dit qu'une copie du présent jugement sera transmis à Pôle emploi,

- condamné la société Becton aux dépens.

La décision a été notifiée aux parties le 12 juillet 2016.

M. Z... a interjeté appel de la décision le 21 juillet 2016.

A l'issue des débats et de ses conclusions du 29 mars 2018 soutenues oralement à l'audience, et auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, M.Z... demande à la cour de :

- Infirmer le jugement qui lui a refusé toute rémunération complémentaire variable et condamner la société Becton à lui payer au titre de la prime PIP la somme de 36 487€ bruts, outre 3 648,70 € bruts au titre des congés payés afférents.

- Dire que le salaire mensuel brut moyen était de 17 415,91 euros bruts.

- Confirmer le jugement attaqué qui a condamné la Société Becton à lui régler au titre du solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement, la somme de 37 464,25 € nets.

- Confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes qui a annulé l'avertissement du 22 juillet 2014 mais l'infirmer sur l'absence d'indemnisation allouée,

- Condamner la Société Becton à lui payer la somme de 2 000 € à titre de réparation du préjudice subi du fait de la notification d'une sanction disciplinaire abusive.

- Constater que la véritable cause du licenciement est la dégradation de son état de santé, qu'il a été victime en conséquence d'une discrimination de ce fait et que la rupture du contrat de travail doit être déclarée nulle.

En conséquence,

- Ordonner sa réintégration immédiate dans son poste de Directeur Business France pour l'unité BD Diagnostic Systems, cadre dirigeant III B, groupe 6, aux mêmes conditions d'emploi qu'avant son licenciement

- Condamner la Société Becton au payement :

' pour la période entre la date de la rupture du contrat et le 10.05.2018, d'une indemnité forfaitaire de 696 636 € nets.

' D'une indemnité complémentaire forfaitaire nette de 17 415,91€ par mois entre le 11.05.2018 et la date de sa réintégration effective.

A titre subsidiaire,

- Confirmer le jugement attaqué qui a retenu qu'aucune insuffisance professionnelle n'était établie et dire que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

- Infirmer le jugement prud'homal quant au quantum des dommages et intérêts alloués à et condamner très fermement la Société Becton au payement de la somme de 600 000 € nets de CSG, de CRDS et de charges sociales à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'exécution et de la rupture fautive du contrat de travail.

En tout état de cause,

- Lui allouer la somme de 50 000€ nets en réparation du préjudice subi du fait de la perte d'unités d'action

- Condamner la Société Becton aux entiers dépens et au règlement au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, de la somme de 5 000 €.

M. Z...:

concernant la rémunération variable et solde de tout compte dues:

s'agissant de la prime PIP pour l'année fiscale 2014 :

l'avenant au contrat de travail de du 21 décembre 2001 dispose qu'il serait «éligible, à compter de FY2002, au PIP (25% target) selon la procédure en vigueur». (Pièce n° 1) Il en a systématiquement bénéficié jusqu'en janvier 2014. Lors de l'audience de conciliation, il lui a été transmis le « Guide d'attribution de la prime PIP » rédigé intégralement en anglais (Pièce n° 36). Pourtant, il rappelle que les documents relatifs au calcul de la rémunération variable doivent être rédigés en français. A défaut, il incombe au juge de fixer le montant du variable dû.

il indique également que la société a refusé de produire les fiches de paye de janvier 2015 des personnes dépendant de son équipe et de celles des différents responsables d'unité qui prouvent que ses collègues de travail ont tous perçus la prime PIP sauf lui (ce qui démontre ses résultats), tout comme ses collègues occupants des postes similaires aux siens.

la Société ne produit pas davantage d'évaluation de sa performance par rapport aux objectifs pour 2014, malgré plusieurs demandes (Pièce n° 40). Or il est manifeste que l'intimée a considéré que les résultats de l'appelant étaient nuls puisqu'aucun montant ne lui a été réglé au titre de la prime donc que l'indicateur de performance individuel retenu fut de 0%

s'agissant du solde de l'indemnité de licenciement:

il a été embauché le 4 décembre 1989 et licencié le 10 octobre 2014. Son ancienneté était donc de 25 ans et 38 jours.

