H.C
RG N° 12/00505
N° Minute :
Notifié le :
Grosse délivrée le :
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU MARDI 26 MARS 2013
Appel d'une décision (N° RG F11/00046)
rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTELIMAR
en date du 19 décembre 2011
suivant déclaration d'appel du 23 Décembre 2011
APPELANTE :
LA SA NATURA'PRO, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Thierry CHAUVIN, avocat au barreau de VALENCE
INTIME :
Monsieur [S] [G]
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représenté par Me Michel DEPOUILLY, avocat au barreau de VALENCE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DELIBERE :
Madame Hélène COMBES, Conseiller faisant fonction de Président,
Madame Véronique LAMOINE, Conseiller,
Madame Stéphanie ALA, Vice Présidente placée,
DEBATS :
A l'audience publique du 04 Mars 2013,
Madame COMBES, chargée du rapport, et Madame ALA, assistées de Madame Ouarda KALAI, Greffier, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées.
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 26 Mars 2013, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L'arrêt a été rendu le 26 Mars 2013.
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RG N°12/505H.C
EXPOSE DU LITIGE
Le 2 février 1998, la société Sicagri qui exploite des magasins à l'enseigne Gamm Vert a embauché [S] [G] en qualité de responsable activité Lisa (libre service agricole) sur le site de [Localité 1] (coefficient 250).
Plusieurs avenants concernant la rémunération et les coefficients ont été conclus au cours de la relation contractuelle et par avenant du 13 septembre 2011, [S] [G] est devenu responsable de magasin libre service (coefficient 330). Au dernier état de la relation contractuelle, il relevait du coefficient 370.
A une date qui n'est pas précisée par les parties, le contrat de travail a été transféré à la société Natura'Pro créée à la suite de la fusion des entités de la Drôme et de celles de l'Ardèche.
À compter du 7 septembre 2010, [S] [G] a été en arrêt maladie.
Par courrier du 14 octobre 2010, il a demandé à son employeur d'examiner les possibilités d'une rupture conventionnelle. Cette demande s'est heurtée au refus de la société Natura'Pro.
Le 22 février 2011, [S] [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Montélimar d'une demande de résiliation du contrat de travail en raison des manquements de l'employeur.
Dans deux avis des 9 mars 2011 et 13 avril 2011, le médecin du travail l'a déclaré inapte 'à tous postes dans l'entreprise dans le contexte organisationnel actuel.'
Par courrier du 23 mai 2011, la société Natura'Pro a notifié à [S] [G] son licenciement pour inaptitude.
Par jugement du 19 décembre 2011, le conseil de prud'hommes a débouté [S] [G] de sa demande de résiliation du contrat de travail, a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné la société Natura'Pro à lui payer :
- 7.789,14 euros au titre de l'indemnité de préavis et 778,91 euros au titre des congés payés afférents
- 15.578,28 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 13.930 euros à titre de rappel de salaire
- 500 euros au titre des frais irrépétibles.
La société Natura'Pro qui a relevé appel le 23 décembre 2011, demande à la cour d'infirmer le jugement, de débouter [S] [G] de toutes ses demandes et de lui allouer 500 euros au titre des frais irrépétibles.
Elle fait valoir que la demande de résiliation n'est pas justifiée en l'absence de preuve de manquements de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail.
Elle expose que le premier courrier échangé entre les parties depuis le début de la relation contractuelle est le courrier du 14 octobre 2010 par lequel [S] [G] qui avait un projet professionnel de création d'un magasin bio, a souhaité une rupture conventionnelle du contrat de travail.
Elle soutient qu'il est démontré que [S] [G] avait une véritable envie de quitter l'entreprise et qu'après le refus de l'employeur d'une rupture conventionnelle, le ton de ses courriers a changé, le salarié se plaignant pour la première fois de ses conditions de travail, alors qu'il n'avait vécu ni stress ni souffrance au travail.
Elle qualifie la procédure de résiliation de 'monumentale imposture' et observe que la volonté de [S] [G] d'ouvrir un magasin était telle, qu'il a débuté l'exploitation avant même d'avoir reçu la lettre de licenciement.
Elle s'oppose à la demande de rappel de salaire, faisant observer que le conseil de prud'hommes n'a pas motivé sa décision et que [S] [G] qui relevait du coefficient 370 ne démontre pas en quoi le coefficient 410 lui serait applicable.
Sur le licenciement, elle conteste avoir manqué à son obligation de reclassement.
Elle observe sur ce point que le reclassement a bien été envisagé puisque trois postes ont été évoqués, qu'elle les a soumis au médecin du travail qui les a refusés en bloc et que l'on voit mal dès lors comment elle aurait pu les proposer à [S] [G].
[S] [G] demande à titre principal à la cour de prononcer la résiliation du contrat de travail aux torts de la société Natura'Pro et de confirmer le jugement sur les sommes allouées sauf à porter les dommages-intérêts à 45.000 euros.
