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26/06/2018 | FRANCE | N°16/02432

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section a, 26 juin 2018, 16/02432


VC



RG N° 16/02432



N° Minute :



































































































Notifié le :



Copie exécutoire délivrée le :







Me D...



Me Cécile X...
>AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 26 JUIN 2018







Appel d'une décision (N° RG F14/00178)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCE

en date du 04 mai 2016

suivant déclaration d'appel du 23 Mai 2016



APPELANT :



Monsieur Laurent Y...

né le [...] à JOYEUSE (07)

de nationalité Française

[...]

07200 ST ETIENNE DE FONTBELLON



co...

VC

RG N° 16/02432

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

Me D...

Me Cécile X...

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 26 JUIN 2018

Appel d'une décision (N° RG F14/00178)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCE

en date du 04 mai 2016

suivant déclaration d'appel du 23 Mai 2016

APPELANT :

Monsieur Laurent Y...

né le [...] à JOYEUSE (07)

de nationalité Française

[...]

07200 ST ETIENNE DE FONTBELLON

comparant en personne, assisté de Me D... avocat au barreau de VALENCE avocat plaidant

SCP GRIMAUD, avocat postulant

INTIMEE :

SAS SOFILA, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié [...]

représentée par Me Cécile X..., avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ:

Monsieur Philippe SILVAN, Conseiller faisant fonction de Président,

Madame Valéry CHARBONNIER, Conseiller,

Madame Magali DURAND-MULIN, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 07 Mai 2018,

M. Philippe SILVAN, a été entendu en son rapport, assisté de Melle Sophie ROCHARD, Greffier conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées.

Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoiries.

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 26 Juin 2018, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 26 Juin 2018.

Exposé du litige:

M. Laurent Y... a été embauché le 1er mai 1992 au sein de la société MOULINAGES DES CROZES puis le 1er septembre 2000 son contrat étant repris par la société MOULINAGES SCHWAEZENBACH jusqu'en 2007 les fonctions de technicien.

A compter du 1er août 2007, le contrat de M. Y... est repris par la SAS SOFILA, d'abord dans le laboratoire SOFILA à Saint Genis Laval puis à compter du 1er janvier 2013 au sein de la société GERVATEX filiale de SOFILA à Mirabel et Blacons.

La société SOFILA est rachetée par la société BILLION MAYOR INDUSTRIE (MBI).

M. Y... a été convoqué le 6 janvier 2014 à un entretien préalable de licenciement fixé au 15 janvier 2014.

M. Y... refusait un reclassement sur un poste d'ouvrier textile et était licencié pour motif économique par courrier en date du 27 janvier 2014.

M. Y... a saisi le conseil des prud'hommes de Valence en mars 2014 aux fins de contestation du bienfondé de son licenciement et obtention des indemnités afférentes.

Par jugement en date du 4 mai 2016, le conseil des prud'hommes deValence a:

- dit qu'il n'y a pas de situation de co-emploi, la société SOFILA étant l'unique employeur de M. Y...

- dit que M. Y... a été licencié pour des motifs économiques et que la société SOFILA a respecté la procédure et satisfait à l'obligation de reclassement qui lui incombait

- débouté M. Y... de l'intégralité de ses demandes

- condamné M. Y... de verser la société SOFILA la somme de 1 € dur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné M. Y... aux entiers dépens de l'instance

La décision a été notifiée aux parties par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception le 23 mai 2016.

M. Y... représenté par son conseil, a interjeté appel de la décision en sa globalité par déclaration en date du 23 mai 2016.

Par conclusions récapitulatives en date du 20 mars 2018, M. Y... demande à la Cour d'appel de:

Au principal

DIRE ET JUGER l'appel interjeté par Monsieur Y... recevable et bien fondé,

REFORMER le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Valence le 4 mai 2016 en toutes ses dispositions,

Et juger à nouveau:

DIRE ET JUGER que la société SOFILA SAS ne rapporte pas la preuve du motif économique du licenciement de Monsieur Y...,

DIRE ET JUGER que le licenciement de Monsieur Y... est dénué de cause réelle et sérieuse.