indique que l'employeur retient, dans son calcul, un salaire brut de 172 503,95 euros pour les 12 derniers mois précédant la rupture, soit un salaire moyen de référence mensuel de 14 375,33 € bruts (Pièce n° 31 bis). Il est dès lors étonnant que le conseil de prud'hommes ait retenu sans explication comme salaire moyen la somme de 12 094.88€ bruts

Pour arriver à ce salaire de référence, l'employeur retient le salaire de base et l'avantage en nature payés tous les mois et proratise les primes semestrielles et les primes exceptionnelles réglées (Pièces n° 22 et 23). En revanche, elle ne tient pas compte de la prime PIP qui constitue pourtant une partie de la rémunération variable du salarié.

concernant la contestation de l'avertissement du 22 juillet 2014 :

il conteste avoir comptabilisé au titre de l'année fiscale 2014 et non pas au titre de l'année fiscale 2013, au mépris des procédures comptables applicables à l'entreprise, la vente d'un automate réalisée en septembre 2013. D'ailleurs, il a immédiatement contesté l'avertissement dans la mesure où aucune faute ne peut objectivement lui être reprochée et qu'au surplus, les faits invoqués sont prescrits.

Cet avertissement n'a pas officiellement été retiré mais il n'est pas mentionné dans la lettre de licenciement et aucune explication n'a été apportée en première instance et aucune pièce n'a été produite pour le justifier.

concernant la contestation du licenciement:

il rappelle qu'en 25 ans et 15 ans au même poste de Directeur Business France dont les 5 dernières au sein de la même division DS, il n'a jamais été considéré comme incompétent jusqu'à ce jour,

s'agissant de l'absence d'accompagnement et de formation spécifiques:

il affirme n'avoir jamais bénéficié de la moindre formation depuis 2009 et sa prise de fonction au poste de Directeur Business France. Il n'a pas non plus bénéficié d'accompagnement particulier.

rien ne laissait présager qu'il serait accusé d'une quelconque incompétence : absence de recadrage, dernier entretien d'évaluation d'avril 2014 positif (Pièce n°42.f), avertissement (Pièce n° 37) qui ne fait nullement état d'une insuffisance en parallèle, inscription à une formation, critiques etc.

s'agissant des résultats totalement satisfaisants:

il estime que même s'il aurait connu une défaillance passagère, elle serait démentie par son passé professionnel et ne pourrait juridiquement être reconnue pour justifier son licenciement. Il n'a cessé d'évoluer en termes de classification (8 promotions) et de salaire au fil des ans (pièce n° 6 à 21).

La satisfaction de sa hiérarchie résulte de mails de félicitations de son responsable fonctionnel, M. A... (Pièce n° 46) mais aussi des entretiens annuels d'évaluation prouvant qu'il a toujours atteint ses objectifs et répondu aux attentes de sa fonction.

Enfin les résultats de l'unité diagnostics system France dont il avait la responsabilité étaient bons et en croissance constante. Cette insuffisance est d'autant plus infondée que ses résultats sont meilleurs que ceux de ses collègues.

s'agissant des contestation des manquements retenus dans la lettre de licenciement:

concernant la 1ère insuffisance, relative au pilotage des activités commerciales: les écarts évoqués ne justifient nullement une insuffisance professionnelle et lui sont extérieurs (suppression du poste du Directeur des ventes Biologie moléculaire, retard de lancement de produits et les livraisons etc.). Il n'a pas non plus été interrogé «à plusieurs reprises» sur ces «dérives» du budget.

