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04/06/2013 | FRANCE | N°12/04655

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre sociale, 04 juin 2013, 12/04655


H.C



RG N° 12/04655



N° Minute :





















































































Notifié le :

Grosse délivrée le :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE SOCIALE



ARRET DU MARDI 04 JUIN 2013






Recours contre une décision (N° R.G.F08/00563 )

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

en date du 01 avril 2010

ayant fait l'objet d'un arrêt rendu le 27 janvier 2011

par la Cour d'Appel de LYON

et suite à un arrêt de cassation du 26 septembre 2012



SUIVANT DECLARATION DE SAISINE DU 05 Octobre 2012





APPELANT :



Monsieur [K] [G]

[Adresse...

H.C

RG N° 12/04655

N° Minute :

Notifié le :

Grosse délivrée le :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU MARDI 04 JUIN 2013

Recours contre une décision (N° R.G.F08/00563 )

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

en date du 01 avril 2010

ayant fait l'objet d'un arrêt rendu le 27 janvier 2011

par la Cour d'Appel de LYON

et suite à un arrêt de cassation du 26 septembre 2012

SUIVANT DECLARATION DE SAISINE DU 05 Octobre 2012

APPELANT :

Monsieur [K] [G]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Comparant en personne

Assisté de Me Pascale REVEL, avocat au barreau de LYON, substitué par Me Christine FAUCONNET, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

La Société TOUPARGEL, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

Zone Industrielle

[Localité 1]

Représentée par Monsieur Roland TCHENIO, son Président

Assistée de Me Valérie BOUSQUET, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame Hélène COMBES, Conseiller faisant fonction de Président,

Monsieur Frédéric PARIS, Conseiller,

Madame Stéphanie ALA, Vice Présidente placée,

Assistés lors des débats de Madame Ouarda KALAI, Greffier.

DEBATS :

A l'audience publique du 06 Mai 2013,

Madame COMBES, entendue en son rapport,

Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoiries.

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 04 Juin 2013.

L'arrêt a été rendu le 04 Juin 2013.

RG N°12/4655H.C

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat à durée indéterminée du 22 mai 1989, [K] [G] a été embauché en qualité de chef comptable par la société Toupargel.

Le 1er juillet 1994, il est devenu directeur comptable. Au dernier état de la relation contractuelle, il percevait une rémunération mensuelle de 5.790 euros.

Le 27 juin 2007, il a écrit à son employeur qu'il quitterait l'entreprise le 30 septembre 2007 et qu'il serait retraité à compter du 1er octobre 2007.

Il a signé le reçu pour solde de tout compte le 26 septembre 2007.

Le 13 février 2008, il a saisi le conseil de Prud'hommes de Lyon de diverses demandes tendant au paiement d'heures supplémentaires, de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et à la requalification de la rupture du contrat de travail en prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 1er avril 2010, le conseil de Prud'hommes a condamné la société Toupargel à payer à [K] [G] la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, 1.200 euros au titre des frais irrépétibles et l'a débouté de ses autres demandes.

Sur appel de la société Toupargel, la cour d'appel a confirmé le jugement sur le rejet des demandes de requalification et de paiement des heures supplémentaires, l'a infirmé pour le surplus et débouté [K] [G] de toutes ses demandes, le condamnant à payer à l'employeur 1.500 euros au titre des frais irrépétibles.

Par arrêt du 26 septembre 2012, la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Lyon en toutes ses dispositions et renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel de Grenoble.

[K] [G] qui a saisi la cour d'appel de Grenoble le 4 octobre 2012 demande à la cour de confirmer le jugement, uniquement en ce qu'il a retenu une exécution déloyale du contrat de travail et l'infirmant pour le surplus, de requalifier la rupture du contrat de travail en prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner la société Toupargel à lui payer les sommes suivantes :

- 273.837,38 euros au titre des heures supplémentaires et 27.383,83 euros au titre des congés payés afférents,

- 200.603,75 euros à titre de rappel de repos compensateurs,

- Subsidiairement en cas de rejet de ces deux demandes, 200.000 euros à titre de dommages-intérêts pour non respect des dispositions conventionnelles relatives au forfait jours.

- 100.000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- 31.556,80 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 250.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Il sollicite 'à tout le moins' la confirmation du jugement.

