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07/03/2013 | FRANCE | N°11/05275

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre sociale, 07 mars 2013, 11/05275


V.L



RG N° 11/05275



N° Minute :









































































































Notifié le :



Grosse délivrée le :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL D

E GRENOBLE



CHAMBRE SOCIALE



ARRET DU JEUDI 07 MARS 2013







Appel d'une décision (N° RG F10/01133)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 18 novembre 2011

suivant déclaration d'appel du 01 Décembre 2011



APPELANT :



Monsieur [R] [M]

[Adresse 6]

[Adresse 7]

[Localité 3]



Comparant en personne

Assisté de Me Sophie BAUER, avocat au barreau de GRENOBLE







IN...

V.L

RG N° 11/05275

N° Minute :

Notifié le :

Grosse délivrée le :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU JEUDI 07 MARS 2013

Appel d'une décision (N° RG F10/01133)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 18 novembre 2011

suivant déclaration d'appel du 01 Décembre 2011

APPELANT :

Monsieur [R] [M]

[Adresse 6]

[Adresse 7]

[Localité 3]

Comparant en personne

Assisté de Me Sophie BAUER, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMEE :

LA SAS SAMES TECHNOLOGIES, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Laurent CLEMENT-CUZIN, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DELIBERE :

Madame Astrid RAULY, Conseiller faisant fonction de Président,

Madame Véronique LAMOINE, Conseiller,

Monsieur Frédéric PARIS, Conseiller,

DEBATS :

A l'audience publique du 13 Décembre 2012,

Madame LAMOINE, chargée du rapport, et Madame RAULY, assistées de Madame Ouarda KALAI, Greffier, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 31 Janvier 2013, puis prorogé une première fois au 21 février 2013 puis au 7 mars 2013, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 7 mars 2013.

*************

RG N°11/ 5275 VL

* * * * * * * * * * * * * *

Exposé des faits

Par contrat de travail écrit en date du 7 mai 1996 à effet au 1er juillet 1996, Monsieur [R] [M] a été embauché par la SAS SAMES TECHNOLOGIES pour une durée indéterminée, au poste de Technicien Atelier niveau IV échelon 2 coefficient 270 pour une rémunération mensuelle brute de 12 500 F.

Une modification de son temps de travail lui a été proposée en début d'année 2008, pour un passage à un forfait en jours, ce qu'il a d'abord refusé. Mais il a fini par l'accepter en signant un avenant le 26 février 2008. Au dernier stade des relations contractuelles, il était promu au niveau IV échelon 3 coefficient 285. Dans la pratique, il était responsable de sites notamment à l'étranger.

La SAS SAMES TECHNOLOGIES a mis en place un plan de redressement à compter du 2 avril 2009 et adopté un PSE le 19 juin 2009, décidant ainsi de la suppression de 4 des 11 postes de chef de chantier ; en application des critères d'ordre du licenciement, le poste de Monsieur [R] [M] a été supprimé. Il lui a été fait, fin juin 2009, quatre propositions de reclassement qu'il a jugées imprécises.

Par lettre recommandée du 16 juin 2009, il a été licencié pour motif économique du fait de la suppression de son poste.

Monsieur [R] [M] a saisi le Conseil de Prud'hommes de GRENOBLE en contestant son licenciement et en réclamant des rappels de salaires.

Par jugement du 18 novembre 2011, le Conseil de Prud'hommes de GRENOBLE a débouté Monsieur [R] [M] de toutes ses demandes et l'a condamné aux dépens.

Monsieur [R] [M] a, le 1er décembre 2011, interjeté appel de ce jugement, qui lui avait été notifié le 23 novembre 2011.