concernant l'anticipation des résultats financiers : ces accusations ne sont corroborées par aucune pièce de l'employeur

concernant la participation insuffisante tout au long de l'année à l'initiative stratégique de développement des offres destinées aux laboratoires transnationaux : cette affirmation n'est corroborée par aucun élément de la part de l'employeur. Il démontre au contraire qu'il a activement participé au développement des offres destinées aux laboratoires transnationaux qu'il fut à l'initiative de l'organisation de certaines rencontres et que ses rares absences étaient toujours justifiées (Pièce n° 58).

concernant le management : l'équipe dont il avait la charge a été étendue depuis son arrivée en 2009 et sa qualité saluée (Pièce n°42.d). Si des carences existaient, il n'aurait pas eu la responsabilité de 27 salariés.

concernant le vrai motif du licenciement : les difficultés de santé:

Dans son autoévaluation remplie en juillet 2014, le salarié avait d'ailleurs sollicité un meilleur équilibre entre sa vie privée et sa vie professionnelle, conscient que son rythme de travail altérait sa santé (Pièce n° 43). Le 17 septembre 2014, il adressait, en toute confiance, un mail à ses responsables hiérarchique les informant de ses symptômes pouvant mener à terme à un burn-out (Pièce n° 24).

Le 19 septembre, M. A... (directeur général) a indiqué être « beaucoup surpris» de cette situation (Pièce n° 24).

Le 25 septembre, M. B... lui a annoncé la rupture imminente de son contrat de travail et l'a invité à se tourner vers le responsable des ressources humaines (Pièce n° 25). Le jour même, il était convoqué à un entretien préalable au licenciement (Pièce n° 26).

A l'issue des débats et de ses conclusions du 24 avril 2018 soutenues oralement à l'audience, et auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la société Becton demande à la cour de :

débouter M. Z... de sa demande de nullité de son licenciement, de sa demande de réintégration et de ses demandes d'indemnités forfaitaires,

infirmer le jugement entrepris :

' reconnaître la validité de l'avertissement du 22 juillet 2014,

' constater le caractère réel et sérieux du licenciement,

' le débouter de sa demande de solde d'indemnité conventionnelle de licenciement,

confirmer le jugement entrepris, débouter le salarié de sa demande de prime variable,

le débouter de sa demande de perte d'actions du «LTI»,

le débouter de toutes ses demandes,

le condamner aux éventuels dépens.

La société Becton:

concernant l'absence de nullité du licenciement:

soutient qu'il est étrange qu'une demande de nullité apparaisse pour la première fois au stade des conclusions récapitulatives.

aucun élément du dossier ne vient étayer le fait que le salarié aurait été licencié en raison de son état de santé. D'une part, elle n'a jamais été informée d'un éventuel problème de santé de son salarié et, d'autre part, le requérant produit quelques témoignages de proches collaborateurs qui vantent ses qualités professionnelles mais ne font aucune référence à un quelconque problème de santé.

Le médecin du travail a conclu son examen par une aptitude sans restriction. De plus, la consultation de son médecin traitant est intervenue postérieurement à la procédure d'avertissement dont il venait de faire l'objet (pièce 18).

le salarié ne joint aucune justification sur le fait que son médecin aurait établi un tableau clinique avec symptômes qui peuvent mener à un burnout professionnel.

concernant la cause réelle et sérieuse:

rappelle que le conseil de prud'hommes a constaté que les ventes du salarié n'étaient pas conformes au budget. De plus, un concurrent important avait connu des dysfonctionnements de nature à faciliter la réalisation de leurs budgets par ses collaborateurs.

contrairement à ses collègues et à son successeur, M. Z... n'a pas réalisé ses objectifs de vente (pièces 12 à 14).

en outre, le salarié n'est pas en mesure d'expliquer les dérives de son budget (pièces 3 et 8).

les griefs reprochés au requérant étaient anciens et récurrents (pièce adverse 28, point 3 et pièce 42 E, commentaire de M. C...).

concernant les demandes du salarié:

s'agissant de l'avertissement du 22 juillet 2014 : estime qu'il est motivé et fait remarquer qu'un autre collègue de M. Z... avait fait l'objet de la même sanction pour les mêmes faits. En outre, l'avertissement n'est absolument pas prescrit puisque le délai de 2 mois a été respecté.