Après avoir rappelé son cursus dans l'entreprise et décrit les fonctions qu'il y exerçait, il expose que le 10 juillet 2000, les parties ont conclu une convention de forfait à hauteur de 217 jours.

Il invoque la surcharge de travail au sein du service comptable, ce dont il a alerté sa hiérarchie des années durant.

Il fait valoir qu'après la fusion en 2006 avec la société Agrigel, il a constaté que son homologue au sein de cette société lui était préféré et qu'il était mis à l'écart ;

que c'est dans ces conditions, après avoir formulé diverses revendications auprès du PDG, qu'il a formalisé la rupture de son contrat de travail.

Sur le temps de travail, il rappelle qu'en matière de forfaits en jours, la Cour de cassation veille à ce que l'employeur respecte de manière effective la santé et le droit au repos des salariés ;

qu'ainsi, si elle a validé le dispositif, elle impose que les accords les instaurant garantissent le respect des durées maximales de travail ainsi que les repos journaliers et hebdomadaires.

Il soutient que la convention de forfait est privée d'effet en l'absence de garanties suffisantes, ce qui lui donne le droit de réclamer le paiement d'heures supplémentaires.

Il expose qu'à compter de son embauche, il a rapidement fait face à une surcharge de travail du fait de la désorganisation et du sous-effectif chroniques du service comptable et de l'inadaptation de l'outil informatique.

Il ajoute que la société Toupargel a procédé à de nombreux rachats (60 entreprises), ce qui a nécessité l'intégration de nombreuses comptabilités ; qu'elle n'a cependant jamais tenu compte de ses revendications.

Il évoque les nombreuses heures de travail qu'il a dû accomplir et le rythme infernal qu'il était contraint d'adopter la semaine, travaillant également les jours fériés et les week-ends.

Il soutient que l'employeur ne peut se réfugier derrière son absence de réclamation et observe que ses propres pièces témoignent de la charge importante de travail.

Il formule sa demande sur la base de 62 heures de travail par semaine et sollicite un rappel au titre des repos compensateurs.

Sur l'attitude générale de l'employeur et son manquement à l'obligation de loyauté, il invoque son absence de réaction et son indifférence devant sa surcharge de travail et l'insuffisance des moyens, cette situation le conduisant à souffrir de dépression.

Il soutient encore que la société Toupargel a tenté de dissimuler des heures de travail.

Il ajoute qu'après la fusion avec la société Agrigel, elle lui a retiré la plupart de ses responsabilités ce qui constitue une modification unilatérale du contrat de travail, qui n'a jamais été débattue et dont il n'a même pas été averti.

Sur la requalification de la rupture, il rappelle que dans un courrier du 10 avril 2007, il a dénoncé ses conditions de travail et que c'est l'inertie de l'employeur qu l'a contraint de prendre l'initiative de la rupture du contrat de travail, alors qu'il avait 57 ans et qu'il avait prévu de prendre sa retraite en 2012.

La société Toupargel conclut à l'infirmation du jugement, au rejet de toutes les demandes de [K] [G] et réclame 2.500 euros au titre des frais irrépétibles.

Elle expose que cinq mois après qu'il ait cessé de travailler, [K] [G] 'a imaginé de saisir le conseil de Prud'hommes d'une demande de requalification de son départ volontaire à la retraite'.

Sur la demande au titre des heures supplémentaires et des repos compensateurs, elle rappelle que dans sa rédaction antérieure à la loi du 20 août 2008, l'ancien article L 212-15-3 du code du travail autorisait la conclusion d'une convention de forfait annuel en heures ou en jours sous réserve qu'une convention ou accord collectif étendu, une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement l'ait prévu ;

que les salariés concernés par les forfaits en jours étaient et sont toujours exclus du bénéfice des dispositions relatives à la durée hebdomadaire de travail et aux heures supplémentaires.

Elle invoque successivement les dispositions de l'article 2.3 de l'accord du 14 décembre 2001 pris en application de la convention collective, celles de l'avenant du 26 janvier 2000 venu compléter l'accord d'entreprise du 17 novembre 1999 et celles de l'accord du 23 mai 2006.