Demandes et moyens des parties

Monsieur [R] [M], appelant, demande à la Cour d'infirmer le jugement et,

I/ sur la durée du travail dans le cadre de l'exécution du contrat, de :

* condamner la SAS SAMES TECHNOLOGIES à lui payer les sommes suivantes à titre de rappels de salaires pour les années 2005 à 2007 :

- 2005 : 4 164,49 € bruts outre 416,45 € au titre des congés payés afférents,

- 2006 : 455,12 € bruts outre 45,51 € au titre des congés payés afférents,

- 2007 : 11 345,10 € bruts outre 1 134,51 € au titre des congés payés afférents,

* au principal dire que la convention de forfait en jours appliquée à compter de mars 2008 est nulle, par conséquent condamner la SAS SAMES TECHNOLOGIES à lui payer les sommes suivantes à titre de rappels de salaires :

- pour 2008 : 5 644,80 € bruts outre 564,48 € au titre des congés payés afférents,

- pour 2009 : 2 794,96 € bruts outre 279,50 € au titre des congés payés afférents,

* au subsidiaire pour cette même période, condamner la SAS SAMES TECHNOLOGIES à lui régler la somme de 18 000 € à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice résultant d'un salaire sans rapport avec les sujétions imposées par le travail ;

* condamner la SAS SAMES TECHNOLOGIES à lui payer la somme de 7 600 € nets à titre de dommages-intérêts pour violation de la législation sur le repos hebdomadaire obligatoire ;

II/ sur le licenciement, de :

* constater la nullité du PSE et, par voie de conséquence, du licenciement le concernant,

* subsidiairement, dire que la SAS SAMES TECHNOLOGIES a violé son obligation de reclassement et que son licenciement est, par conséquent, dépourvu de cause réelle et sérieuse,

* dans tous les cas condamner la SAS SAMES TECHNOLOGIES à lui payer la somme de 110'000 € nets en réparation de son préjudice consécutif à la rupture de son contrat de travail,

* à titre infiniment subsidiaire, il demande l'allocation de 110'000 € nets à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la mauvaise application des critères d'ordre du licenciement.

Il demande encore condamnation de la SAS SAMES TECHNOLOGIES à lui payer la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Il fait valoir, en ses conclusions régulièrement transmises, visées et développées oralement à l'audience, que :

* sur les rappels de salaires

- il ne conteste en rien les feuilles d'heures qu'il a établies, mais demande que toutes ses heures de nuits, heures de dimanches et tous ses jours de travail soient payés,

- les heures de nuit doivent donner lieu à une rémunération d'heure supplémentaire majorée de 50 % comme venant en sus des horaires journaliers de travail, (articles 18 et 20 de la convention collective),

- à compter de 2006, il lui a été fait interdiction de noter et quantifier ces heures de nuit,

- le fait de travailler à l'étranger pour son entreprise ne le plaçait pas, ni lui ni son employeur, en dehors du droit français,

- son décompte horaire n'est pas critiqué dans le détail par son employeur, ni ne l'a jamais été au fil du temps, mais fait seulement l'objet d'une contestation globale dans le cadre de l'instance,

- ses fiches de paie révèlent qu'aucune heure supplémentaire ne lui a jamais été réglée,

- la durée excessive du temps de travail des chefs de chantiers est attestée par une étude de la Direction Ingénierie de la SAS SAMES TECHNOLOGIES effectuée en décembre 2007,

- la SAS SAMES TECHNOLOGIES ne fournit aucun élément probant pour contester les heures de travail ainsi détaillées,

* sur la convention de forfaits jours, elle est légale si elle respecte plusieurs conditions qui ne sont pas réunies en l'espèce :

- les garanties prévus par l'accord national étendu de la métallurgie du 28 juillet 1998 modifié par l'avenant du 29 janvier 2000 en matière de durée maximale de travail et de repos compensateur ne sont pas respectées, puisqu'il n'a été établi aucun document de contrôle sur le nombre de jours travaillés, ni sur le positionnement et la qualification des jours de repos (repos hebdomadaire, jours RTT etc.) ; le document produit aux débats à ce titre par l'employeur l'a été en dernière minute, et il ne correspond pas à ses propres indications alors que ces dernières n'ont jamais été critiquées,