DIRE ET JUGER que le licenciement de Monsieur Y... est irrégulier,

Subsidiairement,

DIRE ET JUGER que la société SOFILA SAS a violé l'obligation de reclassement,

DIRE ET JUGER que la société SOFILA SAS a violé les critères d'ordre,

En conséquence sur le principal et le subsidiaire:

CONDAMNER la société SOFILA SAS à payer à Monsieur Y... les sommes suivantes:

' Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse: 120.000,00 €

' Indemnité pour procédure de licenciement brutal et vexatoire 30.000,00 €

'Indemnité pour licenciement irrégulier: 4.850, 36 €

' Intérêts au taux légal sur ces demandes dès l'introduction de la demande devant le Conseil de prud'hommes

PRONONCER la capitalisation des intérêts

CONDAMNER la société SOFILA SAS à payer à Monsieur Y... la somme de 7.000,00 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNER la société SOFILA SAS aux entiers dépens de l'instance.

Il soutient :

Sur l'absence de motif économique :

' Sur l'unicité du secteur d'activité: Il n'y a qu'un seul secteur d'activité pour la société SOFILA, celui de la préparation de fibres textiles filatures tel que cela ressort des documents publiés au registre du commerce. Les cinq autres sociétés (à l'exclusion de la société JINGO) appartiennent au même secteur du textile (moulinage et texturation).

' Sur la bonne santé financière du groupe SOFILA : les prétendues difficultés invoquées ne sont ni réelles ni sérieuses. Le groupe BMI est riche et bien portant avec une trésorerie et des fonds propres pléthoriques et poursuit sa croissance externe en achetant la société TRANSFIL en 2015/2016. L'activité du groupe et son chiffre d'affaire consolidé sont en nette progression entre 2008 et 2013. Le chiffre d'affaires de SOFILA est en légère baisse en 2012/2013 mais son résultat d'exploitation et son résultat net sont en forte hausse et la rentabilité est très bonne. Les motifs exposés dans la lettre de licenciement ne résistent pas à l'analyse : les sites de production SOFILA n'étaient pas en perte de vitesse et le volume produit n'était pas en régression mais stable. La présentation est fallacieuse car SOFILA savait parfaitement que le chiffre d'affaires consolidé est en hausse au moment du licenciement.

Sur la mise à l'écart du salarié : le département R&D n'a pas été sacrifié et M. Y... a recruté sans le savoir son remplaçant en février 2013; il y avait deux responsables Recherche et Développement dans le groupe et M. Y... a dû s'installer chez la filiale GER VATEX à 150 km alors que son contrat ne contient pas de clause de mobilité, l'employeur souhaitant changer l'équipe.

Sur la mauvaise foi de l'employeur sur le maintien de l'emploi : le groupe venait de recevoir une subvention de la Communauté urbaine de Lyon afin de lui permettre de renforcer sa position de leader dans le domaine des cordages synthétiques et le maintien et la création d'emplois dans les entreprises partenaires dont SOFILA.

Subsidiairement, sur la violation de l'obligation de reclassement : en proposant au salarié un reclassement pour un emploi de catégorie nettement inférieure (ouvrier coefficient 152) situé à plus de 200 km de son lieu de travail avec une baisse de rémunération de 70 %, et un déclassement radical et vexatoire pour un cadre coefficient 750 âgé de 52 ans avec 22 ans d'ancienneté, poste que l'employeur savait non pérenne, l'employeur a agi de façon déloyale avec une évidente mauvaise foi.

Sur la violation des critères d'ordre : M Y... bénéficiait de la plus forte ancienneté (22 ans) alors que M. Z... qui venait d'être embauché sur les mêmes fonctions, était apprécié pour ses qualités professionnelles (qualité de co-inventeur) et était le plus âgé. Sachant que les critères d'ordre s'apprécient au niveau de l'entreprise, les dirigeants ont pris le soin d'éclater artificiellement le département R&D et de répartir le personnel de ce service entre deux entreprises du même groupe alors que le personnel était regroupé sur un seul et même site dans le même laboratoire. L'ordre des licenciements s'apprécie à l'intérieur d'une même catégorie professionnelle.