S'agissant de la prime PIP: compte tenu des griefs formulés à l'encontre de l'appelant, la prime ne peut pas lui être versée puisqu'il ne remplissait pas, pour l'exercice d'octobre 2013 à septembre 2014, les conditions de versement.

S'agissant du LTI (Long Term Incentive Plan) : il ne remplissait plus les conditions de bénéfice d'actions dans le cadre du LTI et il n'apporte aucun élément à l'appui de cette nouvelle prétention.

s'agissant de l'indemnité conventionnelle de licenciement: aucun rappel n'est dû à ce titre (pour la prime que le salarié prétend pouvoir percevoir en janvier 2014) puisque cette prime était afférente à la période du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2013.

s'agissant du montant des demandes du salarié: les montants réclamés sont disproportionnés au regard des nouvelles prescriptions du Code du travail, il demande des sommes nettes de charges sociales sans produire aucun texte qui viendrait l'exonérer d'un précompte salarial et évoque ce dont il aurait pu bénéficier, selon lui, dans le cadre d'un plan de départ volontaire datant de 2016 (soit plus de 2 ans après son départ).

SUR CE

- Sur l'avertissement du 22 juillet 2014:

Les parties ne font que reprendre devant la cour leurs prétentions et leurs moyens de première instance.

L'employeur ne produit qu'une nouvelle pièce pour combattre la prescription qui a été retenue par le premier juge, à savoir un courriel du 06 juin 2014 de Jordan Perlin , subject «IA close out for BD France Matter» selon lequel «Hello All, IA has finished their review of the France BDDS Innova Instrument Issue . I will send out the final memo as soon as I receive it, no later that Monday. I think it would be beneficial to have a conference call to review their memo and discuss next steps.»

Cette pièce non traduite en langue française ne démontre pas que l'employeur a eu connaissance seulement le 6 juin 2014 des faits qu'elle reprochait à son salarié et qui ont motivé l'avertissement décerné le 22 juillet 2014.

En conséquence, le jugement déféré repose sur des motifs exacts et pertinents que la cour adopte; en l'absence de moyens nouveaux, le jugement sera confirmé en ce qu'il a prononcé l'annulation de l'avertissement décerné à M. Z....

Il sera également confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts, M.Z... se contentant d'alléguer d'un préjudice moral non démontré.

- Sur le licenciement:

Les parties ne font que reprendre devant la cour leurs prétentions et leurs moyens de première instance.

L'employeur ne produit en appel aucune nouvelle pièce à l'appui du caractère réel et sérieux du licenciement.

En conséquence, le jugement déféré repose sur des motifs exacts et pertinents que la cour adopte; en l'absence de moyens nouveaux, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que les quatre griefs invoqués dans la lettre de licenciement à l'encontre du salarié n'étaient pas établis.

Le premier juge a retenu que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse.
M. Z... , en appel, soutient que son licenciement est nul car motivé par son état de santé, au sens de l'article L1132-1 du code du travail qui prohibe toute discrimination et le licenciement d'un salarié en raison de son état de santé.

Il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de laisser supposer son existence et il incombe ensuite à l'employeur qui conteste le caractère discriminatoire d'établir l'absence de discrimination par des éléments objectifs.

En l'espèce, M. Z... expose que:

- le 23 juillet 2014, dans le cadre d'une visite périodique, le médecin du travail a émis une alerte quant au burn out et le médecin traitant de l'appelant l'a arrêté pour 10 jours et l'a placé sous anti-dépresseurs.

Cependant, il résulte de cette visite médicale du 23 juillet 2014 que M. Z... a été déclaré apte par le médecin du travail.

La preuve d'une alerte du médecin du travail n'est pas rapportée.
M. Z... a été en maladie à compter du 28 juillet et non du 23 juillet 2014 et suivi pour un état dépressif depuis également le 28 juillet 2014.