- le salaire n'était pas en rapport avec les sujétions impliqués par le travail ;

* sur le licenciement :

- le PSE est nul pour ne pas respecter deux exigences jurisprudentielles : les propositions de reclassement en interne comme en externe n'était ni précises, ni sérieuses, ni effectives, et elles n'ont pas été présentées correctement au comité d'entreprise,

- subsidiairement l'obligation de reclassement le concernant n'a pas été respectée ; ainsi des postes de technicien approvisionnement, assistant approvisionnement et opérateur de production polyvalent, mentionnée au PSE, ne lui ont pas été proposés, et les seules propositions qui lui ont été faites n'étaient ni précises ni personnalisées ; apparemment aucune recherche de reclassement n'a été faite à l'étranger alors que la SAS SAMES TECHNOLOGIES compte des filiales dans 10 pays, et fait en outre partie du groupe EXEL Industries qui emploie plus de 2700 personnes sur 21 sites de production dans 20 pays,

- les critères d'ordre du licenciement relatif aux compétences professionnelles ont été mal appliqués en ce qui le concerne.

La SAS SAMES TECHNOLOGIES, intimée, demande la confirmation du jugement déféré, le rejet des demandes de Monsieur [R] [M] et sa condamnation à lui payer la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Elle fait valoir, en ses conclusions régulièrement transmises, visées et développées oralement à l'audience, que :

* Monsieur [R] [M] produit des feuilles de chantier non validées par sa hiérarchie avec des rajouts manuscrits,

* elle produit, pour sa part, des document permettant de comptabiliser les heures de travail réalisées par chaque salarié,

* un accord d'entreprise du 28 mai 2003 prévoit que, lorsqu'un salarié travaille une semaine de 40 heures, il n'en effectue que 32 la semaine suivante,

* elle conteste la violation des garanties de durée maximale et de repos compensateur de la convention de 'forfait jours', faisant valoir qu'elle effectue bien un contrôle, par le biais des feuilles de chantier signées par le chef de service, des jours de repos de chaque salarié et de leur nature,

* sur le licenciement,

- la Direction Départementale du Travail a eu connaissance en mai 2009 du projet de plan de sauvegarde de l'emploi, sur lequel elle a émis des remarques et propositions d'amélioration sans relever de vices graves notamment concernant les propositions de reclassement,

- il a été proposé à Monsieur [R] [M] 4 profils de postes de reclassement ; elle a normalement effectué toutes recherches utiles ; aucun poste correspondant à son profil n'était disponible dans les filiales étrangères du groupe au cours du second semestre 2009 ;

- elle détaille et explique les notes attribuées à Monsieur [R] [M] pour les différents critères de compétence professionnelle, en soutenant ainsi que les critères d'ordre ont normalement été appliqué en ce qui le concerne.

Motifs de la décision

Sur les demandes de rappels de salaires

# pour la période antérieure à la convention de forfait jours

Monsieur [M] demande le paiement d'heures de travail effectuées de nuit, ainsi que des dimanches et des jours fériés entre le 1er juillet 2005 et le 29 février 2008.

Sur ce point, l'article L. 3171-4 du Code du Travail édicte que 'En cas de litige relatif à l'existence ou nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisée par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de demandes, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toute mesure d'instruction qu'il estime utile.' Il en résulte que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune partie, que l'employeur doit fournir les éléments propres à justifier les horaires réalisés par l'employé, et que ce dernier doit fournir les éléments de nature à étayer sa demande ; enfin, le fait pour un salarié de ne pas avoir fait valoir ses droits pendant l'exécution du contrat de travail ne vaut pas de sa part renonciation au paiement des heures supplémentaires.