Non-respect de la procédure de licenciement et des délais: délai de 15 jours entre l'entretien préalable et le licenciement.

Par conclusions en date du 21 septembre 2017, la SAS SOFILA en réponse demande à la Cour d'appel de:

constater que la SAS SOFILA employant seulement 6 salariés au moment du licenciement de M. Y... n'était pas soumise aux dispositions de l'article L. 1233 ' 8 du code du travail relatif à la consultation des délégués du personnel sur le projet de licenciement, et en conséquence débouter M. Y... de l'intégralité de ses demandes y afférents

constater la conformité de la procédure de licenciement pour motif économique de M. Y... et débouter de sa demande de dommages et intérêts y afférents

constater le bien-fondé du licenciement pour motif économique de M. Y... s'agissant tant des difficultés économiques rencontrées que du sérieux des recherches de reclassement opérées et en conséquence dire qu'aucune indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse n'est due

constater le strict respect des critères d'ordre et en conséquence débouter le salarié de tout demande de ce chef

constater l'absence de déclassement ou licenciement brutal et vexatoire du salarié est en conséquence le débouter de sa demande indemnitaire injustifiée de ce chef

accueillir la demande reconventionnelle de l'employeur et condamner M. Y... à lui verser la somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que:

' Sur la réalité des difficultés économiques de la société et au niveau du secteur d'activité du groupe : il n'est pas exigé que la situation financière de l'entreprise soit catastrophique pour qu'une suppression d'emploi constitue un motif économique du licenciement. Le groupe BMI a racheté en septembre 2012 le groupe SOFILA constitué en sept structures juridiquement distinctes relevant du secteur du textile et (sauf la société JINGO) plus particulièrement du moulinage et de la texturation. Or le secteur du textile habillement a été touché de plein fouet par la crise financière de 2009 se traduisant par une baisse significative du volume d'affaires et une baisse des commandes qui favorisent désormais les pays émergeant. En outre, la mode actuelle n'est plus au fil mouliné qui reste le c'ur de la production de l'ensemble des entités du groupe. Il résulte des comptes de résultat de la société SOFILA que sa situation financière était difficile depuis 2010 affichant une baisse de son résultat net de 83 % par rapport à l'exercice précédent et sa situation a empiré en 2012. Le résultat bénéficiaire de l'exercice 2012/2013 étant exceptionnel. Tous les comptes des différentes sociétés ont été certifiés par les commissaires aux comptes et les décisions de bonne gestion prises au niveau du groupe ont été confirmées par le cabinet d'expertise comptable EUREX dans son attestation. Aucune conclusion ne sera tirée des articles de presse qui cherchent à valoriser les orientations stratégiques du groupe et sont donc inopérants à remettre en cause la réalité des difficultés économiques.

' Sur la suppression du poste de M. Y...: son poste a bien été supprimé comme le confirme le registre des entrées et sorties du personnel. M. Z... a été embauché pour remplacer M. A... parti à la retraite en charge de la mécanique et de la recherche-développement fils fantaisie, statut ETAM; il n'occupe pas les mêmes fonctions que celles assurées par M. Y... qui occupait les fonctions de responsable statut cadre surtout dans la recherche fondamentale du fil mouliné pour l'habillement qui n'avait plus raison d'être. La société SOFILA étant une PME, n'avait plus les moyens d'avoir un véritable service de Recherche & Développement.

' Sur le strict respect de la procédure: Il s'agit d'un licenciement économique collectif s'agissant du licenciement de 2 salariés: le délai entre l'entretien préalable de licenciement et le licenciement supérieur à 7 jours ouvrables a été respecté.

' Sur l'obligation de reclassement : obligation de moyens. S'il n'existe pas d'emplois de même catégorie ou équivalent l'employeur doit proposer un emploi de catégorie inférieure. Le reclassement du salarié dans un tel emploi est subordonné à l'accord express de l'intéressé. Aucun poste ne correspondait aux compétences techniques du salarié et aucune embauche n'est intervenue au sein de la société suite à son licenciement. Des recherches de reclassement ont été effectuées auprès de l'ensemble des sociétés du groupe qui étaient également en difficultés économiques ainsi qu'auprès d'entreprises extérieures.