- Dans son auto-évaluation remplie en juillet 2014, le salarié avait sollicité un meilleur équilibre entre sa vie privée et sa vie professionnelle, conscient que son rythme de travail altérait sa santé;
Mais cette auto-évaluation n'a pas été portée à la connaissance de l'employeur.

- Après ses congés (du 7 au 29.08.2014), il a souhaité reprendre son poste et a rencontré le psychologue du travail, à la demande du médecin du travail.

Il ne démontre pas ce fait qui ne résulte que de sa propre affirmation.

- Le 17.09.2014 il adressait le mail suivant à ses responsables hiérarchique et fonctionnel «Bonjour,

A la suite de la visite médicale annuelle que j'ai effectuée auprès de la médecine du travail de BD au mois de Juillet, j'ai, à la demande de Malika (le médecin du travail de la Société BD), consulté mon médecin. Celui-ci a établi un tableau clinique avec un burnout professionnel. C'est la raison pour laquelle il m'a immédiatement mis sous traitement et arrêté pour une dizaine de jours avant mes congés. Malgré ses conseils de prolonger l'arrêt de travail, j'ai pris la décision de reprendre au mois d'août et de mettre en place en parallèle une démarche volontaire d'accompagnement. Bien que relevant du secret médical, il me semble important que vous en soyez informé. Je continue à assumer mes fonctions dans le meilleur intérêt du business. »

M. A... a effectivement reçu ce courriel.et répondu le 18 septembre «merci pour la franchise de ton e-mail qui nous a néanmoins beaucoup surpris Jean-Marc( B...) et moi , car tu n'avais jamais abordé ce point lors de nos différents entretiens. J'aimerai prendre le temps d'en discuter avec toi demain en marge de notre COT. Je suis libre juste avant ou juste après , à ta convenance.»

Cette réponse indique que l'employeur était soucieux du problème de santé évoqué par son salarié et désirait s'en entretenir avec lui sans plus attendre.

- Le 19.09.2014, Monsieur A... (directeur général) et Monsieur Z... discutent de la dégradation de l'état de santé de ce dernier, après que Monsieur A... ait indiqué être « beaucoup surpris» de cette situation

Cette discussion a eu effectivement lieu mais le contenu n'en est pas connu.

- Le 25.09.2014, Monsieur B... annonce au salarié la rupture imminente de son contrat de travail et l'invite à se tourner vers le responsable des ressources humaines.

Il résulte de l'échange de courriels entre M. Z... et M. D..., directeur des ressources humaines que le 25 septembre 2014, il a été confirmé à M. Z... qu'une procédure de licenciement allait être engagée contre lui.
M. Z... énonce lui-même les raisons invoquées par son employeur , à savoir:

- la non réalisation du budget

- le manque de précision des forecast

- le manque de communication , avec entre autre le reproche de ne pas l'avoir prévenu de mon arrêt maladie avant les vacances et de sa raison

- le fait que je n'y étais plus.

Mais M. D..., en réponse, indique que sa présentation ne correspond pas à ce qui a été exposé la veille.
Par conséquent, le fait que l'employeur ait mentionné les problémes de santé du salarié ne repose que sur ses dires.

- Le jour même l'appelant était convoqué à un entretien préalable au licenciement.

Ce fait est exact.

L'ensemble de ces éléments, dont seulement certains sont établis, ne laissent pas présumer qu'au vu d'un seul arrêt de travail limité dans le temps (du 28 juillet au 6 août 2014), suivi d'une reprise du travail , l'employeur ait décidé de licencier le salarié en raison de son état de santé.

M. Z... sera donc débouté de sa demande tendant à voir déclarer son licenciement nul et à voir prononcer sa réintégration.

En conséquence, la décision du premier juge qui a déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse sera confirmée.

- Sur la prime PIP:

En application de l'avenant du 21 décembre 2001 de son contrat de travail, M. Z... est éligible à compter de 2002 au PIP ( 25% target) selon la procédure en vigueur dans la société.