En l'espèce, Monsieur [R] [M] verse aux débats des relevés horaires mensuels d'août 2005 à février 2008 (ses pièces 2, 5 et 9) qu'il dit avoir adressées à son employeur au fil des mois et qui n'ont jamais été contestés. Sur ce point, la SAS SAMES TECHNOLOGIES ne peut se prévaloir valablement de l'absence de signature et de validation par le chef de service pour contester la réalité des heures ainsi reportées et comptabilisées. Elle ne conteste pas formellement, par ailleurs, que ces relevés lui ont été régulièrement adressés par Monsieur [R] [M].

S'agissant des mentions de ces relevés, certaines sont dactylographiées, d'autres sont manuscrites.

S'agissant des mentions dactylographiées, la SAS SAMES TECHNOLOGIES n'en conteste pas formellement la véracité dans ses conclusions, puisqu'elle argumente uniquement sur les mentions manuscrites. En outre l'employeur verse aux débats des feuilles de chantier (ses pièces 62 et 63) qui font apparaître des éléments conformes aux mentions dactylographiées des relevés de Monsieur [R] [M] (ainsi, 38 heures de travail de nuit entre le 1er novembre et le 16 décembre 2005, les relevés de Monsieur [R] [M] faisant apparaître 22 heures en novembre et 16 heures en décembre). Il en résulte que les mentions dactylographiées de ces relevés font foi du temps travaillé.

S'agissant des mentions manuscrites, Monsieur [R] [M] indique dans ses conclusions qu'elles ont été rajoutées postérieurement, pour plus de clarté ou pour faciliter les calculs. Or ces mentions entrent en contradiction tant avec le détail des heures travaillées pour la colonne correspondante, qu'avec le récapitulatif du bas de page. Ainsi, par exemple, en novembre 2005, il est mentionné en manuscrit 7 heures de travail pour chaque dimanche du mois - alors que la colonne 'heures dimanche' est vierge de mentions dactylographiées- et que le nombre d'heures de dimanche figurant dans le récapitulatif en bas de page est de '0" ; de même, pour les heures du samedi ; pour le mois de décembre 2005, il est mentionné en manuscrit 7 heures de travail de dimanche et 7 heures de samedi, alors qu'en bas de page, c'est toujours le chiffre '0" qui est mentionné pour ces deux postes. Il ne peut donc s'agir d'un simple récapitulatif ; dans ces conditions, ces mentions manuscrites apposées postérieurement sans explication sur leur contradiction avec les mentions initiales, ne peuvent constituer la preuve de la réalité d'un travail effectué pour les jours correspondants.

Par conséquent, au vu des seules mentions dactylographiées qui font foi, Monsieur [R] [M] a droit au paiement des heures supplémentaires suivantes :

* du 1er août au 31 décembre 2005 :

heures de nuit = 26 + 23 + 22 + 16 = 87 heures ; ces heures doivent être majorées de 100 % comme travaillées de nuit et en sus de la durée légale du travail en application de la convention collective ce qui n'est pas contesté par l'employeur. Le salaire correspondant est donc de 87 x 29,98 € = 2 531,52 €. Monsieur [R] [M] a perçu de son employeur, au vu de ses bulletins de salaires d'octobre et décembre, les somme brutes de 2009,34 € et 722,11 € soit 2 731,45 € à ce titre. Il en résulte qu'aucune somme ne lui est due de ce chef.

* du 1er janvier au 31 décembre 2006 :

heures de dimanche = 32 + 22 + 10 + 20 = 84

heures de nuit : 14 + 6 = 20.

Au vu de ses calculs de taux non contestés, les sommes correspondantes dues à ce titre sont :

973,44 € + 958,30 € + 136,92 € + 425,88 € + 121,68 € + 304,20 € + 654,04 € = 3 574,46 €.

Au vu de ses bulletins de salaire de la même année, Monsieur [R] [M] a perçu pour les heures de nuit et de dimanche la somme totale, reprise dans son décompte, de 4 127,38 €. Il en résulte qu'aucune somme ne lui est dûe à ce titre.

* du 1er janvier au 31 décembre 2007 :

heures de dimanche = 28 + 10 + 30 + 20 + 40 + 20 = 148

heures de samedi = 20 + 30 = 50.