Elle fait valoir que la Cour de cassation qui s'est saisie d'office de la question, a manifestement procédé à une lecture partielle du dispositif collectif et a rendu son arrêt du 26 septembre 2012 sans tenir compte du dispositif conventionnel en vigueur pendant l'exécution du contrat de travail, pour en déduire à tort, que la convention de forfait en jours conclue entre les parties était privée d'effet.

Elle soutient qu'elle n'a notamment pas tenu compte des dispositions de l'accord du 23 mai 2006 aux termes duquel l'employeur ne se livre pas à un simple examen trimestriel des informations communiquées par le salarié, mais exerce un véritable contrôle qui va bien au delà du simple entretien annuel prévu par la loi.

Elle en conclut que les modalités de contrôle mises en place au sein de l'entreprise étaient de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables, de sorte que la convention de forfait ne pouvant être privée d'effet, [K] [G] ne peut prospérer en sa demande au titre des heures supplémentaires dont il a fixé le quantum de façon parfaitement arbitraire et fantaisiste.

Elle soutient encore qu'il ne produit aucune pièce de nature à corroborer son décompte sur la base de 62 heures de travail par semaine et souligne qu'il n'a jamais formulé la moindre réclamation, alors même qu'en sa qualité de directeur comptable, il était doté d'une réelle propension à la rédaction de notes ou d'observations.

Elle conteste toute exécution déloyale du contrat de travail et rappelle que la bonne foi étant présumée, c'est au salarié de faire la preuve du manquement de l'employeur à son devoir de loyauté.

Elle fait valoir que même si elle n'a pas répondu à chacune des multiples notes de travail de [K] [G], elle n'est pas pour autant restée sourde à ses appels, qu'elle le recevait régulièrement en entretien et a toujours veillé à ne pas alourdir sa tâche personnelle de travail.

Elle ajoute qu'elle s'est dotée de nombreux outils informatiques et que les moyens en personnel du service comptable ont évolué.

Elle conteste toute rétrogradation à compter de 2006 et dénonce 'le chantage à peine voilé' auquel [K] [G] s'est livré lorsqu'il a quitté l'entreprise.

Elle soutient enfin que le départ à la retraite à l'initiative du salarié constitue un mode autonome de rupture du contrat de travail et que c'est à bon droit que le conseil de Prud'hommes a débouté [K] [G] de sa demande de requalification formalisée cinq mois après son départ effectif.

Elle indique qu'il a pris l'initiative de mettre un terme au contrat de travail dans le cadre d'un départ volontaire à la retraite et non d'une démission et qu'il a fait liquider ses droits à taux plein.

Elle en conclut qu'il a été pleinement rempli de ses droits par le versement des indemnisations conventionnellement prévues.

DISCUSSION

Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues à l'audience ;

1 - Sur les demandes au titre des heures supplémentaires et des repos compensateurs

Attendu que [K] [G] ayant saisi le conseil de Prud'hommes de Lyon le 13 février 2008, sa demande de rappel de salaire est limitée à la période qui a couru entre le 13 février 2003 et le 1er octobre 2007, en application des dispositions de l'article L 3245-1 du code du travail ;

Attendu que pour s'opposer à la demande de [K] [G] au titre des heures supplémentaires et repos compensateurs, la société Toupargel fait valoir que les relations des parties étaient régies par une convention de forfait strictement conforme aux dispositions législatives et conventionnelles en vigueur ;

Attendu que pour être valide, une convention de forfait doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que du respect des repos journaliers et hebdomadaires ;

Attendu qu'en ce qui concerne la charge et l'amplitude de travail du salarié, les trois accords invoqués par la société Toupargel se limitent à prévoir :

- l'accord du 14 décembre 2001 : un entretien annuel entre le salarié et son supérieur hiérarchique,

- l'accord du 26 janvier 2000 : un examen trimestriel par la direction des informations communiquées par la hiérarchie,

- l'accord du 23 mai 2006 : un relevé mensuel par chaque cadre des jours travaillés, sans aucun détail de l'amplitude des journées de travail et de la charge de travail, les informations sur ces points étant réservées à la hiérarchie qui les transmet à la direction.