Subsidiairement, il lui demande de juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de lui allouer les mêmes sommes. Il réclame dans tous les cas 3.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Il réplique que sa demande de résiliation du contrat de travail est justifiée par les manquements de l'employeur :
- qui a violé son obligation de sécurité de résultat en méconnaissant le stress au travail et en n'entreprenant aucune action pour l'éliminer ou le réduire,
- qui a méconnu son obligation de formation et d'adaptation à l'emploi,
- qui l'a maintenu dans un état de sous qualification en ne le rémunérant pas au coefficient 410 auquel il pouvait prétendre.
Il fait valoir sur ce dernier point que la surface de vente et le nombre des salariés ont augmenté et que les fonctions de responsable de magasin qu'il exerçait justifiaient son classement au coefficient 410.
Il ajoute que ses nombreuses responsabilités étaient source de stress et que lorsqu'il demandait de l'aide, il se heurtait au mépris de l'employeur.
Il soutient encore que la fusion des entités ne s'est pas accompagnée des moyens nécessaires et qu'elle a entraîné de nombreux changements sur le terrain ;
que toutes ces modifications ont été source de stress et de mal-être qui s'est transformé en angoisse insurmontable.
Il indique que c'est parce qu'il était exténué qu'il a demandé une rupture conventionnelle et qualifie de 'loufoque'l'explication du refus de l'employeur qui a en réalité fait pression pour provoquer sa démission, lui-même n'ayant jamais caché qu'il avait un projet 'pour se reconstruire'.
Sur le licenciement, il fait valoir que le comportement de l'employeur est à l'origine de son inaptitude et donc du licenciement.
Il soutient encore qu'aucune proposition de reclassement ne lui a été faite et relève que le registre du personnel n'est pas produit.
Il fait valoir que l'employeur ne pouvait se contenter de soumettre trois postes au médecin du travail sans justifier de l'existence d'autres postes.
DISCUSSION
Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues à l'audience ;
1 - Sur la demande de résiliation judiciaire
Attendu que les manquements de la société Natura'Pro que [S] [G] invoque au soutien de sa demande de résiliation du contrat de travail sont la violation de l'obligation de sécurité, le défaut de formation et d'adaptation du salarié à l'évolution de son emploi et la sous qualification ;
Attendu qu'en ce qui concerne la sous qualification, [S] [G] fait valoir qu'il devait en réalité relever du coefficient 410 et non du coefficient 370 et que la société Natura'Pro l'a sous-payé pendant plusieurs années ;
Attendu que la cotation des emplois a été définie par un accord du 18 décembre 2008 dont il ressort que le coefficient 370 s'applique aux responsables de magasin 2ème échelon et le coefficient 410 aux responsables de magasin 3ème échelon :
qu'il existe également des magasins relevant du 1er échelon (coefficient 330) et du 4ème échelon (coefficient 450) ;
Attendu que selon la définition des emplois, le responsable de magasin 2ème échelon exerce dans un magasin possédant plusieurs activités, encadre un à cinq salariés et reçoit l'appui technique et commercial de son responsable hiérarchique ;
Attendu que le responsable de magasin 3ème échelon exerce sa fonction dans une structure 'possédant une large gamme d'activités et manage une équipe de plusieurs salariés (cinq et plus) ;
Attendu qu'en dépit de ses affirmations, [S] [G] ne démontre pas que les conditions cumulatives du 3ème échelon étaient réunies au magasin de [Localité 1] ;
qu'il ne justifie par aucune pièce de la large gamme d'activité de ce magasin et ne contredit pas les indications de la société Natura'Pro selon lesquelles ce magasin ne comporte pas d'animalerie ;
qu'il ne conteste pas non plus que le responsable du magasin de [Localité 3] qui emploie 15 salariés est au coefficient 410 (3ème échelon) ;
Attendu qu'en l'état de ces éléments, c'est à tort que le conseil de prud'hommes a jugé que [S] [G] relevait du coefficient 410 et qu'il a fait droit à sa demande de rappel de salaire ;
qu'il sera débouté de sa demande de ce chef, la société Natura'Pro n'ayant commis aucun manquement dans le positionnement de son salarié ;
Attendu qu'aucune des pièces versées aux débats par [S] [G] n'illustre que du fait de l'employeur, il s'est trouvé confronté à un état de stress ;
Attendu que les nombreuses affirmations contenues dans ses écritures : surcharge de travail, report des problèmes du quotidien, silence de l'employeur devant ses demandes d'assistance, mal être lié à la mauvaise organisation de l'entreprise, fatigue, épuisement, ne sont étayées par aucune pièce, le premier courrier adressé par [S] [G] à son employeur étant daté du 14 octobre 2010 et libellé en ces termes neutres :
'Je souhaiterai examiner avec vous les possibilités d'une rupture conventionnelle de mon contrat de travail à durée indéterminée (...)'