Le salaire correspondant est de : 148 x 30,58 € = 4 525,84 € pour les dimanches

32 x 19,11 = 611,52 € et 18 x 22,94 € = 412,92 € pour les autres heures

soit un total de 5 547,28 €.

Monsieur [R] [M] a perçu à ce titre la somme de 4 146,96 €. Il a donc droit à la différence soit 1 400,32 € outre les congés payés afférents soit 140,03 €.

A cet égard, la référence, par la SAS SAMES TECHNOLOGIES, aux primes de chantier et aux sursalaires, destinées, comme elle le souligne elle-même, à indemniser les salariés des sujétions particulières des chantiers ou de séjour dans un pays étranger pour les besoins de ces derniers, est sans rapport avec la rémunération des heures supplémentaires qui est la contrepartie d'un travail.

# pour la période à partir du 1er mars 2008

La SAS SAMES TECHNOLOGIES a appliqué, pour cette période, l'avenant au contrat de travail signé entre les parties le 26 février 2008, mentionnant que cet accord 'entérine le fait que Monsieur [R] [M] est titulaire d'une convention de forfait défini en jours'. Pour autant, le nombre de jours travaillé convenu forfaitairement n'est pas précisé.

* sur la demande de nullité de la convention de forfait en jours

L'article 19, F de la convention collective applicable renvoie notamment à l'Accord National étendu de la Métallurgie du 28 juillet 1998 modifié par l'avenant du 29 janvier 2000. Cet Accord prévoit, en son article 14, qu'une telle formule de forfait en jours peut être convenue avec les salariés ayant la qualité de cadre, et que 'le contrat de travail définit les caractéristiques de la fonction qui justifient l'autonomie dont dispose le salarié pour l'exécution de cette fonction', ce qui n'est en rien le cas en l'espèce, aucune disposition du contrat de travail ni de l'avenant n'apportant de précision sur ce point, l'avenant se contentant de mentionner 'il lui est reconnu (...) dans l'exercice de sa mission, une réelle autonomie dans l'organisation quotidienne de son emploi du temps'. Le même Accord prévoit que 'le contrat de travail détermine le nombre de jours sur la base duquel le forfait est défini,' ce qui n'est, là encore, pas le cas, le contrat de travail et l'avenant étant muets sur ce point.

Enfin, l'article 14.2 avant-dernier alinéa de l'Accord prévoit, reprenant et précisant les prescriptions de l'article L. 3121-46 du Code du Travail, que le salarié ayant conclu une convention de forfait défini en jours bénéficie chaque année d'un entretien avec son supérieur hiérarchique, au cours duquel sont évoquées 'l'organisation et la charge de travail de l'intéressé et l'amplitude de ses journées de travail'. Monsieur [R] [M] conteste que son entretien d'évaluation annuel ait jamais porté sur ces questions, la SAS SAMES TECHNOLOGIES affirme le contraire dans ses conclusions mais elle n'en rapporte aucune preuve. Ainsi, le compte-rendu de cet entretien tenu le 4 février 2009 versé aux débats ne mentionne aucune observation sur ce point, elle précise que l'entretien a deux objets, les 'Objectifs' et les 'appréciations', ces dernières consistant à évaluer les missions permanentes et les compétences requises pour le poste, aucune des rubriques renseignées ne concernant l'organisation, la charge du travail, ou l'amplitude des journées, ni davantage la rémunération.

Il en résulte, dans ces conditions, que l'avenant visant à prévoir la rémunération de Monsieur [R] [M] sous forme d'un forfait, avec pour conséquence d'exclure toute rémunération d'heures supplémentaires, n'est pas conforme aux prescriptions légales et conventionnelles et que sa nullité doit, par conséquent, être prononcée.

* sur le paiement des heures supplémentaires

En l'absence d'effets de la convention de forfait jour, Monsieur [M] doit recevoir la contrepartie des heures qu'il a réellement travaillées.