Attendu qu'en l'absence de mécanismes précis de contrôle de l'amplitude et de la charge de travail, aucune de ces dispositions n'est de nature à garantir qu'elles restent raisonnables ;

que ces dispositions étant dès lors insuffisantes au regard du droit à la santé et au repos du salarié, [K] [G] est bien fondé à soutenir que la convention de forfait conclue le 10 juillet 2000 est privée d'effet et à formuler des demandes au titre des heures supplémentaires et des repos compensateurs ;

Attendu qu'il n'est pas contesté qu'entre l'embauche de [K] [G] en 1989 et la fin de la relation contractuelle, la société Toupargel a connu un développement important, du fait de l'acquisition de nombreuses sociétés (environ 60) et de la fusion en 2006 avec la société Agrigel ;

Attendu que l'intégration de nouvelles sociétés et de leurs services comptables a impacté au premier chef le travail de [K] [G] ;

qu'il a recensé dans un document de 75 pages (pièce 38) les nombreuses difficultés qu'il a rencontrées entre 1992 et 2007 avec l'outil informatique du service comptable ;

Attendu que dès les premières années de la relation contractuelle, [K] [G] a alerté son employeur sur la surcharge du service comptable ainsi que sur l'inadéquation de ses effectifs et des moyens informatiques :

- le 15 mars 1994 (3 pages) : 'le service comptable est plus que saturé et ne fait plus face' 'le suivi de [D] a triplé en volume d'écriture, le suivi des règlements a quadruplé' 'l'outil informatique ne sait pas gérer les règlements'....

- le 14 mai 1994 (3 pages) : 'je vous rappelle que je suis arrivé chez [T] en mai 89 dans un service comptable vidé de son contenu en personnel, celui-ci ayant choisi de partir alors qu'il s'asphyxiait sous les charges de travail qu'il ne parvenait plus à honorer, mon prédécesseur n'ayant pas su vous convaincre...', 'D'ores et déjà, il est nécessaire de créer un poste à temps complet pour pallier aux manques d'heures de travail sur les achats et la banque. Etant personnellement trop impliqué à l'exécution de divers travaux comptables....'

Attendu que la seule réponse de l'employeur à ces demandes concernent la promotion de trois salariées (8 août 1995), tous les autres courriers produits aux débats par la société Toupargel concernant la rémunération du salarié ;

Attendu que dans un courrier du 12 janvier 2001, [K] [G] évoque le développement de l'entreprise et réitère sa demande de recrutement d'un aide comptable indiquant : 'la situation actuelle est de moins en moins supportable' et rappelant que deux départs en 1997 et 1998 n'ont pas été remplacés ; qu'il anticipe également les difficultés liées à l'arrivée de l'euro ;

Attendu que le 29 mai 2001, il alerte la direction sur la situation 'très délicate' du service comptable, qu'il détaille sur plusieurs points ;

que le 2 août 2001, il évoque d'autres difficultés relatives aux télétransmissions, à la saturation du matériel, au rachat de 3 sociétés et au manque d'expérience de l'équipe comptable ;

qu'il conclut son courrier en indiquant attendre entre autres un réel soutien de sa hiérarchie, une réelle assistance informatique et des matériels performants ;

qu'un courrier du 18 février 2006 est tout aussi alarmiste sur la situation 'catastrophique' du service, [K] [G] écrivant en conclusion : 'Le groupe Toupargel-Agigel a atteint une dimension qui ne nous permet plus de bricoler' ;

que le10 mars 2006, il évoque 'les méandres de notre outil informatique' (pièce 39 page 9) et le fait que des fichiers s'égarent ;

Attendu que la société Toupargel qui n'a apporté de réponse à aucun de ces courriers, ne peut se contenter comme elle le fait en page 13 de ses conclusions de soutenir qu'elle avait constaté 'l'inutilité de répliques écrites aux régulières invectives de son collaborateur qui n'avait d'autre effet que de l'inciter à surenchérir' et qui 'n'avait d'autre leitmotiv que de remettre en question des décisions de la société n'hésitant pas à adopter un ton à tout le moins péremptoire' ;

que si tel avait été le cas, elle n'aurait pas manqué de reprocher à son salarié son attitude inutilement critique et négative, l'aurait invité à adopter un autre comportement et lui aurait à tout le moins démontré le caractère infondé de ses revendications ;