Le salarié, qui a toujours perçu cette prime depuis, a touché un bonus PIP de 36487 € en janvier 2014;

Contrairement à ce que soutient l'employeur, les documents fixant les objectifs nécessaires à la détermination de la rémunération variable contractuelle rédigés en anglais sont inopposables au salarié.

A défaut, il incombe au juge de fixer le montant du variable dû.

En l'espèce, l'employeur verse une traduction partielle du guide d'attribution de la prime PIP non contestée par le salarié de laquelle il résulte que cette prime est déterminée en fonction de 2 facteurs:

- Les résultats de la Société et de l'unité opérationnelle et/ou géographique qui permettent de déterminer un indicateur de performance collective.

- L'évaluation par le manager des performances individuelles par rapport aux objectifs fixés (« IIG »), qui détermine un indicateur de performance individuelle.

L'employeur se contente d'indiquer que, compte tenu des griefs formulés à l'encontre du salarié, cette prime ne pouvait lui être versée car il ne remplissait pas, pour cet exercice , les conditions de versement de cette prime.

Mais les griefs invoqués à l'encontre du salarié n'ont pas été retenus.

Et l'employeur malgré les demandes faites par le conseil du salarié ne produit pas la performance réelle des ventes de BD France par rapport au budget et la performance réelle des ventes de BD Diagnostic Systems Europe.

Il se refuse également à produire les fiches de paie de janvier 2015 des membres de l'équipe de M.Z....

Par ailleurs, le salarié verse aux débats la fiche de paie de M. E..., Directeur business dans la même Business unit que M. Z... qui a perçu plus de 100% du bonus et l'employeur ne s'explique pas sur ce fait.

Enfin, s'agissant de l'évaluation des performances individuelles du salarié, lors de l'évaluation de mi-année, l'employeur était satisfait du travail de M. Z....

L'employeur qui n'a pas réalisé d'entretien à la fin de l'exercice fiscal du fait du licenciement du salarié ne produit pas d'évaluation de sa performance par rapport aux objectifs pour 2014 malgré plusieurs demandes du salarié .

Et les collègues de M. Z... attestent de ses performances.

De plus, le salarié démontre que:

- son unité a progressé de 12% sur l'exercice fiscal 2014 alors même que le marché est en recul

- il a obtenu une augmentation individuelle au 1er janvier 2014 et a bénéficié du règlement de primes exceptionnelles, notamment, en janvier 2014 pour un montant ce 11 345,61 €.

En conséquence, faute pour l'employeur de fournir les éléments nécessaires au calcul de cette prime et donc justifier sa décision de ne pas verser cette prime PIP au salarié, il sera fait droit à la demande de M. Z... et, au vu de la prime perçue l'année précédente, il lui sera alloué la même somme soit 36.487 € bruts outre 3648,70 € de congés payés afférents.

- Sur les demandes indemnitaires découlantdu licenciement sans cause réelle et sérieuse:

1) le montant de l'indemnité de licenciement:

La décision du premier juge sera confirmée sur ce point par substitution de motifs car il convient de tenir compte du montant de la prime PIP accordée au salarié pour 2014 par le présent arrêt qui constitue une partie de la rémunération variable du salarié , prévue dans le dernier avenant au contrat de travail.

Il en résulte que l'indemnité conventionnelle de licenciement due à M. Z... pour un salaire moyen de référence mensuel de 17.415,91 € bruts , en application de l'article 29 de la convention collective et au vu de l'ancienneté du salarié était de 213.562,03 € alors que M. Z... n'a perçu que 176.097,78 € et que donc un différentiel de 37.464,25 € net lui est dû.

2) les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse:

M. Z... a été licencié brutalement et sans motif valable à l'âge de 49 ans alors qu'il avait près de 20 ans d'ancienneté, ayant fait toute sa carrière au sein de la société BECTON ET DICKINSON ,société qui compte plus de 11 salariés, occupait un poste important et percevait une rémunération mensuelle de 17.415,91 € bruts .
Après une période de dépression de près d'un an, il n'a pas retrouvé un emploi équivalent et se trouve à nouveau sans emploi.