Monsieur [R] [M] demande, à ce titre, les sommes de 5 644,80 € pour l'année 2008 outre congés payés afférents, et 2 794,96 € pour l'année 2009 outre congés payés afférents. Il détaille sa demande et son calcul par un tableau semaine par semaine. Les chiffres ainsi repris au titre des heures effectivement travaillées tout au long de ces semaines n'ont pas été contestés par la SAS SAMES TECHNOLOGIES, ni davantage le calcul de la rémunération d'heures supplémentaires qui a été opéré sur cette base. Dès lors ces sommes sont justifiées et doivent être allouées à Monsieur [R] [M], outre les congés payés afférents.

Sur les demandes de dommages-intérêts

# en application de l'article L. 3121-47 du Code du Travail

Cette demande n'est que subsidiaire, et elle n'a donc pas à être examinée.

# pour non-respect des règles sur le repos hebdomadaire obligatoire

Monsieur [R] [M] invoque la violation, par son employeur, de l'article L. 3132-1 du Code du Travail aux termes duquel 'il est interdit de faire travailler un même salarié plus de six jours par semaine'. Il cite ainsi diverses périodes au cours desquelles il aurait travaillé plus de six jours consécutifs, parfois pour des durées, selon lui, de trente voire quarante jours sans aucun congé hebdomadaire. La SAS SAMES TECHNOLOGIES le conteste, en soulignant que :

- les périodes pour lesquelles Monsieur [R] [M] revendique un travail supérieur à six jours sans interruption ou repos correspondent à celles pour lesquelles ses relevés comportent des mentions manuscrites inexploitables,

- la mention, sur des relevés ou des tableaux, ou encore sur des échanges de mails, de jours de 'chantier' ne signifie pas forcément jour de travail.

Sur ce point, Monsieur [R] [M] se fonde sur plusieurs types de relevés pour appuyer ses dires sur le non-respect du repos hebdomadaire obligatoire :

* les 'feuilles de chantier' dactylographiées tenues par lui ; elles sont établies mois par mois, et font apparaître, au regard de chaque jour du mois, dans la colonne 'CHANTIER' soit le nom d'un chantier soit un espace blanc. Or la mention d'un chantier en face d'un jour, notamment un dimanche n'entraîne pas nécessairement la comptabilisation du même dimanche en jour travaillé dans la colonne correspondante (sauf les mentions manuscrites dont il a été question plus haut, et qui ne sont pas probantes). Ainsi par exemple, en novembre 2005, il est mentionné durant trente jours consécutifs du 1er au 30 le chantier 'RENAULT ALPINE DIEPPE' tandis qu'en face des 4 dimanches compris dans cette période, aucune mention dactylographiée ne fait apparaître d'heures travaillées. Il en résulte que la mention d'un chantier en regard de ce jour ne signifie pas nécessairement 'jour travaillé'. De même, lorsqu'un dimanche a été effectivement travaillé au vu des mentions dactylographiées (par exemple le 16 octobre 2005), rien n'indique que Monsieur [R] [M] n'ait pas pu prendre un jour de repos dans la semaine précédente ou suivante puisque ces tableaux ne font pas apparaître les congés hebdomadaires ;

* les relevés de travaux sur chantiers, et tableaux dactylographiés correspondants établis par la SAS SAMES TECHNOLOGIES ; ces documents comptabilisent pour chaque salarié mois par mois les jours de chantiers et leur localisation, ainsi que les jours de repos travaillés, et mentionnent les primes de chantier appliquées, mais, là encore, ils ne signifient pas que le salarié n'a pas pu prendre de jours de repos dans la semaine lorsque les jours de repos mentionnés étaient travaillés.

Il n'en ressort pas, ainsi, d'éléments suffisants pour établir que la SAS SAMES TECHNOLOGIES n'a pas respecté, au détriment de Monsieur [R] [M], la législation sur le repos hebdomadaire.