Attendu que tout porte à croire au contraire que la société Toupargel était satisfaite de l'investissement et du travail de [K] [G], puisque loin de lui adresser quelque remarque ou reproche en 17,5 années de relation contractuelle, elle a régulièrement augmenté sa rémunération et lui a alloué une prime exceptionnelle de 3.500 euros au mois d'avril 2006 ;

Attendu que les pièces ci-dessus analysées révèlent le total investissement de [K] [G] dans l'intérêt de la société Toupargel ;

Attendu que toutes les attestations qu'il produit témoignent de l'importance de ses heures de travail, qu'elles émanent de ses proches ou de collègues de travail ;

Attendu que ses proches (famille, amis) expliquent que même pendant les jours de repos, il travaillait sur son ordinateur et sur les documents de l'entreprise, partait vers 7 heures 15 et rentrait vers 20 heures ;

que dans une longue attestation, son épouse qui exerce elle-même le métier de directeur comptable, témoigne des soirées et week-ends de travail notamment au moment de la clôture des comptes, de la renonciation de son mari à des sorties de ski avec l'entreprise pour résoudre des problèmes informatiques et écrit que [T] n'est pas un travail, mais un sacerdoce ;

Attendu que la société Toupargel qui ne conteste pas la sincérité de ces attestations, ne peut se contenter de souligner que [K] [G] n'a travaillé que 5 samedis en trois ans, alors qu'elle n'indique pas si de son domicile, il était relié au système informatique de l'entreprise ;

Attendu qu'il ressort d'ailleurs d'un courrier de [K] [G] en date du 12 janvier 1997, que le travail le week-end était pour lui habituel ;

Attendu que plusieurs salariés de la société Toupargel qui ont travaillé dans l'équipe de [K] [G] attestent de son travail samedis, dimanches et jours fériés ([E] [H]) ;

qu'[F] [W] évoque 'une bête de travail qui arrivait tous les jours avec sa mallette et l'ordinateur portable en bandoulière' et parlait des travaux qu'il avait faits jusque tard dans la nuit ;

que [C] [N] témoigne dans le même sens précisant qu'il emportait chez lui des dossiers à traiter avec lesquels il revenait le lendemain ;

Attendu que le fait que [K] [G], dévoué au service de l'entreprise, n'ait pas fait de réclamation pendant les années qu'a duré la relation contractuelle, ne lui interdit nullement de solliciter le paiement, après la rupture du contrat de travail, des heures supplémentaires accomplies dont la preuve est rapportée ;

Attendu qu'en l'état des éléments produits, il est raisonnable de retenir que les semaines de travail de [K] [G] oscillaient entre 50 et 60 heures ;

que sur cette base, il sera fait droit à ses demandes dans les limites de la prescription à hauteur de 150.000 euros au titre des heures supplémentaires et de 50.000 euros au titre des repos compensateurs ;

2 - Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

Attendu qu'ainsi qu'il a été relevé plus haut, la société Toupargel n'a jamais répondu aux courriers de [K] [G], ne serait-ce que pour contester le bien fondé de ses demandes de renforcement du service comptable ;

Attendu que même s'il est incontestable que les effectifs du service comptable ont augmenté en 18 ans d'évolution de la société, les données et pièces que produit la société Toupargel dans le cadre de l'instance, sont insuffisantes à considérer que ces effectifs étaient à chaque nouvelle étape de son agrandissement en adéquation avec les réels besoins du service ;

Attendu que la société Toupargel a manifestement profité de la conscience professionnelle de [K] [G] et compté sur son investissement hors norme, au détriment de sa santé et de son équilibre ;

Attendu que les pièces produites aux débats, permettent en outre de retenir qu'après la fusion en 2006 avec la société Agrigel, [K] [G] dont la compétence n'avait jamais été remise en cause, a progressivement été dépossédé de la quasi totalité de ses attributions ;

qu'il l'a déploré dans le courrier du 10 avril 2007 qu'il a adressé au président de la société et dans un courrier du 4 octobre 2007 dans lequel il écrit que le rapprochement avec Agrigel l'a 'brisé', que son travail (comptabilités et contrôles budgétaires) et son personnel ont été confiés à son homologue d'Agrigel sans qu'il en ait été informé ;