' Sur l'application des critères d'ordre : M. Y... avait un poste unique: il n'y a pas lieu de confondre le service et la catégorie professionnelle et le salarié occupait le seul poste de responsable Recherche & Développement dans son domaine. Il était le seul à être affecté à la recherche fondamentale qui n'avait plus de raison d'être au sein de la société faute de clients. Sa situation ne pouvait donc être comparée à celle des autres salariés du service. Subsidiairement, il n'existe aucune identité de métier et M. Z... a été recruté au sein d'une société juridiquement distincte et non en qualité de cadre mais d'ETAM, les critères d'ordre ne pouvant s'appliquer qu'au sein d'une même entité. Mme B... est ouvrière et M. C... a une formation d'ingénieur (responsable des achats et attaché commercial du secteur médical au sein de la société).

' Sur l'absence de circonstances vexatoires ou brutalesdu licenciement: l'employeur s'est borné à respecter son obligation légale sans comportement vexatoire et pas de démonstration d'un préjudice subi.

L'affaire a été plaidée le 7 mai 2018.

Pour un plus ample exposé des motifs, de la procédure et des prétentions des parties la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

Le délibéré est fixé au 2018 par mise à disposition au greffe.

SUR QUOI:

Sur le caractère réel et sérieux des motifs économiques invoqués:

Conformément à l'article L. 1233-3 du code du travail applicable aux faits de l'espèce, constitue un licenciement économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou d'une transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à de mutations technologiques ;

S'ajoutent aux causes ci dessus énumérées, la réorganisation de l'entreprise ou du secteur d'activité pour sauvegarder sa compétitivité, et la cessation d'activité.

Les difficultés rencontrées par l'entreprise doivent être réelles et sérieuses pour justifier un licenciement économique.

Lorsqu'une entreprise fait partie d'un groupe, les difficultés économiques de l'employeur doivent s'apprécier tant au sein de la société, qu'au regard de la situation économique du groupe de sociétés exerçant dans le même secteur d'activité, sans qu'il y ait lieu de réduire le groupe aux sociétés ou entreprises situées sur le territoire national.

La lettre de licenciement économique de M. Y... en date du 15 janvier 2014 fait mention d'une baisse d'activité de chaque entité du groupe BMI récurrente dans la branche textile du fait de la modification des modes d'approvisionnement des clients au profit des pays émergeant, de la crise économique et de la diminution conjoncturelle des dépenses d'habillement et de la désaffection de la mode pour les fils moulinés qui restent le c'ur de la production des entités du groupe.

La société SOFILA précise que le groupe BMI tente depuis plusieurs années de faire face à des difficultés économiques par la fermeture de sites, la réduction de personnel ou la réorganisation de la production. Le rachat de la société SOFILA en perte de vitesse par le groupe BMI avait pour but de relocaliser en France les unités de production mais la société SOFILA enregistre des pertes de plus en plus importantes et le chiffre d'affaires se dégrade, le résultat d'exploitation faisant apparaître en 2012-2013 une perte de 425 K€. La recherche fondamentale n'a plus sa raison d'être (baisse de 37% dans ce secteur en 11 ans).

En l'espèce M. Y... conteste les difficultés économiques invoquées et fait valoir qu'il n'y a qu'un seul secteur d'activité, celui de la préparation des fibres textiles et filatures pour la société SOFILA et le groupe BMI pour plusieurs secteurs de clientèle. Il soutient que l'activité de la société SOFILA dans le secteur textile est non seulement bénéficiaire par rapport aux prévisions mais également en progression, le secteur textile se redressant en France depuis 2013 et la croissance, conformément à ce qu'indique la presse. La situation de BMI est saine et ses fonds propres importants. Le chiffre d'affaire consolidé de la société SOFILA est en nette progression.

Il ressort de l'analyse du chiffre d'affaire consolidé du groupe BMI de 2009 à juillet 2014 une baisse constante de 13.562.020€ à 11.893.852 € et la société SOFILA de 13.588.209 à 8.215.352 €.