La demande de dommages-intérêts ainsi formée doit donc être rejetée.

Sur le licenciement

Monsieur [R] [M] invoque tout d'abord la nullité du Plan de Sauvegarde de l'Emploi (PSE) présenté par la SAS SAMES TECHNOLOGIES.

Les articles L. 1233-61 et L. 1233-62 du Code du Travail prévoient que le plan de sauvegarde de l'emploi -à laquelle la SAS SAMES TECHNOLOGIES était tenue compte-tenu de sa taille et du nombre de licenciement prévu- a pour objet d' «éviter les licenciements ou en limiter le nombre» et qu'il doit intégrer un plan visant au reclassement des salariés en prévoyant, notamment, des mesures telles que des actions en vue du reclassement interne, des créations d'activités nouvelles, des actions favorisant le reclassement externe. Dans le respect de cet objectif et de ces prescriptions, l'employeur qui envisage ce licenciement a l'obligation de rechercher sérieusement et concrètement les possibilités de reclassement non seulement au sein de l'entreprise, mais aussi de celles du même groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent une permutation du personnel ; en ce sens, le plan de sauvegarde de l'emploi, qui présente les mesures mises en oeuvre en vue notamment du reclassement, doit mentionner précisément les emplois disponibles au titre du reclassement tant dans l'entreprise que dans le groupe, en terme de nature, nombre et localisation des emplois offerts à ce titre.

Par ailleurs, l'article L. 1233-32 prévoit que le plan de sauvegarde de l'emploi doit être adressé aux représentants du personnel (en l'espèce le Comité d'entreprise) pour les mettre à même de faire toutes suggestions utiles sur les mesures proposées, dans le but d'éviter les licenciement ou d'en limiter le nombre.

En l'espèce, le plan de sauvegarde de l'emploi versé aux débats est en date du 19 juin 2009 et présenté comme la version définitive de ce plan, indiquant qu'il a été remis aux élus le 2 avril et discuté à plusieurs reprises entre le 27 avril et le 22 juin 2009, l'avant-dernière réunion de discussion s'étant tenue le 19 juin.

Dans le contenu de ce plan :

* le paragraphe relatif aux mesures de reclassement interne au sein de l'entreprise ne mentionne aucun détail des postes à pourvoir dans l'entreprise, mais la mention générale selon laquelle 'SAMES entend recenser de façon systématique toutes les possibilités de reclassement et de créations de postes au sein de Sames Technologie ou de ses filiales (voir offres en annexe)' puis l'indication que 'les postes disponibles seront diffusés sur le réseau informatique de Sames Technologies et affichés régulièrement sur les panneaux d'affichage de la Direction' ; certes, quelques paragraphes plus haut, dans une partie intitulée 'Projet de Réorganisation', la société avait mentionné une liste de 7,5 postes créés ; néanmoins le lien entre ces créations de poste et les emplois en reclassement ne présente pas un caractère évident compte-tenu de la présentation du document. Par ailleurs, s'il est fait référence à une 'annexe', aucun des documents produits par la SAS SAMES TECHNOLOGIES aux débats n'est intitulé 'annexe'ou 'annexe au plan de sauvegarde de l'emploi'.Si la SAS SAMES TECHNOLOGIES produit une pièce numérotée 4 de son bordereau de communication de pièces constituée d'une liasse de description de postes conforme à la liste des postes créés visés ci-dessus, ce document n'est pas intitulée 'annexe', on ignore si il a été effectivement remis au Comité d'entreprise et quant ; à cet égard, il porte la date de mise à jour du 19 juin 2009 de sorte que tout laisse à penser qu'il n'a pu être remis, au plus tôt, que lors de l'avant-dernière réunion de concertation avec le CE ce qui n'est pas conforme aux prescriptions rappelées ci-dessus ;