Attendu que cette situation est confirmée par [E] [H] dans son attestation du 13 décembre 2007 ;

que ce salarié qui a travaillé avec [K] [G] de mai 2004 à janvier 2007, rappelle qu'il a mis en place tout l'administratif et comptable chez [T] et qu'après le rapprochement avec Agrigel, il a été 'lâché' par sa direction ;

qu'il ajoute que de son travail, 'rien n'a été retenu' et qu'il en a été dépossédé, l'élaboration des résultats budgétaires étant confiée à son 'challenger' G. [B], de même que la responsabilité et la gestion de son personnel ;

Attendu que la société Toupargel ne produit aucune pièce contredisant l'attestation d'[E] [H] et les courriers de [K] [G] ;

Attendu que l'attitude de l'employeur, qui après avoir largement profité du dévouement du salarié pendant de nombreuses années, l'a mis à l'écart lorsqu'elle n'en a plus eu besoin, caractérise à un double titre une exécution déloyale du contrat de travail ;

que cette exécution déloyale du contrat de travail sur plusieurs années, a causé à [K] [G] un préjudice que le conseil de Prud'hommes a justement évalué à 50.000 euros à titre de dommages-intérêts ;

3 - Sur les demandes au titre de la rupture du contrat de travail

Attendu que le départ à la retraite de [K] [G] résulte effectivement de l'initiative qu'il a prise de faire valoir ses droits à la retraite alors qu'il était âgé de 57 ans ;

Attendu que pour autant, il résulte clairement du courrier du 10 avril 2007 qu'il a adressé au président de la société, que son désir de quitter l'entreprise s'explique par l'attitude de l'employeur ;

qu'il y écrit qu'il pensait rester en activité jusqu'en 2012, que sa décision relève plus d'une fuite et d'une désertion que du choix d'un nouveau mode de vie et que [T] lui a fait 'mal, beaucoup de mal' ;

qu'il évoque longuement les difficultés rencontrées depuis son embauche, l'absence de soutien de sa hiérarchie, le boulet informatique, les 'galères' des rachats de sociétés et pour finir la perte de ses responsabilités après la fusion avec Agrigel ;

Attendu qu'à la lumière des manquements de l'employeur tels qu'ils ont été analysés plus haut, la rupture du contrat de travail est bien imputable à la société Toupargel ;

Attendu que la mise à la retraite de [K] [G], bien qu'elle soit intervenue à son initiative, s'analyse donc en une prise d'acte de la rupture du contrat de travail qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

qu'il importe peu à cet égard que le départ à la retraite à l'initiative du salarié constitue un mode autonome de rupture du contrat de travail, dès lors qu'il est établi que sans les manquements de l'employeur, [K] [G] aurait poursuivi son activité pendant quelques années ;

Attendu qu'en l'état d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, [K] [G] est bien fondé à réclamer le paiement de l'indemnité de licenciement prévue par la convention collective (44.698,80 euros, montant conforme aux dispositions conventionnelles et non contesté par l'employeur), déduction faite de la somme de 13.142 euros perçue à titre d'indemnité de départ à la retraite ;

que la société Toupargel sera condamnée à lui payer la somme de 31.556,80 euros de ce chef ;

Attendu que la perte de son emploi par [K] [G] dans les circonstances ci-dessus rappelées, lui a causé un préjudice qui sera réparé sur le fondement de l'article L 1235-3 du code du travail par la somme de 40.000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Attendu qu'il lui sera alloué la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

- Confirme le jugement rendu le 1er avril 2010 par le conseil de Prud'hommes de Lyon, uniquement en ses dispositions relatives aux dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail (50.000 euros), aux frais irrépétibles et aux dépens.

- L'infirmant pour le surplus et statuant à nouveau, condamne la société Toupargel à payer à [K] [G] les sommes suivantes :

150.000 euros au titre des heures supplémentaires et 15.000 euros au titre des congés payés afférents

50.000 euros au titre des repos compensateurs

31.556,80 euros au titre du solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement

40.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

2.000 euros au titre des frais irrépétibles

- Condamne la société Toupargel aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame COMBES, Président, et par Madame KALAI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12/04655
Date de la décision : 04/06/2013

Références :

Cour d'appel de Grenoble 04, arrêt n°12/04655 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-06-04;12.04655 ?
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