Le résultat d'exploitation de la société SOFILA sur la même période 2012-2013 a connu une progression de -38.309 € à 181.929 € puis une nouvelle baisse à 118.928 € en 2013-2014. Le résultat net d'exploitation consolidé du groupe passant de 34.770 € à -235.000 €.

Le résultat net de la société SOFILA a chuté de 922.790 € à -1.394.997 € et celui du groupe consolidé a progressé de 110.247 € en 2008 à 228.188 € en 2013-2014.

Toutefois il appert que la hausse du chiffre d'affaire constaté entre juillet 2011 et juillet 2013 résulte de l'intégration des résultats de la société BMI et non d'une augmentation réelle du résultat d'exploitation des différentes sociétés du groupe et que pour dégager de la trésorerie il a été procédé à la vente de bâtiments et de terrains; des sommes ont également été perçues au titre de remboursement de sinistreset d'un emprunt. En outre, le choix consistant à constater la perte correspondant aux valeurs des actifs surévalués en 2008 sur l'exercice clos en juillet 2014 entre dans le pouvoir de direction de l'employeur aux fins de rétablir la réalité du bilan.

Le seul article de presse faisant état de la bonne santé économique de la société SOFILA ne pouvant être considéré comme un élément de preuve de la réalité économique de l'entreprise.

Les difficultés tant de la société SOFILA que du groupe BMI étant ainsi avérées, il y a lieu de considérer par voie de confirmation que le licenciement pour motifs économiques est fondé.

Sur l'obligation de reclassement:

Quand bien même l'employeur justifie d'un motif économique tel que défini par l'article L.1233-3 du code du travail, l'article L.1233-4 du même code prévoit qu'il ne peut procéder au licenciement qu'après avoir recherché le reclassement du salarié dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient ;

Le reclassement s'effectue prioritairement sur un poste relevant de la même catégorie d'emploi avec une rémunération équivalente et, à défaut, sous réserve de l'accord du salarié, il peut s'effectuer sur une catégorie d'emploi inférieure ; les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises. L'employeur doit rechercher à reclasser individuellement les salariés quelques soit le nombre de salariés concernés par le licenciement et même si l'entreprise a fait l'objet d'une procédure collective. La recherche doit être effective et sérieuse. Il appartient à l'employeur de démontrer qu'il s'est acquitté de son obligation de reclassement, laquelle est de moyens.

Les possibilités de reclassement doivent être recherchées au sein de l'entreprise et, le cas échéant, du groupe auquel elle appartient, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

Le manquement par l'employeur à son obligation de reclassement préalable au licenciement prive celui-ci de cause réelle et sérieuse et ouvre droit au profit du salarié au paiement de dommages-intérêts.

Il appartient à l'employeur de démontrer qu'il s'est acquitté de son obligation de reclassement, laquelle est de moyens.

En l'espèce, M. Y... qui occupait en février 2014 des fonctions de «responsable R&D Moulinage Guidage + responsable qualité», en qualité de cadre pour un salaire de4.850 € brut s'est vu proposer un poste d'ouvrier coefficient 152 sis à 200 kilomètres du lieu de travail précédent contre rémunération de 1.430 € brutau sein de la la société Moulinage du Pont autre filiale du groupe BMI

La consultation du registre d'entrées et de sorties du personnel de la société SOFILA démontre qu'il n'y avait pas de poste disponible équivalent à celui de M. Y... et que personne n'a été recruté sur son poste; Les recherches ont été effectuées dans toutes les entreprises du groupe susceptibles de recevoir du personnel; en outre l'employeur avait l'obligation de lui proposer les postes disponibles y compris éloignés et sur une catégorie de poste inférieure pour satisfaire à son obligation de moyen de reclassement.

La société SOFILA a donc respecté son obligation de reclassement et le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse et il y a lieu de confirmer le jugement déféré sur ce point.

Sur l'ordre des licenciement:

Selon les dispositions de l'article L1233-5 du code du travail, dès lors que l'employeur procède à un licenciement pour motifs économiques, individuel ou collectif, il doit fixer des critères lui permettant d'établir l'ordre des licenciements afin de déterminer le ou les salariés à licencier.