Son préjudice est donc très important et il lui sera alloué en réparation la somme de 300.000 €.

3) le préjudice lié à la perte d'action:

Le salarié qui n'a pu, du fait de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, lever les options sur actions accordées par l'entreprise subit nécessairement un préjudice qui doit être réparé.

Monsieur Z... soutient qu'il a perdu le bénéfice des unités d'action qu'il avait accumulées dans le cadre du plan LTIP depuis 2012 et qu'il aurait perçues sous forme de prime au bout de 3 ans si son contrat de travail n'avait pas été rompu.

Il a touché 49 955 € d'actions gratuites au titre de la prime LTIP en décembre 2014.

La perte ces unités d'action non converties du fait du licenciement a donc entraîné une perte probable de salaire d'environ 50 000 €.

En outre s il avait continué à travailler, il aurait bénéficié d'actions gratuites chaque année; Il a donc été injustement privé d un manque à gagner significatif (d'environ 35 000€ par an)

En conséquence et en réparation de ce préjudice spécifique, il sollicite la somme de 50 000 nets à titre de dommages et intérêts.

Cependant, s'il est exact que M. Z... a perçu en décembre 2014 la somme de 49.955 € d'actions gratuites au titre de la prime LTIP, le salarié n'indique pas combien d'unités d'actions il a accumulé au titre des années suivantes.

De plus, il verse aux débats une pièce relative au bénéfice de ces actions en langue anglaise non traduite en français.
Et de la traduction partielle de cette pièce produite par l'employeur , il résulte que «les associés dont on sait que les contrats de travail doivent expirer avant la date à laquelle la prime sera décernée ne pourront pas participer à la remise des primes d'intéressement à long terme.»

Si le contrat de travail de M. Z... n'a pas pris fin de son fait , le salarié ne démontre pas qu'il aurait pu bénéficier de ces actions gratuites s'il était resté dans l'entreprise et pour quel montant.
En conséquence, il sera débouté de sa demande faute d'éléments de preuve.

- Sur les autres demandes:

L'employeur qui succombe principalement sera condamné aux entiers dépens ainsi qu'à payer

à M. Z... la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au Greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a annulé l'avertissement décerné à M. Z... le 22 juillet 2014 et débouté ce dernier de sa demande de dommages et intérêts sur ce point, dit le licenciement de M. Z... sans cause réelle et sérieuse, condamné la société BECTON DICKINSON à payer à M. Z... la somme de 37.464,25 € net au titre du solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement, ladite somme avec intérêts de droit à compter du 4 février 2015, condamné la société BECTON DICKINSON à payer à M. Z... la somme de 1500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ordonné à la société BECTON DICKINSON de rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à M. Z... dans la limite de six mois et condamné la société BECTON DICKINSON aux entiers dépens.

L'INFIRME pour le surplus.

Et statuant à nouveau, y ajoutant,

DÉBOUTE M. Z... de sa demande de nullité du licenciement et des demandes en découlant.

DÉBOUTE M. Z... de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice lié à la perte d'actions.

CONDAMNE la société BECTON DICKINSON à payer à M. Z... la somme de 300.000€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

CONDAMNE la société BECTON DICKINSON à payer à M. Z... la somme de 36.487€ bruts outre 3.648,70 € de congés payés afférents au titre de la prime PIP pour 2014.

DIT QUE le salaire mensuel moyen de M. Z... était de 17.415,91 € bruts.

CONDAMNE la société BECTON DICKINSON à payer à M. Z... la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LA CONDAMNE aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au Greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

Signé par Madame Dominique DUBOIS, Présidente, et par Madame Mériem CASTE-BELKADI, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section b
Numéro d'arrêt : 16/03646
Date de la décision : 05/07/2018

Références :

Cour d'appel de Grenoble 13, arrêt n°16/03646 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-07-05;16.03646 ?
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