Attendu qu'à cette date [S] [G] était en arrêt de travail depuis le 7 septembre 2010, mais n'avait préalablement jamais alerté l'employeur sur des conditions de travail difficiles ;
qu'il ne produit aucun certificat médical évoquant un lien entre ses conditions de travail et son état de santé ;
Attendu que ses premières allégations d'un malaise au travail, ont fait leur apparition dans les courriers des 28 janvier et 18 février 2011, dans lesquels [S] [G] exprime clairement que le choix de rapprochement avec un nouveau partenaire ne correspond pas à ses attentes ;
Mais attendu que le désaccord du salarié sur les choix de gestion de l'employeur, n'établit pas à lui seul que ces choix ont été fait au mépris de sa santé et qu'ils sont fautifs ;
Attendu que [S] [G] qui se limite à des observations d'ordre général, ne justifie pas par des éléments concrets en quoi la fusion des différentes entités au sein de la société Natura'Pro a pu générer un stress supplémentaire ;
qu'il ne justifie pas davantage qu'il a alerté son employeur 'en vain à de nombreuses reprises' ou qu'il a pu pâtir de la mauvaise organisation de l'entreprise ;
qu'enfin, il ne saurait être reproché à la société Natura'Pro d'avoir assuré son remplacement à compter de son arrêt de travail, rien n'indiquant que l'offre parue le 9 novembre 2010 anticipait son départ définitif ;
Attendu que [S] [G] ne justifie pas non plus d'un manquement de l'employeur à son obligation de formation et ne prend d'ailleurs pas la peine de préciser les formations qui auraient dû lui être dispensées et qui ne l'ont pas été ;
Attendu qu'il échoue manifestement à rapporter la preuve des manquements qu'il impute à la société Natura'Pro et qu'il a évoqués pour la première fois lorsqu'elle a refusé d'accéder à sa demande de rupture conventionnelle, rupture clairement motivée par un changement d'orientation professionnelle ;
Attendu que l'extrait du registre du commerce et des sociétés produit par la société Natura'Pro établit d'ailleurs que dès le 10 mai 2011, soit 4 jours après la convocation à l'entretien préalable et 13 jours avant son licenciement pour inaptitude, [S] [G] a débuté sa nouvelle activité de vente de produits alimentaires à l'enseigne 'Saveurs du terroir' ;
que c'est à bon droit que le conseil de prud'hommes l'a débouté de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail ;
2 - Sur le licenciement
Attendu qu'en l'absence de manquements de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail, il ne peut être retenu que c'est son comportement qui est à l'origine de l'inaptitude ;
que l'argumentation de [S] [G] sur ce point ne peut être accueillie ;
Attendu que [S] [G] invoque également un manquement de la société Natura'Pro à son obligation de reclassement ;
Attendu que [S] [G] a exprimé au mois de janvier 2011 que la méthode de travail du nouveau partenaire ne correspondait pas à ses attentes et qu'il ne trouvait plus sa place 'dans ce nouveau schéma de travail';
Attendu que l'avis d'inaptitude du médecin du travail concerne tous les postes de l'entreprise 'dans le contexte organisationnel actuel', ce qui signifie que le médecin du travail a tenu compte des réticences de [S] [G] face à la nouvelle organisation ;
Attendu que nonobstant cet avis d'inaptitude à tous les postes de l'entreprise, la société Natura'Pro a identifié trois postes susceptibles d'être offerts au reclassement de [S] [G] et les a soumis au médecin du travail ;
qu'elle a pris le soin de faire une proposition sur le site de [Localité 1] pour un poste d'adjoint, une proposition sur le site de [Localité 4] avec maintien de la rémunération et une double proposition sur un poste administratif à [Localité 2] ou [Localité 4] ;
que tirant les conséquences de l'incompatibilité de [S] [G] avec le contexte organisationnel, le médecin du travail lui a répondu le 2 mai 2011 :
'Les 3 propositions ne me semblent pas indiquées dans le cas de votre salarié. Je n'ai pas de proposition à vous faire pour permettre un reclassement au sein de votre entreprise.'
Attendu qu'en l'état de cette fin de non recevoir faisant suite à un avis d'inaptitude à tous les postes de l'entreprise, par laquelle le médecin du travail signifiait clairement qu'aucun poste de ne pourrait convenir, il ne peut être reproché à la société Natura'Pro de n'avoir pas recherché ni proposé d'autres postes ;
qu'à la date du 2 mai 2011, [S] [G] était d'ailleurs à 8 jours de l'ouverture de son magasin 'Saveurs du terroir' ;
Attendu que la société Natura'Pro n'ayant pas méconnu son obligation de reclassement, c'est à tort que le conseil de prud'hommes a jugé le licenciement de [S] [G] sans cause réelle et sérieuse ;
qu'il sera infirmé sur ce point, [S] [G] étant débouté de toutes ses demandes ;
Attendu qu'il sera alloué à la société Natura'Pro la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
- Confirme le jugement rendu le 19 décembre 2011 par le conseil de prud'hommes de Montélimar, uniquement en ce qu'il a débouté [S] [G] de sa demande de résiliation du contrat de travail.
- L'infirmant pour le surplus et statuant à nouveau, dit que le licenciement de [S] [G] est fondé sur une cause réelle et sérieuse et le déboute de toutes ses demandes de ce chef.
- Déboute [S] [G] de sa demande de rappel de salaires.
- Y ajoutant, condamne [S] [G] à payer à la société Natura'Pro la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles.
- Le condamne aux dépens de première instance et d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame COMBES, Président, et par Madame KALAI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIERLE PRESIDENT