Ces critères prennent notamment en compte :

1° Les charges de famille, en particulier celles des parents isolés ;

2° L'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise ;

3° La situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ;

4° Les qualités professionnelles appréciées par catégorie.

Les critères d'ordre sont appliqués dans le cadre de l'entreprise à l'ensemble des salariés appartenant à la même catégorie professionnelles dont relèvent les emplois supprimés sauf si tous les emplois d'une même catégorie professionnelle sont supprimés.

La notion de catégorie professionnelle au sein de laquelle s'applique l'ordre des licenciements ne se réduit pas à un emploi déterminé mais doit viser l'ensemble des salariés qui exercent dans l'entreprise des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune.

En l'espèce, M. Y... fait partie du département R&D qui dans le groupe BMI comprend plusieurs personnes dont M. Z... embauché le 4 février 2013 juste après le rachat de la société SOFILA par le groupe BMI qui travaille sur le même site et dans le même laboratoire que M. Y..., bien que M. Z... ait été embauché 1 an avant le licenciement de M. Y... pour la société BMI (société mère) et non la société SOFILA (filiale).

La société SOFILA ne démontre pas que le secteur du fil mouliné dans lequel M. Y... occupait un poste en Recherche et Développement était distinct du poste de M. Z... chargé de la recherche dans le secteur du fil fantaisie et qu'ils n'exerçaient pas des fonctions de même nature comme le laisse à penser la dénomination de leurs fonctions et le travail dans le même laboratoire sur le même site. Le seul fait que M. Z... n'occupait pas un statut de cadre n'ayant aucune incidence sur le profil du poste compte tenu de sa faible ancienneté dans le groupe.

Par conséquent il apparaît que M. Y... et M. Z... appartenaient bien à la même catégorie professionnelle et qu'il y avait lieu de comparer la situation des deux salariés afin de fixer l'ordre des licenciements économiques et que M. Y... était le salarié bénéficiant de la plus grande ancienneté (22 années) et qu'il disposait de l'expérience professionnelle la plus importante.

Par conséquent il apparaît que la société SOFILA n'a pas respecté les règles relatives à l'ordre des licenciements et M. Y... justifie du préjudice résultant de la perte de son emploi compte tenu de son âge lors du licenciement (50 ans) et de son ancienneté dans l'entreprise (22 ans) et de la difficulté de retrouver ensuite un emploi en outre moins rémunéré (3 ans).

Il convient par voie de réformation de condamner la société SOFILA à verser à M. Y... une indemnisation à ce titre à hauteur de 82.450 €.

Sur la demande d'indemnisation pour licenciement brutal et vexatoire:

Aucun élément dans la procédure de licenciement n'apparaît constitutif d'un comportement vexatoire de l'employeur.

Le seul fait invoqué par M. Y... à son employeur de lui avoir proposé en reclassement un poste inapproprié à son expérience et son savoir-faire en bas de l'échelle alors que la société SOFILA était dans l'obligation de lui proposer tous les postes susceptibles d'être vacants pour respecter son obligation de reclassement, ne démontre pas la brutalité et le caractère vexatoire du licenciement.

Il convient de débouter M. Y... de la demande à ce titre par voie de confirmation.

Sur les demandes accessoires:

Il convient de condamner la société SOFILA aux entiers dépens dont distraction au profit des avocats de la cause et à la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement déféré excepté en ce qui concerne le débouté de la demande de M. Y... concernant le non respect des critères d'ordre de son licenciement par la société SOFILA.

STATUANT à nouveau sur les dispositions infirmées et Y AJOUTANT :

DIT que la société SOFILA n'a pas respecté les règles relatives à l'ordre des licenciements,

CONDAMNE la société SOFILA à indemniser M. Y... à hauteur de 82.450 € en raison du préjudice résultant de la perte de son emploi suite au non respect des règles relatives à l'ordre des licenciements,

CONDAMNE la société SOFILA aux dépens.

CONDAMNE la société SOFILA à payer à M. Y... la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur SILVAN, Président, et par Madame ROCHARD, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section a
Numéro d'arrêt : 16/02432
Date de la décision : 26/06/2018

Références :

Cour d'appel de Grenoble 04, arrêt n°16/02432 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-06-26;16.02432 ?
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