* le paragraphe relatif aux mesures de reclassement interne au sein de EXEL Industries ne mentionne pas davantage de détail de postes à pourvoir, ni même la dénomination des sociétés du groupe qui présentaient une activité, une organisation et un lieu d'exploitation tels que le reclassement des salariés de SAMES y soit possible ; figure seulement, là encore, la seule mention générale selon laquelle 'SAMES entend recenser de façon systématique toutes les possibilités de reclassement et de créations de postes au sein de Sames Technologie ou de ses filiales' avec cependant aucune mention d'annexe et le seul renvoi au 'réseau informatique de Sames Technologies' et aux 'panneaux d'affichage de la Direction'. Là encore, la SAS SAMES TECHNOLOGIES ne produit aucun document intitulé 'Annexe' et portant une liste de postes à pourvoir dans d'autres sociétés du groupe ; si elle verse aux débats deux liasses mentionnant des offres de postes dans diverses entreprises (ses pièces numérotées 5 et 6), rien ne permet de penser qu'elles aient jamais été remises aux représentants du personnel et certaines d'entre ces propositions sont, au surplus, imprécises soit quant à la rémunération (EXEL, HARDI EVRARD 'salaire annuel selon expérience + avantages sociaux en place dans l'entreprise'etc...) soit même quant à l'entreprise concernée (offre 'INGENIEUR METHODES' sans précision quant à l'identité de l'employeur).

Il en résulte que le plan de sauvegarde de l'emploi présenté dans ces conditions est insuffisant et par conséquent nul en application des dispositions de l'article L. 1235-11 du Code du Travail. Dès lors, le licenciement de Monsieur [R] [M] qui est un acte subséquent du plan social est affecté de la même nullité.

Aux termes de l'article L. 1235-11, l'indemnité due au salarié ainsi licencié ne peut être inférieure au salaire des douze derniers mois. Monsieur [R] [M] avait une ancienneté de 13 ans dans l'entreprise, et était âgé de 53 ans au moment du licenciement. Il s'est retrouvé privé de son emploi avec un enfant à charge. Il a créé une activité artisanale de chauffeur de taxis. Ces éléments justifient que lui soit allouée la somme de 58 000 € à titre d'indemnité pour nullité du licenciement.

Sur les demandes accessoires

La SAS SAMES TECHNOLOGIES, succombant en sa position, devra supporter les dépens de première instance et d'appel en application de l'article 696 du Code de Procédure Civile. Pour les mêmes motifs, il n'est pas possible de faire application de l'article 700 du Code de Procédure Civile en sa faveur.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Monsieur [R] [M] tout ou partie des frais exposés dans le cadre de la présente et de l'instance devant le premier juge et non compris dans les dépens ; il y a donc lieu de lui allouer la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Par ces Motifs

La Cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au Greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré.

Statuant à nouveau :

PRONONCE la nullité de la convention de forfait en jours signée entre les parties.

CONDAMNE la SAS SAMES TECHNOLOGIES à payer à Monsieur [R] [M] les sommes suivantes à titre de rappels de salaires :

* pour l'année 2007 : 1 400,32 € outre 140,03 € au titre des congés payés afférents,

* pour l'année 2008 : 5 644,80 € outre 564,48 € au titre des congés payés afférents,

* pour l'année 2009 : 2 794,96 € outre 279,49 € au titre des congés payés afférents.

PRONONCE la nullité du Plan de Sauvegarde de l'Emploi et, par conséquent, du licenciement de Monsieur [R] [M].

CONDAMNE la SAS SAMES TECHNOLOGIES à payer à Monsieur [R] [M]:

* la somme de 58 000 € à titre d'indemnité pour licenciement nul,

* la somme de 2 500 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

REJETTE toutes les autres demandes.

CONDAMNE la SAS SAMES TECHNOLOGIES aux dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement ce jour par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame RAULY, Président, et Madame KALAI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/05275
Date de la décision : 07/03/2013

Références :

Cour d'appel de Grenoble 04, arrêt n°11/05275 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-03-07;11.05275 ?
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